Michael Lonsdale, un homme et ses dieux (1931-2020)

Posté par vincy, le 21 septembre 2020

Michael Lonsdale, né le 24 mai 1931, s'est éteint le 21 septembre 2020, à l'âge de 89 ans. Le comédien, auteur et lecteur laisse une riche filmographie de cinéma, aussi éclectique qu'insondable. Ce fervent catholique avait deux religions: sa foi et son jeu. Sur sa foi, il aura écrit une vingtaine de livres, en plus d'un engagement constant, médiatique comme professionnel. Il a reçu les derniers sacrements, à défaut d'avoir été sacré par sa profession (un modeste César du meilleur second-rôle, un prix Lumière).

A l'affiche au théâtre de 1955 à 2017, s'amusant avec un répertoire divers, et souvent moderne, de ses amis Pérec et Duras à Beckett, Handke, Puig et Albee, Lonsdale aimait transmettre les mots avec sa voix lente et son physique de bourgeois, sa diction parfaite et son allure d'anglais provincial.

Un héros très discret

Cette voix n'était pas son seul atout. Il avait aussi les douleurs enfouies qu'il savait rendre palpables. Une enfance ballotée, un accident de voiture qui aurait pu être dramatique, un amour inconsolable (pour Delphine Seyrig). Tel un homme d'église, il fut un célibataire endurci, dédiant sa vie à son métier et à ses croyances, deux passions pour remplir cette solitude existentielle.

Michael Lonsdale pouvait ainsi tout jouer: le vilain et le sage, le candide et le cynique, le pervers et le calme, l'inquiétant et l'intriguant. Il lui suffisait de varier légèrement la tonalité de son regard, les modulations de sa voix, cassante ou douce. Son corps en apparence immobile faisait le reste. Le mouvement était avant tout facial, oral, mais certainement pas charnel ou corporel. Une économie de moyens qui lui permettait subtilement d'être lui tout en étant un autre, d'être crédible en toutes circonstances.

Sur le grand écran, il a aligné les grands noms, les gros succès, les navets, les audaces et les jeunes talents. Logiquement, il fut de nombreuses fois, père, curé, prêtre, pasteur... mais évidemment, il fut aussi commissaire, détective, inspecteur, avocat, ministre, professeur, magistrat, juge, banquier, médecin... Un notable discret, un homme de manigances ou un révélateur de secrets.

Fidèle à Mocky et Duras

Depuis ses débuts en 1956, il aura traîné sa silhouette dans un cinéma sans frontières et sans étiquettes, curieux de tout, peu soucieux d'une carrière cohérente, tout en restant ambitieux dans certains choix. Michael Lonsdale apparaît d'abord chez Michel Deville et Gérard Oury, chez l'ami Jean-Pierre Mocky aussi, chez Darry Cowl comme chez Marin Karmitz. Son premier grand film, il le doit quand même à Orson Welles, en prêtre dans Le procès en 1962.

Cinq ans plus tard, c'est surtout François Truffaut qui lui offre son premier beau rôle, dans La Mariée était en noir, avant de le réengager dans Baisers volés. Il brouille les pistes en acceptant d'être un savant dans Hibernatus face à Louis de Funès, puis en s'invitant chez Jean-Luc Godard dans British Sounds et Jacques Rivette dans Out 1. Michael Lonsdale est insaisissable, et marquera l'inconscient des cinéphiles à travers une myriade de personnages dans des récits "trans-genres".

James Bond, Belmondo et Delon

Il est aussi devenu incontournable dans les années 1970: entre deux Mocky, il tourne Le Souffle au cœur de Louis Malle, India Song de Marguerite Duras, Papa les p'tits bateaux de Nelly Kaplan, Il était une fois un flic de Georges Lautner, Glissements progressifs du plaisir d’Alain Robbe-Grillet, Stavisky d’Alain Resnais, Le Fantôme de la liberté de Luis Buñuel, Section spéciale de Costa-Gavras... A l'international, fort de sa double culture franco-britannique, il se fait connaître avec le thriller The Day of the Jackal de Fred Zinnemann, des films de Joseph Losey (Une Anglaise romantique, Monsieur Klein), et surtout en méchant Hugo Drax dans Moonraker de Lewis Gilbert, un des James Bond les plus populaires de la franchise.

Cela ne l'empêche pas de rester fidèle à Duras, de fricoter avec Peter Handke ou de s'aventure dans Une sale histoire chez Jean Eustache. Cette ouverture au monde et aux styles perdurera jusqu'à la fin de sa carrière, quitte à passer parfois à côté des grands films de son époque. Lonsdale est au générique de L'Éveillé du pont de l'Alma de Raoul Ruiz comme du Bon Roi Dagobert de Dino Risi, de Billy Ze Kick de Gérard Mordillat comme de Ma vie est un enfer de Josiane Balasko (en archange Gabriel!).

Le nom de la rose et Munich

Dans ces années 1980, on ne retient finalement de lui que sa prestation dans Le Nom de la rose de Jean-Jacques Annaud, une fois de plus en abbé, certes érudit. L'acteur traverse pourtant le cinéma avec son aura, lui ouvrant les portes du cinéma de James Ivory (Les Vestiges du jour, Jefferson à Paris), de Claude Sautet (Nelly et Monsieur Arnaud), de John Frankenheimer (Ronin), de Bertrand Blier (Les acteurs). Il s'amuse aussi en Balzac dans Mauvais genre de Laurent Bénégui, en Don Luis dans le Don Juan de Jacques Weber, en professeur Stangerson dans Le Mystère de la chambre jaune et Le Parfum de la dame en noir de Bruno Podalydès. On le croise chez Mocky, toujours, mais aussi François Ozon (5x2), Milos Forman (Les Fantômes de Goya), Catherine Breillat (Une vieille maîtresse), Alejandro Amenábar (Agora), Ermanno Olmi (Le village de carton), Ermanno Olmi (Gebo et l'ombre), Bouli Lanners (Les premiers, les derniers) et surtout Steven Spielberg (Munich).

Des hommes, des Dieux, des maîtres

Au crépuscule de sa carrière, Michael Lonsdale s'offre une sublime montée des marches à Cannes avec le personnage (réel) du Frère Luc Dochier, moine assassiné dans un couvent en Algérie. Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois est sans aucun doute le film qui lui ressemble le plus, où il est exactement à sa place. A moins que ce ne soit celui du réalisateur Cédric Rovère, double fantasmé d'Eric Rohmer dans Maestro de Lea Fazer. Il y tisse une belle complicité avec son jeune comédien, entre transmission et amitié, respect et dévouement à son art.

L'acteur avait cofondé un groupe de prière, Magnificat, destiné plus spécialement aux artistes, et a été le parrain d'une promotion de l'Institut catholique d'études supérieures situé à La Roche-sur-Yon, en plus d'être membre de la section « arts et lettres » de l'Académie catholique de France. Sa foi n'était jamais loin de son je et de son jeu. Qu'il soit fidèle à Dieu ou aux hommes, Lonsdale se savait éphémère, cherchant la joie plutôt que la souffrance.

Et si on regardait… La grande illusion

Posté par vincy, le 13 mai 2020

C'est au tour de France 3 de proposer du cinéma l'après-midi. La case sera réservée aux films de patrimoine. Ce mercredi 13 mai à 13h45, la chaîne proposera La grande illusion (1937), chef d'œuvre de Jean Renoir avec Jean Gabin, Pierre Fresnay et Erich von Stroheim.

Renoir a écrit le scénario avec Charles Spaak, l'un des plus grands scénaristes français, à qui l'on doit aussi La Kermesse héroïque, Thérèse Raquin et Cartouche. A deux ans de la seconde guerre mondiale, alors qu'Hitler commence à terroriser l'Europe, les deux auteurs livrent ici une œuvre profondément humaniste, un vibrant appel à la paix, à une possible amitié franco-allemande et à la fraternisation des peuples, transcendée par cette "Marseillaise" devenue hymne collectif à la libération des peuples.

Le film se déroule durant la première guerre mondiale, vingt ans plus tôt. L'avion du lieutenant Maréchal et du capitaine de Boëldieu est abattu par le commandant von Rauffenstein, un aristocrate connaissant par hasard la famille du capitaine de Boëldieu. Les deux officiers sont envoyés dans un camp en Allemagne. Les prisonniers de toutes nationalités et de toutes classes sociales cohabitent dans un quotidien peu optimiste. Les multiples tentatives d'évasion échouent. Les mois passent. Maréchal et Boëldieu sont transférés dans un camp en montagne, dirigé par von Rauffenstein, blessé et infirme depuis leur dernier rencontre. Une amitié ambivalente se noue entre les ennemis. Maréchal va tenter une ultime évasion vers la Suisse.

Aussi surprenant soit-il, ce film, considéré comme une référence par tous les grands cinéastes dans le monde (notamment Scorsese qui en a fait un de ses films de chevets), et cité parmi les meilleurs films du siècle, a pu être financé grâce au soutien de Jean Gabin, plus grande star française de l'époque. Imposé par la production, Erich von Stroheim, réalisateur réputé et acteur notoire, a contraint Renoir à étoffer son rôle.

Il faudra attendre 1958 pour voir La grande Illusion dans son intégralité. A sa sortie, on en avait coupé 18 minutes. Enorme succès au box office avec 6 millions d'entrées et autant lors de ses ressorties ultérieures. Mais pour Joseph Goebbels, le film était "l'ennemi cinématographique numéro un" et le dirigeant nazi a voulu en détruire toutes les copies. Le film fut d'ailleurs interdit durant toute l'Occupation de la France durant la seconde guerre mondiale. Il faut dire que les antisémites haïssaient la dernière partie du scénario où Maréchal se lie d'amitié avec un Juif, Rosenthal.

Cela rend le film d'autant plus intéressant, et légitime dans son propos. Mais c'est bien la mise en scène de Renoir, et ses magnifiques travellings, qui en fait un film majeur.

Film de guerre, film de prison, film d'hommes aussi. Film d'hiver et point de vue optimiste, film d'action captivant et aventure humaine (même captivée), La Grande illusion est surtout une galerie de portraits et une déclaration politique. Tout est clair, cadré, solide. Il y a une maîtrise du récit comme des enjeux qui en font une leçon de cinéma. Renoir ne laisse pas place à l'interprétation, jouant à la fois sur une théâtralité atemporelle et sur un réalisme universel. Le film n'a pas vieilli. Même son noir et blanc reste sublime et confère une forme de poésie visuelle.

Loin d'être classique, la mise en scène atteint un formalisme pur, où tout conduit de la guerre à l'amour, du conflit à la fraternité. Ce qui séduit le plus d'ailleurs est cette composition de visages, de tempéraments, de caractères formée par les prisonnier. C'est toute la beauté de cette Grande illusion: nous faire comprendre le message sans le souligner. Ici les murs sont multiples: culturels, patriotiques, sociaux. Cette "internationale" n'est plus liée à une fusion des nations mais bien à l'union des peuples. "C’est l’idée de frontière qu’il faut abolir pour détruire l’esprit de Babel et réconcilier les hommes que séparera toujours cependant leur naissance" écrivait François Truffaut.

Car on ne retient finalement que l'humanité qui se dégage de tout le récit.

[We miss Cannes] 1968, la dernière fois que Cannes n’a pas eu lieu (ou presque)

Posté par vincy, le 13 mai 2020

Cannes a tout évité sauf la seconde guerre mondiale, l'après guerre et mai 68. 1968: Nixon est élu président des Etats-Unis, papa Trudeau est devenu Premier Ministre du Canada, le printemps est sanglant à Prague, Bobby Kennedy est assassiné, la France de De Gaulle gronde et cherche la plage sous les pavés. Les facs sont occupées. L'essence se raréfie.

Le Festival de Cannes va en faire les frais. Cette année-là, il débute le 10 mai. Après cinq jours de bronca estudiantine, de séances malmenées, de cinéastes accrochés aux rideaux, de réalisateurs devenus tribuns politiques dans des meetings improvisés, il s'interrompt le 19 mai. 8 films de la compétition - seulement - ont été projetés. En 68, on projetait Autant en emporte le vent (en 70mm stereo). Ce fut autant en emporte les films. Une vraie guerre de sécession.

Tous se révoltent contre la décision de Malraux, ministre de la culture, de démettre Henri Langlois de son poste de directeur de la Cinémathèque. En plein tournage de Baisers volés, François Truffaut débarque le 18 mai. Redoutable, Godard est déjà vent debout. Louis Malle, Monica Vitti et Roman Polanski démissionnent du jury, Resnais, Saura, Forman retirent leurs films. Pendant ce temps, le public local conspue le cirque de ces artistes d'ailleurs. On en vient aux mains. Enervement général. Fin de party. Cannes se vide cinq jours avant son palmarès.

Lire le récit de Cannes 1968, l’autre festival qui n’a pas eu lieu

Le 21e festival international du film était un champ de bataille où les films ont été les premières victimes. De là naitra la Quinzaine des réalisateurs, l'année suivante. On redécouvrira au fil des années, à Cannes Classics, certains des films en version restaurée dont Peppermint frappé de Carlos Saura et Un jour parmi tant d'autres de Peter Collinson.

De cette sélection, peu de films ont traversé les décennies. Comme s'ils avaient été oubliés. Il y avait une réalisation du comédien Albert Finney, Charlie Bubbles, un Fellini, Il ne faut jamais parier sa tête avec de Diable, un Resnais, Je t'aime je t'aime, un Malle, William Wilson... C'est finalement celui au titre prémonitoire, Au feu les pompiers, de Milos Forman, qui reste le plus connu encore aujourd'hui.

Mais sinon, les grands films de cette année là - 2001 L’odyssée de l’espace (Stanley Kubrick), Rosemary’s baby (Roman Polanski), Butch Cassidy et le kid (George Roy Hill), Il était une fois dans l’Ouest (Sergio Leone), The Party (Blake Edwards), La mariée était en noir (François Truffaut) - étaient absents de la sélection.

Une compétition dans l'air du temps

Cependant, Cannes était une belle vitrine du cinéma de l'époque. Parmi les cinéastes marquants étaient sélectionnés Valerio Zurlini, Lion d'or six ans plus tôt, Carlo Lizzani, à qui l'on doit Riz amer, Miklos Jancso, doublement sélectionné et prix de la mise en scène quatre ans plus tard, Jiri Menzel, oscarisé en 66 et futur Ours d'or en 1990, Menahem Golan, toujours réalisateur israélien à l'époque avant de devenir producteur de blockbusters hollywoodiens, Jack Cardiff, immense chef opérateur, Kaneto Shinto, scénariste de Kenji Mizoguchi entre autres.

Cannes avait aussi sélectionné des films populaires comme Anna Karenine d'Alexandre Zarkhi, Trois petits tours et puis s'en vont de Clive Donner, Petulia de Richard Lester, Grand prix cannois (pas encore nommé Palme d'or), trois ans auparavant.

Gilles Jacob expliquait sur cette édition si particulière : "La France s'arrêtait, c'était normal que le Festival s'arrête. J'étais jeune journaliste et sur le moment on voulait que le Festival se termine parce que ça faisait bizarre d'arrêter tout. Des films étaient projetés, d'autres pas, pas de palmarès... c'était une année boiteuse. Mais il s'était passé tellement de choses cette année-là, historiquement, que l'on pardonne."

Quatre mois plus tard, Venise frappait quand même très fort avec Faces de John Cassavetes, L'enfance nue de Maurice Pialat, Partner de Bernardo Bertolucci, Sept jours ailleurs de Marin Karmitz, Théorème de Pier Paolo Pasolini et un autre film de Carlos Saura, Stress es tres, tres.

Truffaut, Dolan, Resnais, Lynch, Demy bientôt sur Netflix

Posté par redaction, le 21 avril 2020

Des films du catalogue MK2 vont être visibles sur Netflix. Ce partenariat permettra à la plateforme américaine de diffuser 50 titres (sur 800) réalisés par François Truffaut, Xavier Dolan, Charlie Chaplin, Alain Resnais, David Lynch, Emir Kusturica, Jacques Demy, Michael Haneke, Steve McQueen ou Krzysztof Kieslowski.

Les premiers films mis en ligne sont 12 longs métrages de François Truffaut dès le 24 avril: Domicile conjugal, Fahrenheit 451, Vivement dimanche !, Jules et Jim, L'amour en fuite, Tirez sur le pianiste, Baisers volés, Les 400 coups, Le dernier métro, La Peau douce, La Femme d'à côté et Les deux Anglaises et le continent.

Cette annonce intervient trois mois après un autre partenariat événementiel de la plateforme: la diffusion du catalogue des studios Ghibli, désormais intégralement disponibles.

Le formidable Charles Aznavour prend le chemin de l’éternité (1924-2018)

Posté par vincy, le 1 octobre 2018

Les légendes ont fait leur temps. Charles Aznavour était de ces icônes qui ont traversé les décennies, toujours en haut de l'affiche pour des concerts, souvent honoré un peu partout, jamais avare de s'emparer d'une cause humanitaire. Désormais il est "là haut" comme le titre de son dernier film où il était la voix francophone de Carl Fredricksen, le vieillard du Pixar.

Chanteur, écrivain (une dizaine de livres autobiographiques), compositeur, auteur, acteur: il a su allier, comme Yves Montand en son temps, les arts avec ses performances a priori humbles. Un micro lui suffisait. Un tomber de rideau le ravissait.

Charles Aznavour était en fait la seule star mondiale française dans la chanson depuis la disparition d'Edith Piaf. Il était considéré aux Etats-Unis comme le plus grand chanteur du XXe siècle, toutes nationalités confondues. Il faisait des tours du monde, chantant en plusieurs langues. Ses tubes étaient évidemment célèbres: La bohème, La Mamma, J'me voyais déjà, Comme ils disent (la première grande chanson populaire sur l'homosexualité), Hier encore, Emmenez-moi, Ils sont tombés, Mourir d'aimer (qui lui valu un Lion d'or exceptionnel au Festival de Venise), et bien sûr For me ... Formidable qu'on a si souvent entendu dans les films américains (d'Ocean's 8 à Eyes Wide Shut) tout comme la mythique She, composé pour une série tv britannique à l'origine (et N°1 des ventes au Royaume Uni). Sans oublier les chansons qu'il a écrites pour les autres ou qui ont été reprises par les autres (Edith Piaf, Eddie Constantine, Eddy Mitchell, Serge Gainsbourg, Maurice Chevalier, Juliette Gréco, Johnny Hallyday, Nina Simone, Frank Sinatra, Liza Minelli, Elton John,  etc..).

César d'honneur et Victoire du meilleur chanteur en 1997, Charles Aznavour a été honoré partout dans le monde, du Canada aux Japon en passant par l'Egypte. Il a son étoile au Hollywood Walk of Fame, il a été ambassadeur d'Arménie, et héros natioanal de son pays, citoyen d'honneur de Montréal et de Cannes, intronisé au Songwriters Hall of Fame en 1996 (un seul autre français, Michel Legrand, y est). Il a même son musée en Arménie. Mais, même en étant résident fiscal en Suisse, il s'affirmait Français: "Je suis devenu Français d'abord, dans ma tête, dans mon cœur, dans ma manière d'être, dans ma langue… J'ai abandonné une grande partie de mon arménité pour être Français…"

Même en chantant, c'était un comédien. Sans doute pour cela qu'il passait de la scène aux plateaux avec une si déconcertante facilité. Sa filmographie débute après la guerre. C'est en 1958 qu'il obtient son véritable premier grand rôle avec La tête contre les murs de Georges Franju. Après un film avec Jean-Pierre Mocky (Les dragueurs, avec Anouk Aimée), il enchaîne ses trois plus grands films en 1959 et 1960.

Jean Cocteau l'enrôle pour un second-rôle dans Le testament d'Orphée. Puis c'est François Truffaut qui lui offre son plus beau personnage dans Tirez sur le pianiste. "Ce film de François Truffaut m'a beaucoup aidé. Il a notamment lancé ma carrière aux Etats-Unis. Quand je suis venu donner un concert au Carnegie Hall, les Américains ne m'avaient vu que chez Truffaut. Ils attendaient un pianiste de jazz, ils ont eu un chanteur !" Enfin, il rejoint Lion Ventura, Hardy Krüger et Maurice Biraud dans Un taxi pour Tobrouk, réalisé par Denys de La Patellière, dialogué par Michel Audiard. " C'est le script qui me détermine. Comme disait Jean Gabin, dans un film il y a trois choses importantes, l'histoire, l'histoire et l'histoire. Avec certains réalisateurs, j'ai noué des liens d'amitié. Avec Truffaut, par exemple. La première fois qu'il est venu me voir, nous ne nous sommes presque rien dit. Il était timide, moi aussi. C'était un bon début" expliquait-il.

Il alterne alors ses tours de chant et les tournages: Le passage du Rhin d'André Cayatte, Les lions sont lâchés d'Henri Verneuil, Paris au mois d'août de Pierre Granier-Deferre, Le temps des loups de Sergio Gobbi, ... Sa carrière n'a pas de frontières. Il tourne aussi bien avec Lewis Gilbert (Les derniers aventuriers) qu'avec Claude Chabrol (Folies bourgeoises), des films de guerre (Intervention Delta de Douglas Hickox) que des comédies (Caroline Chérie), avec des stars comme Ryan O'Neal ou Robert Hossein. Aznavour déteste les étiquettes. Il est l'un des Dix petits nègres du film international de 1974. Mais on le voit aussi chez Claude Lelouch (Edith et Marcel, Viva la vie) ou Elie Chouraqui (Qu'est-ce qui fait courir David). D'apparence discrète, il jouait ainsi les séducteurs, les taciturnes, les introvertis, les tendres, les artisans ou les artistes.

Il aimait le cinéma. Dans Libération, il confiait: "J'aime les méchants. Ce sont les Américains qui ont su nous donner les plus beaux : James Cagney, John Garfield... ou Humphrey Bogart dans la Forêt pétrifiée, ce film sublime. Le film noir apportait une ambiance encore jamais vue au cinéma."

Il expliquait aussi sa façon d'appréhender un rôle: "J'ai toujours dit que quand je mettais la paire de chaussures qu'on m'avait destinée pour le rôle, j'avais gagné 50 % du personnage. Depuis les Dragueurs, avant chaque rôle, j'écris sur un bout de papier le passé de mon personnage. Et je suis tranquille avec lui : je sais quels seront ses tics, ce qu'il aime manger, ce qu'il aime boire, s'il a aimé sa mère ou non. Je dois connaître son passé pour le continuer."

Dans sa filmographie, trois autres films se dénotent. Les fantômes du Chapelier en 1982, avec Claude Serrault. Chabrol adapte Simenon dans cette sombre histoire criminelle. Dans Ararat d'Atom Egoyan, en sélection officielle à Cannes en 2002, il incarne un metteur en scène dans un récit où le génocide arménien hante les destins. Et bien évidemment, même s'il y tient un petit rôle, il y a Le tambour de Volker Schlöndorff, d'après le roman de Günter Grass, histoire qui se déroule de l'Allemagne nazie à la mort de Staline. Le film a reçu une Palme d'or et un Oscar.

Mais il avouait volontiers: "Je suis un bon comédien, d’accord, mais quand même meilleur chanteur. Il faut voir les choses en face." La semaine dernière encore, il alternait les maquettes de son futur album et les déjeuners avec son ami Jean-Paul Belmondo. Timide et curieux, vif et drôle, il reste aussi dans les mémoires comme un artiste impliqué dans l'actualité, lui, dont les chansons semblent atemporelles, si familières, comme autant de morceaux de vies qu'il nous racontait.

Combattant aussi bien le piratage numérique que toutes formes de discriminations, Aznavour était impliqué, engagé, mettant à profit sa popularité pour les grandes causes. Cela conduisait parfois à des polémiques, des paroles mal comprises ou trop vite dites.

On retiendra que cet "immigré" qui symbolise tant l'élégance et la culture française avait aussi de l'humour et une certaine lucidité: "Si j'avais été blond aux yeux bleus ,grand et élégant avec une voix pure ,je n'aurais pas fait la même carrière" disait-il. Il se rêvait centenaire, et même devenir l'homme le plus vieux du monde, tout en redoutant: "Je n'ai pas peur de la mort. Je redoute de ne plus vivre."

Les reprises de l’été: Belle de jour de Luis Bunuel

Posté par vincy, le 2 août 2017

Ce qu'il faut savoir: Restauré en 4K, Belle de jour, chef d'œuvre atemporel de Luis Bunuel a eu les honneurs de Cannes Classics cette année pour célébrer son cinquantième anniversaire. A sa sortie, le film avait été sacré par un Lion d'or à Venise (en plus du prix Pasinetti) et Catherine Deneuve avait obtenu une nomination comme meilleure actrice aux BAFTAS. C'est en fait avec le temps que Belle de jour est devenu culte. Même si le film a été un gros succès en France (2,2 millions de spectateurs en 1967, soit davantage que Les demoiselles de Rochefort sorti la même année), sa réputation a surclassé de nombreux films du cinéaste. Lors de sa re-sortie aux Etats-Unis en 1995, parrainé par Martin Scorsese, le film avait rapporté près de 5M$ au box office nord américain, soit l'un des plus gros scores des années 90 pour une re-sortie (et de loin la plus importante recette cette année-là puisque La horde sauvage, 2e des re-sorties n'avait récolté que 700000$). William Friedkin considère que c'est l'un des plus grands films du cinéma. Carlotta films et StudioCanal vous proposent de le (re)voir en salles dès le 2 août.

Le pitch: La belle Séverine est l’épouse très réservée du brillant chirurgien Pierre Serizy. Sous ses airs très prudes, la jeune femme est en proie à des fantasmes masochistes qu’elle ne parvient pas à assouvir avec son mari. Lorsque Henri Husson, une connaissance du couple, mentionne le nom d’une maison de rendez-vous, Séverine s’y rend, poussée par la curiosité. Elle devient la troisième pensionnaire de Mme Anaïs, présente tous les jours de la semaine de quatorze à dix-sept heures, ce qui lui vaut le surnom de « Belle de jour »…

Pourquoi il faut le voir? Pour Bunuel. Pour Deneuve. Pour tous les comédiens. Pour cette formidable interprétation visuelle et érotique du fantasme et de l'inconscient. On ne sait par où commencer. Il y a tellement de bonnes raisons de voir Belle de jour. Aujourd'hui encore, iil reste un modèle dans le registre de la fantasmagorie. Si le film atteint un tel équilibre entre le sujet, la mise en scène et l'interprétation (au point que Belle de jour et Catherine Deneuve fusionneront en un même symbole iconique), c'est sans doute parce qu'il s'affranchit de toutes les audaces, tout en étant formellement inventif et relativement pudique. Malgré sa perversité, c'est la poésie que l'on retient, cet onirisme si souvent plagié par la suite. Malgré l'aspect délirant du récit, c'est une succession d'abandons et de fêlures qui retiennent l'attention. Il y a une liberté absolue : celle à l'écran et celle qu'on laisse au spectateur.

"Son héroïne est à la fois maître de son destin, et maîtresse soumise aux vices des autres. Il n'y a rien de manichéen, car il ne fait que démontrer l'inexplicabilité de la sexualité. Avec un sens subtil du bon goût, le cinéaste espagnol parvient à nous exhiber des perversions qu'il ne juge jamais, mais qui accentuent le surréalisme du film" peut-on lire sur notre critique. "Bunuel réussit à composer un puzzle où puiseront nombre de cinéastes pour éclater leur narration et mieux fusionner le langage irrationnel du cinéma avec les logiques individuelles d'un personnage. Un portrait presque inégalable qui en dit bien plus sur rouages, les blocages et les engrenages de la psychologie d'une femme que de nombreux films bavards ou livres savants."

Et puis s'il faut un ultime argument, combien de films affichent au générique Deneuve, Piccoli, Jean Sorel, Geneviève Page, Francisco Rabal, Pierre Clementi, Françoise Fabian, Macha Méril et Francis Blanche?

Le saviez-vous? Un "roman de gare" de Joseph Kessel, des producteurs réputés commerciaux. Il n'y avait qui prédestinait Belle de jour à être un chef d'œuvre du cinéma. Co-écrit par Bunuel et Jean-Claude Carrière (c'est leur deuxième collaboration ensemble), le film s'est pourtant affranchi de toutes les contraintes. Même les pires. A commencer par la censure qui imposa des coupes au réalisateur (qu'il regrettera plus tard), notamment la scène entre Séverine et le Duc. On su plus tard que le tournage fut tendu. Les producteurs faisaient tout pour isoler le cinéaste de ses comédiens, entraînant malentendus et manque de confiance. Deneuve, à l'époque 23 ans, se sentait très vulnérable, et même en détresse, selon ses propres confidences. "J'étais très malheureuse" expliquait-elle, sentant qu'on abusait d'elle et qu'on réclamait d'elle toujours plus, notamment en l'exposant nue (il y a quelques subterfuges dans le film). Bunuel en avait conscience. Même si le tournage a été tendu, si l'actrice craignait son réalisateur, et si Deneuve et Bunuel avait un souci de compréhension dans leurs attentes respectives, cela ne les a pas empêché de tourner Tristana par la suite. Elle l'a toujours cité parmi les "cinéastes qui l'ont faite", aux côtés de Demy, Truffaut et Polanski. Elle avait accepté le rôle sans hésiter, alors que le personnage était très loin de l'image qu'elle véhiculait. Vierge et putain, et comme disait Truffaut: "Ce film coïncidait merveilleusement avec la personnalité un peu secrète de Catherine et les rêves du public."
Les deux scénaristes ont cependant pris soin d'interroger des tenancières de maisons closes sur les habitudes des clients et de nombreuses femmes sur leurs désirs. Dans ce film, le "vrai" est une fiction tandis que l'imaginaire est "réel".

Bonus: Grâce à Carlotta Films et StudioCanal, certaines salles diffuseront une rétrospective du cinéaste Luis Bunuel, "Un souffle de libertés", avec "6 œuvres majeures et anticonformistes", soit l'apogée d'une immense carrière en liberté (et les plus belles actrices françaises au passage): Le Journal d’une femme de chambre, La Voie lactée, Tristana, Le Charme discret de la bourgeoisie, Le Fantôme de la liberté, Cet obscur objet du désir.

Jeanne Moreau en 12 extraits

Posté par vincy, le 1 août 2017

Vertigineuse carrière que celle de Jeanne Moreau, disparue hier. 12 films parmi tant d'autres. Elle y allait à l'instinct, sans calcul. Parfois les films étaient fragiles et elle y mettait de sa poche. Parfois, elle ne venait que pour quelques jours ou une semaine de tournage. Jeanne Moreau était audacieuse et libre, engagée et digne, entière et franche, cinglante et séductrice, plus "putain" que "maman". Pourtant, la force de son jeu résidait dans son visage asymétrique, son sourire à l'envers, ce mystère qui s'en dégageait, ce minimalisme qu'elle recherchait et qui s'est épanoui avec le naturalisme et la liberté de la Nouvelle vague.

"La plus grande actrice du monde" selon Orson Welles. Elle ne voulait pas que le jeu apparaisse. Elle refusait que le "je" prenne toute la place. Jeanne Moreau l'affirmait: on ne pouvait pas savoir qui elle était à travers ses rôles. Elle était une femme, LA femme. Et tous les cinéastes l'ont filmée ainsi. Son visage était en lui-même un sujet. Un objet de désir sur lequel on s'attardait, parce qu'on essayait de comprendre la tristesse qui s'en dégageait, alors que, visiblement, parfois, elle était heureuse. Cet écart entre le réel et le bonheur, cette distance qui pouvait la faire paraître froide, donnait à ses rôles une dimension de femme fatale, malgré elle le plus souvent. Mais toujours, son rire éclatant, sa voix envoûtante, son regard pétillant reprenait le dessus. Et comme on le voit dans ces 12 extraits: le mystère Moreau ne s'est jamais dissipé.

Ascenseur pour l'échafaud. Louis Malle, 1958.

Moderato cantabile. Peter Brook, 1960.

Jules et Jim. François Truffaut, 1961.

La notte. Michelangelo Antonioni, 1961.

Eva. Joseph losey, 1962.

La Baie des Anges. jacques Demy, 1963.

Le journal d'une femme de chambre. Luis Bunuel, 1964.

La mariée était en noir. François Truffaut, 1968.

Les Valseuses. Bertrand Blier, 1974.

Querelle. Rainer Werner Fassbinder, 1982.

Nikita. Luc Besson, 1990.

La vieille qui marchait dans la mer. Laurent Heynemann, 1991.

50 ans déjà: François Dorléac en 7 films

Posté par vincy, le 26 juin 2017

Elle était gracieuse, pouvait être mélancolique ou joyeuse, pétillante ou séductrice. Françoise Dorléac, sœur de Catherine Deneuve, aurait eu 75 ans cette année. Elle est morte tragiquement dans un accident de voiture le 26 juin 1967, il y a 50 ans.

Sa carrière fut brève. Elle a commencé à tourné en 1960. Michel Deville, René Clair, Edouard Molinaro, Philippe de Broca, François Truffaut, Roger Vadim, Roman Polanski, Jacques Demy, Ken Russell... Françoise Dorléac a joué des drames, des mélos, des comédies, des films d'aventures. Elle était sollicitée à l'internationale avant que son destin ne soit foudroyé.

En guise d'hommage pour cette comédienne que nous adorons, nous avons sélectionné 7 de ses 16 films. Par ordre chronologique.

Arsène Lupin contre Arsène Lupin (1962), d'Edouard Molinaro, avec Jean-Claude Brialy et Jean-Pierre Cassel.

L'homme de Rio (1964), de Philippe de Broca, avec Jean-Paul Belmondo et Jean Servais.

La peau douce (1964) de François Truffaut, avec Jean Desailly et Nelly Benedetti.

La chasse à l'homme (1964), d'Edouard Molinaro, avec Jean-Claude Brialy.

Cul-de-Sac (1965), de Roman Polanski, avec Doland Pleasance et Jacqueline Bisset.

Les demoiselles de Rochefort (1967), de Jacques Demy, avec Catherine Deneuve et Gene Kelly.

Un cerveau d'un milliard de dollars (1967), de Ken Russell, avec Michael Caine.

Cannes 70: Et Cannes créa l’actrice française…

Posté par vincy, le 23 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-25. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Au fil des décennies, entre flâneries sur la Croisette, poses sur le tapis rouge, robes traînant sur les marches ou sourires radieux éclairés par les flashs des photographes, l'actrice française a su être la Marianne, l'emblème du chic gaulois, l'ambassadrice de la beauté et le symbole d'un jeu mêlant glamour et drame. Souvent jurées, voire présidentes de jury, les comédiennes ont aussi été les égéries de grandes marques, les figurantes classes d'une montée des marches ou d'une remise de prix.

Inutile d'en faire la liste exhaustive. Elles sont toutes passées par Cannes. De Danielle Darrieux à Emmanuelle Béart, de Marie-France Pisier à Laetitia Casta en passant par Simone Signoret, Sandrine Bonnaire ou Nathalie Baye. Mais on ne va en retenir que quelques-unes, celles qui ont cette particularité d'avoir marqué le Festival, par leur nombreux films sélectionnés ou par leur présence sensationnelle, et qui ont un retentissement mondial, dont Cannes n'est pas étranger. Un Top 10, qui couvre toutes les décennies cannoises. Et en cadeau bonus, une comédienne à part dont on fête les 50 ans de la disparition.

Françoise Dorléac. Il y a 50 ans, le 26 juin 1967, Françoise Dorléac disparaissait tragiquement pas très loin de Cannes. Elle avait 25 ans. La sœur de Catherine Deneuve était alors une des rares stars françaises de la nouvelle génération. 16 films à son actif en 8 ans de carrière. Magnétique, charmeuse, à l'aise dans la comédie et le drame, gracieuse, la comédienne avait tout pour plaire. Elle avait tourné avec Michel Deville, René Clair, Édouard Molinaro, Philippe de Broca, Roger Vadim, Roman Polanski, Ken Russell.

Tout la destinait à une carrière internationale. Juste avant son accident de voiture, elle avait conquis le public, en compagnie de Deneuve, avec les éternelles Demoiselles de Rochefort, de Jacques Demy. Pourtant c'est bien un film de Demy et avec Deneuve qui avait assombrit son passage sur la Croisette.

En 1964, Françoise Dorléac accompagnait le film de François Truffaut, La peau douce. Dorléac et Truffaut sont alors en couple. La première est au top du box office avec L'Homme de Rio. Le second a des difficultés financières. Le film est là pour consacrer la star en devenir et remettre le réalisateur sur les rails de la prospérité. Hélas, la critique éreintera le beau drame adultérin. Et le jury ignorera complètement le film au palmarès. Le film ne sera finalement vu que par 600000 spectateurs. La blessure est immense pour Truffaut, qui ne reviendra plus à Cannes avant 1973.

Mais l'ironie de l'histoire est ailleurs, dans un match que personne n'attendait. De ce Festival, personne ne retiendra la sublime Françoise Dorléac. Tous les yeux étaient rivées sur sa cadette, Catherine Deneuve, qui explose à Cannes avec son premier grand rôle dans le film qui, en bonus, reçoit la Palme d'or : Les Parapluies de Cherbourg.

Michèle Morgan. Le cas particulier de l'actrice récemment disparue est qu'elle était déjà une star internationale lorsqu'elle est venue au premier festival de Cannes, en 1946. Elle y a présenté La symphonie pastorale en compétition. Elle est revenue en compétition en 1956 avec Marie Antoinette, reine de France, en 1990 avec Ils vont tous bien et hors-compétition en 1962 avec Le crime ne paie pas. Ce fut surtout la première actrice de l'histoire du Festival à recevoir le prix d'interprétation féminine. La quintessence du jeu à la Française où elle incarne une aveugle dans le film de Jean Delannoy. C'était son grand retour en France, pays qu'elle avait quitté au début de la guerre pour Hollywood. Elle avait le mal du pays et son passage sur la Côte d'Azur lui faisait un bien fou. Elle était ravie de son prix. Et à jamais, l'image la plus représentative de ce premier festival c'est cette jeune femme de 25 ans, en bikini, libre et radieuse, s'amusant devant les photographes sur le sable de la plage du Carlton.

Brigitte Bardot. Avec elle l'après-guerre prend fin, l'émancipation sexuelle éclot, la libération de la femme naît. La star des starlettes, c'est elle. Elle débarque sur la Croisette et va affoler paparazzis et photographes. La première "people" de l'histoire du Festival. Brigitte Bardot n'a jamais été en compétition à Cannes.

Mais sa seule présence, en "touriste", en 1953, convaincue que son sex-appeal ferait tourner la tête des festivaliers, a suffit à en faire une vedette dans l'air du temps. Elle n'a tourné que quelques films, avec des petits-rôles. Son sex-appeal n'est pas encore mondial. Elle vit avec Roger Vadim, qui a des difficultés à monter son film, Et Dieu créa la femme... En débarquant à Cannes, elle veut à la fois voler la vedette aux grandes actrices, améliorer sa notoriété et ainsi rassurer les éventuels producteurs d'investir dans le projet de son époux.

Le film sort trois ans plus tard, grâce à la participation financière de l'acteur principal, Curd Jürgens. Il en fait une actrice de premier rang. Déchaînant les passions, défiant la censure, entre érotisme libéré et modèle féministe, Et Dieu créa la femme... entraînera aussi la fin du couple Bardot/Vadim.

Jeanne Moreau. Deux fois présidente du jury (1975 et 1995), Jeanne Moreau est l'une des plus fortes incarnations du festival. A la fois actrice incontournable, autorité cinéphile, muse de la Nouvelle vague, citoyenne engagée. Lady Moreau a débarqué en 1960 avec Moderato Cantabile. Elle fait face à Jean-Paul Belmondo dans un film mis en scène par Peter Brook d'après le roman de Marguerite Duras. Excusez du peu. Jeanne Moreau obtient le prix d'interprétation à Cannes.

Elle a déjà dix ans de carrière derrière elle, avec Vadim, Malle, Becker, Allégret, Decoin dans sa filmographie. Certains de ses films ont été de jolis succès (La Reine Margot a séduit 2,4 millions de Français). Moderate Cantabile sera aussi un succès avec un million de spectateurs. Mais ce prix d'interprétation à Cannes est son premier grand prix international.

De ce jour-là, elle ne quittera plus la Croisette avec parfois deux films en compétition la même année (en 1966 tout comme en 1991). Les dernières fois où Jeanne a présenté un film à Cannes, c'était en 2005, à Un certain regard avec Le temps qui reste de François Ozon, et en 2009 avec Visage de Tsai Ming-liang, en compétition. Elle n'était pas là pour monter les marches. Le temps est passé.

Catherine Deneuve. On ne va pas s'éterniser sur le cas Deneuve. Une Palme d'or d'honneur. Un prix d'interprétation spécial. Deux films ayant reçu la Palme d'or. Une vice-présidence de jury. Plusieurs fois remettante de la Palme. La Deneuve est plus qu'une abonnée de la Croisette, elle est Cannes. Même si elle apprécie peu le chaos du Festival comme toutes ces mondanités du 7e art. Le plus impressionnant est sans doute le nombre de films qu'elle a accompagné, depuis son lancement au firmament des étoiles en 1964, avec Les Parapluies de Cherbourg, jusqu'à aujourd'hui. Six décennies de présence ininterrompues.

D'abord Hors compétition avec Luis Bunuel, Claude Lelouch, Tony Scott et Alain Corneau. Puis régulièrement en compétition grâce à André Téchiné (trois fois), Manoel de Oliveira, Raoul Ruiz, Leos Carax, Lars von Trier, Marjane Satrapi, Arnaud Desplechin... Ces dernières années, elle a soutenu un film d'ouverture, une petite production de Paul Vecchiali, un film de Christophe Honoré. Mais elle est surtout revenue pour présenter ses grands films à Cannes Classics, du Dernier métro à Indochine, du Sauvage à La vie de château.

Cannes a toujours illustré sa carrière en soulignant son éclectisme et son ouverture sur le monde. Star mondiale, elle assume son rôle : avec des tenues extravagantes et glamours de grands stylistes, en épaulant la novice Björk qu'elle défend en conférence de presse, en rendant hommage aux cinéastes à qui elle doit beaucoup ou en embrassant à pleine bouche le Maître de cérémonie, juste pour le fun.

Isabelle Huppert. On a déjà évoqué le cas spécifique de Isabelle Huppert dans cette série (lire notre article). L'actrice est celle qui a reçu deux prix d'interprétation, avec ses deux cinéastes emblématiques (Chabrol et Haneke). Une exception en soi. Depuis Aloise en 1975, Huppert est une régulière. Dès l'année suivante elle est couronnée avec Violette Nozière. Quatre films en compétition dans les années 70, 6 dans les années 80 (dont trois en 1980), 2 dans les années 90, 2 dans les années 2000 et 6 depuis 2010.

Avec les autres sélections, le compteur explose. Huppert est une sorte de quintessence cannoise. L'actrice française par excellence, qui, comme Moreau, Deneuve, Binoche ou Cotillard, est sur le tapis rouge pour un film français, européen, américain ou asiatique. Elle n'a aucune frontière. Toutes ces comédiennes révèlent ainsi l'universalité du cinéma, en bonnes héritières des frères Lumière et de l'esprit des Lumières.

Isabelle Adjani. En 1976, Adjani arrive sur la Croisette, auréolée du génie qu'on lui colle à la peau, avec Roman Polanski, pour Le Locataire. Elle est déjà populaire (La gifle), admirée (L'histoire d'Adèle H), curieuse (Barocco). Cannes s'offre alors les deux Isabelle. La Huppert qui repartira avec un prix d'interprétation pour Violette Nozière. L'Adjani déjà insaisissable.

Isabelle A. et Isabelle H. reviennent d'ailleurs ensemble en 1979 avec un Téchiné, Les sœurs Brontë. Mais en 1981, c'est bien Adjani qui domine Huppert. La star de l'époque,c'est elle. Elle obtient un prix d'interprétation pour deux films radicalement différents: Quartet de James Ivory et Possession d'Andrzej Zulawski. Ce dernier film a été un cauchemar. Le début du déraillement qui la conduira dans le mur dix ans plus tard.

Entre temps, elle revient à Cannes, avec L'été meurtrier. Puis se fait rare. Le désastreux Toxic Affair est présenté hors-compétition en 1993. Un échec. Son grand retour s'annonce en 1994 avec La Reine Margot. Le rôle de Jeanne Moreau. Catherine Deneuve au jury. Adjani au sommet. Mais c'est Virna Lisi qui emporte le prix d'interprétation. Une dispute au sein du jury prive la Reine Isabelle de la gloire promise. Et l'étoile file vers les confins obscurs d'une galaxie de films plus ou moins oubliés. Parfois, elle revient briller. Pour présider le 50e Festival de Cannes, remettre un prix, ou s'attirer la colère des photographes. Elle sait encore créer l'événement.

Sophie Marceau. On ne peut pas passer à côté de l'actrice chérie des Français. A Cannes, elle n'a jamais été en compétition. Tout juste au début de sa carrière, elle a quand même accompagné Noiret, Depardieu et Deneuve sur le tapis rouge pour le film d'ouverture de 1984, Fort Saganne. 25 ans plus tard, elle est revenue en séance de minuit avec un film de genre, Ne te retourne pas. Elle a bien présenté deux films à Un certain regard (dont son premier film en tant que réalisatrice, le court métrage L'aube à l'envers).

Bref on ne peut pas dire que Sophie Marceau ait une histoire particulière en tant qu'actrice avec Cannes. Elle fut quand même membre du jury en 2015. Mais, connue de la Chine à la Russie, du Japon à l'Allemagne, elle a souvent été réclamée par Cannes pour faire sensation sur le tapis rouge ou remettre un prix. Parfois tout se mélangeait. Un décolleté qui dénude un sein, une robe qui s'emmêle les pinceaux, une autre qui dévoile sa culotte, un discours brouillon où tout se mélange. Son franc-parler, sa sincérité, sa personnalité difficile affrontent alors les quolibets, moqueries, critiques. C'est la copine sympa qu'on regrette parfois d'inviter. Mais elle fait partie du folklore. Les malheurs de Sophie ont toujours fait le bonheur des magazines people et féminins qui ne viennent pas à Cannes pour le cinéma mais bien pour chopper une Cendrillon perdant sa chaussure sur les marches.

Juliette Binoche. Comme Deneuve, elle est née sur la Croisette. En 1985, l'actrice vient de présenter le dernier film de Godard, Je vous salue Marie à Berlin. Trois mois plus tard, elle monte les marches grâce à André Téchiné pour Rendez-vous, le film qui la révèle définitivement. Elle obtient quelques mois plus tard sa première nomination aux César comme meilleure actrice et reçoit le Prix Romy Schneider. Rendez-vous sera primé pour sa mise en scène et Binoche, nue sur l'affiche, va alors rapidement devenir l'une des comédiennes les plus sollicitées.

Pourtant, il faut attendre quinze ans avant qu'elle ne revienne à Cannes. Entre temps, elle a eu un Oscar, un César, un prix à Venise et un autre à Berlin. La jeune comédienne est devenue une actrice internationale. Et c'est d'ailleurs avec des cinéastes étrangers qu'elle vient sur la Croisette : Michael Haneke, Hou Hsiao-hsien, Abbas Kiarostami, qui lui permet, grâce à Copie Conforme, de réaliser le grand chelem, et David Cronenberg. Olivier Assayas (co-scénariste de Rendez-vous) et Bruno Dumont ont été les deux derniers cinéastes en date à la faire briller sur les marches. Mais surtout, Juliette Binoche a été la seule actrice française a être le visage de Cannes, égérie le temps d'une édition, sur une affiche bleue électrique.

Marion Cotillard. Après un long moment où les vedettes francophones se sont enchaînées dans l'histoire de Cannes - Emmanuelle Devos, Elodie Bouchez, Audrey Tautou, Valéria Bruni Tedeschi, Emilie Dequenne, Ludivine Sagnier, Mélanie Laurent, etc... - une seule actrice a émergé dans les années 2000 : Charlotte Gainsbourg, qui fut d'ailleurs récompensée par un prix d'interprétation en plus d'être membre du jury. Mais on ne peut pas dire que sa filmographie comme son itinéraire soit liés à Cannes. Ce fut plutôt une forme de consécration d'une déjà longue carrière.

En revanche, Marion Cotillard, après plus de quinze ans de carrière, un Oscar, deux César et quelques films hollywoodiens, va devenir la plus fidèle des actrices à partir de 2010. C'est déjà une star et elle va devenir durant cette décennie l'actrice cannoise par excellence. Pas une année depuis Minuit à Paris en 2011 où elle n'aura pas un ou deux films en sélection officielle: De rouille et d'os en 2012, The Immigrant et Blood Ties en 2013, Deux jours, une nuit en 2014, Le petit prince et Macbeth en 2015, Juste la fin du monde et Mal de pierres en 2016, Les fantômes d'Ismaël en 2017.

Miss Dior qu'on adore ou qu'on abhorre est devenue une tête d'affiche pour Hollywood et une valeur sûre pour les films de festivals. A chaque fois le prix d'interprétation lui échappe. Mais après tout, Deneuve, Binoche ou Gainsbourg justement ont du longtemps attendre avant de l'obtenir. C'est l'actrice qui tourne avec un québécois, un américain, un australien, deux belges, son mari, les grands auteurs du cinéma français. Elle a troqué le taxi marseillais pour la limousine de Renault cannoise. Cotillard c'est la french touch du XXIe siècle.

Léa Seydoux. Dernière venue du casting. Il y a eu La vie d'Adèle, avant et après. Avant pourtant, elle était déjà un peu connue avec des auteurs comme Bonello, Breillat, Honoré, Ruiz. Mais Cannes, elle était surtout hors-compétition, en second rôle. Dans Robin des Bois et Minuit à Paris (comme Cotillard). Ou avec un personnage éphémère dans le premier chapitre de Inglorious Basterds en compétition.

Il faut attendre 2013 pour qu'elle s'impose. Dans Grand central à Un certain regard et dans La vie d'Adèle en compétition. Le film obtient la Palme d'or. On n'a d'yeux que pour sa partenaire, la novice et fraîche Adèle Exarchopoulos. Mais les deux comédiennes reçoivent une Palme chacune en distinction honorifique. Une première. Pour Léa Seydoux, c'est le grand virage. Les grosses productions s'ouvrent à elle, de James Bond à Wes Anderson. Elle devient la It-Girl frenchy du cinéma mondial.

Depuis sa Palme, elle est toujours en compétition: chez Bonello avec Saint Laurent, chez Lanthimos avec The Lobster, chez Dolan avec Juste la fin du monde. A l'instar de Cotillard, elle navigue entre blockbusters et films d'auteur, entre Tom Cruise et Benoit Jacquot. Elle assure la promo et assume son statut de "cover girl", avec belles robes, bijoux et ce petit accent français quand elle parle anglais. Elle aussi se joue des frontières, des genres, des étiquettes. Elle vise la catégorie "world actress". Avant la femme française faisait rayonner le cinéma du pays dans le monde ; aujourd'hui le cinéma mondial fait rayonner l'actrice française.

Raoul Coutard (1924-2016) éteint la lumière

Posté par vincy, le 9 novembre 2016

Le chef-opérateur Raoul Coutard est décédé mardi soir, le 8 novembre 2016, à l'âge de 92 ans près de Bayonne. Il avait été le directeur de la photographie de films de référence comme Jules et Jim, La peau douce, La mariée était en noir et Tirez sur le pianiste de François TruffautLa 317e section et Le crabe-tambour de Pierre Schoendoerffer, Lola de Jacques Demy ou encore L'aveu et Z de Costa-Gavras. Sa filmographie comporte au total 65 films signés De Broca, Molinaro (L'Emmerdeur ), Rouch, Oshima (Max mon amour), Dembo (La diagonale du fou), Mocky, Pinheiro (Ne réveillez pas un flic qui dort), Nicloux et sur la fin de sa carrière Philippe Garrel, avec qui il a collaboré sur trois films.

Evidemment son destin est surtout lié à celui de Godard (15 films au total ensemble) dont À bout de souffle, Une femme est une femme, Bande à part, Alphaville, Made in USA, La chinoise, Prénom Carmen, et surtout Le mépris et Pierrot le Fou.

Né à dans le Marais, à Paris, le 16 septembre 1924, Raoul Coutard, qui n'avait pas pu financer ses études de chimiste, ancien sergent dans l'infanterie pendant la guerre d'Indochine avant de devenir photographe aux armées puis photographe-reporter pour Paris Match et Life, a d'abord rencontré Pierre Schoendoerffer à Hanoï en 1952, avec qui il se lie pour ses premiers pas cinématographiques. "Nous avons très vite conclu un pacte entre nous : le premier qui arriverait à entrouvrir la porte du cinéma y entraînerait l'autre !", racontait le cinéaste dans un livre il y a quelques années.

Beauregard impose Coutard à Godard

En 1959, À bout de souffle marque la naissance de la Nouvelle Vague. Le producteur Georges de Beauregard, qui voulait faire des films bon marché, avec des tournages rapides. Il impose Coutard à Godard. Sans savoir que leur "liaison" serait l'une des plus marquantes du 7e art. "Pour moi, la rencontre décisive, ce fut Godard. À bout de souffle, qui devait être n'importe quoi, fut une entrée dans la vie professionnelle", expliquait Raoul Coutard à Libération. Il tourne caméra à l'épaule avec une lumière blanche: à l'époque, c'est révolutionnaire.

S'il s'est éloigné de Godard, c'est un peu à cause de Mai 68 - Coutard n'est pas franchement gauchiste. On a souvent associé son travail au noir et blanc, pas très propre, froid comme l'hiver, naturaliste au maximum. Il cherchait une vérité, celle de la lumière, celle du réel. Ses expériences sur les terrains de bataille de l'Indochine, en tant que photographe, lui avaient appris à travailler rapidement. La caméra à l'épaule était une manière libre de faire du cinéma, qui correspondait à ce qu'il savait faire avec un appareil photo. Mais il ne faut pas oublier que c'était un esthète, un maître des couleurs aussi. Des couleurs franches, saturées, des explosions de bleu et de rouge.

Honoré à Hollywood, primé à Cannes, Venise et aux César

Le cinéma, il y est entré plus pour l'argent que pour une passion quelconque. Mais sa légende était scellée dès ce petit film de Godard où un voyou incarné par un jeune premier au nez cassé et une garçonne américaine tombaient amoureux sur les Champs-Elysées. Terriblement moderne avant l'heure, le chef op' s'était raconté dans L'Impériale de Van Su - Ou comment je suis entré dans le cinéma en dégustant une soupe chinoise, mémoires publiées il y a près de dix ans.

Il avait été distingué par 1un International Award de l'American Society of Cinematographers, un César pour Le Crabe-Tambour (et une nomination pour Prénom Carmen), un prix de la meilleure première œuvre à Cannes et le prix Jean-Vigo, en tant que cinéaste, pour Hoa-Binh en 1970, le Grand prix de la technique à Cannes pour Passion et le même prix à Venise pour Prénom Carmen.

Car Raoul Coutard avait aussi réalisé. Outre Hoa-Binh, sur la guerre d'Indochine, il avait signé La légion saute sur Kolwezi (1980) et S.A.S à San Salvador (1982).

Il affirmait qu'"un film est bon quand on sort du cinéma complètement sonné ; on ne sait pas ce qui nous arrive ; on ne sait plus si on a dîné, où on a garé sa voiture ; on veut rester seul à y réfléchir. Pour moi, c’est ça, la définition d’un grand film."