Arras : bilan et palmarès

Posté par MpM, le 18 novembre 2009

The girlCette dixième édition du Festival international d'Arras s'est achevée sur un bilan particulièrement positif puisque ce sont quelque 25 000 spectateurs qui se sont pressés dans les salles au cours des dix jours ! Ces festivaliers assidus ont pu découvrir pas moins de quatre-vingt films et rencontrer une bonne cinquantaine de réalisateurs et comédiens européens. Deux grands noms du cinéma mondial ont également proposé des leçons de cinéma publiques : les réalisateurs Pavel Lounguine et Patrice Chéreau.

Côté compétition, le jury professionnel présidé par Philippe Lioret a remis l'Atlas d'or à The Girl de Fredrik Edfeldt. Ce prix consiste en une aide de 10 000 euros offerts au distributeur français du film. L'Atlas d'Argent de la mise en scène a lui été décerné à Andrei Gruzsniczki pour L'autre Irène. Il reçoit une aide de 5 000 euros pour l'aider à financer son prochain long métrage.

Le Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma présidé par Danièle Heymann est allé également à The girl de Fredrik Edfeldt. Le cinéaste suédois recevra une aide de 2000 euros.

Enfin, c'est le Finlandais Dome Karukoski qui a reçu le prix du public (4000 euros d'aide à la distribution) pour Forbidden fruits.

Grâce au festival d'Arras et à ces distinctions, on devrait prochainement découvrir ces longs métrages sur les écrans français. En attendant la prochaine édition de la manifestation arrageoise du 5 au 14 novembre 2010.

Arras reçoit son premier jury professionnel

Posté par MpM, le 13 novembre 2009

Le jury 2009

Le Festival recevait jeudi soir les membres du jury composé du producteur Christophe Rossignon, du réalisateur Philippe Lioret (président du jury), de la comédienne Anne Consigny, de l'acteur Olivier Gourmet et de la réalisatrice Emily Atef (de gauche à droite sur notre photo).

C'est la première fois de son histoire qu'Arras invite des professionnels à décerner des prix (Atlas d'or et d'argent) assortis d'aides à la distribution. Les neuf films sélectionnés, tous inédits en France, viennent d'Allemagne, de Roumanie, Croatie, Finlande, Suède, Serbie, Russie, République tchèque et Pologne. L'objectif est d'aider les œuvres récompensées à être montrées dans les salles françaises et à bénéficier d'une véritable visibilité publique.

Arras fait la part belle au cinéma engagé

Posté par MpM, le 12 novembre 2009

Les chats persansLes hasards de la programmation font parfois se télescoper plusieurs films qui, indépendamment de leur sujet ou de leur forme, partagent une sorte de parenté d'esprit, et finissent par se faire écho. Ainsi le festivalier arrageois était-il confronté mercredi à trois longs métrages mûs par un même désir de témoignage, voire d'engagement. Tout d'abord La révélation de Hans-Christian Schmid, sur les difficultés du tribunal pénal international de La Haye à juger les criminels de guerre de l'Ex-Yougoslavie. Puis The calling de Jan Dunn, qui suit le difficile parcours initiatique d'une jeune fille d'aujourd'hui décidée à entrer au couvent. Et enfin Les chats persans de Bahman Ghobadi, une exploration quasi documentaire du milieu musical underground de Téhéran.

A priori, trois intrigues très éloignées, et même trois styles différents : polar pour La révélation, comédie pour The calling, auto-fiction hyper-réaliste pour Les chats persans. Et pourtant, chacun à sa manière fait appel au pouvoir de dénonciation du cinéma, capable de décortiquer les mécanismes écœurants et absurdes de l'injustice ou de l'autoritarisme.  Hans-Christian Schmid s'attaque ainsi aux compromis d'un tribunal soumis aux intérêts politiques et montre comment les idéaux les plus nobles servent en réalité de caution morale bon marché à une poignée de dirigeants sans scrupule.

De son côté, Bahman Ghobadi ausculte le malaise d'une jeunesse iranienne sur le point d'étouffer. Les persécutions bureaucratiques sans fin (autorisation pour chanter, pour donner un concert, pour enregistrer un album...) tuent à petit feu ces artistes qui n'ont d'autre choix que le renoncement ou l'exil.

Quant à Jan Dunn, peut-être la plus légère des trois, elle relève avec un humour non dénué d'ironie les La révélationincohérences d'une Eglise buttée sur ses positions d'un autre âge. Son personnage principal est en effet confronté à l'incompréhension violente de son entourage comme au rejet et aux mesquineries d'une communauté religieuse terrorisée par la nouveauté. Elle aussi doit lutter envers et contre tout (le scénario ne lui épargne d'ailleurs pas grand chose, c'est là sa grande faiblesse) pour atteindre son idéal.

Les héroïnes des trois films ont ainsi en commun cette énergie qui les pousse à tout risquer pour atteindre le but qu'elles se sont fixé. Or ces buts ont beau être aussi différents que possibles (chanter, devenir religieuse, faire condamné un criminel), chacune d'entre elle se heurte de la même manière à un mur. Comme si dans nos sociétés modernes, il était juste impossible à un individu de suivre la voie qu'il s'est choisie , quelle qu'elle soit, dès lors qu'elle s'éloigne de la norme en vigueur (opportunisme politique, "normalité" sociale, création encadrée par l'Etat).

Alors bien sûr, il serait naïf de compter sur le seul cinéma pour faire évoluer les choses. Pourtant, si un film ne change pas le monde, il peut changer le regard que l'on porte sur ce monde. Et à partir de là, tout est possible.

Arras fait le plein pour ses 10 ans

Posté par MpM, le 11 novembre 2009

ArrasOn vous avait annoncé un programme alléchant pour la dixième édition du Festival international d'Arras, et l'on ne s'y est pas trompé. A mi-festival, le bouche à oreilles a déjà si bien fonctionné que l'on voit de grandes files d'attente se former devant le cinéma où ont lieu la plupart des projections. D'ailleurs, la manifestation affichait déjà 5 000 spectateurs sur les trois premiers jours, soit une augmentation de 60% par rapport à l'an dernier ! A ce rythme-là, le record de 2008 (environ 20 000 entrées) sera probablement dynamité à la fin de la semaine...

Pour expliquer un tel succès, il suffit de se pencher sur le détail de la programmation quotidienne. Un jour comme mardi, les spectateurs avaient le choix entre pas moins de 16 films dont un ciné-concert (Le fantôme de l'opéra), une comédie musicale hongroise déjantée (Made in Hungaria), une avant-première française (Le père de mes enfants de Mia Hansen-love) ainsi que plusieurs inédits et reprises.

Deux des pays adoubés par Gilles Jacob en mai dernier comme "nouveaux centres cinématographiques", Israël et la Roumanie, étaient également représentés avec des oeuvres fortes et denses qui sous prétexte d'intrigue policière, décortiquent le fonctionnement de leurs sociétés respectives. Ajami de Yaron Shani et Scandar Copti montre les différentes facettes de la ville de Jaffa, violente et étouffante, où de complexes hiérarchies s'érigent entre les communautés qui cohabitent tant bien que mal.

Moins sombre, avec l'humour et l'auto-dérision qui semble caractériser le nouveau cinéma roumain, Policier, adjectif de Corneliu Porumboiu suit un enquêteur lancé dans une filature minutieuse et répétitive d'un groupe d'adolescents  consommateurs de haschisch. Tiraillé par des questions de morale et de conscience, il est confronté à la fois aux rouages de la bureaucratie et à la rhétorique absurdement retorse de ceux qui l'entourent.

Et parce qu'un anniversaire est aussi l'occasion de faire la fête, la journée s'est achevée par la projection du cultissime Rocky Horror Picture Show animée par la troupe des Sweet transvestites bien connue des habitués du Studio Galande. Le spectacle était ainsi à l'écran, sur scène et dans la salle, avec jets de riz et de confettis, course-poursuites, blagues potaches et reprise en choeur des refrains. Quelques spectateurs ont même eu la "chance" de participer plus activement à l'action en devenant l'espace d'une scène l'un des protagonistes du film... Suffisamment déjanté, foutraque et au final bon enfant pour que toute la salle, constituée en grande partie de "néophytes", se laisse prendre au jeu.

Après tout, c'est aussi cela, la "magie du cinéma". Et si Arras fait habilement le grand écart entre la complexité de la situation israélo-palestinienne et les facéties d'un "transsexuel travesti", l'exercice a de quoi faire définitivement taire ceux qui ne croient pas que diversité, audace et exigence sont les meilleurs ingrédients pour obtenir un festival véritablement populaire et chaleureux.