14 événements marquants de l’année cinéma 2014

Posté par vincy, le 4 janvier 2015

scarlett johansson under the skin

L'année cinéma ne fut pas de tous repos. Hormis ce qui compte le plus, les films, l'industrie a connu de fortes turbulences et parfois même quelques séismes faisant bouger les plaques tectoniques les plus solides. Le cinéma reste un art fragile, mué par une industrie qui cherche en vain des formules, recettes, et autres martingales rassurant les investisseurs.

La preuve la plus spectaculaire est évidemment l'énorme opération de piratage qui a ébranlé le géant Sony Pictures. Alors que le studio lançait en fanfare le tournage du nouveau James Bond, Spectre, ses ordinateurs étaient "hackés". Et les "Gardiens de la Paix", qui revendiquent l'acte de "vandalisme" pour reprendre le mot de Barack Obama, se sont délectés: révélation des salaires des dirigeants, des contrats pour les films, des courriels (parfois très politiquement incorrects) entre les dirigeants, diffusion de films en ligne et, en point d'orgue, menace d'attentats pour quiconque projetterait le film The Interview. Ce dernier fait marquant a créé un dangereux précédent: Sony a d'abord annulé la sortie du film, avant de négocier avec quelques 300 salles et une plateforme en ligne. En capitulant devant des terroristes, en censurant une comédie satirique, Sony s'est mis Hollywood et une grande partie de la classe politique à dos...

Mais l'année 2014 ce n'était pas que ça. A Hollywood, les mines sont peu enjouées: le box office est en retrait, les suites produites n'ont pas été les cartons annoncés. Seuls les super-héros et franchises pour la jeunesse ont vraiment cartonné (les deux films les plus populaires de l'année sont finalement un Hunger Games). Pas étonnant alors que tous les studios se soient lancés dans un programme ambitieux de sagas, avec en tête une guerre déclarée entre Disney-Marvel-Star Wars et Warner Bros-DC Comis-Harry Potter. Les plannings sont prêts jusqu'en 2020. Un véritable travail à la chaîne.

Mais Hollywood a les yeux rivés au-delà. Du financement à la distribution, désormais c'est du côté de la Chine que ça se passe. L'Empire du milieu, déjà 2e marché cinéphile du monde, va devenir rapidement la plus grosse réserve de spectateurs. Certains films américains y font un box office presque supérieur à celui qu'ils réalisent en Amérique du nord. Partenariat, coopération, joint-venture: tout le monde veut sa place là bas. C'est le nouvel eldorado.

Même les Français s'y investissent. Ironiquement d'ailleurs, c'est un remake chinois d'un film français réalisé par un cinéaste français qui représentait la Chine aux Oscars. Tout un symbole d'ouverture. Tandis que dans l'Hexagone, on joue à Jean-qui-rit/Jean-qui-pleure. La fréquentation des salles est à un excellent niveau. La part de marché des films français a rarement été aussi bonne.  Trop tôt pour dire si l'opération 4€ pour les moins de 14 ans a joué un effet déclencheur sur les films familiaux. Mais avec deux symboles, le carton à 12 millions d'entrées de Qu'est-ce-qu'on a fait au Bon Dieu? et le triomphe international de Lucy, le cinéma français continue de séduire (y compris à la télévision puisqu'Intouchables s'est offert une audience de coupe du monde avec 13 millions de téléspectateurs). Mais, dans le même temps, la production française connaît une crise sans précédent avec une réduction drastique des tournages et des budgets. A cela s'ajoute une véritable vulnérabilité du modèle économique et des tensions sociales toujours d'actualité.

Le cinéma est une économie périlleuse. Des studios Ghibli au Japon qui décident de fermer temporairement leur département long métrage aux festivals (Film asiatique de Deauville, Paris Cinéma) qui mettent la clef sous le rideau, la crise touche tout le monde, même des valeurs qu'on croyaient sûres. Cela oblige de nombreux acteurs de l'industrie de modifier leurs stratégies. L'événement le plus flagrant fut sans doute la mise en ligne par Wild Bunch, en Vidéo à la demande, de Welcome to New York, d'Abel Ferrara, avec Gérard Depardieu, sans passer par la case salles. Evénement qui a parasité Cannes et qui sera de plus en plus courant. Dans le même temps Wild Bunch a d'ailleurs créé une société de e-distribution et s'est marié avec un groupe allemand.

Le numérique est de plus en plus présent dans toutes les strates du cinéma: tournage, diffusion, et même marketing et promotion. Un selfie aux Oscars fait davantage de bruit et d'impact qu'une campagne de publicité massive. Même si la tendance du selfie peut agacer (sur les marches de Cannes), tous les distributeurs profitent désormais des réseaux sociaux pour promouvoir leurs films. Les stars aussi. James Franco en a même un peu abusé...

Évidemment, d'autres faits ont marqué cette année 2014. A commencer par les disparitions de personnalités qui nous manqueront devant ou derrière l'écran. L'émotion mondiale a été à son comble avec l'overdose de Philip Seymour Hoffman et le suicide de Robin Williams, deux immenses acteurs américains. De l'émotion, il y en a eu cette année. Nous resterons marqués par les adieux discrets et humbles, mais ô combien touchants, de Gilles Jacob sur la scène du Palais des Festivals à Cannes, après avoir remis la Caméra d'or, qu'il a créé, à un premier film français revigorant (Party Girl).

Mais finalement, 2014 n'est-ce-pas Scarlett Johansson qui l'incarne le mieux, en étant, paradoxalement, l'actrice la plus désincarnée de l'année? Voix virtuelle et numérique dans Her, super-héroïne se muant en clé USB dans Lucy, girl next door irrésistible en second-rôle dans Chef et personnage de BD en tête d'affiche dans Captain America : Le soldat de l'hiver, elle est toutes les femmes sans en être une seule. Elle est à la fois la belle et la bête. Elle incarne le vide existentiel de notre époque, reflète nos fantasmes, nous renvoie l'image d'une star caméléon, jusqu'à se désintégrer pour bien nous prouver qu'elle n'est pas réelle dans Under the Skin. En cela, en alien-vampire s'humanisant au contact des hommes qu'elle piège, créature hybride mise à nue par la souffrance de notre monde, Scarlett Johansson illustre numériquement et charnellement (antagonismes?) ce que le cinéma cherche encore et toujours: la restitution de la réalité à travers un imaginaire de plus en plus technologique.

2014: les 10 actualités les plus consultées de l’année

Posté par vincy, le 3 janvier 2015

kristin scott thomas

Voilà dix actualités qui ont intrigué plus que les autres. La variété des sujets fait plaisir. A Ecran Noir, on n'aime pas les étiquettes. Politique ou économique, people ou cinéphilique, on note quand même chez vous, lecteurs, un goût prononcé pour ce qui peut révolter et passionner. On reste suspendu à la décision de Kristin Scott Thomas, attentif à l'avenir des studios de Bry-sur-Marne, inquiet de la disparition de festivals, observateurs des nouveaux équilibres mondiaux du cinéma, et mobilisé pour défendre tous ceux qui sont victimes de régimes oppresseurs.

  1. Kristin Scott Thomas change de vie: "Je me suis dit tout d'un coup que ne pouvais pas faire face à un autre film"
  2. Cannes 2014, les prétendants: Les trop nombreux espoirs du cinéma français
  3. Des propositions pour promouvoir le cinéma en Afrique francophone
  4. Benjamin Biolay et Olivia Ruiz sur la Croisette
  5. Le festival du film asiatique de Deauville annulé en 2015
  6. Trois films pour redécouvrir Bo Widerberg
  7. Les studios de Bry sur Marne victimes de la spéculation immobilière
  8. Les relations ambivalentes entre la Chine et Hollywood
  9. Mobilisation pour la réalisatrice iranienne Mahnaz Mohammadi
  10. Trop de films français? Le point de vue de 5 personnalités

Le festival Paris Cinéma s’arrête

Posté par vincy, le 28 novembre 2014

paris cinéma 2014 © paris cinémaComme nous vous l'annoncions le 14 août dernier (lire notre actualité), le festival Paris Cinéma était au bord du gouffre. 12 éditions plus tard, l'association en charge de l'événement met la clef sous la porte. Paris Cinéma, initiée par Bertrand Delanoë et Christophe Girard, n'aura pas passé la première année du mandat d'Anne Hidalgo.

La ville de Paris cherche à faire des économies dans un contexte budgétaire tendu. Les subventions pour le festival se réduisaient année après année malgré un succès public indéniable (850 000 spectateurs en 12 ans).

En moins de deux semaines, c'est le deuxième festival qui s'arrête, après l'annonce de la "pause" à durée indéterminée du Festival du film asiatique de Deauville (lire notre actualité).

La question est désormais de savoir si la ville de Paris a besoin d'investir dans un tel événement ou si elle doit davantage aider les initiatives plus spécifiques déjà existantes. Paris subventionne notamment Mon Premier festival et Cinéma au clair de lune ainsi que le Forum des Images (à hauteur de 80%), lieu de résidence de nombreux événements cinéphiliques.

Le Festival du film asiatique de Deauville annulé en 2015

Posté par vincy, le 18 novembre 2014

"Les contraintes financières liées essentiellement à l'insuffisance des financements publiques (à l'exception de celui de la ville, principal partenaire) et privées nous amènent à le reformater, le modifier, le réorganiser" explique le communiqué du Public Système Cinéma pour justifier l'absence d'une 17ème édition du Festival du film asiatique de Deauville en 2015. Le Public Système Cinéma organise plusieurs festivals dont celui du Festival du film américain toujours à Deauville, qui lui-même est fragile.

Dans Le Figaro, Bruno Barde, patron de la manifestation précise que "Cela fait des années que nous produisons à perte, malgré la qualité de talents présents chaque année. Nous cherchons d'autres partenaires, mais dans la culture, il s'agit surtout de sponsors privés." L'annulation est temporaire. Une année 2015 sans ce festival.

Selon lui, "Le cinéma asiatique demeure un marché difficile, qui ne représente qu'1% des entrées en France. La réalité économique nous rattrapent. (...) La décision a été unanime entre les différents partenaires: la ville de Deauville, le Centre International de Deauville et nous."

"Plus personne ne soutient ce qui est exigeant de nos jours. Tout le monde confond notoriété et talent"

Mais Bruno Barde ne veut pas y voir qu'une affaire d'argent. A juste titre, dans l'entretien, il déplore "qu'on ne parle que de Nabilla ou de vedettes" à la télévision. "Malheureusement, un réalisateur comme Kurosawa ne reste connu que par les spécialistes. L'Asie produit énormément: Hong Sangsoo, Park Chan-Wook... Les médias ne parlent que de Takeshi Kitano et de Wong Kar Waï! Et encore... Le problème, mais cela ne devrait pas en être un, c'est que le cinéma asiatique ne se repose pas sur des vedettes." Et il ajoute : "Plus personne ne soutient ce qui est exigeant de nos jours. Tout le monde confond notoriété et talent. Le premier est constamment honoré. Si le talent se voyait soutenu, nous aurions plus de publicité et donc plus de sponsors. Malheureusement, le talent passe à la trappe."

De plus en plus de festivals sont fragilisés depuis la crise de 2007/2008. A commencer par Paris Cinéma dans la capitale. Et les sponsors privés préfèrent se concentrer sur les gros événements (récemment le Festival de Cannes a signé un contrat pluri-annuel avec le groupe de Pinault, Kering).

Si le cinéma asiatique disparaît de la côte normande, on peut toujours se consoler: le plus grand événement du genre en Europe, le Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul tiendra sa 21ème édition du 10 au 17 février prochain.

Deauville Asia 2014 : retour sur la compétition et le palmarès

Posté par kristofy, le 10 mars 2014

Zhanna Issabayeva NAGIMA festival cinéma asiatique deauville © ecrannoir.frLes films en compétition du 16e Festival asiatique de Deauville étaient au nombre de huit, mais pas un ne s’est imposé comme un gros coup de cœur unanime. Pourtant, il y a eu une certaine unanimité. Le public, la critique et le jury se sont entendus pour primer le film de Lee Su-Jin, Han Gong-Ju, déjà très récompensé dans plusieurs festivals.

Le jury, présidé par la réalisatrice Claire Denis, était composé de Roxane Mesquida, Florence Loiret-Caille, Gilles Marchand, Samir Guesmi et René Bonnell, a rendu son palmarès samedi 8 mars :

Lotus d’or: Nagima de Zhanna Issabayeva
Prix du jury ex-aequo: Ugly de Anurag Kashyap et Han Gong-Ju de Lee Su-Jin
Prix de la Critique:
Han Gong-Ju de Lee Su-Jin
Prix du Public: Han Gong-Ju de Lee Su-Jin

No man’s land du chinois Ning Hao (Crazy Stone) avait ouvert la compétition sur les chapeaux de roues : un jeune avocat citadin rentre chez lui au volant d’une voiture rouge récupérée de son client. Dans le désert, il sera poursuivi par plusieurs camions et plusieurs individus sans compter la présence d’une danseuse qui s’est collée à lui. Presque tout le film se déroule sur cette route au milieu du désert où durant presque deux heures, chacun à son tour, tous vont s’affronter avec une violence cartoonesque. Le film était en compétition à la dernière Berlinale.

uglyUgly de l’indien Anurag Kashyap (Gangs of Wasseypur) était l’évènement attendu de la compétition. Le kidnapping d’une petite fille et l’enquête pour trouver le coupable vont déclencher une réaction en chaîne étonnante : un thriller haut en couleur. Un vrai film de "ripoux" que nous avions adoré à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2013.

Toilet Blues, premier film de l’indonésien Dirmawan Hatta. C'est l'histoire d'un jeune homme qui aspire à devenir prêtre et qui rejette les avances d’une amie qui veut échapper à l’autorité de son père. Ce film a été le chemin de croix des spectateurs restés dubitatifs (il est pourtant signé du scénariste du très réussi The mirror never lies de Kamila Andini).

Steel cold winter du documentariste coréen Choi Jin-Sung est le récit de la rencontre entre un étudiant venu de Séoul dans un lycée de campagne avec une jeune-fille. Lui veut s'éloigner du suicide d’un camarade victime d’une rumeur ; elle sera elle-aussi victime de l’opinion des autres suite à un drame avec son père. Chacun va s’interrogre sur cette jeune-fille avant que ce garçon ne réagisse avec une effarante violence.

nagimaNagima de la kazakh Zhanna Issabayeva (Karoy) montre une jeune femme à qui l’on s’intéresse avec peine au début tant elle manque de relief. Le récit débute sans dialogue. Ce n’est qu’à partir du moment où sa meilleure amie enceinte doit être emmenée à l’hôpital que son personnage prend de l’épaisseur : élevée dans un orphelinat, cette jeune fille de 18 ans travaille dans un restaurant sans pour autant gagner assez d’argent pour le loyer et sa nourriture. Quand son amie disparaît en laissant au monde un bébé, elle va vouloir s’en occuper sans savoir ni pouvoir le faire…

Mater Dolorosa du philippin Adolfo Alix Jr. (Death March, sélectionné à Un Certain regard à Cannes en 2013) se regarde avec ses couleurs désaturées jusqu’au noir et blanc. Lourdes est une mère de famille autant crainte que respectée. Ses fils, qui ont des activités liées aux jeux d’argent et à la revente de voitures volées, ont des frictions avec des rivaux et la police. Quand un de ses fils est assassiné, elle leur interdit à tous de se venger, pour s’occuper elle-même du règlement de compte…

a capellaHan Gong-Ju (A Cappella) de Lee Su-Jin, autre film coréen de la compétition, raconte l’histoire d’une lycéenne qui est transférée dans une nouvelle école en cours d’année suite à un drame qui l’implique. Le film navigue entre son présent, avec de nouvelles amies, et son passé, pour faire découvrir au fur et à mesure ce qu’elle fuit. Le procès en cours pour un viol collectif change le regard des autres sur elle… le film a été primé à Marrakech (meilleur film), Pusan (prix du public) et Rotterdam (meilleur film).

Enfin, le dernier film en compétition, Trapped, de l’iranien Parviz Shahbazi (Deep Breath) raconte les mésaventures d’une étudiante en médecine trop gentille qui va aider sa nouvelle colocataire à sortir de prison pour un chèque sans provision, mais sa naïveté va lui attirer beaucoup d'ennuis.

Ce sont surtout les deux films Han Gong-Ju et Nagima qui étaient les favoris avant que le jury ne fasse connaître son choix, tandis Ugly et No man’s land ont aussi fait forte impression. Le palmarès qui les récompense n’est pas surprenant et représente bien les échos du Festival. Si Nagima gagne la plus haute récompense c’est Han Gong-Ju (un premier film) qui apparaît comme le favori de l'année en cumulant les prix du public, de la critique, et du jury, il sortira en salles sous le titre A Cappella à la fin de l’année.

jury et primés du festival cinéma asiatique deauville © ecrannoir.fr

Deauville Asia 2014 : Monsterz de Hideo Nakata en première mondiale

Posté par kristofy, le 7 mars 2014

Hideo NakataC’est l’un des maîtres du cinéma de genre, sauf que son genre à lui est plus le surnaturel que l’hémoglobine… C’est avec ses mots que le réalisateur Hideo Nakata a reçu un hommage du Festival du film asiatique de Deauville. La vidéo maudite à ne pas voir dans Ring a été vue partout, et depuis la figure de la femme fantôme avec des longs cheveux qui masquent ses yeux est devenue un nouveau mythe du cinéma fantastique.

En 1998, Ring fut un tel succès que Hideo Nakata en réalisa la suite Ring 2 l’année suivante, il sera même appelé aux USA pour diriger le remake avec Naomi Watts. Son film culte Dark Water en 2002 aura aussi un remake américain, et en 2010 il réalise Chatroom avec un casting britannique (Aaron Taylor-Johnson, Imogen Poots, Hannah Murray…) qui sera présenté à Un Certain regard à Cannes. Si son influence va jusqu’en occident, Hideo Nakata tourne surtout ses films au Japon, et déjà avant le phénomène Ring, son premier film en 1996 était L’actrice Fantôme qui avait marqué les esprits.

« Je suis très honoré de recevoir cet hommage à mon travail, même si je me suis dit que c’était un peu tôt. J’ai fait 17 films, et j’ai bien envie d’en faire 17 autres et même plus. Vous n’avez encore rien vu ! C’est aussi un plaisir d’accompagner en France mon nouveau film Monsterz, au Japon il n’a pas encore été vu puisqu’il sortira en mai, c’est la première mondiale ici. »

Monsterz est en fait le remake d’un film coréen (Haunters de Kim Min-Suk) transposé au Japon par Hideo Nakata. On y entend Kenji Kawai pour la musique, les acteurs principaux sont Tatsuya Fujiwara (le héros de Battle Royale, Death Note, à Cannes dans Shield of Straw) et Takayuki Yamada (Crows Zero, à Venise dans 13 assassins). Un homme développe depuis son enfance un pouvoir de télékinésie unique, il peut à distance manipuler les autres : faire s’immobiliser les gens ou en guider certains comme des robots sans qu’ils ne se souviennent de rien ensuite. Par exemple, il fait un hold-up dans une banque tout en restant à l’extérieur : pendant que tous sont immobiles, une personne lui apporte l’argent, puis tous reprennent ce qu’ils étaient en train de faire l’instant avant qu’il les contrôle.

Dès le début du film ce pouvoir est montré comme une sorte de malédiction, dans son enfance son père détestait son anormalité et voulait l’abandonner…  Devenu adulte, il utilise son pouvoir à différentes occasions, jusqu’au jour où il découvre que celui-ci est totalement inefficace sur un autre homme qu'il ne peut pas manipuler comme les autres. Cette résistance inhabituelle en fait quelqu’un à éliminer, mais cet autre homme a un don tout aussi incroyable qui en fait un rival : s'il n’est pas manipulable, alors il doit quitter ce monde…

Après différentes séquences qui exposent la personnalité des deux hommes, ils vont ensuite s’affronter lors de différents duels qui impliquent au fur et à mesure de plus en plus de gens autour d’eux  jusqu’à un final grandiloquent puis mélodramatique. Monsterz rappelle par plusieurs aspects des caractères de héros américains (les X-Men, Incassable) mais s’attache surtout à deux personnages hors-normes (des mutants ?) qui s’interrogent sur leur place dans l’humanité, avec comme profond désir de ne pas être considéré comme des monstres.

Deauville Asia 2014 : Hommage à l’actrice Malani Fonseka

Posté par kristofy, le 6 mars 2014

Malani FonsekaA l’est, il y a du nouveau : toujours la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l’Inde mais aussi les Philippines, le Kazakhstan, l’Indonésie, l’Iran… Ce sont en tout cas les pays d'où viennent les films en compétition lors de ce 16e Festival du film asiatique de Deauville, qui se tient jusqu'au 9 mars. Parmi les concurrents, il y a des premiers films qui rivaliseront avec ceux de réalisateurs ayant déjà été sélectionnés à Cannes, comme Ugly de Anurag Kashyap (Gangs of Waeeypur) et Mater Dolorosa de Adolfo B. Alix Jr (Death March).

Pour remettre à l’un d’eux le lotus d’or 2014, le jury est composé des actrices Roxane Mesquida et Florence Loiret-Caille, du réalisateur et scénariste Gilles Marchand, du comédien Samir Guesmi, du producteur René Bonnell et du réalisateur Rachid Bouchareb, sous la houlette de la réalisatrice Claire Denis comme présidente.

En ouverture, Deauville a rendu hommage à une grande dame du cinéma du Sri-Lanka, dont les films sont souvent méconnus, qui célèbre cette année ses 50 ans de carrière : Malani Fonseka. Depuis son premier film en 1968, elle figure au générique de plus de 150 films sri-lankais. Elle a également produit et réalisé 3 longs-métrages.

Pour l’occasion, le festival permet de voir un choix de trois films qu’elle considère comme emblématiques de trois générations différentes de cinéastes sri-lankais : Le trésor de Lester James Peries (1972), Les wasps sont arrivés de Bambaru Avith (1978) et Les fleurs du ciel de Prasanna Vithanage (2010).

Par ailleurs, les festivaliers présents à Deauville attendent la venue des réalisateurs Hideo Nakata pour la première de Monsterz et Tsai Ming-Lang pour Les chiens errants, qui recevront eux-aussi un hommage en présentant leur derniers films, et Kiyoshi Kurosawa déjà venu pour présenter Real.

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16e Festival du film asiatique de Deauville
Du 5 au 9 mars 2014

Programme et informations sur le site de la manifestation

Deauville Asia 2012 : retour sur la compétition

Posté par kristofy, le 13 mars 2012

Le 14e Festival asiatique de Deauville s'est achevé avec l'annonce du palmarès qui récompense les longs métrages suivants :

Meilleur film
Mourning de Morteza Farshbaf (Iran)

Prix du jury
Baby factory de Eduardo Roy Jr. (Philippines)

Prix de la Critique
Himizu de Sono Sion (Japon)

La compétition montrait cette année une préférence pour les premiers films avec beaucoup d’histoires qui tournaient autour du deuil.

Les cinéastes dont on connaissait déjà les précédents films n’ont pas changé de style avec leur nouveau film : Wang Xioshuai avec 11 fleurs (sortie prévue le 9 mai)  évoque la révolution culturelle chinoise par les yeux d’enfants, Sono Sion évoque avec son lyrisme un peu fou le traumatisme qui a suivi la catastrophe de Fukushima (Himizu), et Hitoshi Matsumoto glisse dans son humour caustique un peu plus de sensibilité pour faire de Saya Zamuraï une comédie très réussie.

Certains films semblaient relever d’un choix hasardeux car leur sélection ne semble pas méritée : le seul film de Corée du Sud Beautiful miss Jin ressemble un téléfilm gentillet (alors que tant d’autres titres coréens auraient pu être choisis) tandis que le thaïlandais I carried you home fait surtout illusion avec le jeu de ses actrices.

Les films les plus fragiles et les plus intéressants étaient donc la révélation de nouveau talents en devenir. The sun-beaten path du Chinois Sonthar Gyal est très intéressant, Death is my profession de l’Iranien Amir Hossein Saghafi est dans sa première moitié assez réussi avant que la seconde moitié gâche l’ensemble, l’autre film iranien Mourning de Morteza Farshbaf met à rude épreuve la patience des spectateurs, et des Philippines Baby factory de Eduardo Roy Jr nous montre avec une fiction proche du documentaire (un peu comme Brillante Mendoza) à l’intérieur d’une maternité pas comme les autres (près d’une centaine de naissances par jour) à Manille.

Le prix du meilleur film attribué à Mourning de Morteza Farshbaf s'avère ainsi plutôt une surprise, voire un choix osé puisqu'il présente un couple de sourds-muets qui se querellent en langage des signes (avec sous-titre sur l’image) devant un enfant qui ne sait pas encore que ses parents sont morts dans un accident. Les favoris du public étaient Saya Zamuraï de Hitoshi Matsumoto (pas assez sérieux pour le jury), Baby factory de Eduardo Roy Jr qui obtient donc le prix du jury, et Himizu de Sono Sion (qui repart avec le prix de la critique comme l’année dernière pour Cold Fish).

Si les différents films de Sono Sion ne sont malheureusement toujours pas distribués en France, Saya Zamuraï sera en salles le 9 mai et Mourning le 25 avril sous le titre Querelles.

Deauville Asia 2012 : le prix Action Asia attribué à Wu Xia

Posté par kristofy, le 12 mars 2012

Depuis 2004, le Festival Asiatique de Deauville s’est attaché (en plus de la compétition officielle) au genre "film d’action" au sens large (polar, combats, guerre…) avec la compétition Action Asia.

Jusque-là, le jury "Action asia" comptait dans ses rangs des personnalités réputées pour leur proximité avec les films d’action (Xavier Gens, Jan Kounen, Marc Caro, Eric Serra, Franck Vestiel, Fred Cavayé, Cut Killer …), et presque chaque année, c’est naturellement le film le plus spectaculaire et le plus novateur qui s’imposait comme lauréat : Ong-Bak de Prachya Pinkaew, Arahan de Ryoo Seung-wan, A bittersweet life de Kim Jee-woon, Dog bite dog de Cheang Soi, The chaser de Na Hong-jin...

Toutefois, cette année, le jury Action Asia composé d'Isabelle Nanty, Arié Elmaleh, Didier Long, Fabienne Babe et Bruno Wolkowitch a choisi Wu Xia de Peter Ho-Sun Chan qui n’est pas tellement original, aux dépends du film favori The Raid de l’Indonésien Gareth Huw Evans qui sera parmi les films les plus frappants de l’année...

Retour sur une sélection Action Asia 2012 qui se partage entre grands noms qui déçoivent quelque peu et premières œuvres plutôt impressionnantes.

Dans les espoirs déçus, il y a les combats dérivés du kung-fu :

Wu Xia (déjà découvert à Cannes) de Peter Ho-Sun Chan avec Donnie Yen, avec une histoire calquée sur History of violence de David Cronenberg, n’offre jamais les étincelles que l’on pouvait attendre de la réunion de ses deux experts en film d’action. Le duo avait d'ailleurs déjà collaboré ensemble sur Bodyguards and Assassins (d’ailleurs sélectionné à Deauville en 2010). Au regard des productions respectives de Peter Ho-Sun Chan et de Donnie Yen, Wu Xia apparaît comme un film mineur de leur filmographie.

De la même façon, The sorcerer and the white snake avec Jet Li est un film assez convenu de fantasy, où un moine va tenter d’empêcher les conséquences néfastes d’une romance entre un démon-serpent ayant l’apparence d’une femme et un humain. Force est de constater que les effets spéciaux modernes ne se conjuguent pas très bien avec ce style de récit tombé un peu en désuétude...


The sword identity de Xu Haogeng évoque deux guerriers au sabre non-conventionnel défiés par les gardiens des traditions de quatre écoles de kung-fu sur le thème ‘les arts martiaux et les arts militaires sont deux choses différentes’. The sword identity ne propose aucun enjeu et le film peine à trouver son identité…

Les films de guerre ont fait meilleure impression avec un savoir-faire indéniable pour les batailles :

War of the arrows fait s’affronter les coréens Joseon et leurs ennemis de Mandchourie en 1636. Ces derniers déportent un groupe de prisonniers dont une femme tout juste mariée, dont le frère est un archer particulièrement adroit à l’arc qui va les contrecarrer. C’est un film de divertissement spectaculaire avec beaucoup de qualités (des poursuites, des duels, de la romance…) mais pas assez d’originalité au vu des nombreuses productions coréennes de ce type...

Le taïwanais Wei Te-Sheng fait quant à lui très fort avec une (très) longue épopée guerrière qui tient autant de Braveheart que de Avatar : il s’agit du soulèvement de tribus de Taïwan en 1930 contre l’occupant japonais. Warriors of the rainbow – Seediq Bale est un film d’action qui parle de résistance face à un pays colonisateur, thème très fédérateur. Ici, une tirade contre les ‘bienfaits civilisateurs’ des japonais fait écho aux différentes brimades subies par les autochtones qui sont obligés de travailler dur à déplacer des rondins d’arbre.

Ceux qui étaient considérés comme des sauvages vont se révolter contre les japonais, et quelque 300 guerriers insaisissables vont mettre en déroute les armées du Soleil Levant. Les japonais organisent leur riposte avec des bombes quand les tribus avec leurs flèches se préparent au sacrifice… Warriors of the rainbow – Seediq Bale est une grande épopée guerrière inspirée d’évènements réels avec beaucoup de séquences épiques. Ce film de Wei Te-Sheng est devenu l'un des plus gros succès taïwanais (il est sorti en 2 parties, le film dure 4h30), il devrait nous arriver directement en dvd (en version réduite de 2h35) à l’automne 2012.

Le grand favori était le film The Raid, et la première projection a fait applaudir plusieurs fois le public habituellement très silencieux. Un groupe de policiers se lance à l’assaut de l’immeuble réputé intouchable d’un trafiquant de drogue. Ils sont une petite vingtaine à investir les lieux défendus par une centaine de résidents organisés et armés… Les policiers se retrouvent bloqués et encerclés dans un piège où à chaque étage des tueurs ont pour mission de les éliminer. Des exécutions brutales en guise d’introduction indiquent que The Raid sera plutôt brutal, puis il y aura une succession de combats violents avec beaucoup de ‘pencak silat’ (art martial indonésien).

The Raid aligne les séquences de bravoure (par exemple un policier avec une matraque seul dans un couloir contre une quinzaine de tueurs armés de machettes) où le côté "bourrin" des combats est contrebalancé par la réalisation de l’ensemble très fluide. La force de The Raid est d’assumer de façon volontaire son côté film d’exploitation avec beaucoup de combats sauvages et une mise en scène digne des meilleurs polars. Le réalisateur Gareth Huw Evans a réussi à réaliser le genre de film que de nombreux réalisateurs d’action fantasmaient de faire, nul doute que The Raid va devenir une nouvelle référence.

Deauville Asia 2012 : Kiyoshi Kurosawa à l’honneur et en masterclass

Posté par kristofy, le 11 mars 2012

Le cinéaste Kiyoshi Kurosawa a gagné une reconnaissance internationale à la fin des années 90, à un moment où il s’agissait pour lui presque d’une renaissance en tant que réalisateur. En effet, bien que méconnu avant cette époque, il avait déjà signé une dizaine de films lorsque le monde entier découvre Cure en 1997.

C'est à 28 ans qu'il réalise son premier long métrage, Kandagawa Wars, mais son début de carrière est rapidement freiné par les problèmes de distribution qui touchent le deuxième, The excitement of the Do-Re-Mi-Fa Girl. Il continue cependant à tourner des films et autres épisodes de série télé tout en enseignant le cinéma à la Film School of Tokyo. En 1997 arrive Cure, avec celui qui deviendra son acteur fétiche Kôji Yakusho. Par la suite, chacun de ses films sera sélectionné à Cannes, Berlin ou Venise, et presque tous seront distribués en France.

Le Festival asiatique de Deauville lui rend donc hommage cette année en proposant de revoir ses films les plus connus : Cure, License to live, Charisma, Kaïro, Retribution et Tokyo Sonata. Une rétrospective plus complète de ses films (par exemple Doppelgänger qui est peut-être son meilleur) est prévue à la Cinémathèque Française du 14 mars au 19 avril. C’est d’ailleurs Jean-François Rauger, directeur de programmation de la Cinémathèque, qui a rendu hommage sur scène à Kiyoshi Kurosawa. « Après Cure ses autres films ont transformée notre intuition en certitude : Kurosawa allait faire sortir la notion de cinéma de genre de ses propres limites. Ses plans sont chargés d’une terreur concrète où le danger peut surgir hors-champ, ils distillent une angoisse profonde chez le spectateur. Ce que traque le cinéma de Kiyoshi Kurosawa, avec notamment la contamination, c’est la pulsion de mort d’un Japon à l’imminence de sa disparition. Il pose la question de ce que devient l’Homme lorsqu’il disparaît au profit de sa propre empreinte. Kiyoshi Kurosawa, vous êtes un grand artiste moderne. »

Kiyoshi Kurosawa a alors reçu sa statuette avec ces remerciements : « Cela fait plusieurs décennies que je fais des films, avec parfois des conditions de production ou de distributions difficiles, je suis ému que mes efforts reçoivent cet hommage ici en France. Je me considère plus comme un espoir par rapport à certains réalisateurs vétérans comme Clint Eastwood, Woody Allen, Roman Polanski, Abbas Kiarostami... mais ce genre d’hommage m’autorise à faire du cinéma avec eux en première ligne. J’ai la ferme intention de continuer à réaliser des films, et j’espère d’ailleurs vous proposer de découvrir le prochain très bientôt ».

Kiyoshi Kurosawa par lui-même

Lors de sa masterclass publique, le réalisateur a évoqué à la fois le début de sa carrière et quelques-unes de ses influences. Après avoir montré quelques extraits de es films, il a ensuite abordé plus précisément son travail de mise en scène et les thèmes de ses films. Voici un condensé des échanges :

A propos de ses premiers films des années 80-début années 90 (avant sa reconnaissance internationale avec Cure en 1997) :

C’est difficile de porter un regard rétrospectif sur mon travail. Au début j’ai eu un peu comme une envie de me rapprocher des films dont j’appréciais la mise en scène, autant les films américains de Richard Fleisher que les films français de Jean-Luc Godard. Par exemple, pour Godard je trouvais que certains de ses films étaient assez complexes et très divers, sa façon d’utiliser le cadre et le son m’intéressait. On pouvait y voir parfois un montage un peu osé ou non-conventionnel, la musique pouvait arriver ou s’arrêter de manière inopinée. L’art de la transition, c’est quelque chose d’important. Mais j’ai laissé Godard de côté pour aussi m’imprégner de films américains et aussi des films de yakuzas japonais. Ceci dit, j’ai commencé à réaliser des films du genre plutôt pink-eiga (érotique soft), et aussi d’autres films directement pour le marché vidéo. Je suis Japonais et le plus important était de m’inscrire dans le cinéma japonais avec mon propre langage. C’est ce que je me suis attaché à faire avec chacune de mes réalisations.

A propos de la tradition des fantômes japonais et de ses codes au cinéma :

Dans plusieurs de mes films, j’ai un questionnement quant à comment mettre en images la mort, et montrer un fantôme à l’écran est une façon de parler de la mort. Dans tel film, c’est juste une apparition, dans un autre le personnage  peut toucher le fantôme comme une entité physique palpable. La figure du fantôme est un être effrayant pour le personnage de l’histoire qui le voit, et aussi pour le spectateur. Mais je me détourne du cliché où le personnage hurle en agitant les bras dans tous les sens. Dans mes films, le sujet a comme première réaction souvent de s’affaisser sur lui-même, de tomber à l’intérieur en quelque sorte. Le fantôme qui apparaît traduit surtout un trouble mental chez le personnage qui lui fait face. Ce désordre mental est quelque chose de presque essentiel dans la vie qui n’est pas une ligne droite parfaite.

A propos du choc des meurtres inattendus ou violents :

Je veux filmer les scènes violentes de manière la plus réelle possible. Quand quelqu’un se fait tirer dessus, le sang coule de manière crédible, et c’est un défi de rendre ça en seul plan-séquence sans coupe. Je tiens à la crédibilité de l’image pour susciter une plus grande réaction du spectateur. Un réalisateur ne peut pas se contenter de tirer le meilleur parti de ses acteurs. Tourner un plan difficile qui demande un travail particulier à l’équipe est quelque chose d’essentiel. Par exemple, un assistant doit actionner au bon moment un tuyau au bout de la jambe de l’acteur pour déclencher un écoulement de sang à l’autre bout du tuyau caché dans son cou. Le montage peut être très commode pour ce genre de scène mais c’est aussi une façon de duper le spectateur en quelque sorte. Je préfère couper le moins possible et allonger la durée d’un plan. Un film doit toucher le spectateur de manière directe et frontale.

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A noter : Kiyoshi Kurosawa vous donne rendez-vous pour une autre masterclass à la Cinémathèque Française le jeudi 15 mars prochain.