Les femmes dans le cinéma français: ça progresse…

Posté par vincy, le 25 février 2017

Le CNC a publié le jour des César une étude sur "la place des femmes dans l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel". En voyant le palmarès des César hier, on notera qu'il y a du mieux: le meilleur premier film, le prix ex-aequo du court métrage, la meilleure adaptation ont couronné quatre femmes - réalisatrices, qui ont d'ailleurs toute souligné leur appartenance à une France ouverte, diverse, fragile et minoritaire. Alice Diop (Vers la tendresse) a même rêvé tout haut de "faire tomber les murs". En tout cas le plafond de verre craque. C'est une bonne nouvelle.

Comme le souligne Frédérique Bredin, Présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), "Depuis près de 10 ans est apparu une nouvelle génération de réalisatrices d’une très grande créativité. Leur talent, leur audace, ont donné un souffle nouveau au cinéma français avec, aujourd’hui, des premiers films reconnus dans le monde entier, comme Mustang ou Divines."

La France, championne d'Europe

L'étude montre qu'il y a une présence plus forte de réalisatrices que dans d’autres pays européens. En effet, 22 % des films français sortis en salle entre 2011 et 2015 sont réalisés ou coréalisés par des femmes, contre 19 % des films allemands, 11 % des films britanniques, 10 % des films italiens et 11 % des films espagnols. En cinq ans, 282 films français sortis en salles en France sont réalisés par des femmes et au cours des cinq dernières années, la France enregistre à elle seule 45 % de l’ensemble des films nationaux réalisés par des femmes en Europe.

En 10 ans le nombre de réalisatrices a augmenté de 71 % avec 567 films produits au total. Mais, car il y a toujours un mais, si il y a progression, le cinéma français ne parvient pas à briser cette "frontière" invisible des 22% de films réalisés chaque année par des femmes depuis 2011.

2 femmes sur 5 dans la profession

Dans le même laps de temps, le nombre de femmes employées dans la production de films a progressé de 20 % contre 5 % pour les hommes. Aujourd'hui 43,7% des emplois dans la fiction sont féminins, tous métiers confondus. La bonne nouvelle est qu'elles sont jeunes (moins de 30 ans). On constate aussi qu'il y a des métiers très "genrés". Les femmes sont sur-représentées dans les scriptes, les costumes, les coiffeurs-maquilleurs, la comptabilité, le juridique et la communication. Elles sont inexistantes dans les postes de chauffeur, d'électricien, de machiniste, de rippeur et de mixeur.

Un sacré problème : l'écart salarial

Cependant tout n'est pas rose ou bleu. On constate malgré tout que les femmes ont des rémunérations généralement inférieures à celles des hommes. "Dans une très grande majorité des professions, les salaires horaires moyens des femmes apparaissent inférieurs à ceux des hommes notamment pour la réalisation (- 42%), la production (- 38 %). Pour quelques métiers, cet écart est cependant en faveur des femmes comme scripte (+9 %) ou cascadeuse car elles sont peu représentées (+ 4 %)" rappelle l'étude. On est stupéfait de voir qu'une actrice est payée en moyenne 9% de moins qu'un acteur.

Elles disposent aussi d'un budget moyen inférieur à celui des films réalisés par des hommes. "En 2015, le devis moyen d’un film d’une réalisatrice est de 3,50 M€, contre 4,70 M€ pour un homme. Sur la période 2006-2015, le budget moyen des films réalisés par des femmes est 1,6 fois moins élevé que celui réalisé par des hommes" précise le document, qui reconnaît que "cet écart a tendance à diminuer". De façon marginale, pourrait-on ajouter: l'écart est structurellement ancré dans les mœurs.

Un renouvellement salutaire

Le document livre pourtant un rappel salvateur: 17 films réalisés par des femmes, en dix ans, ont attiré plus d'un million de spectateurs. Preuve que le sexe n'a plus beaucoup d'importance pour gagner la confiance des financiers et des diffuseurs. Ainsi, toujours sur la période 2006-2015, la part des premiers films est plus importante parmi les films réalisés par des femmes (42 %) que parmi ceux réalisés par des hommes (32 %) et les troisièmes films ou plus réalisés par des femmes passent de 20 % en 2006 à 47 % en 2015, "confirmant la consolidation des carrières des réalisatrices après leur première percée."

Une nouvelle génération de producteurs/productrices a donc facilité l'émergence de réalisatrices respectées, récompensées, et même populaires. L'avenir semble plus féminin (sur les dix dernières promos de la Fémis, il y a la moitié des années où les étudiants étaient majoritairement des étudiantes). La part des femmes parmi les réalisateurs de courts métrages augmente pour la cinquième année consécutive pour atteindre 38%.

De quoi se dire que le cinéma français sera moins sexiste. A condition que l'égalité salariale soit aussi au rendez-vous.

En Europe, derrière la caméra, on est encore très loin de la parité

Posté par vincy, le 13 décembre 2016

A l’occasion du Festival de cinéma européen des Arcs, une étude sur l’émergence d’une nouvelle génération de réalisatrices européennes, coréalisée avec le soutien de France Télévisions, la Fondation Sisley et le CNC a été publiée alors que le Festival met à l’honneur ces mêmes jeunes réalisatrices. La compétition est d’ailleurs paritaire. Jérémy Zelnik, Responsable des événements professionnels du festival, veut, par cette étude, « faire bouger les choses ». Et c’est en effet nécessaire. « On est très loin de la parité » insiste-t-il.

Le constat est douloureux : sur quatre ans, de 2012 à 2015, dans 30 pays, seuls 19,4% des films sont réalisés par des femmes. Même dans les pays les plus « féminisés » comme la Norvège ou la Suède, la proportion ne dépasse par un film sur trois. Les cinémas italiens et britanniques sont en queue de peloton, tandis que le cinéma français atteint les 25%, se situant ainsi au dessus du niveau moyen européen. Cette étude recoupe les chiffres d'une autre étude de l'European Women's Audiovisual Network, "Rapport sur l'égalité des genres au sein de l'industrie cinématographique européenne", parue au moment du Festival de Cannes où 21% des films dans les 7 pays étudiés était réalisés par une femme.

La parité n’est pas forcément souhaitable. Pour Jérémy Zelnik, « l’importance c’est l’égalité des chances. Les femmes n’ont pas moins de talents que les hommes ». Dans des pays où la production n’est pas très importante, la parité n’est pas l’objectif principal. Par ailleurs, la politique de quotas peut s’avérer contre-productive et doit s’adapter au temps nécessaire de la création. L’an dernier les femmes étaient majoritaires aux Work in Progress des Arcs, cette année, elles sont minoritaires. "La parité est plus intéressante à imposer dans les comités de décision ou les écoles de cinéma" selon lui. Mais Jérémy Zelnik confirme qu’il faut constamment porter une attention particulière pour que les femmes ne soient pas oubliées. C’est l’idée de ce focus aux nouvelles femmes réalisatrices européennes, accompagné de deux tables rondes : mettre en lumière ces nouveaux talents.

Car le renouvellement des générations est l’autre grand axe de l’Etude, et l’autre problème dans une grande partie des pays. Une fois de plus, le cinéma italien se fait remarqué par l’âge de ses réalisatrices : avec la moyenne la plus élevée, il s’agit du cinéma qui se renouvelle le moins. Face à ce cinéma le plus ancien, on peut opposer des cinémas « plus jeunes » comme ceux de Lettonie, Bulgarie, Slovénie, Belgique, Slovaquie, Irlande ou Norvège. « En Europe, les hommes qui ont réalisé un film entre 2012 et 2015, en sont à leur 3,7ème film, tandis que pour la même période les femmes en sont à leur 2,7ème film. Le cinéma européen féminin est en moyenne plus jeune d’une génération par rapport au cinéma européen masculin » explique l’étude.

Encore une fois, l’Italie est en tête de file, avec 5,7 films réalisés en moyenne par les hommes et 3,06 par les femmes. En Suède, de la même façon, on passe de 4,19 films réalisés par les hommes à 1,93 films réalisés par les femmes. En France, ce sont 2,53 films pour les femmes contre 4,07 films pour les hommes.

Il y a quand même une évolution. Ainsi, si 19,4% des films ont été réalisés par des femmes en France, 22,44% des premiers et deuxièmes films sont l’œuvre d’une cinéaste. Pour les premiers et deuxièmes films, la proportion atteint même plus de 35% pour la Suède et la Norvège. En France, le chiffre est à 28,2% mais si « l’évolution transgénérationnelle française existe », elle reste « progressive ». En revanche, au Royaume Uni, en Turquie comme en Italie, on reste en dessous des 15%. « Si les chiffres du Royaume-Uni sont donc bas et, en plus de cela, ne présentent aucune évolution transgénérationnelle » ceux de « L’Italie, au contraire, bien qu’elle se situe en bas de l’échelle en termes de proportion de femmes réalisatrices, gagne des échelons dans les jeunes générations. »

Globalement, la présence des femmes derrière la caméra est en hausse dans de nombreux pays, à quelques exceptions. Grâce à des politiques dédiées, la Norvège, la Suède et la Suisse font figure de bons élèves. La France, l’Allemagne et la Slovaquie, sans avoir de politiques spécifiques concernant le cinéma au féminin, sont au dessus de la moyenne et continuent de miser sur de nouveaux talents féminins. Des pays comme la Roumanie, la Russie, l’Italie, la Pologne, la Turquie et le Portugal connaissent des évolutions et révolutions culturelles « qui vont mettre un peu de temps à s’installer » souligne l’étude. Et puis il y a les cancres comme le Royaume Uni et la Grèce, tous deux très en retard.

Les Arcs 2016: un festival sous le signe de la diversité et de l’enthousiasme

Posté par vincy, le 11 décembre 2016

La 8e édition du Festival du cinéma européen des Arcs a été lancée samedi soir après un petit cocktail où le vin savoyard frappait un peu les festivaliers. La salle était remplie. Cofondateur du festival, avec Guillaume Calop, Pierre-Emmanuel Fleurantin était aux anges: "ça fait du bien d'avoir autant d'ouverture d'esprit et d'enthousiasme. Ça rend optimiste par les temps qui courent."

120 films seront présentés entre Bourg Saint-Maurice dans la vallée et les cimes savoyardes, aux Arcs 1800, 1950 et 2000. Cette année, plutôt que de faire un focus sur une cinématographie nationale, les Arcs ont privilégié les femmes cinéastes. En Europe, un film sur cinq seulement est réalisé par une femme. "Aux Arcs, cette statistique nous heure, nous questionne, comme un cailloux dans une chaussure" explique la responsable des RP, Fabienne Silvestre-Bertoncini, appelant tous les festivaliers à se "mobiliser pour faire changer les choses."

Le président Claude Duty animait la soirée d'ouverture et a présenté le jury, présidé par Radu Mihaileanu qui a "félicité la diversité et la beauté de l'expression en Europe".

De la diversité et de la beauté humaine, il y en avait dans le film d'ouverture, Patients (Step by Step pour les marchés internationaux). Réalisé par Mehdi Idir et Grand Corps Malade, librement inspiré de son roman en grande partie autobiographique, cette comédie douce-amère, tantôt drôle, tantôt dramatique, "un rollercoaster" comme le définirait Frédéric Boyer, directeur artistique du festival, est un quasi huis-clos dans un centre de rééducation pour tétra et quadriplégiques, porté par un groupe d'acteurs formidables. Le film est promis à un joli succès en salles. Gaumont le sortira le 1er mars 2017.

Les Arcs 2016: le cinéma européen au sommet

Posté par vincy, le 9 décembre 2016

Du 10 au 17 décembre, le Festival de cinéma européen des Arcs célèbrera sa 8e et ambitieuse édition sous le signe des femmes. Cette année le festival a décidé de célébrer la jeune génération de femmes réalisatrices européennes à travers un programme "Nouvelles Femmes de cinéma". Outre la sélection de 10 réalisatrices qui viendront présenter leur film, la manifestation publiera une étude sur le thème, organisera deux tables rondes et une masterclass de la compositrice Béatrice Thiriet en plus d'ateliers "boîte à idées" et de la venue de Valéria Golino, invitée d'honneur du Festival. De plus la moitié des films en compétition sont l'œuvre d'une cinéaste.

Les 10 "Nouvelles Femmes de cinéma":
Houda Benyamina (Divines) ; Rebecca Daly (Mamal) ; Laura Bispuri (Vierge sous serment) ; Veronika Franz (Goodnight Mommy) ; Jessica Hausner (Lourdes) ; Agnes Kocsis (Fresh Air) ; Alanté Kavaïté (The Summer of Sangaile) ; Rachel Lang (Baden Baden) ; Nanouk Leopold (Brownian Movement) ; et Pia Marais (Layla Fourie)

EVENEMENTS

Ouverture: Patients, de Grand Corps Malade et concert du groupe La Femme.
Clôture: La communauté de Thomas Vinterberg et concert de The Pirouettes
Masterclass: Bertrand Bonello, invité d'honneur, qui accompagnera trois films dans le cadre sa carte blanche - Scum d'Alan Clarke, Deep End de Jerzy Skolimowski et Le braqueur de Benjamin Heisenberg

BUSINESS

Les Arcs c'est aussi un rendez-vous B2B avec le village des coproductions Arc 1950 du 10 au 13 décembre avec 20 projets en développement et notamment trois projets québécois en plus d'une conférence "Coproduire avec le Québec" ; Work in Progress avec 15 projets de films européens en post-production en quête de financements complémentaires et/ou de distributeurs ; Le sommet des Arcs, du 13 au 17 décembre, rencontre s professionnelles pour les distributeurs et les exploitants avec en parallèle le Laboratoire des initiatives, L'atelier des sorties et Les ateliers di Sommet (dont l'un consacré à l'utilisation des réseaux sociaux)

FUN

Le festival a d'autres atouts:
- Du futurisme avec Drive Test 360° ; Everest VR ; Drone l'Expérience ; Le Village VR
- Du son avec un quiz cinéma-musique le dimanche, des concerts, des DJ sets
- De la glisse avec l'Igloo Party (non non non ce n'est pas ce que vous pensez)
- Des cocktails.

JURYS

- longs métrages: Radu Mihaileanu (Président), Mélanie Doutey, Mélanie Bernier, Ólafur Darri Ólafsson, Sebastian Schipper, Catherine Corsini et Bruno Coulais.
- courts métrages: Antonin Peretjatko (Président), Alice de Lencquesaing, Lola Bessis, Audrey Estrougo,  Finnegan Oldfield, Grégory Audermatte et François Theurel.

FILMS

La compétition:
- Clair obscur de Yesim Ustaoglu (Turquie)
- Home de Fien Troch (Belgique)
- Glory de Kristina Grozeva et Petar Valchanov (Bulgarie)
- Layla M de Mijke De Jong (Pays-Bas) accompagné d'un ciné-débat avec le jeune publuc
- L'indomptée de Caroline Deruas (France)
- Miséricorde de Fulvio Bernasconi (Suisse)
- Lady Macbeth de William Oldroyd (Royaume Uni)
- Pyromaniac de Erik Skjoldbaerg (Norvège)
- The Fixer de Adrian Sitaru (Roumanie)
- Zoology d'Ivan Tverdovskiy (Russie)

Sélection Playtime:
- Indivisibili d'Edoardo de Angelis (Italie)
- King of Belgians de Jessica Woodworth et Peter Brosens (Belgique)
- Jamais contente d'Emilie Deleuze (France)
- Paris pieds nus de Fiona Gordon et Dominique Abel (Belgique)
- Primaire d'Hélène Angel (France)
- Une vie ailleurs d'Olivier Peyon (France)
- The Oath de Baltasar Kormakur (Islande)

Sélection Hauteur:
- Belle dormant d'Ado Arrietta (France)
- L'ami (François d'Assise et ses frères) de Renaud Fely et Arnaud Louvet (France)
- It's not the time of my life de Szabolcs Hajdu (Hongrie)
- Orpheline d'Arnaud Des Pallières (France)
- Quit staring at my plate de Hana Jusi (Croatie)
- The Last Family de Jan Matuszynski (Pologne)

Sessions frayeurs:
- Grave de Julia Ducounrau (France)
- Cave de Henrik Martin Dahlsbakken (Norvège)
- Dans la forêt de Gilles Marchand (France)
- Goodnight Mommy de Veronika Franz et Severin Fiala (Autriche)

Cannes 2016: Femmes (agressées), actes de résistance, IPhones complices, de l’ultra-moderne solitude, du cul et du rire

Posté par vincy, le 25 mai 2016

Si on ne prend que la compétition cannoise, les cinéastes ont livré cette année une drôle de vision du monde, assurément féminine et engagée. Ce 69e Festival de Cannes fut celui du "clito" affirmé.

Des femmes
Elles sont illuminées (Ma Loute), hystériques (Sieranevada, Juste la fin du monde, American Honey), manipulatrices et lesbiennes (Mademoiselle), vulnérables et combattantes (Moi, Daniel Blake, Ma'Rosa), dominantes et fragiles (Toni Erdmann, Elle), libres (Loving, Paterson, Elle), mal dans leur peaux et même dépressives (Mal de pierres, Mademoiselle, Toni Erdmann, Julieta, Juste la fin du monde, The Last Face, The Neon Demon, Personal Shopper, Baccalauréat, Le client), résistantes (Aquarius), artistes (Julieta, Aquarius, Mademoiselle, The Neon Demon, Paterson), troublées et un peu paumées (Elle, La fille inconnue, Mal de pierres). Une chose est sûre, elles sont toutes amoureuses: seniors, bisexuels, amant de passage, violeur, wasp quand elle est noire, basque quand elle est madrilène, patronne, fantôme, salaud, samaritain, ... Mais une chose est certaine, il y a des femmes agressées de toute part cette année: Ma Loute, Baccalauréat, Elle, Le client, The Neon Demon, la fille inconnue. Attaquées ou violées, assassinées ou kidnappées, la femme a reçu de sacré coups.

De la résistance
D'une manière ou d'une autre, il y a eu beaucoup de rébellion. Dans Sieranevada, les intellos essaient de convaincre les complotistes. Dans Moi, Daniel Blake, vainement, les pauvres combattent un système social et économique absurde. Dans Toni Erdmann, le père cherche à faire rire sa fille pour qu'elle prenne son métier plus à la légère. Dans Loving, le couple se bat contre des lois racistes et inhumaines. Dans beaucoup de films, les personnages cherchent à vaincre une dépression. Dans Aquarius, l'héroïne fait la guerre à un promoteur immobilier (et au passage à l'élite brésilienne). Dans La fille inconnue, la jeune médecin essaie de se racheter une bonne conscience en cherchant "l'assassin" d'une jeune réfugiée. Dans Paterson, le conducteur de bus s'évade de sa routine en écrivant des poèmes. Dans Baccalauréat, la fille veut rester intègre dans un système corrompu. Dans Juste la fin du monde, le fils prodigue tente de survivre à une journée en famille. Dans The Neon Demon, la jeune top model doit se protéger des mauvaises intentions de ses rivales. Dans The Last Face, deux humanitaires veulent sauver l'Afrique (alors qu'ils ne sauvent pas leur couple). Dans Elle, la femme violée, bafouée, rejette tous préjugés et toute solution convenue pour vivre librement.

Des IPhones complices
L'intermittent du spectacle le plus sollicité cette année était l'IPhone. Outre, les scènes devenues communes d'un personnage téléphonant avec son mobile (Rester vertival, Sieranevada, Toni Erdmann...), il y a des films où il est devenu central. Dans Personal Shopper, c'est même un acteur à part entière qui dialogue par sms avec Kristen Stewart. Dans La fille inconnue, Adèle Haenel n'a pas de copain, puisque son meilleur compagnon c'est siri et sa voix soumise. Dans Ma'Rosa, c'est un objet de transaction. Dans Elle, on ne supporte pas que sa batterie soit vidée. Il y a une exception: Adam Driver dans Paterson, qui refuse d'en avoir un.

De l'ultra-moderne solitude
A la campagne ou dans les villes portuaires (Rester vertical), à l'étranger (Toni Erdmann) ou chez soi (Aquarius), la solitude est prégnante dans de nombreux films. Un veuf (Moi, Daniel Blake) ou un homme marié mais malheureux (Sieranevada), époux (Paterson) ou épouse (Mal de pierres), séparée de sa fille (Julieta) ou de sa famille (Loving), pleurant son frère disparu (Personal shopper) ou regrettant le départ de son stagiaire (La fille inconnue), être seul n'est pas facile. Face à soi-même la plupart du temps (Elle, Baccalauréat, Le client, etc...), les personnages sont finalement dans l'incommunicabilité la plus totale à l'instar du quintet désaccordé de Juste la fin du monde. La mondialisation est en arrière plan souvent, tout comme le libéralisme sauvage. Les systèmes de production et l'absence de respect de l'individu, écrasés, sont au coeur ou en marge de Rester vertical, Moi, Daniel Blake, Toni Erdmann, Loving, Aquarius, La fille inconnue, Baccalauréat, The Last Face et bien entendu de The Neon Demon...

De la résistanceDu cul
On a vu l'origine du monde et des seins, des phallus en érection et des langues. Mention spéciale à Rester vertical: un cunilingus, un missionnaire, une sodomie homosexuelle (en guise d'euthanasie), une bite en érection sous le jogg. Dans Ma Loute c'est juste subversif: un pauvre ch'ti anthropophage qui tombe amoureux d'un garçon qui se préfère en fille (jusqu'au moment où il tâte les couilles). Dans Mademoiselle, le sexe est lesbien et torride. le cuni d'ailleurs déclenche la passion après des préliminaires très sensuels. L'érotisme, ici, est surtout oral, en racontant des contes pornographiques. Dans Toni Erdmann, il y a une scène naturiste cocasse mais il y a surtout une masturbation masculine avec éjaculation dans un petit four, avalé par sa partenaire voyeuse. Dans Ma de pierres, l'étreinte est classique. Dans American Honey, ils sont assez exhibs (fesses, queues, seins) et les deux protagonistes principaux baisent dès qu'ils peuvent, à même l'herbe. Au passage, on nous cache pas grand chose même si on connaissait déjà l'anatomie de Shia LaBoeuf. Sinon la branlette d'un mec se fait plus pudique. Dans Julieta, la baise se pratique dans le train, et avec fougue. Dans Personal Shopper, la Kristen se masturbe en se déguisant avec les fringues de sa boss. Dans Aquarius, il y a une scène de partouze, sans floutage, et un gigolo qui expose son matos face caméra avant de niquer sa cliente un peu plus âgée. Dans The Neon Demon, il ne se passe pas grand chose, sauf si on considère la dévoration comme un acte sexuel. Dans Elle, enfin, on ne voit pas grand chose, mais on devine tout.

Et sinon... on a souvent vu la mer. Côté Bretagne dans Rester vertical, côté Pas de calais dans Ma Loute, côté méditerranée dans Mal de Pierres. Elle a toujours son importance. Elle est aussi mortelle dans Julieta et vitale dans Aquarius. On a vu deux médecins - La fille inconnue et Baccalauréat - se prendre pour des Sherlock Holmes. Beaucoup d'appartements ou de maisons et peu de grands espaces. Le foyer était même un personnage central de certains films (Sierranevada, Mademoiselle, Paterson, Loving, Aquarius, Juste la fin du monde, Le client...).

Les métiers étaient variés: scénariste, médecins, visiteur médical, bibliothécaire, industriel, menuisier au chômage, servante, arnaqueur, lectrice, consultante, professeurs, maçons, VRP, conducteur de bus, pâtissière intermittente, shoppeuse, journaliste à la retraite, commerçante et trafiquante, dramaturge, mannequin, patronne de start-up, comédien...

Et puis il y a du rire. Beaucoup d'humour et de dérision ont allégé de longs films. Décalé ou noir, second de gré ou burlesque, les cinéastes ont réussi, souvent, à nous muscler les zygomatiques. Mention spéciale au film de Jim Jarmusch, qui s'offre le chien psychopathe le plus comique du cinéma et l'intrusion d'un Japonais dans l'épilogue dont une expression toute nippone devient un running-gag. Il y a quelques exceptions: on ne rigole vraiment pas dans Mal de pierres, American Honey, Moi, Daniel Blake, Loving, Personal Shopper, Baccalauréat, Juste la fin du monde, Le client ou The Neon Demon. Ou on rit franchement, involontairement avec The Last Face qui offre une série de répliques cultes malgré lui.

Bien sûr, il n'y a pas que la compétition, et les films des autres sélections ont aussi ces points communs. La femme est à l'honneur de Victoria et de Divines. On se dévore aussi bien dans Ma Loute, The Transfiguration, Grave que dans The Neon Demon (attention aux végétariens: l'homme est une viande comme les autres, parfois un peu plus indigeste). Le foyer est aussi le décor central de L'économie du couple ou de Parc, The Transfiguration et Périclès le noir. Le huis-clos a inspiré de nombreux films, à commencer par Clash et Apprentice. Les familles élargies et recomposées sont des objets très bien identifiés et source de drames et jalousies, de passions et d'incompréhensions (Juste la fin du monde, Baccalauréat, Elle, Sierranevada, Le cancre, Harmonium, Divines, American Honey, Rester vertical, Moi, Daniel Blake, Au delà des montagnes et des collines, Toni Erdmann, La tortue rouge, Loving, Ma vie de courgette etc...)

Mais s'il fallait aussi garder un thème, ce serait celui du temps. Les 8 jours de Paterson. L'après midi de Sierranevada. La journée de Juste la fin du monde. La nuit blanche de Ma'Rosa. La semaine d'Aquarius. Et aussi les manipulations du temps: les décennies de Julieta, les vacances de Ma Loute, la semaine à Bucarest de Toni Erdmann, la virée sans fin de American Honey, le combat sans fin, sur dix ans et quelques de Loving, les jours qui passent dans La fille inconnue, le compte-à-rebours de quelques jours de Baccalauréat, les années qui roulent de Mal de Pierres. Le temps se tord, se distord, mais la durée fut soit courte soit très longue. Soit très bien définie, soit assez floue. C'est un prétexte au récit où le temps sert de cadre strict ou accompagne une vie.

Cannes c'était finalement 12 jours pile-poil et quelques films qui marquent nos esprits.

Un film sur cinq est réalisé par une femme en Europe

Posté par vincy, le 27 avril 2016

nicole garciaL'European Women's Audiovisual Network a diffusé aujourd'hui son "Rapport sur l'égalité des genres au sein de l'industrie cinématographique européenne". Une étude qui s'étale des années 2006 à 2013. "Il rassemble les résultats de diverses recherches comparatives effectuées dans sept pays en Europe : l’Autriche, l’Allemagne, la Croatie, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède. Cette étude répond à la préoccupation grandissante, partout dans le monde, à l’égard de la marginalisation des femmes réalisatrices dans notre culture cinématographique" explique le rapport. Et à sa lecture on constate qu'il n'y a pas que Hollywood qui est sexiste.

21% des films dans les 7 pays étudiés est réalisé par une femme. Seulement. La grande majorité des financements (84%) est destinée aux films réalisés par des hommes, un manque de financement qui "entretient la pénurie de films réalisés par des femmes qui, à son tour, amoindrit la volonté du marché d'investir dans ces films, engendrant un cercle vicieux", analyse le rapport. Il y a également un très grand écart entre la proportion de réalisatrices diplômées des écoles de cinéma (44%) et la proportion globale de réalisatrices dans l'industrie cinématographique (24%).

Ça va un peu mieux en France

Côté français, 30 % des femmes et 37 % des hommes sondés estiment qu’il existe effectivement des inégalités hommes-femmes : l’un des résultats les plus bas des sept pays de l’étude. Ces chiffres semblent être révélateurs d’une méconnaissance, voire d’un déni à l’égard des discriminations liées au genre. Bien qu’aucune donnée chiffrée sur les réalisateurs ne soit disponible, les études existantes font état d’une augmentation de la part de femmes réalisatrices de 20 % à 28,6 % sur la période 2009-2012. Plus précisément, durant la période 2006-2013, la France a connu une augmentation de la part de films de fictions réalisés par des femmes : sur une base annuelle, elle passe de 15 à 27 %, quand celle des documentaires réalisés par des femmes passe de 19 % à 24 %. Sur la période, les films réalisés par les femmes ont atteint une seule fois 20 % du box office, en 2009.

Le regard d'une femme pour changer le regard sur les femmes

Selon la moyenne européenne des sept pays étudiés, 90 % des sondés s’accorderaient pour dire que davantage de films réalisés par des femmes auraient un impact direct sur la représentation des femmes à l’écran. 85 % pensent que cela aurait un impact positif sur le statut des femmes dans notre société, et 84 % que cela modifierait les comportements, notamment vis-à-vis de la sexualité.

Une simple affaire de quotas?

Autre enseignement: La mesure à laquelle les sondés sont le plus favorables pour soutenir les carrières des réalisatrices, tous pays confondus, serait d’encourager une plus grande parité au sein des commissions (92%), suivie de près par des mesures favorisant une plus grande parité au sein des comités en charge d’élaborer les politiques en la matière, ainsi que l’instauration d’études obligatoires sur les questions de parité (88 %). Notons que la France est le pays qui témoigne le moins de soutien pour les mesures dites « ciblées », notamment celles relatives au financement ou aux quotas. En moyenne, 70 % des sondés ont approuvé l’idée de mettre en place des quotas pour atteindre les objectifs de parité mais ce soutien ne rassemble que 58 % des sondés en France contre 83 % au Royaume-Uni.

Edito: Mirage d’égalité avec fanfare

Posté par redaction, le 24 mars 2016

L'égalité homme-femme n'est toujours pas pour demain. Même dans un sport comme le tennis, pourtant assez exemplaire sur le sujet, l'égalité salariale entre joueurs et joueuses n'est pas acquise puisque le patron d'un grand tournoi a remis en cause cet équilibre sous prétexte que seul le tennis masculin remplirait les stades (ce qui est faux). Dans le cinéma, le débat se situe non seulement au niveau des salaires (on l'a vu avec la polémique lancée par Jennifer Lawrence l'automne dernier). Mais cela va plus loin: l'industrie est sexiste (comme l'a constaté l'étude de l'Université de San Diego) et a du mal à confier la réalisation d'un film à une femme dès qu'il y a un enjeu économique important, voire à valider des projets où seules des actrices seraient en tête d'affiche (lire notre édito du 14 janvier).

Toute la question est désormais de savoir quelle politique adopter. Certains misent toujours sur le fait que les choix ne peuvent se faire que sur la base du talent. Encore faut-il donner une chance à ce "talent" d'exister. D'autres prônent une politique plus pro-active, de type discrimination positive. Pour atteindre l'égalité, il faudrait déjà arriver à une forme de parité. En amont déjà, dans les écoles et dans les sociétés de production. La discrimination positive a ceci de contrariant qu'elle déstabilise même la notion d'égalité. On choisirait une mauvaise réalisatrice plutôt qu'un bon réalisateur? Mais à l'inverse, pourquoi une réalisatrice ne ferait pas mieux qu'un réalisateur avec un projet identique?

Il est alors intéressant d'observer avec attention les récentes initiatives sur le sujet. Depuis l'an dernier le Festival de Cannes a lancé avec le mécénat de Kering le programme Women in Motion, composé de tables rondes et conférences autour de la place et de la contribution de la femme dans l'industrie du cinéma, en vue de faire évoluer la profession vers une meilleure représentativité. Cette année, Women in Motion lancera aussi son prix le 15 mai.

Il y a trois semaines, a été annoncé le lancement de We Do It Together, société de production à but non lucratif créée par un collectif de stars: Juliette Binoche, Jessica Chastain, Queen Latifah, Ziyi Zhang, Catherine Hardwicke, Marielle Heller, Freida Pinto et Amma Assante. La société de production veut combattre les rôles clichés, sexistes et autres stéréotypes en finançant des projets participant à l'émancipation des femmes: films séries, documentaires. L'argent qui sera gagné sera réinvesti. We Do It Together débutera avec un projets de six courts métrages.

Enfin, l'Office national du film du Canada s'est engagé à investir 50% de son budget de production dans des films réalisés par des femmes.

Comme on le voit, du côté des minorités comme des femmes, les polémiques conduisent les professionnels à ne plus attendre que le cours de l'histoire change les choses. Le pieds sur l'accélérateur, les femmes, mais aussi les minorités ethniques ou sexuelles, ont décidé de ne plus attendre que les "décideurs" fassent évoluer leur mentalité ou leurs préjugés. Les choses bougent, ensemble.

10 femmes du cinéma français à ne pas manquer

Posté par kristofy, le 8 mars 2016

L’année cinéma 2015 s’est en fait terminée durant ce mois de février avec la traditionnelle cérémonie des César. On notera d’ailleurs l’absence de certaines des actrices qui ont le plus tourné de films comme Anais Demoustier (Caprice, A trois on y va, Marguerite & Julien), Léa Seydoux (Journal d’une femme de chambre, et à l’international The Lobster et James Bond 007 Spectre) ou comme Virginie Elfira (Caprice, Une famille à louer, Le goût des merveilles).

Le 8 mars est la date de la Journée internationale des droits des femmes, avec des questions encore et toujours d’actualité à propos de la parité en politique ou de l’égalité des salaires en France, ou ailleurs du droit de vote ou de celui de disposer de son corps…

En cette date symbolique, on va évoquer des femmes qui font rayonner les films français. Pas les plus célèbres comme les actrices citées plus haut ou les stars inamovibles mais d’autres qui, elles aussi, n’ont pas reçu de César ni d’autres trophées pour leur travail. Voici une dizaine de femmes dont les noms souvent ne figurent pas sur le haut des affiches. Chacune de leur côté, elles seront celles qui feront que les films à venir en 2016 et en 2017 nous intéresseront grâce à leur participation devant ou derrière la caméra...

Stéfi Celma : En 2013 elle était le premier rôle féminin de Pas très normales activités en 2013 avec Maurice Barthélémy et Norman, comédie passée inaperçue en faisant en flop ; mais bingo en 2014 on la remarque dans le succès Les Profs porté par Kev Adams. 2015 a été l’année où enfin Stéfi Celma s’impose : elle est allumeuse dans la suite Les Profs 2 soit l’un des plus gros succès de l’année, elle est également une flic allumée dans Antigang, mais c'est avec son rôle dans la série télé Dix pour cent qu'elle se révèle brillante et irrésistible.

Lucie Debay : Malgré un premier rôle dans un film belge en 2009, le cinéma tarde à l’appeler et elle est davantage sur scène au théâtre. Ça va changer. Dans Melody elle va ‘louer’ son ventre pour devenir mère porteuse, des émotions à fleur de peau qui la conduise dans les listées pour un César du meilleur espoir 2016, sans être retenue dans la liste finale. Les belges - plus clairvoyants? - ne se sont pas trompé en lui décernant le Magritte du meilleur espoir féminin il y a quelques semaines. Dans Un français, on la découvre très différente en pasionaria raciste et homophobe. Aucun doute qu’on devrait la revoir régulièrement à l’avenir. Elle sera dans I want to be like you de Konstantin Bojanov (Avé à Cannes en 2011), dans Kebab Royal de Peter Brosens et Jessica Woodworth (La cinquième saison à Venise en 2012), et dans le prochain Nicolas Boukhrief, La Confession (avec Romain Duris et Marine Vacth).

Lou Roy-Lecollinet : Avec ses 18 ans et sa bouche en cœur elle a séduit Arnaud Desplechin qui en a fait sa dernière héroïne dans Trois souvenirs de ma jeunesse. Par ricochet l’académie des César lui a décerné une nomination pour le César du meilleur espoir féminin. Sa moue à la Bardot et son insolence devraient l'emmener vers d'autres horizons. Déjà se profile le court-métrage très prometteur La Tortue de Thomas Blumenthal et Roman Dopouridis…

Éponine Momenceau, directrice de la photographie : Elle était sortie de la Fémis diplômée du département Image comme chef-opératrice, mais elle préfère d’abord expérimenter vers l’art contemporain avec différents travaux photos pour des expositions, et quelques courts-métrages et même clips musicaux (réalisés par Mathieu Demy)… Jacques Audiard a fait appel à elle comme directrice de la photographie sur Dheepan : elle a 29 ans, et la Palme d’or du festival de Cannes braque les projecteurs sur elle.

Ovidie, réalisatrice : Celle qui était apparue d'abord comme un corps d’actrice X est devenue réalisatrice (elle écrit aussi des livres et des chroniques) pour défendre une représentation d’une sexualité plus féministe. En 2015 deux de ses films ont rencontré une large audience en étant diffusé à la télévision : Le Baiser a secoué la programmation du samedi soir porno sur Canal+ avec pour la première fois une scène avec deux hommes bisexuels ensemble, et le documentaire À quoi rêvent les jeunes filles ? sur France2 qui interroge sur une banalisation des codes du porno dans la publicité, les magazines féminins, les réseaux sociaux et leur influence sur la génération née en 90… Au passage, elle est craquante dans Saint-Amour, enrôlée par Delépine et Kervern pour un second-rôle qui l'éloigne un peu plus de son image sulfureuse.

Jeanne Rosa : Aussi étonnante que drôle dans le film Les Châteaux de sable de Olivier Jahan que paumée et dure dans Un français de Diastème, Jeanne Rosa s’impose dans des seconds-rôles comme l’actrice multi-facettes qu’elle est : on se demande vraiment comment le cinéma français ne l’a pas détournée plus tôt du théâtre. D’ailleurs Diastème (qui la dirige depuis plusieurs années aussi sur scène) va encore la faire jouer dans son prochain film Pimpette

Diane Rouxel : Premier long-métrage avec The Smell of Us de Larry Clark: le tournage se passe mal mais elle passe plutôt bien à l’image; elle se retrouve jeune fille troublée dans Fou d'amour de Philippe Ramos (face à Melvil Poupaud) et jeune fille troublante dans La Tête haute de Emmanuelle Bercot en ouverture de Cannes. C’est d’ailleurs La Tête haute qui lui vaudra une nomination pour un César du Meilleur espoir féminin, peut-être un peu prématuré (éclipsant Lucie Debay, Sarah Suco, Sophie Verbeeck…). Mais qu’importe puisque elle est bel et bien un espoir autant qu'un visage marquant. Elle sera au générique de Moka de Frédéric Mermoud (avec Nathalie Baye et Emmanuelle Devos) et des Garçons sauvages de Bertrand Mandico.

Noémie Saglio, co-scénariste et co-réalisatrice : Il paraît que personne ne s’intéresse aux scénaristes (ni à leurs noms et encore moins à leur rémunération…), mais Noémie Saglio est derrière les scénarios de deux films sortis à quelques mois d’intervalles en 2015. En janvier c’était Toute première fois (le pitch : Pio Marmai homo a prévu de se marier avec son amoureux mais avant il va coucher avec une femme…), un peu facile et très hétéro-normé (un comble) et en avril la délirante Connasse, princesse des cœurs, déclinaison ciné des sktechs de la télé (le pitch : Camille Cottin arrive à Londres pour draguer un prince, en caméra cachée). Noémie Saglio a d’ailleurs co-réalisé les deux films, et le dernier a été un gros succès en dépassant la barre du million de spectateur : elle sait capter quelque chose de l’air du temps pour remplir les salles de cinéma, avec en modèle ces adulescents de la génération X et Y.

Sarah Suco : On la remarque dans trois films importants en 2015 : L’enquête (avec Gilles Lellouche), un petit rôle dans La Belle saison (avec Cécile de France), mais surtout épatante dans Discount (avec Corinne Masiero). Avant ça, elle a participé à d’autres films réalisés par Xavier Gianolli, Eric Besnard, Josiane Balasko… Sarah Suco se transforme aussi bien en maman malheureuse dans Discount de Louis-Julien Petit (qui d’ailleurs va la faire jouer dans son prochain film avec Isabelle Adjani) qu’en bonne copine rigolote dans Joséphine s’arrondit, en ce moment dans les salles. C’est l’actrice qui monte. Elle était aussi dans la liste des révélations en lice pour un César du meilleur espoir féminin.

Alice Winocour, réalisatrice et scénariste : Cannes est l’endroit où elle présente ses films : son premier court-métrage Kitchen, son premier long-métrage Augustine (avec Vincent Lindon) et ensuite en 2015 Maryland avec Diane Kruger et Matthias Schoenaerts, présenté à Un certain regard. Comme réalisatrice à chaque fois la reconnaissance critique est là, mais le public moins… Pourtant, c'est aussi à Cannes l'an dernier qu'elle a été la co-vedette d'un autre film qui a fait beaucoup parlé de lui (et qui a rencontré son public): Mustang de Deniz Gamze Ergüven. Elles ont co-écrit le scénario du film-phénomène, nommé pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère et quatre fois césarisé (dont meilleur premier film).

Edito: Nos coeurs en hiver

Posté par redaction, le 28 janvier 2016

On est au coeur de l'hiver. Les sorties en salles cette semaine pourront vous réchauffer un peu. Dans un cottage anglais, un ranch américain, sur un bateau en route pour le Pôle Nord, dans des paysages luxuriants thaïlandais, au milieu des maisons en briques rouges de Boston ou dans un paisible quartier de Tokyo. Avec un couple qui aime les Platters, une mère courage, des jeunes intrépides, des journalistes qui ont la foi, ou une vieille femme qui vous cuisinera des gâteaux succulents à base d'haricots rouges confits. Vous avez le choix.

Car si les César se concentrent sur quelques films tant le système semble verrouillé, même si on se félicité de la présence de femmes et de minorités dans les nominations, si les Oscars sont dans la tempête à cause d'un panel trop uniformisé qui exclut les femmes et les minorités, le cinéma continue à offrir le choix aux cinéphiles grâce à sa diversité. Mais qu'on se comprenne bien. Puisque janvier n'est pas terminé, c'est le temps de faire encore de bonnes résolutions, à défaut de vouloir faire la révolution. Pour que cette variété si chère aux spectateurs puisse exister, pour que l'égalité si souhaitée par les professionnels puisse se concrétiser, il va bien falloir changer quelques règles, et surtout les mentalités.

Briser le plafond de verre

Ce ne sont pas quelques breloques dorées qui sont en cause. Un film ou un acteur ne doit pas être jugé en fonction de son sexe, de sa sexualité, de son origine ethnique ou même de ses moyens financiers ou des épreuves physiques qu'a subit son film. C'est en amont que se situe le problème. C'est un problème d'offre et pas de demande. Il est nécessaire de faire émerger des talents et de leur donner la visibilité qu'ils méritent. Femmes ou hommes, blancs ou noirs, peu importe tant que le sexe, ses goûts amoureux ou la couleur de peau n'est pas un obstacle "invisible" et "inconscient" pour un producteur, un studio, un financier. Aux Etats-Unis, il semble impossible pour une réalisatrice de prendre les commandes d'un blockbuster. Evoquer un James Bond noir semble encore tabou. En France, un film comme Made in France, récit ancré dans la réalité de jeunes de banlieue tentés par le djihadisme, dès cette semaine en vidéo à la demande, se voit finalement refuser l'accès aux salles.

A trop "censurer" économiquement ou médiatiquement ces voix différentes, ces tons nouveaux, ces sujets contemporains, le risque est que le 7e art se coupe d'une réalité, ou pire, soit gagné par une forme d'uniformité. Ce qu'on demande au cinéma c'est de la haute couture artisanale et quelques basics casuals mondialisés, pas du prêt à porter made in China.

Hollywood toujours aussi sexiste

Posté par vincy, le 16 janvier 2016

On reviendra sur le fait que les Oscars cette année ont été consciemment ou pas homophobes (Tangerine et Carol en ont souffert) et ont de nouveau créé la polémique avec des nominations trop "blanches", rejetant une fois de plus les réalisateurs et comédiens afro-américains dans l'oubli. Mais ils ont aussi été misogynes. Deux femmes scénaristes sur dix nominations, quelques réalisatrices (une en documentaire, une dans la catégorie film en langue étrangère, un petit tiers des nominations dans les courts métrages), une en chanson, et dans les catégories techniques à peine un quart des citations. Ceci dit, pas de quoi s'étonner. Les statistiques du Centre d'étude sur la place des femmes à la Télévision et dans le Cinéma de l'Université de San Diego, révélées cette semaine, montrent que Hollywood est toujours aussi sexiste.

Deux films du Top 30 réalisés par une femme

Il y a bien quelques arbres qui cachent la forêt: Elizabeth Banks avec Pitch Perfect 2, 184M$, et Sam Taylor-Wood avec Cinquante nuances de Grey (166M$) qui ont réussi à se placer dans le Top 30 de l'année. Mais ça ne fait bien que deux sur trente. Et on pourrait ajouter Nancy Myers avec Le nouveau stagiaire. Pas vraiment la parité.

L'étude annuelle démontre que la femme n'est vraiment pas à sa place dans l'industrie aux Etats-Unis. Sur les 250 plus grosses recettes de l'année, seuls 9% des films étaient réalisés par des femmes. C'est un peu mieux que l'an dernier, mais cela reste assez constant depuis que cette enquête a été créée en 1998. Rien ne change finalement en 17 ans. En 2000, année record du nombre de réalisatrices dans le Top 250 du Bo office, on atteignait péniblement les 11%.

On connaissait le problème de l'inégalité salariale, pointée du doigt par de nombreuses actrices ces derniers mois. Mais le problème est bien plus profond. Comme nous l'a expliqué la scénariste Phyllis Nagy (Carol), les femmes ne sont pas dignes de confiance pour un producteur. Combien de réalisatrices ont du s'orienter vers la télévision pour continuer leur métier? Combien de films n'ont pas pu se faire parce qu'une femme était aux commandes? Combien de temps Kathryn Bigelow sera-t-elle la seule femme oscarisée dans la catégorie meilleur réalisateur (sachant que seules trois autres réalisatrices ont été nommées dans l'histoire de la cérémonie)?

Une femme réalisatrice et c'est tous les postes de la production qui se féminisent

L'étude universitaire annonce quand même la couleur: 11% des scénaristes, 20% des producteurs exécutifs, 26% des producteurs, 22% des monteurs, 6% des chef opérateurs sont des femmes. Cela progresse mais lentement. Et elles restent minoritaires. Il y a quand même des nuances à apporter. 36% des documentaires et 34% des comédies sont réalisés par des femmes (en revanche elle ne sont que 9% à faire des films d'action et 11% des films d'horreur). De plus, lorsqu'une femme est aux manettes (production ou réalisation), les équipes se féminisent. Le pourcentage de scénaristes femmes montent à 53%, celui des monteuses à 32% et celui des chef opératrices à 12% quand le film est réalisé par une femme.

10 rôles principaux féminins dans les 28 plus gros hits de l'année

En 2015, pourtant, sur les 28 films qui ont rapporté 100M$, les femmes tenaient les rôles principaux dans dix films et partageaient le haut de l'affiche dans sept autres. De Vice-Versa à Hunger Games, de Divergente à Pitch Perfect, de Spy à Cendrillon, l'histoire ne tiendrait pas sans elles. De même, James Bond, Ethan Hunt, les Avengers, Star Wars, Mad Max et même les Minions ont tous besoin d'une femme, à défaut d'être l'égale du héros parfois, pour exister. Ces films offrent un rôle clef (la méchante, la leader, ou même la fauteuse de troubles), qui, souvent, vole la vedette aux hommes

Mais on a beau factualiser, chiffrer le fait qu'un film réalisé par une femme n'est pas moins rentable que s'il était réalisé par un homme, Hollywood reste entre mâles. Les mentalités n'évoluent pas. Et le constat est hélas le même dans le reste du monde.