Festival Lumière – Jour 1: Ted Kotcheff et Faye Dunaway in the Town

Posté par Morgane, le 14 octobre 2014

Le Festival Lumière à Lyon a fait claquer son clap d'ouverture! Et pour cette 6ème édition, les festivaliers ont eu droit à des séances supplémentaires avant même l'ouverture officielle du lundi soir… Pour ma part ça a été Wake in frightde Ted Kotcheff (surtout connu pour son opus Rambo) à qui le festival rend hommage cette année.

Un film sauvé de la destruction
Le réalisateur canadien était présent pour nous dire quelques mots avant la projection. On apprend alors que le film a été apprécié par la critique lors de sa sortie mais boudé par le public australien qui n'aimait pas du tout le portrait que Ted Krotcheff dressait d'eux (qui est en effet assez peu reluisant). Et le réalisateur d'enchaîner: "Savez-vous pourquoi j'aime les Français? Quand le film a été présenté à Cannes en 1971, il a eu les honneurs de la critique mais aussi l'amour du public!". En effet le film est resté 9 mois dans les salles parisiennes puis a disparu littéralement pendant 25 ans! En 1996, un producteur australien s'est demandé ce qu'il était advenu et est parti à sa recherche, mais en vain. Puis le monteur du film (qui adorait Wake in fright) s'est lancé lui-même à sa recherche durant 13 ans. Londres, Dublin, New York pour finalement retrouver négatifs, bandes-sons etc. à Pittsburgh, dans une boîte sur laquelle il était inscrit "for destruction". "À une semaine près le film était détruit" nous dit Ted Krotcheff, amusé…

Mais heureusement que ce ne fut pas le cas: ce film quelque peu inclassable est une très belle découverte, qui nous plonge de suite dans une atmosphère bien particulière. La scène d'ouverture, un panorama sur un hôtel miteux et une école perdus au milieu du désert australien, scindé en deux par une voie de chemin de fer. L'ambiance est posée en quelques minutes seulement. L'immensité est omniprésente et pourtant, d'entrée de jeu, on étouffe. La scène de fin, la même que celle d'ouverture, métaphore de cet endroit d'où l'on ne peut s'échapper, accentue ce sentiment oppressant. Le soleil écrasant, la sueur qui perle sur les visages, tout semble poisseux, collant.

Une plaque Ted Kotcheff sur le mur des cinéastes
John Grant, jeune instituteur, doit rentrer à Sidney pour retrouver sa petite amie lors des vacances de Noël. Mais en route il se retrouve en quelque sorte bloqué à Yabba, ville étrangement étrange où tout le monde est très - trop - accueillant et qui se révèlera finalement être une ville cauchemar pour John. Ville qui va le plonger dans la douce folie de ses habitants l'entraînant peu à peu dans une véritable descente aux enfers durant laquelle il va perdre contact avec la réalité.

Ted Kotcheff donne à son film un rythme déconcertant pour le spectateur alternant des scènes qui semblent n'en plus finir au point de nous enivrer, suivies d'un retour au calme qui fait suite à la tempête, pour que celle-ci reprenne ensuite le dessus de plus belle. Le spectateur est baladé, ballotté tout comme le héros qui a bien du mal à reprendre son souffle.

Donald Pleasance y est superbe en docteur mi-sage mi-fou, parfois bouée de sauvetage mais doux dingue avant tout. Ce film est surtout surprenant et donne le "la" au festival. À l'issue de la projection, Ted Kotcheff s'est rendu rue du Premier Film pour inaugurer sa plaque sur le Mur des Cinéastes.

4000 personnes à l'ouverture
L'ouverture officielle du Festival Lumière à la Halle Tony Garnier s'est déroulée devant plus de 4000 personnes. Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier présidaient la cérémonie durant laquelle on a pu apercevoir Nicole Garcia, Michel Legrand, Pierre Richard, Jerry Schatzberg, Jean-Hughes Anglade, Richard Anconina, Michael Cimino, Laetitia Casta, Tonie Marshall et quelques autres ainsi que Gérard Collomb (maire de Lyon) et Jean-Jack Queyranne (président du conseil régional de Rhône-Alpes).

Et pour ouvrir cette 6ème édition allait être projeté le classique d'Arthur Penn, Bonnie and Clyde (1967, 10 nominations aux Oscars), en présence d'une Faye Dunaway émue aux larmes. "Voici quelques mots pour décrire notre art: excellence, intelligence, intuition et surtout beauté, juste la beauté. Car si c'est beau c'est forcément de l'art. C'est pour cela qu'on travaille, qu'on espère, pour chaque film, chaque personnage. Et sans vous tous, je ne serai pas la même Faye Dunaway."

Un scénario destiné à Truffaut puis Godard
Bertrand Tavernier a ensuite dit quelques mots sur le film. On a ainsi appris que Faye Dunaway est arrivée sur le film de Bonnie and Clyde un peu par hasard, par un concours de circonstances. Curtis Hanson a fait des photos d'elle et celles-ci ont intrigué Arthur Penn et Warren Beatty. C'est donc un peu grâce à lui que Faye Dunaway est devenue Bonnie Parker.

Le scénario, lui, avait été écrit en premier lieu pour François Truffaut puis pour Jean-Luc Godard. Il a ensuite été refusé par plusieurs réalisateurs - dont Arthur Penn d'ailleurs car il ne voulait pas que Clyde Barrow soit bisexuel. Warren Beatty a insisté et Arthur Penn a finalement accepté en faisant quelques modifications et en transformant notamment Clyde Barrow en bisexuel impuissant. Peu de gens croyaient au film finalement, alors que ce fut un énorme succès dû, dit-on, à son côté anti-establishment.

Ce film a aussi pris beaucoup de libertés par rapport à la véritable histoire de Bonnie et Clyde qui n'étaient apparemment pas aussi magnifiques et romantiques. Et Tavernier de citer alors pour l'occasion: "Quand la légende devient plus intéressante que la réalité, imprimons la légende."

Les lumières s'éteignent, la légende s'illumine et la magie peut opérer…

Locarno 2013, entre les géants d’hier et les talents de demain

Posté par vincy, le 17 juillet 2013

locarno 2013La 66e édition du Festival de Locarno, la première du directeur artistique Carlo Chatrian, n'a plus de secret. Ou presque : il reste à découvrir les films sélectionnés. Côté cinéma français, trois films sont en compétition (Tonnerre de Guillaume Brac, Gare du Nord de Claire Simon, Une autre vie d’Emmanuel Mouret), trois autres concourent dans la sélection Cinéastes du présent (Le sens de l’humour de la comédienne Maryline Canto, Mouton de Gilles Deroo et Marianne Pistone, The Ugly One d’Eric Baudelaire), et le dernier Donzelli sera présenté hors compétition.

De Cukor à Herzog, de la divine Bisset au légendaire Lee, les hommages donneront une tonalité atemporelle et multi-genres à une sélection exigeante, composée de peu de grands noms (on note quand même Kurosawa, Delbono, Hong Sang-soo...).

Chatrian explique sa démarche ainsi : "Locarno est, pour moi, un festival de frontière. Un festival qui essaie de réfléchir à ce qui existe aux confins du spectre du cinéma, aux extrémités du plan pour saisir cette part de hors-champ qui polarise la scène. Aujourd’hui, le sens de cette idée d’avant-garde est légèrement dévoyé : il ne s’agit plus d’être présent avant les autres, mais plutôt d’avoir la volonté et la possibilité de donner de l’espace et du relief à des films, des réalisateurs, des productions que l’on néglige ou que l’on ne prend pas suffisamment en compte."

Festival en recherche, avec des films qui démangent, refus du pur spectacle, ... il assume : "Fidèles à la tradition du Festival et à notre désir de franchir les barrières, nous avons cherché à faire dialoguer le cinéma du passé et celui du présent, le cinéma indépendant et les productions mainstream, le documentaire et la fiction, l’essai et le fi lm expérimental. L’unique impératif que nous nous sommes fixés a été de travailler dans la diversité, de la pousser à l’extrême jusqu’à faire émerger un discours contradictoire."

LES JURYS

Le Jury du Concorso internazionale
Président : Lav Diaz, réalisateur (Philippines) ; Matthias Brunner, expert de cinéma (Suisse) ; Juan de Dios Larraín, producteur (Chili) ; Valérie Donzelli, réalisatrice, actrice (France) ; Yorgos Lanthimos, réalisateur, producteur (Grèce)

Le Jury du Concorso Cineasti del presente
Président : Hartmut Bitomsky, réalisateur, producteur (Allemagne) ; Tine Fischer, directrice de festival (Danemark) ;
Daniele Gaglianone, réalisateur (Italie) ; Peaches, musicienne, réalisatrice (Canada) ; Nicolás Pereda, réalisateur (Mexique)

Le Jury des Pardi di domani
Président : Adriano Aprà, réalisateur, critique de cinéma (Italie) ; Marta Andreu, productrice (Espagne) ; Emir Baigazin, réalisateur (Kazakhstan) ; Grégoire Colin, acteur, réalisateur (France) ; Basil Da Cunha, réalisateur (Suisse)

Le Jury de l’Opera prima - Première oeuvre
Luciano Barisone, critique de cinéma, directeur de festival (Italie/Suisse) ; Scott Foundas, critique de cinéma (États-Unis) ; Shelly Kraicer, critique de cinéma (Canada)

Honneurs et Hommages
- Werner Herzog : Pardo d’onore Swisscom, accompagné d'une conversation publique et d'une rétrospective de 15 films
- Otar Iosseliani : Pardo alla carriera, accompagné d'une rétrospective de 6 films
- Sergio Castellito : Pardo alla carriera, accompagné d'une rétrospective de 5 films
- Jacqueline Bisset : Lifetime Achievement Award - Parmigiani, accompagné d'une discussion publique
- Christopher Lee : Excellence Award Moët & Chandon ; il succède à Oleg Menchikov, Susan Sarandon, John Malkovich, Willem Dafoe, Michel Piccoli, Carmen Maura, Toni Servillo, Chiara Mastroianni, Isabelle Huppert et, en 2012, Charlotte Rampling et Gael García Bernal
- Margaret Ménégoz : Premio Raimondo Rezzonico du meilleur producteur indépendant
- Faye Dunaway : Leopard Club Award
- Douglas Trumbull : Vision Award - Electronic Studio
- Hommages à Anna Karina et Paulo Rocha
- Rétrospective annuelle : George Cukor

LES FILMS

Piazza Grande

2 Guns de Baltasar Kormákur (Etats-Unis)
About Times de Richard Curtis (Royaume-Uni)
Blue Ruin de Jeremy Saulnier (Etats-Unis)
Fitzcarraldo de Werner Herzog (Allemagne)
Gabrielle de Louise Archambault (Canada)
Gloria de Sebastián Lelio (Chili)
The Keeper of Lost Causes de Mikkel Nørgaard (Allemagne/Danemark/Suède)
The Human Factor de Bruno Oliviero (Italie)
L’expérience Blocher de Jean-Stéphane Bron (Suisse/France)
Les grandes ondes (à l’ouest) de Lionel Baier (Suisse)
Mr. Morgan’s Last Love de Sandra Nettelbeck (Allemagne/Belgique)
Riche et célèbre de George Cukor (Etats-Unis)
Sur le chemin de l’école de Pascal Plisson (France)
Vijay and I de Sam Garbarski (Belgique)
Les Miller, une famille en herbe de Rawson Marshall Thurber (Etats-Unis)
Wrong Cops de Quentin Dupieux (Etats-Unis)

Compétition internationale

What Now? Remind Me de Joaquim Pint (Portugal)
Sentimental Education de Júlio Bressane (Brésil)
El mudo de Daniel and Diego Vega (Pérou)
Exhibition de Joanna Hogg (Royaume-Uni)
Feuchtgebiete de David Wnendt (Allemagne)
Gare du Nord de Claire Simon (France/Canada)
Historia de la meva mort d’Albert Serra (Espagne/France)
L’étrange couleur des larmes de ton corps de Hélène Cattet et Bruno Forzani (Belgique)
Mary, Queen of Scots de Thomas Imbach (Suisse/France)
Pays barbare d’Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi (France)
Real de Kiyoshi Kurosawa (Japon)
Sangue de Pippo Delbono (Italie)
Short Term 12 de Destin Cretton (Etats-Unis)
A Time in Quchi de Tso chi Chang (Taiwan)
Tableau noir d’Yves Yersin (Suisse)
Backwater de Shinji Aoyama (Japon)
Tonnerre de Guillaume Brac (France)
Our Sunhi de Hong Sang-soo
Une autre vie d’Emmanuel Mouret (France)
When Evening Falls on Bucharest or Metabolism de Corneliu Porumboiu (Roumanie)

Cinéastes du présent

Chameleon d’Elvin Adigozel et Ru Hasanov (Azerbaïjan/France/Russie)
Costa da amore de Lois Patiño (Espagne)
Forty Years From Yesterday de Robert Machoian et Rodrigo Ojeda-Beck (Etats-Unis)
L’harmonie de Blaise Harrison (France/Suisse)
Le sens de l’humour de Marilyne Canto (France)
The Amazing Cat Fish de Claudia Sainte-Luce (Mexique)
Manakamana de Stephanie Spray et Pacho Velez (Népal)
Mouton de Gilles Deroo et Marianne Pistone (France)
Roxanne de Valentin Hotea (Roumanie/Hongrie)
By the River de Nontawat Numbenchapol (Thaïlande)
The Dirties de Matt Johnson (Canada/Etats-Unis)
The Special Need de Carlo Zoratti (Allemagne/Italie)
The Stone de Cho Se-rae (Corée du sud)
The Ugly One d’Eric Baudelaire (France/Liban/Japon)
The Unity of All Things d’Alex Carver et Daniel Schmidt (Etats-Unis)
Distant de Zhengfan Yang (Chine)

Hors compétition (longs métrages)

Géographie humaine de Claire Simon (France)
Héritage de David Induni (Suisse)
The Passion of Erto de Penelope Bortoluzzi (France/Italie)
Que d’amour de Valérie Donzelli ?(France)
If I Were a Thief… I’d Steal de Paulo Rocha (Portugal)

Hors compétition : Focus Syrie

Blackstone de Nidal Al-Dibs
True Stories of Love, Life, Death and Sometimes Revolution de Nidal Hassan
Light Horizon de Randa Maddah
Untold Stories de Hisham al-Zouki
Ecume de Reem Ali

Jeonju Digital Project

Over There de Zhang Lu (Corée du Sud)
Someone’s Wife in the Boat of Someone’s Husband d’Edwin (Corée du Sud/Indonésie)
Strangers When We Meet de Masahiro Kobayashi (Corée du Sud)

Ken Russell (1927-2011) dans les nuages de la gloire

Posté par vincy, le 28 novembre 2011

Controversé, enfant terrible, diabolique, obsédé par le sexe, l'église et la musique : Ken Russell, cinéaste culte, est décédé dimanche 27 novembre à l'âge de 84 ans.

Il marque le 7e art avec son mix détonnant de polémique, de sexualité, de rock dans des univers baroques qui ont longtemps contribué à une image du cinéma britannique "moderne".

Parmi les films qui ont marqué sa carrière, on retiendra évidemment Women in Love, d'après le roman de D.H. Lawrence, en 1969. Oliver Reed, Alan Bates et Glenda Jackson sont au coeur d'une guerre des sexes dans l'élite britannique des années 20. Russell est nommé à l'Oscar du meilleur réalisateur tandis que Jackson obtient celui de la meilleure actrice. Ce sera la première fois qu'une comédienne emporte la statuette alors qu'elle y a une scène de nu. Une autre scène de lutte nue entre les deux hommes avait fait scandale. Russell avait flairé l'air du temps : la révolution sexuelle, l'apolitisme, la liberté artistique...

Avant ce film, il avait surtout travaillé pour la télévision, notamment en réalisant de nombreux documentaires (Antonio Gaudi, Isadora Duncan, The Debussy Film...).  Son deuxième film, en 1967, était un thriller, Un cerveau d'un milliard de dollars, avec Michael Caine et Karl Maiden. Ce fut surtout le dernier film de Françoise Dorléac. Russell, contraint contractuellement, ne voulait pas tourner ce troisième épisode de la série des Harry Palmer. Sa première réalisation date de 1964 : French Dressing, une comédie librement inspirée de Et Dieu créa la femme, de Roger Vadim.

Sulfureux, s'épanchant sur toutes formes de sexualité, désinhibé, dingue, Russell, passé par la marine marchande, le ballet, la photographie et le cinéma muet, était surtout un amoureux de la musique. La symphonie pathétique (1970), avec Richard Chamberlain et Glenda Jackson, traite de l'homosexualité de Tchaïkovski. Les diables (1971), d'après un roman d'Aldous Huxley, avec Vanessa Redgrave et Oliver Reed, retrace l'histoire de nonnes françaises réprimées sexuellement. La censure américaine coupera de nombreuses scènes de sexualités entre les soeurs. Puis il adapte la comédie musicale The Boy Friend en 1971, avec Twiggy. Toujours passionné par les artistes, il s'attaque en 1972 au biopic du sculpteur Henri Gaudier-Brzeska dans Savage Messiah. Il enchaine avec un autre biopic,  Mahler, en 1974. Le film reçoit le Grand prix de la technique au Festival de Cannes. Il reviendra sur la Croisette avec un film à segments, Un sketch, en 1987, où le générique le fait coexister avec Robert Altman, Jean-Luc Godard et Bruce Beresford.

Ken Russell fera son grand film en 1975. Oliver Reed, Jack Nicholson, Elton John, Tina Turner, Eric Clapton participent à l'aventure de Tommy, d'après le rock opéra de The Who. Psychédélique, déjanté, hallucinant, le film est un énorme succès.

Il continuera à mélanger cinéma et musique - Lisztomania en 1975, Valentino en 1977, avec Rudolf Nureyev et Leslie Caron - mais il ne retrouvera jamais le succès de Tommy. Il essaya de réaliser une version d'Evita et un film sur Sarah Bernhardt, les deux avec Barbra Streisand, en vain. Il se tourna aussi vers la réalisation de clip vidéo comme ceux de Elton John (Nikita), Bryan Adams (Diana), Cliff Richard (She's so Beautiful).

Il s'essaie à l'horreur (Au-delà du réel, Le repaire du ver blanc, Gothic), au thriller passionnel (Les jours et les nuits de China Blue, Whore - son dernier film en 1991), ... Il revient à ses premières amours - sexe, biopic, décors flamboyants - avec Salome's Last dance, d'après Oscar Wilde en 1988, où il retrouve Glenda Jackson. L'esthétique est toujours magnifiée. Mais les budgets modestes, les scénarios inaboutis, une direction artistique parfois à la limite du kitsch et le changement d'époque le marginalisent.

Il revient alors au petit écran (il réalise un feuilleton autour de Lady Chatterley).

Depuis 20 ans il était devenu comédien de manière plus régulière : on le verra dans Invasion of the Not Quite Dead de Tony Lane. Il était à l'affiche cette année de Mr. Nice. Il fut révérend dans un épisode de la série Miss Marple. Fan de Kubrick, il joua meme dans le film Appelez-moi Kubrick, avec John Malkovich. Dans La Maison Russie, avec Sean Connery et Michelle Pfeiffer, il fit une apparition notable en agent britannique très ambivalent et gay.

Ces derniers mois, il écrivait avec Faye Dunaway le scénario du premier film de la comédienne. Master Class sera l'adaptation de la pièce de théâtre mettant en vedette le personnage de Maria Callas.

Cinéaste de l'outrance, de l'iconographie religieuse, des couleurs primaires, ce "Fellini du nord" tel qu'on le surnommait, aimait déranger autant que divertir.

Il avait rédigé son autobiographie en 1989, A British Picture: An Autobiography. Ses photos furent souvent exposées. Il continuait d'écrire dans The Times, dans la rubrique cinéma.

Cannes 2011 – l’affiche : Lignes de Faye

Posté par benoit, le 10 mai 2011

Les deux mains de la domestique posèrent le plateau du petit déjeuner. Un jus de fruit débarrassé de son sucre, un cocktail de pilules et de gélules dans une bonbonnière en cristal, une tasse avec soucoupe en porcelaine de France où fumait un café à l’arôme amer. Les pieds du plateau s’enfonçaient dans un jeté de lit en soie nué d’ivoire recouvrant une paire de jambes interminables, rompues à l’exercice de la course sur le tapis d’une machine qui trônait au sous-sol, tel un insecte d’acier, dans la salle de sport.

La soie s’arrêtait à la taille d’une finesse liposucée, enveloppée dans une veste de pyjama de satin blanc. Le tissu lâcha d’un coup son éclat à l’ouverture des stores. Le jour californien éclaboussa sans grâce le décolleté où deux seins gonflés, obus de silicone, se dressaient vers un visage sculpté par le botox. Ovale aux pommettes arrogantes entouré de longs cheveux fins d’un blond pâle. Si pâle qu’il se confondait avec la peau farouchement protégée des feux du soleil. L’épiderme diaphane semblait poudré de jour comme de nuit, prêt à toute heure pour réfléchir l’énergie de la lumière.

Des doigts ornés de faux ongles portèrent la tasse de café à la bouche aux muscles paralysés par les injections de toxine botulique. Puis les griffes peintes de nacre saisirent une enveloppe kraft déposée dès l’aube par un coursier. Les mains déchirèrent le pli, en sortirent l’ultime épreuve de l’affiche du 64e Cannes international Film Festival.

Faye Dunaway regarda le résultat avec dureté. Émis un soupir. Pourquoi Jerry a gommé mon corps sur ce cliché ? Putain de robe noire… Sinistre. Le noir du vêtement coulait comme de l’encre et remplissait toute l’affiche. À la fin du festival, j’aurai complètement disparu dans la nuit ! N’était-ce pas déjà le cas quand, chaque année, elle fendait la foule de la Croisette avec son Borsalino et ses verres fumés d’un bleu assorti à la Méditerranée ? Qui me regarde ? Qui me remarque encore à part une poignée de gays ? Les pédales et les actrices : même combat. Passé quarante ans, on dégringole les escaliers quatre à quatre !

Le noir, buvard étrange, absorbait toute son attention. Malgré toute la force et la rage de l’ambition de Faye, le noir s’employait depuis plus de vingt ans à gagner du terrain sur la lumière. Parce que j’ai balancé un pot d'urine à la gueule de Polanski sur le plateau de Chinatown ? Il m’avait traitée de "gigantesque douleur dans le cul" en m’arrachant les cheveux, le nabot ! Et pourquoi on m’emmerde encore aujourd’hui pour avoir accepté ce satané rôle de Mommie Dearest ? Joan Crawford m’aurait comprise, elle. On est de la même trempe !

Faye reconsidéra l’affiche, se dévisagea. Dieu que l’impétuosité les animait autrefois, elle et Jerry. Elle pensa à Schatzberg cacochyme qui allait monter les marches à ses côtés. Aucun mal à briller près de lui… Mais pourquoi avoir effacé mon corps, Jerry ? Par jalousie ? Par exclusivité ? J’étais pourtant toute à toi. Quand les vagues dépressives la submergeaient, elle aimait poser sa tête dans le creux de l’épaule de son amant, respirer l’odeur sécurisante de son aisselle, s’endormir sur l’épaisseur de son torse. Virilisé par l’impétuosité de son talent, Jerry savait l’apaiser comme personne. Le monde du cinéma des seventies avait pour Schatzberg la taille d’une bille, et ses oiseaux de malheur venaient manger dans la main de Dunaway.

Sa vue se brouilla. Les contours de son visage et de ses jambes devinrent flous. Elle se ressaisit car elle possédait toujours ce chien propre aux grandes coriaces d’Hollywood. Je n’aboie pas beaucoup aujourd’hui. Je jappe tout au plus. La preuve, je ne présenterai pas à Cannes une nouveauté, mais un film ancien : Puzzle of a Donwfall Child.

Ses ongles se crispèrent, déchirèrent l’épreuve. Les morceaux atterrirent sans bruit sur la moquette beige épaisse de la chambre. Tête, jambes, jeunesse disloquées. Tracés du 64 en pièces. Fils tronçonnés pour pantin glam’ au corps absent. Lignes de Faye. Dunaway so far away.

Cannes 2011 : Deneuve, De Niro, Belmondo, Corman, Kubrick et Méliès au menu de Cannes Classics

Posté par kristofy, le 27 avril 2011

La sélection Cannes Classics, créé en 2004, permet au Festival de Cannes de valoriser les films de répertoire retrouvés et des copies restaurées, ainsi que des ressorties en salles ou en DVD des grandes œuvres du passé. Par exemple le célèbre de Georges Méliès Le Voyage dans la lune sera à nouveau visible 109 ans après sa sortie dans une version couleur restaurée avec une bande-son originale du groupe AIR.

Cannes Classics 2011 présentera quatorze films et cinq documentaires, et quelques surprises. Le président du jury Robert De Niro accompagnera une séance de son film Il était une fois le Bronx; il y aura une leçon de cinéma par l'acteur Malcolm McDowell après la présentation du film Orange Mécanique de Stanley Kubrick (voir actualité du 21 mars); Bernardo Bertolucci, qui recevra une Palme d’Or d’honneur (voir actualité du 11 avril), viendra présenter Le Conformiste; Jerry Schatzberg présentera son premier film Portrait d’une enfant déchue avec son actrice Faye Dunaway, icône de l'affiche cannoise de cette édition (voir actualité du 4 avril; Jean-Paul Rappeneau et Catherine Deneuve seront là pour Le Sauvage, comédie adulée par Gilles Jacob; Charlotte Rampling est le sujet du documentaire The Look d’Angelica Maccarone; Roger Corman sera fêté pour Le Monde de Corman: Exploits d’un rebelle hollywoodien; Rue Case-Nègres sera projeté en compagnie de sa réalisatrice Euzhan Palcy à l'occasion de l'Année des Outre-Mer (voir actualité du 6 avril); enfin, Jean-Paul Belmondo recevra un hommage particulier avec la projection d'un documentaire sur l'ensemble de sa carrière (voir actualité du 30 mars).

Classiques à revoir ou raretés à découvrir, de 1902 à 1993, de la Turquie à l'Allemagne, voici la sélection Cannes Classics 2011 :

Films :

Le Voyage dans la lune de Georges Mélies (France, 1902, 16’)
Orange Mécanique de Stanley Kubrick (USA, 1971, 137’)
La Machine à tuer les méchants (La Macchina Ammazzacattivi) de Roberto Rossellini (Italie, 1952, 80’)
Il était une fois le Bronx (A Bronx Tale) de Robert De Niro (USA, 1993, 121’)
Le Conformiste (Il Conformista) de Bernardo Bertolucci (Italie, 1970, 118’)
Rue Cases-Nègres d’Euzhan Palcy (France, 1983, 106’)
Portrait d’une enfant déchue (Puzzle of a Donwfall Child) de Jerry Schatzberg (USA, 1970, 105’)
La Loi de la frontière (Hudutlarin Kanunu) de Lufti O. Akad (Turquie, 1966, 74’)
La Zone de la mort (Niemandsland) de Victor Trivas (Allemagne, 1931, 81’)
Les Enfants du paradis de Marcel Carné (France, 1945, 190’)
Despair de Rainer-Werner Fassbinder (Allemagne, 1978, 115’)
Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau (France, 1975, 106’)
Chronique d’un été de Jean Rouch et Edgar Morin (France, 1960, 91’)
L’Assassin (L’Assassino) d’Elio Petri (Italie, 1961, 100’)


Documentaires :

The Look d’Angelica Maccarone (Allemagne / France, 2011, 95’)
Le Monde de Corman: Exploits d’un rebelle hollywoodien (Corman’s World: Exploits of a Hollywood Rebel d’Alex Stapleton) (USA, 2011, 125’)
Belmondo... Itineraire de Vincent Perrot et Jeff Domenech (France, 2011, 86’)
Kurosawa, la Voie de Catherine Cadou (France, 2011, 52’)
Il était une fois… Orange Mécanique d’Antoine de Gaudemar et Michel Ciment (France, 2011, 52’)

Verdict final pour Sidney Lumet (1924-2011)

Posté par vincy, le 10 avril 2011

Un grand cinéaste ce Sidney Lumet. Il avait un savoir-faire qui restait toujours au service de ses scénarios et de ses comédiens. Il refusait l'approche esthétique pour privilégier l'aspect naturel et réaliste. Peu d'esbrouffe, et pourtant... ses meilleurs films dégageaient une tension qui mettaient nos nerfs à rude épreuve et défiaient les aspects les plus noirs de ses personnages tourmentés.

Il a frappé fort dès son premier film. 12 hommes en colère, en 1957. Tous les éléments sont là : un jeu d'acteur précis, un montage qui soutient une narration a priori simple et pourtant complexe, des enjeux sociaux et humains. L'artisan fait d'un huis-clos juridique un véritable suspens où la morale humaniste l'emporte sur la démagogie. Il vient du théâtre et de la télévision, maîtrisant le rythme, le cadre, tournant vite sans abuser des prises de vue, imposant des répétitions à ses comédiens. 12 hommes en colère marque évidemment par ce retournement de situation où un condamné va être innocenté grâce à la notion de doute. Mais ce serait oublié le visage d'Henry Fonda, entre conviction et affliction, face à ses collègues jurés qui jugent sur des préjugés. Ours d'or à Berlin.

Sidney Lumet apparaîtra ainsi comme un cinéaste de gauche. Nombreux sont ses films où la victime, la minorité, l'Amérique du bas est montrée sous un autre angle. Idéaliste, il glisse derrière un apparent classicisme des notions plus subversives. En 1959, il réunit Marlon Brando et Joanne Woodward dans L'homme à la peau de serpent, film noir sublime où un musicien croise la route d'une nympho alcoolique. En 1962, il réalise Long voyage vers la nuit, avec Katharine Hepburn. Oeuvre sur le déclin et les dépendances (alcool, drogue, gloire...) pour laquelle les quatre acteurs principaux remportent le prix d'interprétation à Cannes.

Ce passionné, suractif sur les plateaux de tournages, émotif avec ses acteurs, livre un film par an, au minimum, jusqu'en 1993. Du moins bon comme du très grand. Il se frotte à la guerre froide (Point limite) et à l'holocauste (Le prêteur sur gages). En 1965, il réalise La colline des hommes perdus, l'un des meilleurs films de guerre, avec Sean Connery. Il observe l'évolution du comportement de militaires anglais emprisonnés en Libye, confrontés à des exercices vains et rituels. Kubrickien et prix du meilleur scénario à Cannes.

La seconde guerre mondiale, ses causes et ses conséquences, est son principal décor durant plusieurs films. Mais rapidement, il va donner une autre couleur à sa filmographie. Son judaïsme va s'inviter dans ses thématiques. New York va devenir son cadre naturel. Il est précurseur des oeuvres de Scorsese et la face dramatique d'un Woody Allen. Cet amoureux des classiques du théâtre (outre les pièces de Tennessee Williams, il adapte aussi La mouette de Tchekhov) aime les histoires d'espionnage, de mafia et les polars. Des films qui rencontrent leur public et possèdent toujours le charme nécessaire pour séduire à travers le temps. Il faudra d'ailleurs attendre 35 ans pour que le public français découvre The Offence, avec Sean Connery. Le studio Universal détestait le film et n'a pas assumé sa distribution. Pourtant, sans être un grand film, The Offence aborde des sujets comme la pédophilie et ose une obscurité quasi totale de certaines scènes : l'audace n'est pas forcément récompensée à sa juste valeur.

C'est en 1973 que Sidney Lumet entre dans l'histoire du cinéma. Il va enchaîner des grands films. Serpico pour commencer. Al Pacino y joue un flic idéaliste qui veut dénoncer la corruption qui gangrène la police de New York. A partir d'un essai authentique, Lumet livre une réalité brutale mais aussi fantaisiste. Il s'agit sans doute d'un des meilleurs portraits de l'Amérique des années 70.

L'année suivante, il filme le roman culte d'Agatha Christie, Le Crime de l'Orient Express. Casting chic (Finney, Bacall, Bergman, Bisset, Connery, Redgrave, Widmark...), intrigue géniale. Même l'écrivaine qui détestait les adaptations de ses livres reconnaissait que Lumet avait réussi son coup.

En 1975, il filme Un après-midi de chien. Une histoire vraie autour d'un cambriolage qui foire. Il retrouve Al Pacino (incroyable performance), à la fois suspens et film engagé, Lumet affirme à travers le final que la répression ne peut pas être la seule réponse à un délit. Il se moque aussi des moyens démesurés de la police américaine face à une bande de voyous amateurs. Terrible prémonition...

Lumet aime ces films crus, sans artifices. Il fera de même avec Network, en 1976. Malgré son aspect satirique, ce film emblématique sur la télévision, avec une superbe Faye Dunaway et un magnifique William Holden. Lumet en profite pour dire le fond de sa pensée sur la société américaine, avec un certain cynisme. Là encore, il a du flair et donne les clés de ce que deviendra le monde occidental dominé par la puissance cathodique. Le film obtiendra 4 Oscars, sur dix nominations

Lumet aura moins de chance par la suite. Il ose quand même adapté la pièce "gonflée" Equus, avec Richard Burton, mélange de beauté, de sauvagerie et de nudité sous un vernis psychanalytique. Même pour ses films mineurs, il parvient à attirer les plus grands acteurs : James Mason, Simone Signoret, Sophia Loren, James Coburn, Vanessa Redgrave, Anouk Aimée, Omar Sharif, Michael Caine, Richard Gere, Gene Jackman, Andy Garcia, Anthony Perkins, ... Beaucoup ont reçu des prix, des nominations grâce à lui. Les films de Lumet totalisent 46 nominations aux Oscars toutes catégories confondues.

A partir des années 80, Lumet a moins la main. On lui doit l'affreux The Wiz avec Micheal Jackson et Diana Ross. Mais il y a quelques pépite. Le verdict, avec Paul Newman et Charlotte Rampling, oeuvre crépusculaire où un avocat banni va tenter d'en sortir par la rédemption... Dans Garbo Talks, il offre l'un des derniers beaux rôles à Anne Bancroft. Presque sentimental, ce film, qui dénote dans la longue série de films policiers du réalisateur, montre à quel point le cinéma peut bouleverser une vie. Ce testament ne signera pas sa fin de carrière, heureusement.

A bout de course (avec River Phoenix), Family Business (avec Connery, Matthew Broderick, Dustin Hoffman) sauvent les séries B qu'il se contente de faire, avec toujours de grandes stars. Leur tonalité, plus légère, leur lumière, en font des oeuvres plus plaisantes. On comprend qu'il ait voulu faire le remake de Gloria, avec Sharon Stone : New York, le crime, la responsabilité parentale... ça restera raté.

Pourtant Lumet finira en beauté. 7h58 ce samedi-là pourrait presque être le titre de sa dernière journée sur terre. Polar où le hasard et le déterminisme transforment les protagonistes, film noir et sang, sombre et moderne, classique et intelligent, il reste l'un des meilleurs films de genre de l'année 2007. En version originale, il s'intitulait Before the Devil knows you're Dead (Avant que le diable ne sache que tu es mort).

Aucun doute, le diable n'était pas en Sidney Lumet. Il croyait trop en l'homme et pardonnait tous ses travers.

Cannes 2011 : l’affiche (élégante) est dévoilée

Posté par vincy, le 4 avril 2011

Faye Dunaway en égérie du 64e Festival de Cannes, what else? L'actrice américaine en est l'une des plus fidèles, se promenant parfois dans la salle de presse. Cannes, définitivement seventies cette année, a choisi l'actrice de Bonnie & Clyde et de Chinatown pour incarner son édition 2011. Elle sera sur la Croisette pour accompagner la version restaurée de Portrait d'une enfant déchue (Puzzle of a Downfall Child), film de Jerry Schatzberg datant de 1970. Elle en était le premier rôle (et fut nommée aux Golden Globes pour son interprétation).

C'est d'ailleurs une photo prise par Schatzberg qui est l'illustration de cette affiche classe, sophistiquée et élégante. Avant de devenir réalisateur, Schatzberg était photographe. Il a reçu la Palme d'or en 1973 pour L'épouvantail : il a été en compétition à Cannes pour Panique à Needle Park, Vol à la tire, L'ami retrouvé et hors compétition avec Show Bus. Il fut membre du jury en 2004.

Faye Dunaway a reçu l'Oscar de la meilleure actrice pour Network (1976). Elle est venue quatre fois à Cannes pour défendre un film : en 1987 avec Barfly et en 2000 avec The Yards (tous deux en compétition) et en 1971 avec La maison sous les arbres et en 1983 avec The Wicked Lady (hors compétition).

Un nouveau film pour célébrer les 75 ans de Bonnie and Clyde

Posté par vincy, le 5 avril 2009

bonnie and clydeTout le monde connaît la chanson de Gainsbourg & Bardot. Et puis, évidemment, le film avec Warren Beatty et Faye Dunaway. Enorme succès mondial, Bonnie & Clyde est rentré dans l'histoire du 7e Art grâce à sa violence exacerbée dans l'assault final. Et peut-être aussi parce que les deux acteurs étaient parmi les plus beaux du cinéma à cette époque. 10 nominations aux Oscars pour ce film d'Arthur Penn, classé dans la catégorie des classiques, même 42 ans après.

Bonnie et Clyde sont ressuscités aux Etats-Unis à l'occasion des 75 ans de l'embuscade qui a conduit à leur fin brutale. C'était le 23 mai 1934. En Amérique, on s'apprête à préparer les commémorations. Tous les ans, des Américains viennent célébrer ce mythe qualifié de "Roméo et Juliette du Midwest". Deux nouveaux livres seront publiés. Mais surtout Hollywood va produire une version actualisée avec Hilary Duff et Kevin Zegers (le fils de Felicity Hoffman dans le très beau Transamerica). De quoi vouloir séduire la génération 2.0?

L'intention n'est pas artistiquement infondée. Après tout, le mythe Bonnie & Clyde est né en pleine Grande dépression économique. Cette histoire romantique a fait vibrer une Amérique gangrénée par les gangsters. Cela fait écho avec cette même Amérique en crise financière, dont le cancer est, ce coup-ci, du côté du système bancaire.

Hilary Duff et Kevin Zegers pour remplacer Faye Dunaway et Warren Beatty?! 

Mais pourquoi prendre deux comédiens inexpérimentés et peu connus en dehors des magazines people pour faire une nouvelle version de cette histoire culte? Interrogée sur le choix d'Hilary Duff pour le rôle de Bonnie, Faye Dunaway s'est offusquée : "Ils auraient pu au moins engager une vraie comédienne". Avec moins de classe, Duff a rétorqué : "la remarque n'était pas utile, mais je serai aussi cinglée qu'elle si j'avais son physique à son âge." Une élégance rare. Duff oublie deux choses : on ne reste pas jeune et jolie très longtemps, même à Hollywood, et Faye Dunaway reste l'une des plus grandes comédiennes américaines de ses 40 dernières années. On en reparlera donc dans 40 ans.

La tournage de The Story of Bonnie and Clyde commence ce mois-ci, et pourrait sortir d'ici la fin de l'année. Ecrit et réalisé par Tonya S. Holly, dont c'est le troisième film, il ne s'agit pas d'un remake. On annonce même une fin avec une suprise, un "twist".

De toute façon, le film d'Arthur Penn avait déjà excessivement romancé cette histoire, jusqu'à rendre glamour deux criminels qui ressemblaient à des gamins, petits poids plumes physiquement. Alors pourquoi ne pas la transformer davantage?