Berlinale 2019 : une compétition en petite forme

Posté par MpM, le 16 février 2019


Avec sa dernière sélection, Dieter Kosslick ne laissera pas un souvenir impérissable. On le remarque d’année en année, le compétition berlinoise est inégale, souvent décevante, quand ce n’est pas faible, et c’est dans les sections parallèles que l’on fait le plus couramment de belles découvertes, à défaut de retrouver les grands films des mois à venir.

Mais le directeur de Berlin depuis 2001 n’est pas seul à blâmer dans la demi-teinte de sa compétition 2019. Car où sont-ils, ces grands films ? On le répète souvent, même avec la meilleure volonté du monde, aucun sélectionneur ne peut inventer des films qui n’existent pas. Il ne peut pas non plus forcer les réalisateurs de premier plan à venir chez lui quand le si couru Festival de Cannes a lieu à peine trois mois plus tard. D’autant qu’il se murmure sur la Potzdamer Platz que Thierry Frémaux a déjà réservé beaucoup de films pour son édition 2019, parmi lesquels on imagine d’incontournables pointures.

Et puis Kosslick n’a pas eu de chance avec le retrait soudain de l’un des films les plus attendus de cette 69e édition, signés par l’un des rares grands noms de la compétition, One second de Zhang Yimou, officiellement pour des « raisons techniques », et officieusement pour cause de censure pure et simple. De quoi Pékin a-t-il menacé Berlin ? Toujours est-il que le film a été retiré de la sélection trois jours avant sa présentation à la presse. Ceux qui ont la chance de l’avoir vu assurent que le film est excellent, évidemment éminemment politique (il aborde la période de la R"volution culturelle) mais aussi pensé comme une déclaration d’amour au cinéma. On espère réussir à le voir très vite sur les écrans français, et on se prend à rêver d’un coup de force de Cannes, habitué à montrer les films « interdits ». L’ironie de l’histoire est que la Berlinale avait réussi à présenter il y a deux ans Have a Nice day de Liu Jian, alors que le festival d’Annecy avait dû le retirer de sa compétition après que la production du film ait été soumise à de fortes pressions officielles. On ne peut pas gagner à tous les coups, mais l'incident berlinois ne présage rien de bon pour le cinéma chinois dans les mois à venir.

Films à thèmes

Néanmoins, plutôt que d’épiloguer sur les absents, penchons-nous sur ce que l’on a vraiment vu durant cette 69e Berlinale, à savoir seize films venus principalement d'Europe et d'Asie. La compétition 2019 avait quelque chose d’uniforme (pas d’animation, aucun documentaire) et de presque caricatural par rapport à la réputation « politique » de Berlin, dans la mesure où de nombreux films étaient clairement « à thèmes », de la pédophilie dans l’Eglise (Grâce à Dieu de François Ozon) à la famine volontairement provoquée par Staline en Ukraine au milieu des années 30 (Mr Jones d'Agnieszka Hollad), en passant par l’enfance sacrifiée (Systemsprenger de Nora Fingscheidt) ou la mafia (La paranza dei bambini de Claudio Giovannesi).

On a aussi droit à plusieurs de ces fresques historiques dont la Berlinale est également friande, à nouveau Mr Jones (qui s'intéresse à un épisode marquant de la vie du journaliste Gareth Jones) ou So long, my son de Wang Xiaoshuai (la vie de plusieurs couples d'ouvriers chinois sur une trentaine d'années), et à des portraits plus intimes, mais à la volonté d'édification tout aussi élevée, tels que Out stealing horses de Hans Petter Moland (un vieil homme se souvient d'un épisode marquant de son adolescence), The golden glove de Fatih Akin (l'histoire vraie d'un serial killer sordide dans un quartier ultra-populaire de Hambourg), Elisa y Marcela d'Isabelle Coixet (l'histoire vraie d'un couple lesbien dans l'Espagne du début du XXe siècle) ou encore A tale of three sisters d'Emin Alper (portrait d'une famille réunie dans un petit village isolé de montagne, sur fond de mépris de classe).

Ce qui est frappant avec ces films, c'est qu'ils ont en commun une approche classique, parfois même académique pour les moins inspirés, et se rattachent à un "genre" bien défini, immédiatement identifiable, on dirait presque : sans surprise. Et s'ils sont souvent ancrés dans un contexte économique ou politique spécifiques, on a l'impression qu'ils évitent les problématiques ultra-contemporaines (montée des extrêmes, dérives totalitaires, tragédie des réfugiés, urgence climatique...) pour se cantonner prudemment à des thèmes plus généraux, quasi atemporels.

Cela ne remet aucunement en cause leurs qualités (notamment pour les sensibles So long, my son et A tale of three sisters), mais cela renforce l'impression d'une compétition en demi-teinte, aux films parfois un peu interchangeables avec ceux des années précédentes. Et puis certains sont tout de même très faibles, trop faibles pour une compétition de cette envergure. On pense à l’anecdotique Out stealing horses, au maladroit Systemsprenger, au complaisant The golden golve, au bancal The feet on the ground de Marie Kreutzer, et surtout à l’insupportable Elisa y Marcela, qui gâche un sujet en or avec des effets de caméra ridicules et des scènes d’amour totalement kitschs.

Cinq films à retenir

Heureusement, cinq films se distinguent nettement du lot, justement par leur singularité et leur approche cinématographique. Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensons du très beau Öndög de Wang Quan'an, qui mêle le conte et l'humour, au service d’une histoire d’amour et de vie, ainsi que de Répertoire des villes disparues de Denis Côté, qui est le seul film en compétition à aborder frontalement la question des réfugiés et le risque du repli sur soi, et à le faire non seulement avec finesse, mais aussi avec humour. Il s'agit très clairement des deux longs métrages les plus excitants de cette course à l'Ours d'or (on les voit haut placés dans le palmarès, avec un grand prix à la clef), avec la merveilleuse comédie grinçante Dieu existe, son nom est Petrunya de Teona Strugar Mitevska, qui propose un portrait au vitriol de la société macédonienne misogyne et craintivement inféodée à l'Eglise.

On ne résiste pas au plaisir de vous en dire plus sur le film, dont l’héroïne Petrunyia est une jeune trentenaire diplômée en histoire qui ne parvient pas à trouver un emploi. On comprend à demi mot qu’en Macédoine, c’est une matière assez superflue, surtout lorsqu’elle n’est pas employée à chanter les louanges du pays (on pense alors au court métrage Bigger Than Life d’Adnan Softic dont nous vous parlions lors du festival de Winterthur).

Après quelques scènes d’exposition piquantes, qui mettent en valeur le nihilisme résigné du personnage, Petrunyia assiste par hasard à une cérémonie religieuse au cours de laquelle une croix sacrée est jetée dans le fleuve (glacé) afin que le plus téméraire plonge pour la ramener. Sur une impulsion, la jeune femme saute à l’eau et remporte la croix. Problème : la tradition veut que seuls les hommes puissent participer à la cérémonie. S’ensuit alors un imbroglio absurde et franchement comique durant lequel la police tente de récupérer l’objet sacré, sans avoir de raison légale de le faire puisqu’elle ne l’a pas volé, tandis qu’un groupe de fanatiques religieux assiège le commissariat pour faire payer à Petrunya son impudence. C’est évidemment à la société macédonienne patriarcale que s’attaque Teona Strugar Mitevska, de même qu’au poids toujours prégnant de l’Eglise dans les affaires politiques ou judiciaires (on notera que l’Eglise en tant qu’institution est bien présente dans cette Berlinale, protégeant les prêtres pédophiles dans Grâce à Dieu, et s’insurgeant de l’histoire d’amour entre Elisa et Marcela). Avec ses dialogues incisifs, son personnage haut en couleurs, et son propos profond sur le pays, Dieux existe, son nom est Petrunya a presque une place assurée au palmarès (ne serait-ce qu’avec un prix d’interprétation), malgré ses problèmes de rythme, et son incapacité, par moments, à aller assez loin dans la satire.

Autre film qui surprend, voire déroute, le survitaminé Synonymes de Nadav Lapid, qui met en scène un jeune homme ayant fui Israël, et souhaitant tout rejeter (jusqu’à la langue) de son pays natal. Il s’agit d’une charge violente contre l’état d’Israel, pour lequel le personnage principal trouve une succession de qualificatifs allant d’odieux à fétide. Elliptique, absurde, drôle et cruel, le film part dans plusieurs directions à la fois, en abandonne en cours de route, digresse, n’allant jamais là où on l’attend. C’est évidemment du cinéma exigeant, peu confortable ou pas très flatteur pour le spectateur, auquel il donne parfois l’impression de passer à côté d’une partie de l’intrigue. Mais on ne peut en même temps déplorer l’aspect uniforme d’une partie de la compétition, et ne pas être sensible à cette expérience cinématographique qui propose quelques scènes fulgurantes, et des dialogues extrêmement brillants que ne peuvent gâcher les moments de creux ou les lourdeurs. Ce serait justice de voir le film au palmarès, même si on ne l’imagine pas sur la plus haute marche du podium (mais au petit jeu des pronostics, on se trompe presque tous les ans).

Déformation de la narration

Enfin, I was at home but... d’Angela Schaenelec tranche lui aussi avec le reste de la sélection. Très formel, il affirme presque agressivement son rejet d’une narration conventionnelle, ce qui l’amène souvent à être une caricature du genre de films qu’il tente d’être. Il ne se donne donc pas la peine de raconter quoi que ce soit, et juxtapose des scènes qui sont autant de moments de creux, ou de parenthèses. Parfois, on croit saisir un embryon d’intrigue (d’où revient ce garçon particulièrement sale ? Qui est ce couple qui se dispute à la fin du film ?), et puis on s’aperçoit qu’il n’en est rien. L’intrigue se joue hors champ, et il ne nous est permis que d’en observer des échos déformés et incompréhensibles. Dommage que la réalisatrice soit si appliquée à laisser le spectateur le plus loin possible du film, et s’évertue à aligner des plans poseurs qui sentent l’exercice de style un peu vain. Sans ces affèteries agaçantes, ce sentiment que le film se croit plus intelligent que nous, on aurait pu apprécier cette déformation de la narration, cette alternance de creux et de non-dits avec des extraits de Shakespeare, cette volonté de déconstruire le film lui-même pour parler de la déconstruction d’une famille et de la perte de repères d’une femme. Cette recherche-là mérite d’être soulignée, et pourquoi pas récompensée par un prix plus modeste, comme celui du jury, ou le tarte à la crème prix Alfred Bauer pour l’innovation, qui va rarement à un film réellement innovant, et pour cause.

Mais une fois évoqués ces 5 films qui sortent véritablement du lot, il faut rappeler qu’évidemment le classicisme n’empêche en rien une récompense, et encore moins la qualité. C’est pourquoi on peut aussi imaginer Grâce à Dieu de François Ozon au palmarès (un prix collectif pour le casting masculin ? Un prix de scénario ?), de même que So long, my son (qui brille lui aussi par son casting, son écriture et sa mise en scène) ou encore A tale of three sisters qui malgré ses tendances au didactisme et à la surenchère, évoque efficacement les rapports de classe en Turquie. Lui aussi bénéficie d’un joli casting, et d’une mise en scène tout en retenue. Et puis il mérite également d’être distingué ne serait-ce que pour la longue conversation durant laquelle deux sœurs parlent de sexualité, suivie par la séquence où celle qui est mariée se jette littéralement sur son mari. On ne voit pas ça tous les jours au cinéma, et encore moins dans un film turc.

Les femmes toujours au centre

On l’aura d'ailleurs compris, les femmes brillaient une nouvelle fois par leur propension à dynamiter les clichés sur l’éternel féminin dans cette compétition berlinoise. Rappelons que l’héroïne d’Öndög prend elle aussi les choses en mains quand il s’agit de sexualité, mais aussi de protection ou de défense (c’est symboliquement elle qui est armée dans la steppe), ou encore qu’Elisa y Marcela raconte le destin incroyable de deux jeunes espagnoles ayant tout sacrifié à leur passion amoureuse.

Ce sont également des femmes qui sont au centre de I was at home, but..., The Kindness of strangers de Lone Scherfig, et The feet on the ground, et une petite fille d’une dizaine d’années dans Systemsprenger. Elles jouent à part égale avec les hommes dans Repertoire des villes disparues, et sont en revanche plus anecdotiques dans des films comme Synonymes, Mr Jones, Out stealing Horses...

Leur sort est enfin moins enviable dans The golden golve de Fatih Akin, puisqu’elles sont les victimes systématiques d’un tueur misogyne et tortueux qui les frappe, les viole et les démembre quasiment dans l’indifférence générale. Il faut bien reconnaître que c’est le seul film de la sélection à aller sur ce terrain, au départ avec une forme d’humour satirique, et de plus en plus complaisamment au fil des meurtres. Le pire est que le comédien du film, Jonas Dassler, pourrait lui parfaitement repartir avec un prix d’interprétation (le rôle semble avoir été écrit pour ça, et c'est vrai qu'il est méconnaissable). Il a tout de même un peu de concurrence dans les films déjà cités, ainsi que dans La paranza dei bambini, dans lequel le comédien principal, Francesco Di Napoli, a un charisme impressionnant.

Une vision d’ensemble des 16 films donne ainsi le sentiment d’un échantillon représentatif d’être humains en quête de quelque chose de concret pour donner de la valeur et du prix à leur vie. Dans un monde où la religion n’est plus un secours (voire une menace), où l’état est inexistant ou au contraire intrusif, et où les idéologies ont prouvé leur inanité, les personnages se tournent vers l’engagement militant (Grâce à Dieu), l’amour (Alicia et Marcela), l’argent (La paranza dei bambini), la famille (So long, my son), la réussite professionnelle à tout prix (The Feet on the ground) ou encore l’espoir que quelque chose arrive enfin (Petrunya). En cela, au-delà des pays et des époques, ils nous sont tous terriblement contemporains.

Berlin 2019: François Ozon, Fatih Akin, Denis Côté en compétition

Posté par vincy, le 13 décembre 2018

On connait la présidente du jury, Juliette Binoche, le film d'ouverture, The Kindness of Strangers. Voici les premiers films retenus par la Berlinale pour sa 69e édition.

En compétition, on trouvera Der Boden unter den Füßen (The Ground Beneath My Feet) de Marie Kreutzer, Der Goldene Handschuh (The Golden Glove) de Fatih Akin (photo), Grâce à dieu de François Ozon, Ich war zuhause, aber (I Was at Home, but) de Angela Schanelec, A Tale of Three Sisters de Emin Alper, et Répertoire des villes disparues (Ghost Town Anthology) de Denis Côté.

Par ailleurs le Festival a déjà annoncé trois films hors-compétition dans le cadre de ses soirées de gala: Gully Boy de l'indien Zoya Akhtar, Brecht de l'allemand Heinrich Breloer, et Watergate, documentaire américain de Charles Ferguson.

Fatih Akin adapte Stephen King

Posté par vincy, le 1 juillet 2018

fatih akinPour son premier film américain, Fatih Akin (In the Fade) va adapter Stephen King. Universal (et Blumhouse) ont recruté le réalisateur allemand pour filmer Firestarter, roman parue en France sous le titre de Charlie en 1992.

L'histoire est celle de la petite Charlie, née d'un couple ayant fait l'objet d'une expérience scientifique secrète du gouvernement américain sur les pouvoirs psychiques. Depuis son enfance elle a découvert son terrible pouvoir. Tout objet, animal ou humain qui provoque en elle la moindre crainte ou tension prend aussitôt feu. Elle est alors traquée par une agence gouvernementale secrète qui veut faire de son don une arme.

Le récit avait déjà été transposé au cinéma en 1984, par Mark L. Lester, avec Drew Barrymore, et en minisérie en 2002 avec Marguerite Moreau, Malcolm McDowell et Dennis Hopper.

20 ans après ses débuts, le réalisateur germano-turc Fatih Akin, Ours d'or au Festival de Berlin pour Head-On, Prix du scénario au Festival de Cannes 2007 pour De l'autre côté et Grand prix du jury à la 66e Mostra de Venise pour Soul Kitchen, fait ainsi ses premiers pas dans le cinéma hollywoodien. Il prépare aussi un autre film, The Golden Glove, une histoire de serial killer à Hambourg au début des années 1970, d'après un roman de Heinz Strunk.

Cannes 2016 – Télex du marché: Largo Winch, Diane Kruger et Fatih Akin, Kylie Minogue et Lars von Trier

Posté par vincy, le 15 mai 2016

- Il y aura bien un troisième film avec Largo Winch. Rien ne filtre sur l'acteur (Tomer Sisley une fois de plus ou un changement de casting?) mais on sait déjà que le réalisateur changera puisque cette coproduction Pan-Européenne/Versus sera filmée par le belge Olivier Masset-Depasse (Sanctuaire). Ce dernier s'apprête à tourner un thriller psychologique, Duelles, en attendant que la fin du développement du scénario autour du héros de la finance.

- La franco-allemande Diana Kruger sera à l'affiche du prochain film du cinéaste germano-turc Fatih Akin. Aus dem nichts (De nulle part) sera tourné en allemand cet automne, du côté de Hambourg. On n'en sait pas plus ni du côté du casting ni du côté du pitch.

- Après Holy Motors de Leos Carax, Kylie Minogue revient sur le grand écran. Le cinéaste australien Stephan Elliott l'a enrôlé, ainsi que Guy Pearce, pour son prochain film, Flammable Children. Le réalisateur de Priscilla, folle du désert veut renouer avec l'esprit de sa comédie culte, 22 ans plus tard. Il veut déjà être à Cannes l'an prochain avec cette suite. Le tournage est programmé pour cet automne.

- Enfin des nouvelles de Lars von Trier. Il a finalement décidé que son prochain film, The House That Jack Built sera tourné en deux fois. Il ne s'interdit d'ailleurs pas de faire évoluer son scénario entre les deux tournages. L'histoire est celle d'un serial killer, qu'on suit durant dix ans de sa vie, obsédé à l'idée de faire un chef d'oeuvre meurtrier. Le casting sera européen et américain et les premières prises de vues commenceront en cet automne dans l'Ouest de la Suède. Ensuite, il faudra attendre 2017 pour que le tournage reprenne, à Copenhague.

7 films pour ne pas oublier le Génocide arménien

Posté par redaction, le 24 avril 2015

ararat atom egoyan

Le génocide arménien a été commis entre avril 1915 et juillet 1916. On estime que les deux tiers des Arméniens sont morts suite à des déportations, famines et massacres, soit un million deux cent mille qui vivaient en Anatolie et en Arménie occidentale. Si l'on célèbre le Centenaire ce 24 avril, sa reconnaissance politique est encore en débat et fait l'objet de controverses. La Turquie nie encore aujourd'hui l'appellation de génocide, n'y voyant qu'une guerre civile. Ce mois-ci, le génocide a été reconnu par les parlements de vingt-trois pays.

Les Arméniens ont aujourd'hui un pays (dont le territoire a été largement amputé : le Mont Ararat, la fameuse montagne de l'Arche de Noé, et symbole de l'Histoire arménienne, est aujourd'hui en Turquie). La diaspora s'est installée dans de nombreux pays comme la France et aux Etats-Unis. Parmi les personnalités d'origine arménienne les plus célèbres: Sergei Parajanov (un musée est consacré au réalisateur à Erevan, en Arménie), Henri Verneuil, Charles Aznavour, Cher, Rouben Mamoulian, Robert Guédiguian, Eric Bogosian, Elia Kazan, Atom Egoyan, Francis Veber, Albert Hughes et Allen Hughes, Gregory Peck, Michel Legrand...

Pas étonnant que les films revenant de près ou de loin sur ce Génocide soient signés de ces descendants arméniens. Nous en avons retenus 7.

Auction of Souls (1919)
Le film d'Oscar Apfel est l'adaptation du livre d'Arshaluys Mardiganian, Ravished Armenia: The Story of Aurora Mardiganian, the Christian Girl, Who Survived the Great Massacre, où elle raconte le tout récent Génocide arménien. L'auteure y interprète d'ailleurs le rôle principal.
Le film est aujourd'hui introuvable. Il ne reste qu'une copie de vingt quatre minutes, qui a été restaurée en 2009.

america america elia kazanAmerica, America (1963)
Elia Kazan réalise le premier grand film sur le sujet, d'après son roman homonyme autobiographique. On y suit Stavros, Grec cappadocien et chrétien, qui vit en Anatolie à la fin du XIXe siècle dans des conditions misérables. Il subit l'oppression des Turcs musulmans, qui gouvernent l'Empire ottoman. Quand son village est ciblé par les Turcs, Stavros décide d'émigrer vers l'Amérique et entame le long et dangereux périple jusqu'à Constantinople dans l'espoir d'embarquer sur un bateau à destination de New York.
Le film a reçu la Coquille d'or au Festival de San Sebastian et les trois nominations les plus prestigieuses aux Oscars (film, réalisateur, scénario). de tous ses films, Kazan disait qu'America, America était son favori, et son plus personnel. Il avait voulu tourner à Istanbul (ex-Constantinople) mais a du filmer en Grèce.

Mayrig (1991)
Au crépuscule de sa vie, Henri Verneuil entreprend de filmer un diptyque sur la diaspora arménienne, dont le second volet, 588 rue Paradis se déroule en France. Mayrig est l'adaptation de son roman éponyme, avec Claudia Cardinale dans le rôle de sa mère et Omar Sharif dans celui de son père.
Le film raconte l'histoire de l'arrivée d'une famille arménienne en France en 1921, fuyant la répression des Turcs, à travers les souvenirs du jeune Azad, né en Arménie, le 11 mai 1915, au début du génocide du XXe siècle. Le récit est ponctué de flash back sur la période du génocide.

Ararat (2002)
Atom Egoyan et son épouse Arsinée Khanjian sont canadiens d'origine arménienne. Le cinéaste, après avoir été révélé par des films audacieux, souvent primés dans les grands festivals comme Cannes, réalise alors une oeuvre plus personnelle, avec un casting cosmopolite: le plus célèbre des Arméniens, Charles Aznavour, Eric Bogosian, Marie-Josée Croze, Bruce Greenwood, Simon Abkarian, Christopher Plummer, Arsinée Khanjian, Elias Koteas...
Sélectionné hors-compétition à Cannes (certains soupçonnent des pressions turques), Ararat est un récit gigogne sur le Génocide et l'exode qui a suivi en tentant de reconstituer une mémoire fragile, d'expliquer une situation complexe à travers différents points de vue.

le voyage en arménie robert guédiguianLe Voyage en Arménie (2006)
Hanté par ses origines, Robert Guédiguian aura attendu le milieu des années 2000, 25 ans après son premier film, pour revenir en Arménie. Et chose rare, son épouse Ariane Ascaride, actrice principale de ses films, est aussi au scénario pour cette oeuvre si particulière. Aux côtés d'Ascaride, on retrouve les fidèles Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin, mais aussi Simon Abkarian et Jalil Lespert.
Le Voyage en Arménie est une quête des origines. C'est l'histoire d'Anna, cardiologue, doit opérer son père, malade du cœur. Celui-ci disparaît soudainement. Anna est convaincue qu'il est parti en Arménie, pays qu'il avait quitté vers les années 1950. Elle part à sa recherche.
Le film est autant une fiction, amoureuse des paysages, qu'un reportage documentaire sur le pays, tiraillé entre son histoire millénaire et sa mutation post-communiste très libérale.

Le Mas des alouettes / La masseria delle allodole (2007)
Paolo et Vittorio Taviani adaptent le roman d'Antonia Arslan, Prix Stresa (l'équivalent du Goncourt en Italie) en 2004. Paz Vega, Angela Molina, Arsinée Khanjian, Tchéky Karyo et André Dussollier sont au générique.
Les Taviani plonge le spectateur en mai 1915, à Venise où Assadour Avakian, médecin d'origine arménienne, se prépare, après vingt ans de séparation, à retrouver sa famille natale en Anatolie. Pour cet événement, son frère Aram fait agrandir et restaurer le Mas des alouettes, la vieille demeure où sont nés et ont grandi les Avakian. Mais l'Italie vient d'entrer en guerre contre l'Autriche-Hongrie et l'Empire ottoman, et en Turquie, les Jeunes-Turcs sont au pouvoir et cherchent à se débarrasser des minorités ethniques. Pour les Arméniens, la situation devient un enfer: tous les individus de sexe masculin sont voués au massacre, les Avakian n'y font pas exception. Pour les femmes et le petit Avetis, déguisé en fille, débute alors un long calvaire dans le désert et le début de leur exil.

fatih akin tahar rahim the cutThe Cut (2014)
Présenté en compétition au Festival international du film de Venise l'an dernier, ce film est la première collaboration entre un cinéaste d'origine turque, Fatih Akin, et un scénariste d'origine arménienne, Mardik Martin.
The Cut suit, pendant le génocide arménien, Nazareth Manoogian, déporté de son village natal de Mardin, en Turquie. Après les déportations, il apprend que ses filles pourraient être encore vivantes et parcourt le monde pour les retrouver. Tahar Rahim interprète le rôle principal. On retrouve également au générique Simon Abkarian et Arsinée Khanjian.
C'est aussi le premier scénario de Mardik Martin en 34 ans, depuis Raging Bull. Akin a clairement avoué qu'il s'était inspiré d'America, America.

Fatih Akin suspend son nouveau projet

Posté par vincy, le 2 août 2014

fatih akin
Fatih Akin est bloqué pour son prochain film.. Le cinéaste n'a trouvé aucun acteur turc pour interpréter le rôle de Hrant Dink, journaliste d'origine arménienne assassiné en Turquie en 2007. Le film devait être basé sur ce fait divers. Akin a annoncé au journal arménien Agos, tel que le rapporte l'AFP, qu'il suspendait ce projet.

"J'ai échoué à convaincre un comédien turc de jouer le rôle de Hrant Dink, tous ont trouvé mon scénario très dur" a-t-il expliqué. “Pour moi c'était important qu'il y ait un film turc à propos de Hrant. Un américain ou un français ne peuvent pas l'incarner. Nous devons traiter cette question nous-mêmes. Mais apparemment, nous ne sommes pas prêts."

Le fait divers fait toujours polémique en Turquie. Le 19 janvier 2007, Hrant Dink, 52 ans, est abattu à Istanbul devant les locaux d'Agos, hebdomadaire bilingue turco-arménien qu'il dirigeait. Un jeune nationaliste âgé de 17 ans lui a tiré deux balles dans la tête. Le crime a fait sensation. Hrant Dink était l'un des artisans de la réconciliation entre Turcs et Arméniens, provoquant la colère des nationalistes turcs, qui le haïssaient. La procédure est toujours en cours, les parents du tueur continuant d'affirmer qu'il obéissait sous les ordres d'une hiérarchie en rapport avec l'Etat.

Fatih Akin marche sur des oeufs : son dernier film, The Cut, qui sera présenté en compétition au prochain festival de Venise, évoque le génocide arménien,sujet tabou en Turquie. Se déroulant en 1915, le film raconte l'épopée d'un survivant qui part à la recherche de sa fille. Le réalisateur avait invoqué des "raisons personnelles" pour justifier qu'il ne le présenterait pas à Cannes (lire notre actualité du 15 avril). La Turquie rejette toujours officiellement la version historique d'un génocide, n'évoquant que des massacres entre Turcs et Arméniens durant la dislocation ottomane. Les tueries et les déportations d'Arméniens ont fait plus de 1,5 million de morts selon les Arméniens, 250.000 à 500.000 selon la Turquie.

The Cut sortira en France le 14 janvier 2015.

Fatih Akin, réalisateur allemand d'origine turque, a remporté l'Ours d'or de la Berlinale en 2004 avec Head On, le prix du scénario à Cannes avec De l'autre côté et le Grand prix du jury à Venise avec Soul Kitchen.

Fatih Akin ne viendra pas à Cannes

Posté par vincy, le 15 avril 2014

fatih akin cannes 2007Le distributeur Pyramide vient d'annoncer que le réalisateur allemand Fatih Akin ne souhaitait pas participer au Festival de Cannes avec son dernier film The Cut, "pour des raisons personnelles". Sans plus de précisions.

The Cut, avec Tahar Rahim, George Georgiou et Akin Gazi, est un film muet qui croise Chaplin et un Western à la Sergio Leone. Ce film annoncé comme philosophique suit un père de famille dans son tour du monde, à la recherche de ses enfants disparus lors de la première guerre mondiale.

On peut imaginer que le réalisateur veuille aller à Venise à la fin de l'été. The Cut est le dernier épisode d'une trilogie - L'amour, La mort, Le mal - commencée en 2004 avec Head On, Ours d'or à Berlin et prolongée en 2007 avec De l'autre côté, prix du scénario à Cannes. A chaque épisode son festival?

Outre De l'autre côté, Akin avait aussi présenté hors compétition à Cannes ses documentaires Crossing the Bridge : The Sound of Istanbul en 2005 et Polluting Paradise en 2012.

Le cinéma allemand, un ami pas forcément privilégié (Das deutsche Kino, ein nicht notwendigerweise privilegierter Freund)

Posté par vincy, le 22 janvier 2013
Juliette Binoche et Yves Montand sur le Mur de Berlin © vincy thomas

Juliette Binoche et Yves Montand sur le Mur de Berlin © vincy thomas

50 ans d'amitié franco-allemande et après? Les Français ne parlent pas plus allemand. Même s'ils aiment aller faire la fête à Berlin, boire de la bière à Munich, se laisser charmer par les villes rhénanes, admirer le dynamisme d'Hambourg... On lit parfois des auteurs allemands, une élite culturelle vénère danseurs, metteurs en scène et opéras des voisins de l'Est, on écoute rarement de la pop ou du rock germanique, et il n'y a bien que les quelques centaines de milliers de téléspectateurs d'ARTE qui regardent des programmes bilingues. L'Allemagne c'est quoi finalement pour un Français? La rigide chancelière, des marques de voiture, Hugo Boss, éventuellement la coopération aéronautique, des supermarchés low-cost, des Kinders avec un cadeau à l'intérieur, les immuables Playmobil, Adidas, de la colle Uhu, de la crème Nivea, des appareils Siemens...

Et le cinéma? Il est de plus en plus "absent". En France, le cinéma allemand est vu de la même manière que le cinéma belge, italien ou scandinave. Les cinéphiles français sont plus proches des cinémas espagnols et anglais. Ça n'a pas toujours été comme ça mais c'est ainsi. Il est loin le temps où Jules et Jim, L'As des As, La Grande vadrouille valorisaient les liens renoués entre les deux pays, tout en cartonnant au box office des deux côtés du Rhin.

Ce lien est aujourd'hui invisible, et financier. Le nombre de coproductions entre les deux pays a considérablement augmenté depuis le début des années 2000, donnant des Palmes d'or comme Le Pianiste, Le Ruban blanc ou le récent Amour, ou des triomphes populaires comme Astérix. Là encore, la création d'ARTE n'y est pas pour rien. La chaîne reverse une partie de son budget annuel (3,5%) pour coproduire des films européens (Lars von Trier entre autres). Des centaines de films de plusieurs dizaines de nationalités ont ainsi profité de ce financement, propulsant la chaîne dans les génériques de films sélectionnés dans les plus grands festivals de cinéma du monde.

Quelques succès cachent le fossé

Mais. Il y a 30 ans, les cinéphiles couraient voir les films de Rainer Werner Fassbinder, Volker Schlöndorff et Wim Wenders. Ils ont influencé des générations de cinéastes, à l'instar de François Ozon. Aujourd'hui, aucun cinéaste allemand n'a leur notoriété, ou même celle d'un Kaurismaki, d'un Moretti, d'un Almodovar, d'un Verhoeven, d'un Von Trier, ou encore d'un Ceylan (considérant que la Turquie est en partie européenne). Et que dire des stars allemandes? Spontanément on cite qui? Où sont les Dietrich ou les Schneider d'antan? Bien sûr, il y a des succès. Et pas des moindres : La Vie des autres (Florian Henckel von Donnersmarck, 1,4 million d'entrées), Good Bye Lenin (Wolfgang Becker, 1,2 million d'entrées), Le Parfum (Tom Tykwer, 925 000 entrées) ou La Chute (Oliver Hirschbiegel, 795 000 entrées).

Mais plus généralement, un film allemand, quand il trouve son public, ne dépasse pas les 350 000 spectateurs, que ce soit Pina de Wim Wenders, La grotte des rêves perdus de Werner Herzog, Soul Kitchen ou en 2012 Barbara (225 000 entrées). A peine dix films allemands ont bénéficié d'une couverture médiatique minimale (critiques dans la presse écrite, chroniques à la radio, campagne d'affichage...). Il faut avoir reçu des prix internationaux (Barbara) ou profité du nom du cinéaste (Into the Abyss de Werner Herzog) pour obtenir davantage (interview d'un cinéaste, portrait d'un comédien). La télévision reste à l'écart, et ne participe pas à un quelconque essor.

Une relation déséquilibrée même dans les grands festivals

En fait, la relation bilatérale entre les deux cinématographies est plus que bancale. Si le Festival de Berlin met en compétition de nombreux films Français (jusqu'à les primer : 2 Ours d'or en 20 ans, 3 prix de mise en scène, 3 prix d'interprétation, 4 Ours d'or d'honneur...), le Festival de Cannes est souvent critiqué par les professionnels allemands pour ignorer le cinéma germanique dans sa compétition. La dernière Palme d'or remonte à 1984, le dernier Grand prix du jury à 1993, le dernier prix de la mise en scène à 1987, le dernier prix d'interprétation féminine à 1986, et aucun acteur n'a jamais été récompensé... Wenders est le dernier cinéaste a avoir été retenu en compétition, en 2008. Fatih Akin, sans doute le réalisateur allemand le plus passionnant de ce début de millénaire, est le dernier à avoir été récompensé, par un prix du scénario pour De l'autre côté. On note cependant quelques pépites dans les autres sélections (Pour lui, meilleur film allemand 2011, à Un certain regard). A Venise, la tendance est la même qu'à Cannes. En France, les César n'ont donné qu'un seul prix (La vie des autres) pour trois nominations (De l'autre côté, la même année, et Good Bye Lenin!) dans le même laps de temps.

Côté box office, on constate le même déséquilibre. Intouchables attire 8,5 millions de spectateurs dans les salles allemandes. The Artist, Et si on vivait tous ensemble et le troisième Astérix se classent dans le Top 100 de 2012. Aucun film allemand ne parvient à réussir cet exploit en France.

Et que dire des succès allemands que l'on ne verra jamais en France comme Türkisch für Anfänger (12e du BO annuel), Mann tut was Mann kann ou même la version cinéma du Club des Cinq?

Comme si le Rhin était un fossé infranchissable dans un sens, mais pas dans l'autre. Cependant le cinéma allemand est aussi responsable de ses propres maux. La part de marché locale ne dépasse par les 25% (et sera même beaucoup plus faible en 2012) là où le cinéma français séduit 35 à 40% des spectateurs français. En 2011, un seul film allemand (Kokowääh) était classé dans les 20 films européens les plus vus en Europe. On est loin du record de 2009 (avec trois films, même si aucun d'eux n'a été réellement exporté hors pays germanophones). Même les films récompensés aux German Film Awards ne sortent pas dans les salles françaises.

Un cinéma marginalisé même dans un pays cinéphile

Pourtant il existe le cinéma allemand : cinq réalisateurs germaniques ont été nommés à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère depuis 2000 (et deux ont gagné). Le dernier grand événement lié au cinéma allemand fut la rétrospective Fritz Lang et l'exposition Metropolis à la Cinémathèque française. On pourrait alors se demander si le cinéma allemand a intérêt à se concentrer sur le rendez-vous de la Berlinale chaque année, en se coupant des autres festivals... Le nombre de productions respectables est peut-être trop faible pour jouer toute son année en un seul rendez-vous...

Alors, où est le problème? Une nostalgie d'un cinéma autrefois glorieux et audacieux et aujourd'hui banalisé par l'invasion de cinématographies de pays comme l'Argentine, la Corée du sud ou la Roumanie? Une absence de cinéphilie experte permettant de valoriser ce cinéma en France? Un problème allemand, politique et culturel, qui ne permet pas de promouvoir son cinéma à l'extérieur de ses frontières? Ou, plus concrètement, la fragilité d'un cinéma d'auteur allemand? Un peu de tout ça sans doute. Auquel on ajoute une carence de vision européenne du 7e art de la part des institutions : le cinéma reste un domaine national quand il s'agit de création. Seuls les capitaux sont transfrontraliers. Ainsi Haneke, autrichien, est coproduit par la France et l'Allemagne, tout comme Polanski franco-polonais, qui vient tourner à Berlin, etc... La mondialisation est partout, sauf dans les sujets, dans les projets.

Des initiatives institutionnelles et professionnelles, coupées du public

Face à cette impuissance à copuler ensemble, le cinéma allemand et le cinéma français essaye d'initier des collaborations "en amont" et "en aval". L’Académie franco-allemande du cinéma a été initiée en 2000 par le chancelier allemand Schröder et le président français Jacques Chirac pour favoriser la collaboration entre ces deux pays en matière de cinéma. Sous la tutelle du Centre National de la Cinématographie et de l'Image animée (CNC) et du Beauftragter für Kultur und Medien (BKM), elle a pour objectif de contribuer à la construction de l’Europe du cinéma, en renforçant la collaboration entre la France et l’Allemagne dans quatre secteurs : la production, la distribution, la formation et le patrimoine.

Par ailleurs, le CNC et la Filmförderungsanstalt (FFA) ont mis en place un fonds dans lequel chaque pays contribue à hauteur de 1,5 millions d’euros. Ce fonds, appelé également mini-traité, permet aux producteurs d’accéder à des aides pour la coproduction franco-allemande.

Dans le cadre de cette Académie, une formation commune dans les secteurs de la production et de la distribution de films a été créée en 2001 entre La Fémis et l’école de cinéma à Ludwigsburg.

Enfin, en 2003,  Les rendez-vous franco-allemands du cinéma permettent d’harmoniser les deux systèmes de production pour faciliter les coproductions et d’encourager la distribution des films allemands en France et des films français en Allemagne. Ils ont lieu chaque année, alternativement en France et en Allemagne, sous le parrainage d'Unifrance et German Films.

Il y a aussi Les Journées du film français à Stuttgart et Le Festival du cinéma allemand à Paris. Mais il faudra bien plus pour que le pont entre les deux pays, les deux cinématographies, soit consolidé. Des films qui font le lien comme Joyeux Noël par exemple. C'est d'autant plus important que le cinéma, culture de masse par excellence, est un outil de divertissement idéal pour mieux comprendre son voisin, abattre les préjugés et apprendre à connaître la culture et la société de cet ami de 50 ans. Il faut en finir avec l'idée que l'Allemagne c'est Derrick. Comme la France est parvenue à remplacer Louis de Funès par Omar Sy.

Travelling?: Délices d’Istanbul et Fatih Akin en digestif

Posté par Morgane, le 17 février 2010

Dernière journée de festival, dernières projections, derniers visionnages, derniers coups de coeur...

Après une matinée consacrée aux courts pour enfants, je me dirige de nouveau vers le Théâtre National de Bretagne et sa salle Louis Jouvet dans laquelle je vais passer le reste de la journée. Au programme, L’Oeuf (Yumurta) de Semih Kaplanoglu -2007-, Des temps et des vents de Reha Erdem -2007- et, pour clore la journée et le festival, l’avant-première de Soul Kitchen de Fatih Akin qui sera dans les salles le 17 mars 2010.

L’oeuf de Semih Kaplanoglu

Yusuf, parti vivre à Istanbul, retourne dans son village à la mort de sa mère. Il rencontre alors Ayla, la jeune fille qui s’occupait de sa mère mais qu’il ne connait pas. Le film est donc l’histoire de cette rencontre et repose entièrement sur cette dernière. Yusuf retourne à ses racines et reprend contact avec sa vie passée. Chronique rurale, le film est intéressant par la peinture qu’il en dresse, à la fois conte où la vie s’écoule lentement et portait d’un homme en mal de repères. Le film laisse tout de même transparaitre quelques faiblesses, notamment ses longueurs et lenteurs qui dote parfois le film d’une certaine lourdeur.

Des temps et des vents de Reha Erdem

Après My only sunshine -2008- vu hier, c’est le deuxième film que je découvre du réalisateur. Ici encore il se penche sur ce douloureux passage de l’enfance à l’adolescence et plusieurs ponts font la jonction entre ses deux films (l’homme qui tousse à l’ouverture des temps et des vents fait écho au grand-père malade de My only sunshine tout comme les deux figures des jeunes filles ont de nombreuses similitudes). Ici, on suit le parcours de trois jeunes adolescents (deux garçons et une fille) qui se retrouvent confrontés à l’autorité des adultes. Chacun réagit alors différemment à celle-ci et tente d’y survivre à sa manière. Colère, tristesse et rage s’entremêlent dans cette fable poétique où la nature tient une place prépondérante. Cette dernière est d’une beauté incroyable, magnifiquement filmée par Reha Erdem. Elle fait partie du quotidien des trois enfants qui l’ont apprivoisée, l’aiment et la chérissent (plusieurs plans magnifiques montrant tour à tour les enfants endormis au creux d’un élément naturel). Un film d’une grande beauté.

Soul kitchen de Fatih Akin, Prix spécial du Jury à la Mostra de Venise en 2009

On retrouve ici un tout autre genre de cinéma, beaucoup moins ancré dans la Turquie même et pour cause, Fatih Akin place son film à Hambourg. Zinos, patron du restaurant Soul  Kitchen, essaie de garder la tête hors de l’eau. Le restaurant coule peu à peu, son amie est partie vivre à Shangaï et son frère, taulard en semi-liberté, lui demande de l’embaucher. Ce qui ressort du dernier film de Fatih Akin c’est principalement son extraordinaire bande-son (n’oublions pas que le réalisateur est également musicien) et son humour. Sur fond de musique électrique and soul et de péripéties faisant sombrer de plus en plus Zinos, Fatih Akin s’attache à l’humour et à la cocasserie des situations (la superbe scène de Zinos chez le chiropracteur en est une parmi tant d’autres). Mais derrière cet humour se cache tout de même une réalité assez sombre sur une situation économique et sociale parfois difficile et délicate. Vous pourrez retrouver notre critique du film sur le site Écran Noir lors de sa sortie en salles.

21e festival de Rennes : travelling sur Istanbul

Posté par MpM, le 8 février 2010

Travelling RennesL'originalité du festival Travelling de Rennes est de proposer année après année un coup de projecteur non pas sur une zone géographique donnée, mais sur la cinématographie générée autour d’une ville en particulier (Buenos Aires en 2008, Jérusalem en 2009) ou d’une thématique liée au cadre de vie urbain (”Une ville la nuit” en 2007). Pour sa 21e édition, la manifestation profite ainsi de l'année de la Turquie en France pour s'envoler à Istanbul, cité au parfum de mystère qui, située de part et d’autre du détroit du Bosphore, est à cheval sur l’Europe et l’Asie.

Un voyage forcément envoûtant qui offre l'occasion de revoir des oeuvres occidentales ayant Istanbul pour cadre (L'affaire Cicéron de Mankiewicz, L'immortelle d'Alain Robbe-Grillet, Topkapi de Jules Dassin...), des films turcs à la carrière internationale (De l'autre côté de Fatih Akin, Les gamins d'istanbul d'Omer Kavur, Les trois singes de Nuri Bilge Ceylan...) et des longs métrages inédits (On est bien peu de choses de Reha Erdem, Men on the bridge d'Asli Ozge, Le temps d'aimer de Metin Erksan...).

Sans oublier de nombreux courts métrages, une section entière consacrée à des oeuvres singulières illustrant le renouveau d'un cinéma d'auteur turc (Lait de Semih Kaplanoglu vu à Venise, La dernière saison de Kazim Oz et My Marlon and Brando de Huseyin Karabey, tous deux sélectionnés à Paris...) qui conquiert les festivals du monde entier et un regard particulier sur les liens que tisse la Turquie avec ses voisins européens (notamment le dernier film de Fatih Akin, Soul kitchen).

A la vue de cette sélection riche et dense complétée par quelques temps forts tout aussi passionnants ("nanards" de Turquie, créations vidéo, ciné-concert, Travelling junior, rencontres et débats...), on comprend mieux comment le cinéma populaire turc réussit à faire plus d'entrées dans les salles du pays que les film américains ! Un exploit suffisamment rare pour être relevé... et qui pourrait inspirer un défi aux festivaliers rennois : l'espace d'une semaine, faire aussi bien !

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21e Festival de Rennes Métropole
Travelling Istanbul
Du 9 au 16 février 2010
Informations et horaires sur le site du festival