Les documentaires de Frederick Wiseman en streaming

Posté par vincy, le 26 janvier 2018

Zipporah Films, la société du documentariste Frederick Wiseman, en compétition à Venise avec son dernier film Ex Libris, a signé un accord avec Kanopy, une plateforme de streaming spécialisée dans les documentaires, films d'auteurs et classiques de cinéma. L'intégralité des films du cinéaste sera disponible en SVàD. La particularité de Kanopy est d'être destinée aux bibliothèques (plus de 4000) et aux universités (plus de 3000). Lancé en 2008, ce service est utilisable sur iOS, Android et Windows. Il est gratuit pour les détenteurs d'une carte d'une bibliothèque adhérente à Kanopy.

Wiseman, 88 ans, lâche ainsi tout son catalogue (At Berkeley, Crazy Horse, In Jackson heights, La Comédie-Française ou l'Amour joué, La Danse - Le Ballet de l’Opéra de Paris, National Gallery...). Seul Ex Libris sera disponible plus tard dans l'année, à cause d'une clause contractuelle qui oblige le cinéaste-producteur à le diffuser d'abord sur PBS. Jusqu'ici, aucun film du réalisateur n'est diffusé sur une plateforme SVàD.

Au total 40 films seront accessibles et trouveront sans aucun doute un nouveau public. Plus de 5 millions de personnes utilisent Kanopy, qui propose plus de 30000 œuvres.

Ex Libris, The New York Public Library sortira en DVD et en VàD en France le 6 mars.

3 raisons d’aller voir Ex Libris, The New York Public Library

Posté par vincy, le 1 novembre 2017

En compétition au dernier Festival de Venise, et reparti injustement sans aucune distinction, Ex Libris, The New York Public Library est le dernier documentaire du vétéran Frederick Wiseman, qui célèbre ses 50 ans de cinéma cette année, à qui l'on doit des immersions tentaculaires dans de sublimes institutions comme L'Opéra de Paris, La Comédie française ou la National Gallery. Cette fois-ci il plonge dans le réseau des bibliothèques publiques de New York.

Un portrait de l'Amérique. Sans voix off ni interviews ni commentaires, le film montre la diversité ethnique, sociale, générationnelle des usagers de ces bibliothèques, et tous les corps de métiers (et autant de compétences) qui sont nécessaires au fonctionnement de celles-ci. C'est un condensé du pays qui nous ait ainsi offert, des "stars" comme Elvis Costello et Patti Smith, aux petites mains qui numérisent, classent, ou trient les livres et les archives en passant par les animateurs, les pédagogues et les dirigeants. Davantage qu'une histoire de visages, il s'agit aussi d'une histoire de "village". Tout s'y croise: le social (aide aux immigrants, aux handicaps, aux chômeurs), le culturel (concerts, expositions), le personnel (selon ce que l'on recherche), l'économie (du besoin de mécènes aux contraintes des financiers publics), l'éducatif (pour les petits comme pour les plus grands)...

Un film très politique. Frederick Wiseman l'affirme. L'élection de Donald Trump a influé sur son montage. A travers ce tableau d'un lieu emblématique fréquenté par 17 millions de personnes chaque année, on voit bien que le cinéaste a cherché une antidote à cette Amérique de Trump. D'abord en valorisant le travail (la noble mission même) des bibliothécaires et archivistes qui ne cessent de s'adapter à leur époque, notamment avec l'accès numérique, et aux populations, parfois précaires ou délaissées par la mondialisation. Ensuite en laissant la parole à des artistes et des écrivains engagés ou des conférenciers qui fouillent les racines d'une Amérique en quête d'identité, à commencer par les questions liées aux Afro-américains et à l'esclavagisme ou celles sur la lutte des classes et le rapport aux dominants. Enfin, en rappelant qu'une bibliothèque est un pilier de la démocratie - c'est un accès à la connaissance ouvert à tous donc un rempart à l'ignorance -, en décryptant les contraintes financières dépendant à la fois des agendas publics locaux et nationaux et des attentes pas forcément d'intérêt général des mécènes et donateurs privés, il prouve si besoin est qu'une bibliothèque d'envergure mondiale comme une filiale de quartier sont des des lieux de service public (les derniers?) nécessaires à la "communauté".

Un objet cinématographique unique. D'une durée de 3h20, cette épopée particulièrement bien rythmée pour ne jamais s'ennuyer, si richement variée pour nous passionner, est un film singulier, avec ses réflexions, ses dialogues et ses respirations. C'est un grand documentaire sur le fond. Mais en ne cherchant jamais à séduire par la forme - à l'inverse d'un Michael Moore par exemple - il révèle aussi son intégrité. Du début à la fin, sans morale dictée, mais non sans subjectivité, Ex Libris, The New York Public Library prend le temps de faire le tour d'un espace multiforme, où l'on circule d'un plan à l'autre sans avoir l'impression d'avoir bougé.