Un jour, ça ira : la précarité au quotidien

Posté par redaction, le 14 février 2018

Djibi et Ange, deux adolescents, vivent dans un centre d’hébergement d’urgence à Paris. Dans le documentaire Un jour, ça ira de Stan Zambeaux et Edouard Zambeaux, ils racontent, à travers l’écriture et le chant, leurs espoirs d’une vie meilleure.

Djibi Diakhaté vit avec sa mère, Ange Lath avec son père. Ces adolescents de 13 ans sont logés provisoirement à l’Archipel, un centre d’hébergement d’urgence parisien qui accueille quelque 300 personnes, dont 70 enfants. L’Archipel prend en charge de manière très active les sans-domicile, avec une forte volonté d’insertion, en permettant notamment aux enfants de s’exprimer à travers les arts.

Ainsi, Djibi participe à un atelier d’écriture, un exercice très valorisant puisqu’il rédige un article qui sera publié dans le quotidien Libération. Il peut ainsi parler de sa vie, de ses rêves, avec le plaisir de découvrir un jour son texte dans un grand journal français. Djibi, qui change très souvent de domicile, se présente comme un «serial déménageur». Si, par honte, il refuse d’avouer à ses camarades du collège qu’il vit au «115», comme il dit, il se confie en revanche avec beaucoup de maturité dans ses écrits sur ses problèmes et ses espérances.

Ange Loth, plus timide, se raconte à travers des chansons qu’elle compose à l’atelier chant, avec une prof très attentive qui lui apprend à chanter avec plus d’assurance. Comme Djibi, Ange se sent très valorisée par cette activité.

Lors d’une représentation dans la chapelle de l’Archipel, Djibi et Ange vont pouvoir s’exprimer devant leurs parents, mais aussi devant un public bienveillant. Grâce à cette confiance accumulée, ils ne doutent pas, comme l’affirme le titre du documentaire, qu’« Un jour, ça ira ».

Une dure réalité qui n'empêche pas l'émotion et l'optimisme

Les réalisateurs Stan et Edouard Zambeaux, deux frères, ont filmé le quotidien des familles dans le centre : l’attente d’un logement, d’un travail, de papiers. Et puis un jour, on annonce à ces personnes en situation de précarité qu’elles vont bientôt devoir à nouveau déménager, avec en toile de fond la crise des migrants qui se répercute sur le centre.

Si on perçoit bien dans le documentaire la dure réalité du quotidien de ces sans domicile fixe, et l’ampleur du phénomène, les réalisateurs ont aussi su capter des moments d’émotion, ce qui donne une tonalité d’optimisme. « A l’origine de ce film, il y avait l’envie de faire quelque chose de beau pour décrire une réalité souvent présentée sous son aspect uniquement miséreux. Nous avions envie d’avoir une approche esthétique de cette question, de magnifier les personnages, de montrer que la situation extrêmement difficile dans laquelle ils étaient n’atteignait pas leur dignité », raconte Edouard Zambeaux.

Si cet intéressant documentaire présente la situation d’extrême précarité de personnes que l’on peut croiser au quotidien dans les rues de la capitale, il montre aussi les relations de solidarité qui peuvent s’établir. Depuis la fin du tournage, L’Archipel a fermé ses portes, mais Djibi et Ange ont retrouvé un toit.

Un jour, ça ira, documentaire français de Stan Zambeaux et Edouard Zambeaux
Sortie le 14 février 2018

Pierre-Yves Roger

Your Name, phénomène du box office japonais, en France le 28 décembre

Posté par vincy, le 12 octobre 2016

Le film d'animation de Makoto Shinkai, Your Name, domine insolemment le box office japonais depuis sa sortie le 27 août dernier. Sept semaines qu'il est au top. En 47 jours d'exploitation il a cumulé 140 millions de $ de recettes, soit le plus gros succès de l'année au Japon avec 10,5 millions de spectateurs. Cette semaine, il réalisera l'exploit de rentrer dans le Top 10 des plus grosses recettes dans l'histoire nippone, battant Ponyo sur la falaise mais aussi Avatar. Il deviendra aussi le 5e plus important succès japonais, derrière l'inamovible champion Le Voyage de Chihiro, Le Château ambulant, Princesse Mononoke et Bayside Shakedown 2. A ce rythme, il pourrait finir dans le Top 5 historique derrière Chihiro, Titanic, La Reine des neiges et le premier Harry Potter.

En France, Eurozoom sortira le film le 28 décembre, a priori dans une centaine de salles en VF comme en VOST. Un bon créneau puisque de Albator aux Myiazaki, la période fin décembre/fin janvier a toujours bien profité à l'animation japonaise.

Le film raconte l'histoire de Mitsuha, lycéenne qui réside dans une petite ville située dans les montagnes. Elle vit aux côtés de sa petite sœur, sa grand-mère ainsi que son père, bien que ce dernier ne soit jamais à la maison à cause de son travail de maire. En réalité, sa vie ne lui convient pas et souhaite pouvoir vivre à Tokyo. De son côté, Taki est un lycéen qui habite à Tokyo et qui adore l'architecture et l'art. Il vit une vie normale d'étudiant entouré d'amis et travaille même dans un petit restaurant italien. Mais un jour, il fait un rêve dans lequel il est dans la peau d'une jeune fille qui vit dans une ville en montagne. Mitsuha, quant à elle, fait également un rêve dans lequel elle est dans un corps d'un garçon tokyoïte.

Sélectionné par deux fois au Festival d'Annecy, Makoto Shinkai a déjà réalisé La tour au-delà des nuages, The Garden of Words et Voyage vers Agartha.

Amélie Nothomb de retour sur les écrans

Posté par vincy, le 30 octobre 2014

tokyo fiancée pauline etienne taichi inoue amelie nothomb

Amélie Nothomb est une écrivain populaire (chacun de ses livres dépasse les 100000 exemplaires). Son dernier roman, Pétronille, est finaliste dans la sélection du prestigieux Prix Renaudot. Certaines de ses histoires sont transposées au théâtre. Mais plus rarement au cinéma.

23 livres publiés et seulement 2 qui ont été adaptés, médiocrement qui plus est: Hygiène de l'assassin, réalisé par François Ruggieri en 1999, avec Jean Yanne et Barbara Schulz, et Stupeur et tremblements d'Alain Corneau en 2003, avec Sylvie Testud (rôle qui lui a valu le triplé César-Lumière-Etoile d'or de la meilleure actrice et un prix d'interprétation au Festival de Karlovy Vary).

Cette année, un troisième roman de la plus nippone des auteures belges est porté à l'écran. Tokyo Fiancée sera l'adaptation de Ni d’Ève ni d'Adam, prix de Flore (et sans doute son dernier grand roman) en 2007. Le titre cinématographique correspond au titre du livre sur les marchés étrangers.

Le film, entre Amélie Poulain et Lost in Translation, a été projeté aux Festivals de Toronto et de Namur ces dernières semaines.

Eurozoom distribuera Tokyo Fiancée en France le 18 février 2015, pour la Saint-Valentin. Il vient de sortir en Belgique (où il connaît un succès modeste).

Réalisé par Stefan Liberski (Bunker Paradise), et interprété par Pauline Etienne (La religieuse), Tokyo Fiancée retrace l'histoire de la jeunesse japonaise d'Amélie, un peu avant, pendant et après les événements relatés dans Stupeur et Tremblements. Elle y rencontre un jeune japonais, Rinri (Taichi Inoue), et vont tomber éperdument amoureux l'un de l'autre. Mais le destin d'Amélie est-il de rester au Japon ou d'écrire un roman?

HH, Hitler à Hollywood : hymne au cinéma européen

Posté par vincy, le 3 mai 2011

Frédéric Sojcher (Cinéastes à tout prix) est un tel amoureux du cinéma qu'il filme avec un appareil photo une déclaration d'amour à la diversité culturelle. Sujet aussi politique que peu cinématographique, il réussit l'exploit de nous passionner pour un débat complexe et ancien avec des moyens à la limite du bricolage. Il s'aide de l'humour absurde, d'un rythme incessant, d'une dérision loufoque, voire d'un effet de joyeux bordel propre à son sujet : l'Europe. Cet hymne au cinéma européen est une contestation de la domination américaine, qu'il assimile à une entreprise guerrière de propagande. HH, Hitler à Hollywood (site officiel) n'évite aucun de ses paradoxes : Maria de Medeiros, actrice / réalisatrice portugaise, parlant français et anglais, connue essentiellement pour son rôle dans Pulp Fiction, oeuvre américaine par excellence, fait un documentaire sur Micheline Presle, l'une des doyennes du cinéma français qui a connu le succès à Hollywood. Cette ambivalence entre les cinémas européens et américains permet de confronter les visions des deux cinémas avec les nuances nécessaires.

Sojcher mise sur une esthétique propre : Medeiros est la couleur et la lumière quand les décors et les personnages secondaires sont davantage saturés et presque effacés. L'appareil photo qui sert de caméra rend l'ensemble fascinant et démontre que le cinéma est l'affaire de tous, comme la Nouvelle Vague avait rendu désuet les productions en studio. Il y a un goût de la liberté qu'on ressent jusque dans les moyens techniques. Cette même aspiration à vouloir être "indépendant" des normes américaines se retrouve à travers un tour d'Europe (Paris, Bruxelles, Londres, Berlin, Venise, Cannes, Malte, soit les trois grands lieux de festival et les deux plus importantes métropoles) qui commence comme une enquête et se termine comme une poursuite digne d'un Jason Bourne.

Le prétexte est de retrouver un film perdu. Plus la vérité approche, plus le mystère se dissipe, plus notre investigatrice découvre avec effroi les objectifs de la toute puissance américaine. Hollywood hits. Les succès d'Hollywood, comme vecteur de communication globale. Une frappe massive, loin d'être chirurgicale, qui n'admet pas la résistance du cinéma d'ailleurs. A travers des discussions, des témoignages, un scénario finalement bien ficelé, Sojcher démontre comment le cinéma américain, par des manipulations politiques, une force de frappe financière, une assimilation culturelle, a détruit le cinéma européen.

Il faudrait que la Commissaire européenne à la Culture voit ce film, écoute ce que Angelopoulos, Konchalovski, Schlöndorff, Wenders, Kusturica disent. Leurs arguments sont imparables sur le déséquilibre des forces, sur l'absence totale de synergie communautaire. Les Américains peuvent sortir leurs films dans toute l'Europe, squatter la plupart des écrans d'un multiplexe : les Européens, non. Où est le choix? Les Américains peuvent doubler leurs films dans la langue locale, les Européens subissent l'impact du sous-titrage. Ce protectionnisme unilatéral prend sa source dans les accords Blum-Byrnes en 1947, avantageant les productions américaines en facilitant leurs exportations. HH, Hitler à Hollywood devient ainsi un plaidoyer désespéré pour l'exception culturelle. Désespéré mais pas désespérant : c'est vif, efficace, instructif pour qui souhaite comprendre l'appauvrissement cinéphilique de ces trente dernières années.

A une semaine du Festival de Cannes, forteresse imprenable du cinéma international et des auteurs, Sojcher pousse un cri pour rappeler à quel point le cinéma ne peut exister qu'en étant varié. Avec le doyen Oliveira en guise d'image finale, il espère que cet art vieux de plus cent ans, comme son doyen, est éternel et ne mourra jamais.

Filmer cela avec un appareil Canon, une égérie du cinéma d'après guerre et une fiction autour d'une stratégie politique digne d'une stratégie guerrière, était sans aucun doute le meilleur moyen de hurler, de se battre, de rêver. Cela reste aussi une Utopie, comme il le signifie dans les derniers plans. Un idéal accentué par la faible combinaison de salles qui le diffuseront lors de sa sortie alors qu'il mériterait une extension du domaine de lutte jusque dans les collèges et lycées de l'Union européennne.