Et si on regardait… Nous nous sommes tant aimés

Posté par vincy, le 8 mai 2020

Le film d'Ettore Scola, Nous nous sommes tant aimés (1974), était le choix du cinéclub de La Cinetek cette semaine, avec Michel Hazanavicius et Cédric Klapisch en présentateurs. Et en ces temps de confinement, un petit détour à Rome ne peut faire que du bien.

César du meilleur film étranger en 1977, cette fresque qui s'étend de la fin de la seconde guerre mondiale au début des années 1970, suit trois amis unis dans la Résistance, Gianni (Vittorio Gassman), Nicola (Stefano Satta Flores) et Antonio (Nino Manfredi). Utopistes, activistes, révolutionnaires dans l'âme, ils rêvent d'une Italie juste et libre. Luciana (Stefania Sandrelli), comédienne en devenir, croise alors Nicola, brancardier, avant de tomber amoureuse de Gianni, avocat, qui la quitte pour un bon parti, puis de se consoler auprès d'Antonio, enseignant. Le destin va les séparer, parfois le hasard provoquera leurs retrouvailles. Mais au fil des décennies, leur amitié se délite jusqu'à s'apercevoir que "le futur est passé" et qu'ils n'ont pas changé le monde, alors que le monde les a changés.

Un hommage au cinéma. Une archive avec Vittorio de Sica  (à qui le film est dédié) racontant une anecdote du Voleur de Bicyclette, une reconstitution du tournage de La dolce vita, avec Federico Fellini et Marcello Mastroianni en personne, une reprise du Cuirassé Potemkine et un clin d'oeil à des films comme Vacances romaines, Partie de campagne, La Porte du ciel, Mademoiselle Julie, L'Année dernière à Marienbad et L'Éclipse, avec l'incommunicabilité du couple de Gianni et Elide (Giovanna Ralli). Le cinéma est omniprésent dans le film. On se dispute entre réacs et progressistes sur le néo-réalisme, on étale sa cinéphilie dans un jeu télévisé ou on imite les soliloques intérieurs de Monica Vitti. Ettore Scola fait une véritable déclaration d'amour au 7e art.

Un film très politique. Amoureux du cinéma, Ettore Scola a d'abord écrit un magnifique scénario, très subtil, très riche, où se confrontent à la fois les contradictions et faiblesses humaines et l'histoire politique d'un pays, le regard aiguisé sur les classes sociales et l'observation des idéaux face à la réalité. Il y a les riches et les prolos de la classe moyenne, ceux qui doivent faire le pied de grue toute une nuit devant une école pour inscrire leur enfant. C'est une succession d'injustices et de souffrances intimes, allant de la solitude à l'humiliation. Si on devait faire écho à notre époque, on pourrait aussi dire que ces trois amis représentent trois gauches politiques: celui qui devient libéral, Gianni, celui qui reste insoumis, Antonio, et celui qui met de l'eau dans son idéal rouge tout en continuant de protester, Nicola. Cela donne une bataille de garçons après une soirée bien arrosée: trois hommes qui avaient les mêmes idées et qui se battent pour des détails, trois gauches qui, désunies, laissent les dominants au pouvoir.

Des audaces cinématographiques. Derrière ce récit à plusieurs lectures, soit le décryptage de l'Italie d'après guerre comme la déliquescence de l'amitié au fil du temps, Ettore Scola se fait plaisir avec plusieurs partis pris de mise en scène pour ce film proustien. D'abord cette première partie du film en noir et blanc, représentant le passé, l'époque pré-moderne de l'Italie, qui vire progressivement à la couleur avec une transition subtile autour d'une madone peinte sur le sol en bitume. Et puis il y a cette pièce de théâtre de O'Neil que Nicola et Luciana vont voir: un personnage qui évoque sa pensée intérieur est éclairé tandis que les autres sont plongés dans l'obscurité et Scola reprend le procédé pour son film. Tout comme lors d'une conversation téléphonique à distance, il reprend un procédé théâtral où il met en lumière le correspondant avant de le renvoyer dans les ténèbres. Ce jeu d'apparition et de disparition atteint son summum dans la plus belle scène du film où Eliade apparaît fantômatique et sublimée au volant de sa voiture pour parler à son mari.

Il utilise tous les artifices narratifs possibles: des personnages qui prennent le spectateur à témoin en parlant à la caméra, inspiré de la Nouvelle vague, la répétition de la scène du générique, les références aux Trois mousquetaires de Dumas, le burlesque à la tati (les fauteuils modernes et grotesques du future beau-père) ou encore de multiples ellipses. Parfois la mise en scène se fait voyante, mais elle est toujours surprenante, d'une exquise liberté qui nous emballe de bout en bout.

Un récit sur les désillusions du temps. Le film est évidemment teinté d'amertume et de nostalgie. Le titre Nous nous sommes tant aimés signifie tout. Nous nous sommes tant aimé ô cinéma italien, nous nous sommes tant aimés ô amis du maquis, nous nous sommes tant aimés ô femmes belles et folles, nous nous sommes tant aimés ô idéaux progressistes. De l'allégresse de la victoire contre le fascisme aux années 1970 en plein chaos (années de plomb, crise pétrolière), Ettore Scola raconte le désenchantement d'une génération, les regrets d'une révolution qui n'a jamais eu lieu, la mélancolie es amours et des amitiés qui se sont évaporés. Les liens se relâchés jusqu'à les séparer. Les choix se sont avérés mauvais ou regrettables jusqu'à ne plus pouvoir rien réparer. Les idéaux ont été sacrifiés par pragmatisme ou fatigue jusqu'à les égarer.

C'est toute la beauté de ce film : nous faire vivre les itinéraires de chacun sans qu'on ait à les juger. Du rire aux larmes, cette œuvre fascinante nous emporte dans un tourbillon de la vie. Avec cette dose de fatalité. A la recherche de ce temps perdus, Gianni, Nicola, Antonio et les autres nous rappellent que le vrai combat est bien celui d'aimer au présent.

Cannes 70: la Palme d’or maudite

Posté par vincy, le 2 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-46. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Il y a plusieurs malédictions pour un cinéaste cannois. La plus sensationnelle fut sans doute celle de l'annulation du palmarès en 1968 pour cause de grève générale en France. Imaginez: 25 cinéastes en compétition dont Milos Forman, Alain Resnais, Carlos Saura, Miklos Jancso, Alexandre Zarkhi ou encore Jiri Menzel. Et aucun ne peut recevoir la Palme d'or.

De grands films snobés

L'autre malédiction, c'est évidemment celle de présenter un grand film, si ce n'est son meilleur film, et de repartir bredouille. D'être un immense réalisateur, reconnu, respecté, et de ne pas être consacré à Cannes. Ce n'est pas si rare. On pense à Jean Eustache avec La maman et la putain, Claude Sautet avec Les choses de la vie, Alfred Hitchcock avec L'homme qui en savait trop ou La loi du silence, Joseph L. Mankiewicz avec All about Eve, Vincente Minnelli avec Un Américain à Paris, Eric Rohmer avec Ma nuit chez Maud, François Truffaut avec Les 400 coups, Jacques Tati avec Les vacances de monsieur Hulot ou encore David Lean et son Docteur Jivago.

docteur jivago david lean

Et puis surtout, il y a ce sortilège qui s'abat sur certains: de multiples fois sélectionnés, ces habitués, vénérés par les cinéphiles, souvent récompensés au gré des palmarès, et qui ont récolté de beaux prix à Cannes, mais jamais la suprême Palme.

Des habitués refoulés

Et là, avouons-le, la liste est longue. Si longue qu'on ne sait pas comment l'énoncer. Alors on va procéder par une forme de hiérarchie: le nombre de sélection en compétition sans Palme au final. La liste n'est pas exhaustive, mais elle reste significative. En plus d'être sélectionnés plusieurs fois, nombreux sont ceux, dans cette liste, qui ont d'ailleurs reçu un (ou plusieurs) Grand prix du jury ou prix de la mise en scène mais aussi des Ours d'or ou des Lion d'or, des César ou/et Oscars (ou des nominations).

Trois réalisateurs ont ainsi échoué 8 fois. Trois autres 7 fois (mais deux d'entre eux peuvent encore "espérer"). Et quand on regarde ce "panthéon" des maudits, c'est assez digne qu'ils entrent tous dans notre propre cinémathèque. Parfois, certains ont frôlé la Palme, favori des critiques, de certains jurys parallèles. D'autres n'ont pas forcément présenté leur plus grand film. D'autres encore ont tout simplement trouvé plus fort qu'eux dans des années très riches en films de qualité.

Cela a conduit le Festival à distribuer des Palmes d'or d'honneur afin de réparer ces oublis, manques, fautes de goût des jurés. Quelques uns ont même été président du jury de la compétition.

8 films
Marco Ferreri (Grand Prix Spécial du Jury pour Rêve de singe) ; Carlos Saura (Grand Prix Spécial du Jury pour Cria Cuervos ; Prix de la meilleure contribution artistique pour Carmen) ; Ettore Scola (Prix de la mise en scène pour Affreux, sales et méchants ; Prix du scénario pour La Terrasse)

7 films

Michael Cacoyannis (Prix de la meilleure transposition cinématographique pour Electre) ; Hou Hsiao-hsien (Prix du Jury pour Le Maître de marionnettes, Prix de la mise en scène pour The Assassin) ; Jim Jarmusch (Caméra d'or pour Stranger than paradise ; Prix de la meilleure contribution artistique pour Mystery Train ; Grand Prix pour Broken Flowers)

6 films

Ingmar Bergman (Prix de l'humour poétique pour Sourires d'une nuit d'été ; Prix spécial du Jury pour Le Septième sceau ; Prix de la mise en scène pour Au seuil de la vie) ; Atom Egoyan (Grand Prix pour De beaux lendemains) ; Jean-Luc Godard (Prix du Jury pour Adieu au langage) ; James Ivory (Prix du 45e anniversaire pour Retour à Howards End) ; Paolo Sorrentino (Prix du jury pour Il Divo) ; André Téchiné (Prix de la mise en scène pour Rendez-Vous)

5 films

Pedro Almodovar (sélectionné pour la première fois avec son 13e film, il a obtenu le Prix de la mise en scène pour Tout sur ma mère et le Prix du scénario pour Volver) ; Olivier Assayas (Prix de la mise en scène pour Personal Shopper) ; Mauro Bolognini ; Youssef Chahine (Prix du cinquantième anniversaire pour Le Destin) ; David Cronenberg (Prix du jury pour Crash) ; Arnaud Desplechin ; Clint Eastwood (Prix spécial du 61e Festival pour L'Échange) ; Naomi Kawase (Caméra d'or pour Suzaku ; Grand Prix pour La Forêt de Mogari) ; Mario Monicelli ; Manoel de Oliveira (Prix du jury pour La Lettre) ; Alan Parker (Grand Prix pour Birdy) ; Alain Resnais (Grand Prix pour Mon oncle d'Amérique et Prix exceptionnel pour l'ensemble de sa carrière et sa contribution à l'histoire du cinéma pour Les herbes folles); Alexandre Sokourov ; Andrei Tarkovski (Grand Prix pour Solaris et Le Sacrifice et Grand Prix du cinéma de création pour Nostalghia) ; Bo Widerberg (Grand prix pour Les Troubles d'Adalen et Prix du jury pour Joe Hill)

4 films
John Boorman (deux Prix de mise en scène pour Leo the last et The general, Prix de la meilleure contribution artistique pour Excalibur) ; Robert Bresson (au palmarès pour chacun de ses films) ; Jules Dassin (Prix de la mise en scène pour Du rififi chez les hommes) ; James Gray ; Werner Herzog (Grand Prix pour L'Énigme de Kaspar Hauser et Prix du jury pour Fitzcarraldo) ; Aki Kaurismäki (Grand Prix pour L'Homme sans passé) ; Elia Kazan (Prix du film dramatique pour A l'est d'Eden) ; Hirokazu Kore-eda (Prix du jury pour Tel père, tel fils) ; Sidney Lumet (Prix du scénario pour La Colline des hommes perdus) ; Nagisa Ôshima (Prix de la mise en scène pour L'Empire de la raison) ; Satyajit Ray (Prix du document humain pour  La complainte du sentier) ; Istvan Szabo (Prix du scénario pour Méphisto et Prix du jury pour Colonel Redl) ; Wong Kar-wai (Prix de la mise en scène pour Happy together) ; Jia Zhangke (Prix du scénario pour A touch of sin)

3 films
Andrea Arnold (à chaque fois récompensée par un prix du jury) ; Bruce Beresford ; Alain Cavalier (Un prix du jury pour Thérèse) ; Patrice Chéreau (Prix du jury pour La Reine Margot) ; Bruno Dumont (deux fois Grand prix du jury) ; Han Hsiang-li ; Krzysztof Kieslowski (Prix du Jury pour Tu ne tueras point) ; Pier Paolo Pasolini (prix du scénario pour Les jeunes maris de Mauro Bolognini et Grand prix pour Les Mille et une nuits) ; Otto Preminger ; Zhang Yimou (Grand Prix pour Vivre !)

Festival Lumière : Les grandes projections, chefs d’œuvre en série

Posté par Morgane, le 14 octobre 2016

Comme chaque année le Festival Lumière propose un cycle appelé grandes projections, défini comme "Le rendez-vous traditionnel des amateurs de grands films sur grand écran". Pour cette 8e édition étaient donc projetés Full Metal Jacket de Stanley Kubrick, Nous nous sommes tant aimés d'Ettore Scola, Le Parrain de Francis Ford Coppola, Lawrence d'Arabie de David Lean, La Mélodie du Bonheur de Robert Wise, Manhattan de Woody Allen, La Porte du Paradis du récemment disparu Michael Cimino et Légendes d'automne d'Edward Zwick.

Un vrai bonheur de voir ou revoir ces films sur grand écran et dans de telles conditions! Coup de projecteur sur deux chefs d'œuvre qui évoquent la désillusion et le désenchantement, la perte d'idéal.

La grande fresque d'Ettore Scola

Eric Lartigau (réalisateur entre autres de La Famille Bélier) est ambassadeur de Lumière 2016 et nous présente Nous nous sommes tant aimé d'Ettore Scola, réalisateur qu'il qualifie de "grand amoureux des êtres".
Fresque italienne qui nous fait voyager dans le temps (durant presque 30 ans) aux côtés de trois amis, Antonio (le superbe Nino Manfredi), Gianni (le très émouvant Vittorio Gassman) et Nicola (Stefano Satta Flores), et de leur grand amour Luciana Zanon (Stefania Sandrelli). On suit alors le quotidien de ces trois hommes dont l'amitié remonte à la seconde guerre mondiale et à leur résistance face au nazisme. Tous trois sont de fervents défenseurs d'une société de gauche et ont un grand dégout pour la bourgeoisie, source de tous les problèmes du prolétariat. Ettore Scola se penche alors sur l'évolution de ces trois hommes si semblables au début dont les chemins divergent au fil de la vie. Constat amer d'une société qui s'est trouvé embourbée dans un après-guerre où la social-démocratie chrétienne a finalement pris les rênes. Teinté de mélancolie le film d'Ettore Scola met en avant ce temps qui passe, les illusions perdues, les grands idéaux qui s'effilochent et une amitié qui, malgré (ou à cause de) l'amour et l'engagement, ne trouve pas forcément la force de perdurer dans le temps... Comme le dit le personnage de Nicola à la fin du film, "on voulait changer la société mais c'est la société qui nous a changé".

Le réquisitoire contre la guerre de Stanley Kubrick

Autre style mais toujours présenté par Eric Lartigau, Full Metal Jacket (1987) de Stanley Kubrick.
Eric Lartigau dit de Stanley Kubrick "c'était un véritable perfectionniste. Il s'occupait de tout lors de ses premiers films (scenario, lumière, cadrage etc.) et au fur et à mesure, il devient encore plus perfectionniste. Du coup il met parfois jusqu'à 8 ans avant de présenter son film."
Plusieurs films sur la guerre du Vietnam sont déjà sortis, Apocalypse Now de Coppola (1979), Voyage au bout de l'enfer de Cimino (également 1979) et Platoon d'Oliver Stone sort quelques semaines avant Full Metal Jacket. "Mais ici Kubrick prend le contre-pied des films de guerre. Ils ne s'intéresse pas au grandiose de la guerre mais à l'humain. Le décor est alors presque secondaire."
Le film se découpe en deux parties, la première sur le sol américain avec l'entraînement des futures recrues des Marines et la seconde sur le terrain. Et en effet on voit dès la première partie que l'humain est le centre d'intérêt de ce film et non la guerre, les avancées de chaque camp, les victoires et les défaites. Par le biais d'une patrouille de jeunes recrues entraînée par le sergent Hartman (l'incroyable Lee Ermey), Stanley Kubrick s'attache à montrer l'impact d'une telle folie. Les vies brisées, les hommes transformés en véritables machines de guerre, machines à tuer. La déshumanisation à son paroxysme. L'effet est flagrant sur tous les membres de la patrouille même si il ne se manifeste pas de la même manière... Puis, le réalisateur nous transporte sur le terrain de la guerre bien réelle, cette guerre où les balles sont vraies, où la mort n'est pas un jeu et où chaque soldat est là pour tuer. Mais pour défendre quoi? Aucun ne semble réellement bien le savoir mais qu'importe, ils ont été formés pour...

Nul doute que ce film a fait grand bruit et a été très rapidement taxé d'anti-américanisme. On y voit la désinformation en marche, cette brutalité bestiale (la scène du soldat dans l'hélicoptère comptant le nombre de "Viets" qu'il a tués en est un exemple flagrant) qui enlève toute humanité. Mais chez Kubrick, les personnages sont toujours ambivalents, jamais tout blanc ou tout noir, et il en fait la preuve ici une fois encore, idée illustrée notamment par son personnage Joker qui a inscrit sur son casque "Born to kill" et porte sur la poitrine un badge peace and love.

Ettore Scola (1931-2016), nous l’avons tant aimé

Posté par vincy, le 19 janvier 2016

Ettore Scola, né le 10 mai 1931 à Trevico, est mort le 19 janvier 2016 à l'âge de 84 ans. Gilles Jacob a twitté très vite: "La classe/l'élégance morale et vestimentaire/l'intelligence/le charme, l'accent délicieux/l'œil de velours/l'humour railleur." Voilà pour la personnalité.

Il avait commencé sa carrière dans une revue humoristique, en tant que dessinateur, comme Federico Fellini avant de devenir scénariste, notamment pour Dino Risi et l'acteur Toto. De là son humour, son goût du grotesque.

Le cinéaste fait ses premières armes avec Parlons femmes (Se permettete parliamo di donne) en 1964. Entre tragédie et comédie, il affine son style de fin observateur de la classe moyenne italienne. Avec Drame de la jalousie qui vaut un prix d'interprétation à Cannes à Marcello Mastroianni en 1970, il entre dans la cour des grands.

Quatre ans plus tard, Nous nous sommes tant aimés vaste fresque de la société italienne après la Seconde Guerre mondiale, est un succès international. De la satire à la comédie, du registre plus intime au drame historique, Scola aura touché à différents genres, soulignant l'hypocrisie humaine et la désillusion d'un monde meilleur. Il se moque ainsi ouvertement des élites ou des petits bourgeois. Notons parmi ses grands films, Une journée particulière, avec Sophia Loren et Marcello Mastroianni, histoire d'une brève rencontre entre deux voisins exclus du modèle fasciste, une femme au foyer, la Sophia, et un intellectuel homosexuel, il Marcello, alors que Mussolini accueille Hitler en 1938. La femme, cet éternel mystère qui hante tous ses films... Il y avait quelque chose de Claude Sautet dans son cinéma. Mais le cinéma d'Ettore Scola était plus convaincu, plus politique, avec un regard tendre sur les petites gens, mais aussi une absence de complaisance vis-à-vis de ses personnages, qui ne cesse de regretter leurs actes manqués.

40 films en une quarantaine d'années

Son style est ainsi celui d'un réaliste, issu de l'école De Sica, empreint de dérision et de psychologie à la manière d'un Woody Allen, où Rome remplacerait New York. L'ironie se mélange à la mélancolie, la farce à la désillusion. Toujours il s'interroge sur la place du peuple dans l'Histoire et des sociétés souvent oppressantes, à différentes époques, et différents âges de la vie. L'affrontement du temps et les tourments de chacun l'ont conduit à essayer différents genres, comme dans Le Bal qui retrace l'Histoire de France des années 30 aux années 70 à travers des couples et des genres musicaux, du jazz au disco. Ou comme ce documentaire présenté à Venise en 2013, Comme il est étrange de s'appeler Federico : Scola raconte Fellini. Il avait annoncé qu'il ne tournerait plus en 2011, ne se sentant plus appartenir au cinéma contemporain et encore moins à l'industrie telle qu'elle avait évolué.

Depuis 2000, il avait réalisé seulement 2 films, Concurrence déloyale, avec Gérard Depardieu, et Gente di Roma, film quasiment expérimental dans sa narration, avec une promenade dans la capitale italienne durant une journée, où l'on croise notamment Nanni Moretti. Dans tous ses films, la famille est au coeur du récit. Une famille recomposée, élargie, au sens globale du terme: un couple vivant l'amour impossible ou les habitants de sa ville, une communauté dans un bidonville ou les aristocrates français, le peuple de gauche ou les employés du cinéma Splendor. Tous ont des regrets. Car c'est là l'ADN de ses comédies dramatiques, de ces drôles de drames: le regret, émouvant plus que larmoyant, touchant davantage que bouleversant. Ce n'est pas pour rien que Nous nous sommes tant aimés, titre de son film le plus emblématique, pourrait s'accoler à chacune de ses oeuvres.

Cannes, Berlin, les César...

Fondateur du Festival du cinéma de Bari, il est aussi l'un des réalisateurs italiens les plus récompensés du monde. A Cannes, où il avait été président du jury en 1988, il a reçu le Prix de la mise en scène pour Affreux, sales et méchants et le Prix du scénario et des dialogues pour La Terrasse. En France, il reçoit plusieurs César: ceux du meilleur film étranger pour Nous nous sommes tant aimés et Une journée particulière, celui du meilleur film et du meilleur réalisateur pour Le Bal. A Berlin, il est honoré d'un Ours d'argent du meilleur réalisateur pour Le Bal. Sans oublier quelques prix David di Donatello (les César italiens): meilleur film pour Le Bal et La famille, meilleur réalisateur pour Une journée particulière, Le Bal et La famille, meilleur scénario pour La nuit de Varennes et La Famille.

"J’ai sûrement fait des tas de choses horribles au cours de ma vie ! Mais le plus affreux, c’est probablement de n’avoir pas su faire de meilleurs films" disait-il il y a quelques années. Curieux et optimiste, vivant par l'esprit avec ses amis disparus, Ettore Scola, ce caricaturiste méconnu, était le dernier cinéaste italien à avoir été proche des monstres De Sica et Fellini, Gassman et Mastroianni. Tout en jouant sa propre petite musique. N'oublions pas qu'il clamait que le métier de réalisateur était "un travail de menteur"...

Venise 2013 : Un prix honorifique pour Ettore Scola

Posté par vincy, le 21 août 2013

Le 70e Festival de Venise honorera le réalisateur Ettore Scola, 82 ans, avec le prix Jaeger-LeCoultre Glory to the Filmmaker, décerné aux cinéastes ayant laissé leur marque dans l'histoire du cinéma contemporain.

Le prix lui sera remis le 6 septembre, après l'avant-première mondiale du nouveau film de Scola, Che strano chiamarsi Federico! Scola racconta Fellini, que Venise projette en hommage à Federico Fellini cette année, à l'occasion du 20e anniversaire de sa mort.

Ettore Scola a été deux fois en compétition à Venise avec Quelle heure est-il? (1989) qui a valu un prix d'interprétation aux deux comédiens, Marcello Mastroianni et Massimo Troisi et avec Le roman d'un jeune homme pauvre (1995) qui avait remporté un prix d'interprétation dans un second-rôle pour Isabella Ferrari.

Parmi les réalisateurs italiens les plus récompensés de ces 40 dernières années, Scola a également été président du jury à Venise en 1998.

Le président du Festival de Venise, Alberto Barbera souligne que Scola, de ses débuts dans la comédie satirique au plus récent film dédié à son ami Fellini, "a contribué de façon significative à la grandeur du cinéma italien et son appréciation dont il jouit dans le monde entier".

Le prix Jaeger-LeCoultre Glory to the Filmmaker a récompensé Takeshi Kitano, Agnès Varda, Abbas Kiarostami, Sylvester Stallone, Mani Ratman, Al Pacino et Spike Lee.

Grève à Cinecittà : une pétition pour sauver les studios mythiques romains

Posté par vincy, le 11 juillet 2012

Cinecittà en crise. Les studios romains, qui appartiennent quasiment au patrimoine du cinéma mondial, sont occupés par quelques dizaines de salariés depuis une semaine, qui défendent le site, menacé de démantèlement en vue de projets immobiliers.

"Des dizaines d'ouvriers, d'artisans, doivent quitter ce site pour aller éventuellement travailler ailleurs, certaines tâches seront confiées à des sociétés externes et nous ne comprenons pas comment ces projets peuvent être synonymes de développement des studios", a déclaré Alberto Manzini, responsable régional de la branche spectacle et communication de la CGIL (gauche), la principale confédération syndicale italienne.

L'ARP, société française des Auteurs, Réalisateurs et Producteurs, a lancé une pétition pour protéger les studios. Claude Lelouch, adu Mihaileanu, Jean-Jacques Beineix, Jeanne Labrune, Olivier Nakache, Artus de Penguern, Jean-Paul Salomé, Costa-Gavras, Michel Hazanavicius, Cédric Klapisch, Coline Serreau, Abderrahmane Sissako et Raoul Peck ont déjà signé le texte. EcranNoir.fr s'est joint à eux. Pour l'instant, il y a un peu plus de 200 signataires.

La pétition est ouverte à tous : "Alertés par leur confrère Ettore Scola, les cinéastes européens sont scandalisés de constater que les studios de Cinecitta, haut-lieu du patrimoine cinématographique mondial, sont mis en péril pour des motifs spéculatifs, et honteusement considérés avec aussi peu d'égards qu'un parking ou un supermarché" explique-t-elle.

L'ARP rappelle la place patrimoniale du lieu dans la culture mondiale : "Est-il urgent de détruire ce lieu inséparable du cinéma de Fellini, Visconti, Comencini, Lattuada, entre autres, pour construire un centre de fitness? Maigrir aux dépens du patrimoine et de la culture, tout un symbole: même sous Berlusconi, ils n'avaient pas osé!". Les studios ne sont toujours pas classés monuments historiques.

Le problème vient de la privatisation des studios en 2007. Italian Entertainment Group - IEG (dont l'Etat est actionnaire à hauteur de 20%) a décidé d'optimiser le foncier. Le plan de développement inclue une externalisation des effectifs de la postproduction, des "délocalisations" du personnel de la production, des activités liées au parc automobile et de la scénographie vers des sous-traitants et surtout des projets de construction d’un hôtel de luxe, de parkings, d’un centre de fitness et de restaurants autour d’un nouveau studio (ce qui ferait un total de cinq). Le serpent de mer du parc à thèmes dédié au cinéma revient aussi à la surface.

Les cinéastes Ettore Scola et Sabrina Guzzanti ont très vite soutenu les salariés de Cinecittà Studios. IEG se justifie en affirmant qu'aucun licenciement n'est en jeu et en défendant une stratégie nécessaire pour sa compétitivité internationale. Partout en Europe, les studios se créent ou se modernisent, développement des équipements annexes pour rentabiliser leurs terrains.

Mais l'Italie, frappée durement par la crise, réduit ses interventions publiques. Difficile d'imaginer un gouvernement taillant dans les dépenses venir sauver cette institution, sauf à le classer au registre du patrimoine italien. Les responsables politiques de gauches ont décidé de soutenir les grévistes. "Les travailleurs de Cinecitta occupent les studios pour attirer l'attention de l'opinion publique sur une spéculation incompréhensible qui risque de toucher un secteur important de notre culture et de notre économie", a déploré Antonio Di Pietro, chef du parti d'opposition Italie des valeurs (IDV).

Mais il y a peu d'espoir. Après plus de 30 ans d'abandon de politique culturelle, l'Italie ne parvient pas à sauver son patrimoine historique. Le comble est que la ville de Rome investit massivement dans son Festival de cinéma, afin de battre à moyen terme celui de Venise. Une rivalité insensée qui coûte une fortune aux différentes collectivités concernées.

Claude Miller, Ettore Scola, Maïwenn, Jamel Debbouze, Céline Sciamma, Joann Sfar primés par la SACD

Posté par vincy, le 20 juin 2012

Comme chaque année, le Conseil d’administration de la SACD fête tous les auteurs et décerne ses prix dans plusieurs disciplines, dont le cinéma. Les 24 prix de la SACD ont été remis aux 31 lauréats lors de la soirée du 18 juin par les 28 membres du Conseil d’administration présidé par Sophie Deschamps

Décédé en avril, Claude Miller reçoit un Grand prix pour l'ensemble de son oeuvre. Les femmes sont les grandes gagnantes de ce palmarès.

Palmarès des Prix SACD 2012

GRAND PRIX : ex-aequo: Claude Miller et Bartabas

PRIX EUROPÉEN : Ettore Scola

PRIX CINÉMA : Maïwenn (Polisse)
PRIX NOUVEAU TALENT CINÉMA : Céline Sciamma (Tomboy)

PRIX SUZANNE BIANCHETTI qui récompense une jeune comédienne de théâtre débutant une carrière cinématographique prometteuse: Marie Kremer (Louise Wimmer)

PRIX ANIMATION : Joann Sfar (Le chat du rabbin)
PRIX NOUVEAU TALENT ANIMATION : Émilie Mercier (Bisclarvet)

PRIX HUMOUR/ONE MAN SHOW: Jamel Debbouze

Marisa Merlini se retire (1923-2008)

Posté par Morgane, le 1 août 2008

Marisa MerliniNée à Milan le 6 août 1923, Marisa Merlini a tiré sa révérence à Rome le 28 juillet dernier, à l’âge de 84 ans. Coutumière des seconds rôles, l'actrice avait entièrement consacré sa carrière à la comédie à l’italienne avec un nombre impressionnant de films à son actif (plus d’une centaine).

Sa carrière débute dans l'après guerre, dans le film Rome ville ouverte qui lancera le néo-réalisme italien. Dès 1949, après plusieurs apparitions, elle est dirigée par Luigi Comencini dans L’imperatore di Capri, réalisateur qu’elle retrouvera à plusieurs reprises (Pain, Amour et Fantaisie et Pain, Amour et Jalousie). Elle sera également devant la caméra face à Mario Monicelli, Ettore Scola (Drame de la jalousie), Dino Risi et aux côtés de Vittorio De Sica, Gina Lollobrigida, Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni et tant d’autres encore.

Son dernier rôle remonte à 2005 dans le film La seconde nuit de noces de Pupi Avati. Avec ce film, elle fut citée pour la première fois aux prix David di Donatello (les César italiens).