[69, année érotique] Cannes 2016: Love en 2015

Posté par kristofy, le 11 mai 2016

Pendant longtemps le cinéma français a raconté des histoires sentimentales ponctué de temps en temps d'une scène "osée" de nu : de Brigitte Bardot, à Catherine Deneuve, d'Isabelle Huppert à Anne Parillaud, de Valérie Kaprisky à Sophie Marceau en passant par... Gérard Depardieu. Des seins sous la douche, des fesses sur un lit, mais quasiment jamais de sexe masculin en érection. Il y a bien eu le cas Stéphane Rideau (Sitcom, Presque rien), le films "gays" L'inconnu du lac et Théo et Hugo sont dans le même bateau. Mais les cinéastes hétéros ont une certaine pudeur à montrer un mec qui bande. La sexualité frontale est tabou dans un pays qui a la réputation d'être grivois.

Dans son film Love Gaspar Noé fait dire à son personnage qu’il voudrait "faire un film avec du sexe qui montre des sentiments". Et dès la toute première image de Love, le ton est donné : lui et elle sont nus sur un lit avec les doigts autour et dans le corps de l’autre : la première scène est un plan-séquence de masturbation qui dure 2 minutes et demi jusqu’au moment d’une éjaculation. Le temps de découvrir deux personnages et déjà 7 minutes après une image de pénétration, mais qui est justifiée pour raconter que la femme va tomber enceinte. Si le sexe semble très présent dans le film c’est surtout par la puissance évocatrices des cadrages de l’image: il y a bien une demi-heure de narration avant la scène de sexe suivante : un rapport à trois (l’homme et deux femmes, forcément) très sensuel, en fait l’une des plus belles scènes du film.

Une image qui bien que très courte, 1 minute, a pu surprendre ou choquer : le sexe de l’homme sur lequel s’active la main de sa compagne est filmé face-caméra en très gros plan, et le sperme en jaillit donc à la face des spectateurs devant l'écran. Gaspar Noé s’en est expliqué : c’est Love 3D, sur ce film il utilise une technique de 3D pour le rendu d’un certain relief dès lors il aurait été dommage de ne pas y inclure une image d’éjaculation en relief en direction du public, c’est d’ailleurs aussi une auto-citation d’un plan similaire de son film précédent Enter the void. C'est aussi l'exact opposé d'un autre film qui avait choqué pas mal de festivaliers quelques années plus tôt, Irréversible (que ce soit la backroom SM ou la séquence du viol), où l'on de voyait rien mais où le sexe était malsain, caché, honteux.

Dans Love, présenté en séances de minuit l'an dernier (les places valaient chères), il y a donc plusieurs séquences à caractère sexuel, avec le plus souvent un couple, et parfois un trio (et un 69 d’ailleurs). La caméra s’attarde à plusieurs moments en gros plan sur les seins des femmes et sur le sexe de l’homme durant le plaisir. C’est avant tout et d’abord des images où on fait l’amour: c’est le sujet du film, qu'il soit physique, sexuel et bien entendu sentimental. Bref, intime.

Le film Love était sorti en salles de cinéma (en 3D donc) avec une interdiction aux moins de 16 ans avant qu’une action judiciaire la modifie interdit aux moins de 18 ans, mais pas classé X : la représentation du sexe ce n’est pas forcément pornographique. C'est même, rappelons le, ce qu'il y a de commun à tous les humains, et tous les arts l'ont représenté depuis la nuit des temps.

Cannes 2015 : retrouvailles avec Gaspar Noé et sa « dimension organique de l’état amoureux »

Posté par kristofy, le 19 mai 2015


Cher Gaspar (sans d),

Vous êtes déjà venu plusieurs fois à Cannes, en fait presque à chaque fois que vous aviez réussi à finir un film. On pourrait penser que vous êtes un enfant du Festival de Cannes, mais vous êtes aussi en même temps une sorte de patron. A la première annonce des films retenus en sélection officielle, la principale question était bien: " Love de Gaspar Noé ?", comme s'il était évident que vous seriez parmi nous cette année.
Cannes a beau jeu d’équilibrer sa sélection entre habitués et nouveaux, s'il y a bien un réalisateur que l’on attend de voir sur la Croisette c’est évidement vous (et la confirmation de votre sélection a été annoncée quelques jours plus tard).

Tout vos films ont d’abord été découvert à Cannes. Ils étaient tellement inattendus que le nouveau est maintenant devenu très attendu. Carne en 1991 et Seul contre tous en 1998 (Semaine de la Critique), le controversé Irreversible en 2002 (en compétition officielle), Enter the Void en 2009 (en compétition officielle), 7 jours à la Havane-Ritual en 2012 (à Un Certain Regard, aux côtés de sept réalisateurs différents). On n’oublie pas non plus La bouche de Jean-Pierre avec Lucile Hadzihalilovic en 1996 (à Un Certain Regard) ni les courts-métrages - We Fuck Alone (dans Destricted, Semaine de la Critique dont il a été le parrain) ou comme 8 (sur le thème du sida).

Un malentendu subsiste depuis la projection à minuit de Irreversible, malentendu pas dissipé avec Enter the void: vous seriez un réalisateur sulfureux qui fait des films violents et presque pornographiques. Il s’agit avant tout d’histoires d’amour qui meurent, des films pessimistes, désenchantés, formellement intrigants mais volontiers provocateurs (n'hésitant pas à être politiquement incorrects). Certains vous haïssent, ou rejettent, d'autres vous adorent. La passion selon Noé: vous ne laissez pas indifférent. Et c’est encore le cas de votre nouveau film où l’amour dégouline même du titre : Love.  "Au cours d'une longue journée pluvieuse, Murphy va se retrouver seul dans son appartement à se remémorer sa plus grande histoire d'amour, deux ans avec Electra. Une passion contenant toutes sortes de promesses, de jeux, d'excès et d'erreurs..." Les affiches annoncent du sexe, du sperme, des seins, un gland. Bref ce que l'on peut voir sur Tumblr, mais cela choque-t-il encore? Lars Von trier a aussi introduit la pornographie dans films. Le lesbianisme a envahit les publicités de marque de luxe. Quant au triolisme, de Korine à Bertolucci, ce n'est plus très neuf.

On devine qu’aujourd’hui la projection en 3D à minuit hors-compétition risque de ne pas faire bander Cannes: certains journalistes dorment déjà à la projection de 19 heures, d'autres festoient sur les plages. Il est loin le temps où un Noé annonçait un peu de frisson et de sensations dans les discussion.

Alors vous avez publié une note d'intention pour bien expliquer votre démarche: "Pendant des années, j'ai rêvé de faire un film qui reproduise au mieux la passion amoureuse d'un jeune couple dans tous ses excès physiques et émotionnels. Une sorte d'amour fou, comme la quintessence de ce que mes amis ou moi-même avons pu vivre. Un mélodrame contemporain qui intègre de multiples scènes d'amour, et dépasse le clivage ridicule qui fait qu'un film normal ne doit pas montrer des séquences trop érotiques alors que tout le monde adore faire l'amour. Je voulais filmer ce que le cinéma peut rarement se permettre, pour des raisons commerciales ou légales, c'est- à- dire filmer la dimension organique de l'état amoureux. Pourtant, dans la plupart des cas, c'est là que réside l'essence même de l'attraction à l'intérieur d' un couple. Le parti-pris était donc de montrer une passion intense sous un jour naturel, donc animal, ludique, jouissif et lacrymal. Contrairement à mes projets précédents, pour une fois, il n'est question que de violence sentimentale et d'extase amoureuse."

Sundance, YouTube et une floppée de stars…

Posté par vincy, le 21 janvier 2010

sundance.jpgC'est aujourd'hui que le 26e Festival américain de Sundance débute à Park City, en plein territoire mormon, dans l'Ouest américain. Plus de 100 films de 30 pays ont été retenus par la nouvelle équipe de la manifestation. Parmi ces fictions et documentaires, notons la présence de 51 oeuvres réalisées par des femmes. Sundance a attiré 3 700 candidatures. Et les premiers chiffres d'achats de billet montrent que le nombre de spectateurs serait en hausse.

Après des années de starisation, et une stratégie de développement pluri-média (chaîne de TV, atelier d'écriture...), le festival veut revenir à ses fondamentaux d'un point de vue artistique tout en restant le lieu incontournable pour Hollywood qui vient faire son marché aux nouveaux talents.

Le nouveau directeur John Cooper veut ainsi privilégier l'aspect artistique à l'aspect commercial. "Ce qui est bon est commercial." Pas forcément l'inverse. Mais face à la révolution 3D, à la crise économique, à la réduction de prises de risques, Sundance est à un cap périlleux, alors que les films indépendants ont de plus en plus de mal à s'imposer en salles, hormis certaines oeuvres de genre (Coraline par exemple).

Le site de partage de vidéos YouTube commencera demain, vendredi 22 janvier, à tester un service de location de films en ligne, à l'occasion du festival de films indépendants de Sundance qui s'ouvre jeudi et dure jusqu'au 31 janvier. Cinq films présentés lors des festivals 2009 et 2010 seront au menu d'une "petite collection de vidéos à louer" pour le public américain sur YouTube.

Mark Ruffalo, Philip Seymour Hoffman, Diego Luna,  Ryan Gosling, Sally Hawkins, Julianne Moore, Annette Bening, Elodie Bouchez, Katie Holmes, Elijah Wood, Marisa Tomei, Ben Affleck, Kevin Costner, Naomi Watts, Joseph Gordon-Levitt, Natalie Portman, Tommy Lee Jones, Kristen Stewart, Kristin Scott-Thomas, 50 Cent, Orlando Bloom, Paul Dano, James Franco, les derniers films de Gurinder Chadha, Michael Winterbottom et Joel Schumacher  seront également projetés.

Les Français seront cette année absents de la plupart des compétitions. Seuls Enter the Void de Gaspard Noé et Un Prophète de Jacques Audiard seront présentés hors compétition.

Le jury documentaire est composé de Greg Barker, Dayna Goldfine, Nancy Miller, Morgan Spurlock et Ondi Timoner ; le jury fiction américaine est représenté par l'écrivain Russell Banks, entouré de Jason Kliot, Karyn Kusama, Parker Posey et Robert Yeoman ; Jennifer Baichwal, Jeffrey Brown et Asako Fujioka forment le jury documentaire international et Alison Maclean, Lisa Schwarzbaum et Sihurjon Joni Sighvatsson débatteront des fictions du monde.

Le palmarès sera connu le 31 janvier.