Edito: Guillaume Gallienne se met à table

Posté par redaction, le 9 mars 2016

Guillaume Gallienne s'est épanché sur RTL. On se demande bien d'ailleurs pourquoi lancer une controverse sur le sujet: "Je m’interroge quand même sur le choix du cinéma français, en tout cas de la famille du cinéma français, à vouloir, tout le temps, euh, prôner la diversité, euh, culturelle et tout ça, parfois je ne sais pas à quel point le moteur de ça est artistique ou politique, voilà."

On peut toujours croire qu'une question est légitime une fois posée. Celle-là est complètement absurde. N'accusons pas le sociétaire de la Comédie Française d'être insidieusement raciste en visant ainsi Fatima et sûrement Timbuktu, César du meilleur film cette année et l'an dernier. Le comédien consacre beaucoup de ses émissions radiophoniques aux minorités.

Mais on trouve le Sieur un peu gonflé et on ne peut pas voir de la part d'un homme de textes une simple maladresse oratoire.

Petit rappel. Son film à lui, Les garçons et Guillaume à table!, "comédie" assez mal filmée adaptée d'une son "one-man-show" plutôt brillant, a récolté 5 César: Meilleur film, Meilleur premier film, Meilleur acteur et Meilleure adaptation pour Guillaume Gallienne, en plus du Meilleur montage pour Valérie Deseine. Le plus gênant dans cette histoire ait qu'il a reçu le trophée suprême face à L'inconnu du lac et La vie d'Adèle. Sachant quand même, avouons-le, que Les garçons et Guillaume à table! est sournoisement assez homophobe (entre clichés sur les gays, homo ou bi sexualité non assumée et happy end hétéro-outé), on peut s'interroger, puisque Gallienne nous ouvre la porte du placard en grand, sur ces votants aux César qui voterait "politiquement" mais qui rejetteraient les films où l'on aborde l'homosexualité, que ce soit sous un genre thriller ou romanesque, au profit d'un premier film maladroit et pas gay-friendly...

Car, on est bien d'accord que ceux qui ont voté pour Fatima ou Timbuktu sont les mêmes, à peu de choses près, qui ont choisi Les Garçons et Guillaume à table!, face à Asghar Farhadi et Abdellatif Kechiche, issus de la fameuse "diversité culturelle". Non franchement, Guillaume Gallienne, tu aurais mieux fait de te taire, et pas seulement à table. Parce que là on pourrait te répondre: "On s’interroge quand même sur le choix du cinéma français, en tout cas de la famille du cinéma français, à vouloir, tout le temps, euh, prôner l'hétérosexualité, euh, la norme et tout ça, parfois je ne sais pas à quel point le moteur de ça est artistique ou politique, voilà."

En tout cas une chose est sûre, ton film, Billy, n'était pas une grande oeuvre artistique, ni un brûlot politique. C'était une séance de psy, qui part de ton psyché (troublé) pour arriver à ta queue (qui se demande pour qui elle bande), en passant par ton nombril. Regarde un peu le palmarès des César, et tu compteras: très peu de films césarisés abordent la question des minorités et de la diversité (même si on prend cette thématique au sens large).

En revanche, c'est un fait, les César aime les grandes causes sociales. Et pas seulement l'immigration chez Fatima ou le terrorisme chez Timbuktu: Le SIDA, les banlieues, l'euthanasie, la religion, l'Occupation, l'Holocauste, les prisons, la précarité sociale, la monoparentalité sont autant de thèmes abordés par les vainqueurs depuis 41 ans. Ne vous en déplaisent oh brillant Sociétaire: ce sont quand même des sujets autrement plus actuels que "j'essaie de coucher avec un beau blond friqué ou je le tente avec deux beurs du XIXe dans leur piaule miteuse?". Tout ça pour finir avec une jolie femme, sur une terrasse chic et bourgeoise de la capitale. Alors oui, Billy, on s'interroge quand même sur le choix du cinéma français d'avoir sacré ton film, parce qu'on n'a toujours pas capté le moteur artistique et politique de ta "comédie narcissique" qui atteint son summum avec un toucher rectal - mais, thanks God!, ton cul n'a été en contact qu'avec des doigts féminins!

Oscars 2016: Sacres (attendus), belles surprises et beaucoup de politique!

Posté par wyzman, le 29 février 2016

La nuit dernière se tenait la 88ème cérémonie des Oscars. Et une chose est sûre, le grand rendez-vous des professionnels de l'industrie du cinéma était à ne pas manquer. Et cela, pour plusieurs raisons. La première et la plus évidente : après la polémique des #OscarsSoWhite, les discours de Chris Rock étaient incroyablement attendus. Et l'humoriste américain n'a pas manqué de faire part de son ressentiment face au manque de diversité parmi les nommés.

Dès l'introduction, l'acteur de 51 ans n'a pas mâché ses mots : "Dans les années 60, ça a dû arriver et on n'a pas manifesté. Pourquoi ? Parce qu'on avait des vrais problèmes à résoudre ! Si les votants nommaient les maîtres de cérémonie, je ne serais même pas là. Tout le monde m'a dit de boycotter les Oscars. Mais il n'y a que les gens au chômage qui te disent de démissionner ! Jada Pinkett Smith a dit qu'elle boycottait les Oscars. Mais c'est comme si moi je boycottais les sous-vêtements de Rihanna : je n'y ai pas été invité !" Voilà qui était dit. Pendant 3 heures, les références au manque de diversité n'ont fait que s'enchaîner pour le bonheur de certains - mais pas de tous. En effet, en faisant chacun de ses discours sur le ton de l'humour, il se pourrait bien que Chris Rock soit passé à côté du propos. La présidente de l'Académie, Cheryl Boone Isaacs, en a profité pour venir sur scène rappeler à tous que "Les Oscars célèbrent les conteurs qui ont la chance travailler sur ce médium puissant qu'est le film" avant d'évoquer les réformes déjà entreprises.

Grâce aux apparitions de Stacey Dash, Kevin Hart, Kerry Washington, Priyanka Chopra ou encore Michael B. Jordan, la cérémonie a fait son possible pour montrer qu'elle allait de l'avant, se parant de couleur parmi les présentateurs à défaut de le faire du côté des nommés. Malheureusement, on passera difficilement outre certaines vannes de Chris Rock un peu trop osées pour l'assistance. On pense notamment à la vente de cookies pour l'association de sa fille qui lui ont surtout permis de balancer à Leonardo Dicaprio : "Allez, t'as gagné 30 millions !" rappelant ainsi les inégalités salariales qui touchent le secteur. Déplacés, culottés ou juste couillus, les efforts de celui qui a joué dans Two Days in New York n'ont pas éclipsé la talent de Neil Patrick Harris et Ellen DeGeneres, ses deux prédécesseurs. Dommage.

A côté, bien qu'elle n'ait pas remporté l'Oscar de la meilleure chanson originale avec "Till It Happens To You", Lady Gaga a tout de même livré un live digne de ce nom ! Introduite par Joe Biden, l'actuel vice-président des Etats-Unis, la chanteuse révélée par "Just Dance" était accompagnée de "survivants" de viols et a dédié sa prestation à Kesha Rose. Oscarisé pour "Writing's On the Wall", Sam Smith a dédié son prix à la communauté LGBT. On vous l'a dit, il y avait beaucoup de politique lors de ces Oscars ! D'ailleurs, nous serions tentés de dire que choisir Spotlight comme Meilleur film n'est pas anodin… Venu chercher son prix, le réalisateur Adam McKay a déclaré : "Cet Oscar est un mégaphone, j'espère que notre message résonnera jusqu'au Vatican : il faut protéger les enfants !"

Mais bien évidemment, tout ce qu'il faut retenir de ces Oscars, c'est le sacre de Leonardo DiCaprio. Annoncé comme grand favori, l'interprète de Hugh Glass dans The Revenant a enfin pu rentrer chez lui avec la fameuse statuette dorée qu'on lui promet depuis deux décennies ! D'ailleurs, il n'a pas hésité à remercier Martin Scorsese "qui [lui a] appris tant de choses sur le septième art" lors de son discours de remerciements. Vous noterez qu'après Le Loup de Wall Street, les deux hommes se retrouveront en 2017 pour The Devil in the White City, leur sixième collaboration.

Pour le reste, il convient d'évoquer les 6 prix techniques décernés à Mad Max : Fury Road qui n'ont fait que rappeler le génie de George Miller, à qui les votants ont préféré Alejandro G. Inarritu. Face à Mustang, Le Fils de Saul a su se montrer à la hauteur, confirmant ainsi les pronostics de la presse spécialisée. Enfin, et parce qu'il est toujours bon de finir sur un peu d'optimisme, félicitons Brie Larson et Alicia Vikander. Dans Room, le nouveau film de Lenny Abrahamson, la première excelle et s'est vue attribuer l'Oscar de la Meilleure actrice, coiffant Cate Blanchett et Carol au poteau. La seconde, très appréciée outre-Atlantique, est repartie avec l'Oscar du Meilleur second rôle féminin. Et parce qu'elle sauve complètement The Danish Girl, il va sans dire que c'était amplement mérité !

Pour découvrir le palmarès complet, c'est ici.

Quand Hollywood s’insurge… contre Hollywood !

Posté par wyzman, le 26 février 2016

Dans un article du New York Times publié mercredi, les acteurs, producteurs, scénaristes et réalisateurs issus de la diversité et qui font la fierté de Hollywood évoquent leurs conditions de travail. Des souvenirs de jeunesse aux plateaux de tournage en passant par les défis à relever, tout y passe. Et contrairement à ce que l'on pensait ou espérait jusque-là, Hollywood est loin d'être le royaume de la diversité et des bisounours. Après la polémique des #OscarsSoWhite et le rapport de l'école de journalisme et de communication d'Annenberg qui indique que seuls 2% des personnages de grosses productions sont ouvertement LGBT, le royaume californien encaisse un nouveau coup dur.

En effet, dans ledit article du New York Times, Sam Esmail le créateur de Mr. Robot affirme : "En grandissant, je pensais que l'homme blanc était la norme, que c'était le personnage de base de chaque histoire." Ken Jeong, la star de Very Bad Trip enchaîne : "Un prof de théâtre de UCLA m'avait donné de bonnes notes après une performance et m'avait dit : 'T'es un bon acteur, c'est pourquoi je te le dis, dégage de L.A. Il n'y a pas de futur pour toi ici. Va en Asie !'" Juste après, America Ferrera, l'ancienne star de la série Ugly Betty lance : "Qu'est-ce que vous faites quand quelqu'un vous dit : 'Ta couleur de peau, c'est pas vraiment ce qu'on recherche' ?"

Scénariste de 12 Years a Slave et showrunner de la série American Crime, John Ridley poursuit : "J'étais déterminé à ce que le personnage principal [d'un film] soit une femme noire et je me souviens des producteurs me disant 'Pourquoi doit-elle être noire ?' et moi leur répondre 'Elle ne doit pas l'être : je veux qu'elle soit noire. Pourquoi vous ne l'envisageriez pas ?'" De son côté Mike Colter (vu dans The Good Wife et Jessica Jones) signale : "Je suis généralement le seul noir dans la pièce. […] Je ne vois pas cela de manière négative, parce que si je commence à le faire, j'ai déjà perdu avant même d'avoir commencé."

Si le rapport d'Annenberg pointe le manque de diversité ethnique, genrée et sexuelle dans l'usine à rêves américaine, tout n'est peut-être pas à jeter. A propos de sa nouvelle série Telenovela, Eva Longoria s'amuse : "C'était réconfortant d'entendre l'équipe dire 'Eva, t'es une sacrée Latina. On va bien devoir caster un mâle blanc à un moment donné' !" De son côté, Jussie Smollett qui incarne le fils gay de Lucious et Cookie Lyon dans Empire se souvient : "Dans un restaurant, ce mec plus âgé est venu me voir et m'a dit 'Je ne veux pas vous déranger, je ne veux pas de selfie, je veux juste vous dire que l'intrigue de Jamal m'a vraiment aidé à parler à mon fils de sa sexualité.'"

Alors que les Oscars se tiendront comme prévu au Dolby Theatre de Los Angeles ce dimanche soir, Hollywood tente aujourd'hui et plus que jamais de réparer un système visiblement cassé. Des minorités peu présentes devant et derrière la caméra, des personnalités qui appellent au boycott, un présentateur sous pression… Si cette année devait être celle de la reconquête, c'est franchement raté. Par chance, les Emmy Awards, les Golden Globes, les SAG Awards et les NAACP Image Awards donnent désormais le la et ce n'est pas plus mal. Parce que niveau diversité, s'il faudra certainement se contenter du sacre du réalisateur mexicain Alejandro G. Inarritu dimanche soir, on croise d'ores et déjà les doigts pour 2017.

Des SAG Awards 2016 en forme d’anti-Oscars ?

Posté par wyzman, le 1 février 2016

C''est samedi soir qu'avaient lieu les Screen Actors Guild Awards, une cérémonie de remise de prix créée par le syndicat des acteurs, le plus puissant à Hollywood, et qui, comme les Oscars et les Golden Globes, récompense les performances des artistes de l'audiovisuel. Alors que l'Académie américaine connaît actuellement un bad buzz phénoménal suite à ses  nominations 100% white et le hashtag #OscarsSoWhite qui a déjà poussé les Smith et Spike Lee à boycotter la cérémonie (lire notre actualité du 23 janvier), les SAG Awards ont visiblement bien appris la leçon. En effet, depuis la divulgation des vainqueurs, le Web est envahi d'articles prônant la diversité de cette 22ème édition des Screen Actors Guild Awards. Et pour cause !

Coté cinéma, Leonardo DiCaprio (The Revenant) et Brie Larson (Room) sont respectivement repartis avec le SAG Award du meilleur acteur et de la meilleure actrice, les plaçant en logiques favoris des Oscars. Idris Elba (Beasts of No Nation) et Alicia Vikander (The Danish Girl) ont été nommés meilleurs seconds rôles. Le premier n'a pas été nommé aux Oscars, la seconde devrait là aussi recevoir la statuette si la logique s'impose.

Enfin, last but not least, Spotlight s'est vu attribué le prix de la meilleure distribution dans un film, devenant ainsi le nouveau favori (de la semaine?) pour l'Oscar du meilleur film. Récemment, une année sur deux le film recevant ce prix repart avec l'Oscar suprême.

Black panthers

Mais le plus intéressant nous vient des récompenses liées à la télévision. Car comme nous vous le disions récemment, c'est désormais là-bas que la diversité se trouve convenablement représentée.

Alors qu'il passait déjà une bonne soirée, Idris Elba a reçu un second prix, celui du meilleur acteur dans une mini-série pour son rôle de détective dans Luther. C'est le septième prix que l'acteur reçoit grâce à ce personnage. Preuve, s'il en fallait une que Luther, est une série à suivre, tout comme son interprète ! Combien de temps avant qu'il n'endosse le costume de James Bond, hein ? Chez les femmes, c'est une autre artiste noire dont la performance a été saluée : la trop rare Queen Latifah pour Bessie, un téléfilm produit et diffusé par HBO.

Comme l'année dernière, Kevin Spacey et Viola Davis ont également été récompensés pour leur rôle respectif dans House of Cards et How to Get Away with Murder. Classée parmi les 15 séries à suivre en 2015, HTGAWM a déjà permis à Viola Davis de remporter un Emmy Award, un Golden Globe, un NAACP Image Award, un People's Choice Award et désormais deux SAG Awards ! A quelques semaines de la sortie de Suicide Squad, Viola Davis peut à nouveau remercier Shonda Rhimes et Peter Nowalk d'avoir permis à son personnage d'Annalise Keating de voir le jour.

Et ce n'est pas fini ! Pour son rôle de femme transgenre dans Transparent, Jeffrey Tambor a reçu samedi soir le SAG Award du meilleur acteur de comédie, tandis qu'Uzo Aduba (alias Crazy Eyes dans Orange is the New Black) est repartie avec celui de la meilleure actrice de comédie. Vous l'aurez donc compris, en récompensant la diversité visible à la télévision, les SAG Awards ont officiellement fait la nique aux Oscars. A moins que cela ne soit qu'une manière de compenser l'absence de nomination pour des acteurs de couleurs chez le grand frère ? La question mérite d'être posée.

Ce qui n'a pas empêché Viola Davis d'y aller de son bon mot. En coulisses, elle a notamment déclaré : "Nous sommes devenus une société de tendances (en référence aux hashtag "trend topic" de Twitter, NDLR). La diversité n'est pas une tendance… Je me vois comme une actrice. Peu importe ce qui se passe dans le milieu, je trouverai un moyen de pratiquer mon art." Avant d'ajouter : "Quand tu regardes Annalise, elle n'est pas qu'une femme noire, c'est une femme qui mène sa vie. Les gens oublient ça dans notre business." Voilà qui est dit.

Edito: Nos coeurs en hiver

Posté par redaction, le 28 janvier 2016

On est au coeur de l'hiver. Les sorties en salles cette semaine pourront vous réchauffer un peu. Dans un cottage anglais, un ranch américain, sur un bateau en route pour le Pôle Nord, dans des paysages luxuriants thaïlandais, au milieu des maisons en briques rouges de Boston ou dans un paisible quartier de Tokyo. Avec un couple qui aime les Platters, une mère courage, des jeunes intrépides, des journalistes qui ont la foi, ou une vieille femme qui vous cuisinera des gâteaux succulents à base d'haricots rouges confits. Vous avez le choix.

Car si les César se concentrent sur quelques films tant le système semble verrouillé, même si on se félicité de la présence de femmes et de minorités dans les nominations, si les Oscars sont dans la tempête à cause d'un panel trop uniformisé qui exclut les femmes et les minorités, le cinéma continue à offrir le choix aux cinéphiles grâce à sa diversité. Mais qu'on se comprenne bien. Puisque janvier n'est pas terminé, c'est le temps de faire encore de bonnes résolutions, à défaut de vouloir faire la révolution. Pour que cette variété si chère aux spectateurs puisse exister, pour que l'égalité si souhaitée par les professionnels puisse se concrétiser, il va bien falloir changer quelques règles, et surtout les mentalités.

Briser le plafond de verre

Ce ne sont pas quelques breloques dorées qui sont en cause. Un film ou un acteur ne doit pas être jugé en fonction de son sexe, de sa sexualité, de son origine ethnique ou même de ses moyens financiers ou des épreuves physiques qu'a subit son film. C'est en amont que se situe le problème. C'est un problème d'offre et pas de demande. Il est nécessaire de faire émerger des talents et de leur donner la visibilité qu'ils méritent. Femmes ou hommes, blancs ou noirs, peu importe tant que le sexe, ses goûts amoureux ou la couleur de peau n'est pas un obstacle "invisible" et "inconscient" pour un producteur, un studio, un financier. Aux Etats-Unis, il semble impossible pour une réalisatrice de prendre les commandes d'un blockbuster. Evoquer un James Bond noir semble encore tabou. En France, un film comme Made in France, récit ancré dans la réalité de jeunes de banlieue tentés par le djihadisme, dès cette semaine en vidéo à la demande, se voit finalement refuser l'accès aux salles.

A trop "censurer" économiquement ou médiatiquement ces voix différentes, ces tons nouveaux, ces sujets contemporains, le risque est que le 7e art se coupe d'une réalité, ou pire, soit gagné par une forme d'uniformité. Ce qu'on demande au cinéma c'est de la haute couture artisanale et quelques basics casuals mondialisés, pas du prêt à porter made in China.

Pop et black cultures au menu des NAACP Image Awards 2016

Posté par wyzman, le 9 décembre 2015

Vous ne connaissez pas le NAACP ? C'est compréhensible. L'association nationale pour la promotion des gens de couleur fait la part belle à la diversité américaine depuis 1909 mais n'a jamais trouvé d'équivalent en France - surtout en matière de production audiovisuelle. Alors que les nominations pour la prochaine cérémonie ont été dévoilées hier, l'Amérique d'Obama semble plus que jamais avoir un voire deux coups d'avance sur notre bon vieil Hexagone. Explications.

Récompensant les artistes qui font la télévision, le cinéma (d'animation, de fiction ou documentaire), la musique et la littérature américaine d'aujourd'hui, les NAACP Image Awards s'ancrent une fois de plus dans une culture populaire qui a déjà fait ses preuves. En attestent les multiples nominations de séries et de films remplis d'acteurs de couleur dont nous vous parlons depuis un moment ! Ainsi, le vendredi 5 février 2016, la 47ème cérémonie sera retransmise sur la chaîne câblée TV One qui est fièrement destinée à un public afro-américain.

Côté télévision, de ses nominations, il convient de retenir le (quasi) sacre d'Empire. A la fois soap opera, drama et comédie musicale, la série de Lee Daniels à 90% composée d'acteurs noirs a reçu pas moins de 12 nominations dans des catégories phares de la télévision mais aussi de la musique. Jussie Smollett et son collègue Yazz se trouvent ainsi cités parmi les Meilleurs nouveaux artistes de l'édition 2016. Le show est sans surprise nommé dans la catégorie Meilleure série dramatique, aux côtés de Being Mary Jane (avec Gabrielle Union), Power (produite par le rappeur 50 Cent) et les deux dernières productions de Shonda Rhimes, Scandal et How to Get Away with Murder. C'est d'ailleurs cette dernière qui a remporté le prix lors de l'édition 2015. Parmi les comédies, c'est le Cosby Show version 2015 Black-ish qui tire son épingle du jeu, récoltant 10 nominations. La série remet son titre de Meilleure série comique en jeu et devrait distancer House of Lies, Key & Peele, Orange is the New Black et Survivor's Remorse.

Coté cinéma, Creed fait carton plein avec 6 nominations. Pour rappel, le film raconte comment le fils d'Apollo Creed va s'entraîner auprès de Rocky Balboa et suivre les pas de ses aînés. Rencontre de deux générations, le film a déjà ravi les critiques par son mélange réussi entre renouveau, diversité (Michael B. Jordan est noir) et culture populaire (Rocky étant toujours considéré comme une icône). Adoré par la presse depuis Fruitvale Station, Michael B. Jordan est déjà dans les starting-blocks pour une nomination aux Oscars… En face, les rappeurs de Straight Outta Compton ne sont pas en reste puisque le film est nommé dans 5 catégories dont Meilleur film, Meilleur second rôle et Meilleur scénario.

Néanmoins, s'il y a bien une catégorie qu'il est important de mentionner, c'est celle d'Artiste de l'année. Prix spécial, celui-ci n'est pas décerné automatiquement. Cette année, c'est l'actrice Taraji P. Henson qui a emballé toute la salle avec son interprétation de Cookie Lyon dans Empire. Et en 2016, le choix se fera entre l'acteur Michael B. Jordan, la danseuse classique Misty Copeland, le chanteur Pharrell Williams, la showrunner, scénariste et productrice Shonda Rhimes et son actrice phare Viola Davis.

Vraisemblablement, c'est l'une des deux dernières femmes mentionnées qui devrait remporter la palme. En effet, après avoir mis en place son TGIT (la réunion de Grey's Anatomy, Scandal et How to Get Away with Murder), la femme la plus influente de la télé américaine lancera en mars son nouveau show The Catch, avant de se remettre à bosser sur son projet de série sur des nonnes. Toutefois, détentrice d'un Emmy Award de meilleure actrice dans une série dramatique (le premier jamais délivré à une actrice de couleur), Viola Davis n'a pas dit son dernier mot. Verdict le 5 février !

A Hollywood et en France, la diversité c’est maintenant ?

Posté par wyzman, le 3 octobre 2015

La diversité. Voilà plusieurs années qu'à Hollywood, c'est le seul mot qu'il convient d'avoir à la bouche pour évoquer les personnages, les acteurs, les scénaristes, les réalisateurs, les producteurs. Bref, toute la chaîne de commandement du septième art ! Qu'il s'agisse de genre, d'orientation sexuelle, de religion ou d'environnement social, l'audiovisuel américain fait son possible pour mettre en avant ses minorités. Et si aujourd'hui le mot nous intéresse plus que jamais, c'est parce ses "effets" se font (enfin) sentir. Si vous suivez l'actualité du box office américain, il ne vous aura pas échappé que durant 5 semaines consécutives, ce sont des films portés par des acteurs de couleur qui en ont pris la tête. Il y a d'abord eu Straight Outta Compton, le biopic basé sur l'histoire du groupe de hip-hop N.W.A. Puis est venu War Room, un drame marital et religieux au succès inespéré. Et une semaine plus tard, c'est le thriller The Perfect Guy qui faisait des merveilles. Comme le fait The Wrap, nous nous demandons si l'intérêt soudain des spectateurs pour ces films va attirer l'attention des grandes pontes d'Hollywood.

Car, qu'on se le dise, cette succession de films comportant une majorité d'acteurs noirs est un cas rare, si ce n'est unique. Va-t-elle se reproduire ? Personne ne peut le prédire. On a déjà débattu de la question de savoir s'il y a trop de noirs à l'écran. Mais en attendant, ce phénomène peut être mis en parallèle avec le succès d'une série telle qu'Empire. Parce que cette dernière compte essentiellement des acteurs noirs (Terrence Howard, Taraji P. Henson, Gabourey Sidibe, etc.), il n'est pas étonnant de voir que les Afro-Américains y soient très réceptifs. Les audiences le prouvent, les taux sur les 18-49 ans (la cible préférée des annonceurs) l'attestent. Malheureusement, il ne faut pas nous emballer. Si la sauce prend aux Etats-Unis, ce n'est malheureusement pas le cas ailleurs.

Dans un pays comme le Royaume-Uni qui ne connaît pourtant pas la barrière de la langue, ils étaient à peine plus de 500.000 curieux à regarder le season premiere. Plus encore, et alors que le DVD de la saison 1 devrait sortir en France le 12 novembre, on ne peut que s'inquiéter de la VF que le Groupe M6 tentera au moment de diffuser la série. Nos oreilles vont saigner - et pas qu'un peu ! L'Amérique semble de plus en plus fière de ses minorités (cf. notre article sur les derniers Emmy Awards) mais préfère les projets portés par des stars déjà bien établies - et supposément bankables. On pense ainsi à Vin Diesel (saga Fast & Furious) chez les Latino-Américains et Denzel Washington (The Equalizer) et Will Smith (saga Men In Black) pour les Afro-Américains. Quant aux Asiatiques, si le nombre d'acteurs engagés est de plus en plus important, aucun d'entre eux n'est à même de faire décoller un blockbuster. Ils restent des seconds-rôles même s'il s'agit de stars en Chine, à Hong Kong ou en Corée du sud. Pour le moment en tout cas.

Quid de la France ? Si le cinéma tend à aborder la diversité avec une décomplexion parfois simulée (souvenez -vous de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu?), le public français n'est pas si réceptif que ça aux œuvres "destinées aux noirs". Samba n'a attiré "que" 3,1 millions de curieux en salles, ce qui semble dérisoire face aux 19,4 millions d'entrées d'Intouchables… En deux semaines, Straight Outta Compton n'a réalisé que 360 000 entrées. Quand How to Get Away with Murder, le thriller produit par Shonda Rhimes et porté par Viola Davis, a attiré 3,3 millions de curieux lors de son lancement, ils n'étaient plus que 399 000 devant le dénouement ! Quant aux œuvres françaises, si elles comptent indéniablement des acteurs de couleur, ce ne sont pas eux qui font décoller les audiences. A titre d'exemple, la série Nos chers voisins ne compte qu'un seul acteur récurrent de couleur (Issa Doumbia). Idem pour Scènes de ménages (Loup-Denis Elion).

Du côté du cinéma français, à l'exception d'Omar Sy, d'une génération déjà bien passée (Roschdy Zem, Sami Bouajilah, Pascal Legitimus) et d'autres humoristes bien identifiables (Jamel Debbouze, Elie Semoun, Gad Elmaleh), ce n'est vraiment pas United Colors of Benetton. Combien de fois une Firmine Richard ou un Isaak de Bankolé se sont plaints d'avoir peu de rôles à jouer... Dans les pays anglo-saxons on est capable de faire jouer Marius des Misérables par un "black". En France, la Comédie Française est désespérément "white". Vous l'aurez compris, en termes de diversité, les Etats-Unis ont un léger coup d'avance et, comparativement, la France semble toujours très blanche... Et plus le temps passe, plus il devient difficile de trouver une explication crédible !

L’instant Zappette: Plus besoin de compter les gays à la télé?

Posté par wyzman, le 5 septembre 2015

Toutes les bonnes choses ont une fin… Voilà sans doute ce que les membres de la GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation) se sont dits lorsqu'ils ont décidé de ranger leur NRI (Network Reponsibility Index). Depuis près de 10 ans, ce simple outil permet de "recenser" les personnages queer présents et présentés à la télévision américaine. Et si l'on vous en parle aujourd'hui, c'est parce que cet indice de "santé LGBT" a livré son nouveau rapport jeudi dernier, juste avant que Sarah Kate Ellis, la présidente de la GLAAD, n'annonce son retrait. Dit comme ça, cela parait anodin. Mais il n'en est rien !

Les chaînes ABC Family et Fox se sont démarquées cette année par leur "excellente" représentation de la population LGBT grâce à la présence de nombreux personnages à la sexualité autre que hétérosexuelle. Sur ABC Family, The Fosters et Pretty Little Liars ont reçu les honneurs de la GLAAD tandis que sur Fox, Empire a relevé le niveau à elle seule ! Véritable phénomène de la saison passée, cette série dont nous vous parlions déjà au moment de l'annonce des nominations pour les Emmy Awards - et qui a fait de Lee Daniels un homme incontournable du petit écran - traite entre autres de la volonté d'un jeune homme gay de se faire accepter par son père et dans le milieu du hip-hop. Énorme bouffée d'air frais, Empire a captivé jusqu'à 17 millions d'Américains cet hiver. Un record !

Mais alors que la communauté LGBT n'a jamais été aussi bien représentée dans les séries - à la différences des personnages noirs -, il semblerait que le combat se porte désormais ailleurs. Comme le rappelle Sarah Kate Ellis dans les colonnes de Variety, autrefois la communauté LGBT se satisfaisait d'une simple représentation à la télé. Peu importe le temps d'antenne et la personnalité du personnage, un homo à la télé était toujours une victoire. Mais aujourd'hui, cette lutte vient rejoindre celle de la diversité. Un homo c'est bien, mais un homo de couleur c'est mieux. Conscients de ne pas tous être "des hommes blancs, cisgenres et issus de la classe moyenne", les membres de la GLAAD veulent être représentés tels qu'ils sont : divers, variés, multiples, différents.

Il n'existe pas de profil type d'un membre de la communauté LGBT. Et si le NRI a été utile tout au long de ces années, son fonctionnement semble aujourd'hui un peu obsolète. Ce qui n'empêche pas Sarah Kate Ellis de noter la volonté des dirigeants de chaînes (généralistes comme câblées) de mettre en avant des personnages LGBT. Comme toujours, Shonda Rhimes (Grey's Anatomy, Scandal, How to Get Away with Murder) est la reine incontestée tandis que Lee Daniels (Empire) a fait une entrée fracassante dans le grand monde des séries. Enfin, le travail de Jenji Kohan (Orange is the New Black) ne peut pas être ignoré. En attendant, "la GLAAD va continuer à pousser l'industrie du divertissement à faire de la diversité une réalité". Voilà qui est dit !

Et on peut toujours se désoler de voir que la France a quelques décennies de retard sur ces sujets.

L’instant zappette: Dear Black people, arrêtez de mourir dans les séries!

Posté par wyzman, le 30 août 2015

*Si vous n'aimez pas les spoilers, ne lisez pas les lignes qui suivent !* L’événement de la semaine passée était sans aucun doute le lancement de Fear The Walking Dead, le spin-off en forme de prequel de la série que l'on ne présente plus : The Walking Dead. Également diffusée sur AMC le dimanche soir, la nouvelle série en chantier a réussi son lancement puisqu'ils étaient pas moins de 10,1 millions d'Américains à suivre ce qui va être une véritable hécatombe. Si aujourd'hui, nous sommes amenés à vous parler de ce pilote, ce n'est pas pour sa qualité (relative) ou pour vous donner de multiples raisons de regarder la série mais pour évoquer l'un de ses désagréments : le traitement des personnages noirs.

Annoncée et teasée depuis des mois, Fear The Walking Dead a la particularité d'être portée par des acteurs d'origines ethniques diverses style United Colors of Benetton. La série suit en effet les péripéties d'une famille recomposée. Nick et Alicia sont les enfants (blancs) de Madison. Celle-ci est en ménage avec Travis, lui-même incarné par l'acteur néo-zélandais et de couleur Cliff Curtis. Travis a déjà eu un enfant, Chris, avec Liza, une hispanique. Le meilleur ami de Nick, Calvin, est un jeune Afro-Américain. Idem pour Matt, le petit copain d'Alicia. De la diversité, en veux-tu en voilà ! Malheureusement, si producteurs et scénaristes tenaient ici le bon bout, ils se sont littéralement vautrés au moment d'écrire les prémisses de ce qui va être un bain de sang. Explications.

Dans ce genre d'exercice (le pilote d'une série d'horreur), il est évident qu'il faut un, voire plusieurs morts. Dans Fear The Walking Dead, Calvin, l'ami de Nick, s'avère être son dealer et donc le responsable de son bad trip de la veille. Et un cliché, un ! Plus encore, après une altercation qui mène à la mort de Calvin, celui-ci se retrouve transformé en zombie. Ne nous demandez pas où est la logique, nous nous posons également la question. Mais peu importe ! Transformé, Calvin s'attaque à la mère de Nick avant d'être écrasé par le pick-up familial à de multiples reprises. Et le pilote s'achève sur Calvin, bien amoché, mais encore prêt pour un autre round. Quant à Matt, le petit copain noir d'Alicia, il lui fait faux bond lors d'un rencard et, Fear The Walking Dead oblige, nous supposons qu'il lui est arrivé quelque chose de grave. Comprenez une attaque de zombie.

Questions : pourquoi toujours commencer par sacrifier le personnage noir ? Est-il plus facilement dispensable qu'un autre personnage ? Sa mort est-elle moins signifiante et plus appropriée au moment de lancer une série ? Nous posons la question. Et visiblement, nous ne sommes pas les seuls. Forbes s'amuse déjà à dire que, dans la mesure où le principal du lycée d'Alicia est également un Afro-Américain, on pouvait s'attendre à ce qu'il soit tué et/ou transformé dès le pilote. En face, HitFix fait le parallèle avec The Walking Dead qui, depuis ses débuts, a pris la mauvaise habitude de donner aux personnages Afro-Américains des "storyline minimes juste avant qu'ils ne soient amenés à mourir". Et là, le doute s'empare de nous. L'action de Fear The Walking Dead se situe à Los Angeles, une ville qui compte 4 millions d'habitants intra-muros dont seulement 10% de Noirs. S'il ne fait aucun doute que la série montrera des personnages noirs succomber (ne nous leurrons pas), les scénaristes ne sont pas pour autant allés piocher dans les 49% d'Hispaniques présents à Los Angeles lors du recensement de 2010.

Si la série veut s'affranchir de The Walking Dead, elle a tout intérêt à faire preuve de plus de réalisme ! Hors de toute volonté de politiser son propos, il s'agit d'un simple conseil. Dans Fear The Walking Dead, il n'est pas question de forêts et de bois ou encore de champs mais d'une métropole connue pour sa diversité et son incroyable tolérance. Après la déception Scream (MTV), l'adaptation télé qui s'est débarrassée dans cet ordre de la rousse, la lesbienne et l'Asiatique - faute d'avoir de personnage noir -, il semble qu'aucune nouveauté de cet été ne soit en mesure de lier tension dramatique et bonne représentation de la diversité. Dans la saga cinématographique, il aura tout de même fallu attendre le second volet pour qu'un personnage Afro-Américain apparaisse clairement à l'écran - et décède.

Même UnREAL (Lifetime), drame phénoménal sur les coulisses d'une émission de télé-réalité, n'a pu s'empêcher de faire passer les hispaniques pour des filles exotiques et faciles et les noires pour des aimants à embrouilles vulgaires. Diffusées sur des chaînes du câble, ces trois séries (Fear The Walking Dead, Scream et UnREAL) ne font que confirmer ce que l'on pensait déjà : la diversité se trouve désormais sur les grands networks, dans les œuvres de Oprah Winfrey, Shonda Rhimes et Lee Daniels ou encore Justin Simien (Dear White People) ! Un comble.

L’instant zappette: trop de noirs à l’écran, vraiment?

Posté par wyzman, le 12 avril 2015

D'après le Bureau des statistiques américain, les Afro-Américains ne représentaient que 13,6% de la population lors du dernier recensement. "13,6% c'est sans doute peu, mais cela ne les empêche pas d'être partout" diront certains. Dans leur volonté de représenter l'Amérique telle qu'elle est, c'est-à-dire dans sa diversité, les producteurs de télévision tournent cette année un grand nombre d'épisodes pilotes avec des acteurs "non-Caucasiens". Cette "tendance" que la journaliste de Deadline Nellie Andreeva a très mal perçue dans un article au vitriol. Néanmoins, rien ne nous empêche de nous poser la question : y a-t-il trop de Noirs sur les écrans US ?

Merci Shonda Rhimes?

La saison télévisuelle 2014-2015 a été intense du point de vue de la diversité. Et ce, en partie grâce à la productrice et scénariste Shonda Rhimes. En investissant toute la soirée du jeudi de la chaîne ABC, elle a littéralement redéfini le mot "diversité". Les shows qu'elle a créés ou produits sont d'un point de vue "ethnique" considérés comme "parfaits". Mais n'allons pas croire que cette Américaine de 45 ans a tout fait toute seule. Si Grey's Anatomy, Scandal et How To Get Away With Murder comptent 10 acteurs Afro-Américains (parmi les personnages principaux), ces séries ne sont pas les seules à mériter toute notre attention.

Productrice, actrice et surtout animatrice TV, Oprah Winfrey a beaucoup fait pour le communauté afro-américaine. A côté de ses participations à des films engagés tels que La Couleur pourpre, Le Majordome et plus récemment Selma, la business woman a aussi banalisé l'homosexualité, la bisexualité, la transsexualité et le SIDA au sein de la communauté noire via le programme "The Oprah Winfrey Show". Plus encore, sur sa propre chaîne de télévision, OWN, elle produit des shows qui sentent bon la culture black, tels que The Haves and the Have Nots, qui comprennent des personnages gays. En outre, nous pouvons bien évidemment évoquer la chaîne BET (Black Entertainment Television) qui a rapidement supplanté la mythique MTV.

Le nouveau visage de la télévision

Mais la "vague" à laquelle Nellie Andreeva fait référence dans son article n'est pas anodine. Oui, on constate un grand nombre d'acteurs noirs à la télévision américaine. Mais cela devient dérangeant pour certains dans la mesure où ces derniers interprètent des rôles de plus en plus conséquents, de plus en plus vraisemblables et d'un niveau social plus élevé. Loin des personnages caricaturaux trop longtemps mis en scène, l'héroïne de Scandal, la célèbre Olivia Pope (incarnée par la sublime Kerry Washington), est une experte en gestion de crise. Une femme avec un vrai métier et des responsabilités ! Rapidement devenue une icône de mode, on lui consacre désormais des Tumblr par centaines (Pope and Ballard par exemple). Quant à How To Get Away With Murder, les scénaristes ont pris pour habitude de filmer l'actrice principale Viola Davis en train de se démaquiller et de retirer son tissage pour nous faire entrer dans son intimité. Autrement dit, ce que l'on n'osait pas montrer ou mettre en avant par le passé n'est plus un problème.

Ce que fait parfaitement Justin Simien dans son premier long-métrage, Dear White People, actuellement à l'affiche. En opposant la culture black à la blanche, le réalisateur de 31 ans dresse un portrait concret et sans fard de la jeunesse sous l'ère Obama. Sous couvert d'être une satire de la société américaine, Dear White People pose des questions quasi existentielles et de la meilleure manière qui soit. Et il faut reconnaître que cela est bien plus subtil que dans Empire, la série phénomène de cet hiver: avec son casting presque uniquement composé d'acteurs noirs, le show de Lee Daniels (Le Majordome, Precious) joue avec les stéréotypes pour mieux les démonter. Et le procédé fonctionne à merveille, comme en attestent les 7,7M d'Américains qui ont pris la série en cours de route et ce public composé à 60% d'Afro-Américains. Empire rassemble, Empire parle à tous et Empire parle de tout.

La variété plutôt que la diversité

Parce que la série met en scène une famille américaine dans toute sa complexité, elle s'attache à des valeurs vieilles comme le monde : amour, filiation, ambition, réussite et jalousie fraternelle. A cela, se sont ajoutés des thèmes plus contemporain : indépendance économique, déni de paternité (50% des enfants afro-américains naissent sans père) et homosexualité. Et en matière de représentation de la sexualité, le show de Netflix Orange is the New Black se place là. Première personne ouvertement transgenre à être nommée pour un Emmy Award, l'Afro-Américaine Laverne Cox est rapidement devenue un symbole outre-Atlantique.

A leur manière, producteurs, réalisateurs, scénaristes et comédiens noirs réinventent ainsi la télévision et la notion de diversité. Plus besoin de cacher sa négritude pour faire de la bonne télévision puisque le téléspectateur veut des intrigues qui lui parlent et des acteurs auxquels il peut s'identifier. Car parmi ces 13,6% d'Américains, combien sont nécessairement dealers, serveurs dans un fast-food ou sous-diplômés? Et ce ne sont là que trois rôles clichés que l'on attribuait jusqu'ici trop souvent aux acteurs noirs. N'oublions pas du problème de l'univers carcéral: les discriminations judiciaires sont nombreuses (44 % de la population en prison est afro-américaine).

Une diversité à relativiser

Mais si la diversité que l'on vante aujourd'hui fait chaud au cœur, elle n'est pas inédite. Avant Empire, d'autres séries avaient des castings majoritairement noirs. En effet, bien avant que "Black-ish" ne devienne la "comédie familiale black" par excellence, "Le Cosby Show" et "Le Prince de Bel-Air" avaient creusé le sillon. La télévision actuelle se réinvente, s'adapte, remplit des niches, mais ne trace pas de nouveaux chemins.

La montée en puissance d'acteurs noirs soutenue par certains médias est néanmoins un écran de fumée. Pendant des années, la télévision américaine a simplement fait des personnages blacks des seconds couteaux. Et cela est à mettre en lien avec le clivage qui sévit actuellement outre-Atlantique. Entre les bavures policières et les décisions judiciaires qui disculpent des policiers blancs ayant tué des noirs, l'Amérique se réveille. Les drames de Ferguson et Cleveland ne sont que des exemples parmi tant d'autres. Mais ce sont tous ces drames qui inspirent des séries et des producteurs de plus en plus engagés (cf. The Good Wife et Scandal).

Une peur irrationnelle régulée par le marketing

Aujourd'hui, rien ne permet de dire qu'il y a trop d'acteurs noirs sur les écrans américains: Denzel Washington, Will Smith, Chris Tucker ont parmi les salaires les plus élevés à Hollywood. Proportionnellement, ce sont plutôt les Asiatiques et les Latino-américains qui sont sous-représentés aujourd'hui. L'élection et la réélection d'un président noir n'a pas profondément changé l'Amérique, dont une partie se croit et se voit encore "blanche". Et les succès de films comme Django Unchained, Lincoln, 12 Years a Slave ou bien Selma ne démontrent qu'une seule chose : le cinéma a une plus grande capacité d'adaptation que la télévision, malheureusement menée et régie par les annonceurs et la censure.

Mais, comme pour les séries dites "queer" (lire notre article sur ce sujet), on qualifie les contenus audiovisuels juste pour pouvoir les mettre dans une case, les identifier, les marketer et les vendre plus facilement. Le spectateur est supposé savoir ce qu'il va regarder, quitte à renforcer le communautarisme et les préjugés, tout en manquant de s'intéresser à l'autre...