Comment Batman v Superman est devenu un vulgaire « film de fans »

Posté par wyzman, le 29 mars 2016

A moins de vivre dans une grotte depuis une semaine, vous n'avez pas pu échapper à tout ce ramdam entourant la sortie de Batman v Superman : L'Aube de la justice. (Oui, je me rends compte que ce titre est horrible. Surtout maintenant que j'ai vu le film... mais peu importe !) La nouvelle œuvre de Zack Snyder, quoiqu'un peu farfelue, était très intéressante sur le papier. Réunir deux héros majeurs de la pop culture dans une superproduction, nous en avions tous rêvé. Et d'entrée de jeu, le réalisateur de 300 avait tout pour lui : un talent certain, deux gros studios prêts à financer, des teasers et autres bandes annonces excellents et un casting impressionnant (Henry Cavill, Ben Affleck, Amy Adams, Jesse Eisenberg, Diane Lane, Laurence Fishburne, Jeremy Irons, Holly Hunter, Kevin Costner pour une séquence et Gal Gadot en cerise sur le gâteau).

Plus encore, après l'avant-première mondiale, les spectateurs semblaient plus que ravis. Comme on dit outre-Atlantique, les premiers avis étaient in. Bref, tout allait bien. Puis l'embargo a été levé et là, le massacre a commencé. Genre, vraiment. "Inachevé" pour Indie Wire. Juste "visuellement spectaculaire" pour Variety. Sauvé de sa "monotonie vaseuse" par Gal Gadot d'après The Wrap"Pas fun" et "absurde" pour le New York Times. Bref, vous avez compris l'idée. Et en France, même son de cloche. "Anti-spectaculaire" et "décevant" pour Première. De son côté, Le Figaro pointe "la lourdeur de l'intrigue, la lenteur des plans, l'omniprésence écrasante des effets pyrotechniques". C'est "une pâté réflexive" pour Le Plus. Et même Le Journal du Geek l'a perçu comme "supermou" et sans "aucun frisson". Ecran Noir y a vu "une valse de pantins" dans "un script peu subtil".

De manière simpliste, on pourrait mettre le décalage d'avis fans/critiques sur le dos du marketing : 250 millions de dollars de budget, 150 millions (minimum) pour la promotion, des teasers bandants, un "combat du siècle" promis, tout était là. En allant mater Batman v Superman, ce que l'on voulait voir c'est du grand spectacle, des trucs qui pètent, avoir le souffle coupé et se dire que c'était l'idée du siècle que de réunir les deux hommes dans un film. Sauf que cela n'arrive pas. On pourrait blâmer le scénario qui se veut politisé mais ennuie souvent. Nous pourrions évoquer la noirceur que Zack Snyder a voulu insuffler grâce à la présence de Batman. Mais cela ne prend pas car Christopher Nolan a déjà fait tout cela. Ce que le Hollywood Reporter a noté au moment de conseiller à Zack Snyder de "laisser les films de Christopher Nolan à Christopher Nolan".

Le fan, rempart bulletproof ?

Et une fois n'est pas coutume, au moment de vendre un film et d'esquiver des critiques unanimes, le fan est parfait. Le fan permet de se dédouaner de tout. Le fan est une excuse imparable. Pour le fan, studios, distributeurs et acteurs seraient prêts à faire ou dire n'importe quoi. Et cela notamment parce que le fan est souvent un bon client. Oui, le fan est loyal - jusqu'à ce que le résultat soit vraiment trop mauvais. Le fan vous soutiendra du mieux qu'il peut. Le fan ira voir le film. Une fois, deux fois, peut-être même plus. Le fan parlera du film sur les réseaux sociaux, à ses amis, au boulot, aux repas de famille. Le fan fera le travail pour vous, à partir du moment où vous le contentez. En d'autres termes, faire "un film de fans" ou "un film pour les fans" expliquerait la qualité moindre de certaines adaptations. Voilà qui est sympa pour les fans ! Mais de là à dire que les fans présents à l'avant-première mondiale ont été éblouis par les acteurs présents, il n'y a qu'un pas…

Le fan n'est pas nécessairement aveugle car fan ou pas fan, il faut bien reconnaître que la communication autour du film était géniale, que notre attente à tous était élevée et qu'au fond de nous, nous voulions y croire. En cela, nous pourrions faire le parallèle avec Le Réveil de la Force. Son réalisateur, J. J. Abrams, est un homme de génie et sur le plan technique, on ne peut rien reprocher à son film. Mais le scénario ne casse pas trois pattes à un canard ! C'est un fait, une vérité générale presque. Fans et/ou critiques, nous avons fait avec et sommes passés à autre chose. Malheureusement, et comme c'est souvent le cas, c'est plus simple à dire qu'à faire.

Une industrie pourrie ?

Tandis que certains fans ont déjà commencé à signer une pétition pour évincer  Zack Snyder des prochains projets de DC Comics, Rolling Stone a mis le doigt sur ce qui est peut-être la véritable raison d'un tel bad buzz autour de Batman v Superman : "les films de super-héros ne sont pas en train de tuer l'industrie du film. L'industrie du film est en train de tuer les films de super-héros" écrit le magazine. Eh oui, à force d'enchaîner les adaptations, de multiplier séries dérivées, remakes et autres reboots, il faut bien que quelqu'un se casse la figure. Daredevil et Green Lantern étaient de bons exemples de ratage complet, mais ça n'a pas arrêté Hollywood. A l'inverse, le carton de Deadpool prouve qu'on peut encore divertir avec une certaine singularité et un super-héros qui ne se prend pas au sérieux.

Persuadés que les fans de comics et le public en général seront toujours au rendez-vous, Marvel a réussi à incruster Spider-Man dans la dernière bande annonce de Captain America : Civil War (ou Avengers 3 si vous préférez), tandis que DC Comics a plus ou moins bien introduit ses prochains hits grâce à Batman v Superman. Nous attendrons avec impatience Wonder Woman, Aquaman sera un véritable plaisir coupable que James Wan annonce déjà comme plus "fun" que L'Aube de la justice, Flash devrait faire du bruit et Cyborg méritera le coup d'œil. Et il y aura bien évidemment cette Justice League qui devrait tout déchirer.

Une chose est sûre : au moment d'attirer les fans, Marvel et DC Comics savent y faire. A l'instar de Michael Bay ces dernières années, Batman v Superman vient de prouver que les studios pouvaient officiellement se passer de critiques positives dans la presse pour amasser du fric. Plus gros lancement de Pâques aux Etats-Unis avec 166 millions de dollars en 3 jours, quatrième meilleur démarrage dans le monde en dépassant les 400 millions de dollars en 5 jours… Batman v Superman va marquer l'histoire du cinéma côté recettes. Et ça sans l'adhésion de la presse ! Cela mérite qu'on lui lève notre chapeau. Du coup, bien malgré nous et ce que l'on en a pensé, on ne saurait que trop vous recommander de vous faire votre propre opinion sur l'œuvre en la voyant directement en salles. Ou pas. Dans un mois, Captain America affronte Iron Man dans un autre match de titans. Leur invincibilité garantit aux franchises d'être sans fin. Et hélas, c'est aussi ça qui tue le suspense. Car pour Hollywood, la seule incertitude n'est pas de savoir si un super-héros peut mourir (c'est impossible), mais de savoir combien les fans dépenseront et à quelle place il terminera au box office !

[Hayao Miyazaki / Ghibli] Son nouveau dessin animé séduit le Japon

Posté par vincy, le 23 juillet 2013

kaze tachinu the wind rises miyazaki

Le nouveau film d'Hayao Miyazaki, Kaze Tachinu (The Wind Rises), est sorti ce week-end dans les salles japonaises. L'occasion pour Ecran Noir de vous offrir une série d'articles autour de ce nouveau film, du studio Ghibli et pour ce week-end, une visite du Musée Ghibli, à Tokyo.

Événement toujours très attendu, le dessin animé n'a pas déçu son distributeur, Toho. Avec 747 451 entrées durant ses deux premiers jours d'exploitation, le film a récolté 9,66 millions de $. C'est un peu moins que Ponyo, le précédent film de Miyazaki en 2008. Mais au final, le film devrait largement dépasser les 100 millions de $ de recettes, soit, de très loin, le plus gros succès au Japon cette année.

Côté critiques, globalement l'avis est favorable, même si Kaze Tachinu n'atteindrait pas le niveau d'excellence de Princesse Mononoke et du Voyage de Chihiro. Beaucoup de journalistes ont fait le lien avec un autre film du Maître, Porco Rosso (1992). Les avis les plus positifs louaient l'inspiration et l'onirisme de l'ensemble. Mélo larmoyant à l'ancienne, le drame historique a séduit les adultes... mais pas les enfants si l'on en croit les premières réactions à la sorties des salles. Les petits nippons, qui ont têté du Totoro dès la naissance (une véritable idole là bas), n'ont pas retrouvé de personnages iconiques dans ce film, dont la narration semble trop complexe pour eux.

Demain : le vétéran Myazaki au coeur d'une polémique politique.


Bande annonce de Kaze Tachinu

24 coups de coeur d’Ecran Noir : les films que vous n’avez peut-être pas vu, à tort

Posté par redaction, le 31 décembre 2012

Plutôt qu'un Top 10 forcément frustrant et incomplet, Ecran Noir a préféré mettre en avant des films qui n'ont pas forcément trouvé leur public, ou qui ont vraiment touché le coeur des rédacteurs, pour des raisons aussi subjectives qu'irrationnelles. Une sorte de séance de rattrapage, de déclaration d'amour à des films qui n'ont pas toujours reçu l'accueil qu'ils méritaient. Un manifeste aussi tant les genres varient : du documentaire au film d'animation, d'Hollywood à l'expérimental.

Aussi ne vous inquiétez pas : il y a des films qui manquent. Des films que nous avons beaucoup aimés, qui nous ont scotchés, qui ont mérité leur succès public ou/et critique, qui ont reçu les prix les plus prestigieux. Ces films sont incontestablement dans le haut de notre liste. Mais ce n'était pas l'objectif de ce "bilan". Bien sûr qu'Amour, Argo, La chasse, César doit mourir, Les bêtes du sud sauvage, Holy Motors, Skyfall, Les enfants loups, J. Edgar, The Dark Knight Rises, Rebelle, Frankenweenie, Moonrise Kingdom, La part des anges, La Taupe ou Zarafa auraient figuré dans notre palmarès. On aurait aussi pu mentionner Barbara, Elena, Les Invisibles, La désintégration, Tabou et Touristes, tous très bons pour des raisons différentes. Tout comme Jeff who lives at home, hélas uniquement sorti en DVD.

Ou encore le grandiose (et on pèse nos mots) Final Cut, présenté à Cannes hors compétition. Le film de Gyorgy Palfi n'est hélas pas prêt de sortir en salles.

Alors on a préféré évoquer 24 souvenirs. 24 films/an comme il y a 24 images/seconde.

Par ordre alphabétique.

A perdre la raison de Joachim Lafosse

Portrait glaçant d'une femme asphyxiée, A perdre la raison révèle la part d'ombre qui existe au cœur de tout rapport humain. Le spectateur partage le sentiment d'oppression grandissant qui étreint l'héroïne et ne peut que regarder, impuissant, la folie qui la guette.

Bellflower d'Evan Glodell

Ce film est une pépite à découvrir, pas du tout un ovni bizarre, mais au contraire une belle proposition de cinéma indépendant. Une narration qui divague, et le récit fragmenté fascine même si on ne sait pas trop où ça nous emmène, on se laisse conduire avant d’être soufflé par son brio.

Cogan, la mort en douce d'Andrew Dominik

Ici, le thriller est cérébral, la mise en scène artistique. On peut tuer avec froideur ou douceur, cela reste saignant. Mais l'humour et le cynisme ne sont jamais loin. Polar malin dans une Amérique en décomposition, tout y est business, même le meurtre. Sauf le plaisir procuré par ce film noir.

Dans la maison de François Ozon

Ozon délivre un récit terriblement prenant d'un bout à l'autre et multiplie les pistes. Il parvient à nous intéresser avec ce thriller dans lequel Hitchcock n'est jamais très loin.

Elle s'appelle Ruby de Valerie Faris et Jonathan Dayton

Entre mythe et réalité, conte et dur vérité, Ruby est un petit bijou du cinéma d'auteur comme on devrait en faire. La plume de Zoe Kazan dresse avec douceur, originalité et humour la recherche de l'âme soeur, de cette moitié tant espérée et surtout de la relation amoureuse et des difficultés à apprécier l'autre. La larme au coin de l'oeil est prête à couler.

Ernest et Célestine de Benjamin Renner, Vincent Patar et Stéphane Aubier

Le meilleur film d'animation de l'année encourage chacun à aimer librement qui il veut, sans se soucier des normes et des préjugés. Et en plus c'est plein d'ironie et de morgue, appelant les plus jeunes à résister à l'autorité lorsqu'elle n'est pas justifiée. Un petit bijou, doublé d'un
pur régal.

Faust d'Alexandre Sokourov

Parce que la mise en scène éblouit par sa grandeur. Sokourov distord ses cadres et laisse exploser son talent dans ce long-métrage qui en met définitivement plein la vue, quand bien même on peut être laissé de côté par l'histoire.

Les femmes du bus 678 de Mohamed Diab

Trois femmes qui se battent contre le harcèlement sexuel dans un pays ou on considère que s'il n'y a pas viol, il n'y a pas crime. Une véritable claque, un réveil sur les situations que peuvent rencontrer les femmes dans certains pays. Plus que du cinéma c'est un appel au secours porté par des acteurs plus talentueux les uns que les autres. Un film trop ignoré par le public et qui gagne à être vu.

Into the Abyss de Werner Herzog

Pour la pertinence du regard d'un vieux maître, aussi roublard que sincère, sur la déchéance d'une société étatsunienne  incapable d'endiguer la misère coutumière et la violence gratuite. Le propos, métaphysique, fait froid dans le dos. La récente tuerie aux States, Connecticut, sonne comme un rappel. Ce documentaire est indispensable. Implacable.

Killer Joe de William Friedkin

Pour le retour du réal de L'exorciste. Morale en branle, personnages borderline, Amérique décadente, violente, crue, parcourue par le souffle de l'écoeurement. Nihiliste en diable, imparfait mais généreux. Et puis il y a l'incroyable performance de Matthew McConaughey. Qui l'eut cru?
Démoniaque.

Main dans la main de Valérie Donzelli

Un film émouvant et gracieux à la mise en scène presque théâtrale. Valérie Lemercier et Jérémie Elkaim forme un duo magique et nous transportent dans cet univers synchrone de leur coup de foudre. De très belles musiques, et un joli clin d’œil à Pina Bausch sur la musique The Man I Love chantée par Sophie Tucker.

Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau

Entre tension dramatique intérieure et allure légère assumée, le film touche autant le coeur que la tête. Admirablement interprété par Fellag, ce conte dramatique est réalisé sans scènes inutiles et avec une véritable fluidité. Ce récit entre allégorie et réalité, épuré, est avant tout une déclaration d'amour à la (sur)vie.

Oslo, 31 août de Joachim Trier

Rarement le spleen (implacable) et le mal-être auront aussi bien été filmés au cinéma. L'errance du personnage principal dans la capitale norvégienne est d'une sobriété radicale et d'une mélancolie communicative. Joachim Trier filme l'inexorable sens de la vie avec une lucidité de tous les instants. Il capte avec finesse la réalité d'un monde vain dans lequel son héros est incapable de trouver sa place. Aucun artifice ne vient flétrir cette pépite du nord dont les 20 premières minutes sont juste éblouissantes de justesse. Bouleversant.

Quelques heures de printemps de Stéphane Brizé

Film doublement intéressant quand on le compare avec Amour de Michael Haneke dont l'approche est totalement différente. Quelques heures de printemps est doux, plus France moyenne que bourgeoisie déchue, plus sensible et finalement, il touche au même endroit du coeur, sans effets et avec une facilité déconcertante. Il émeut avec une tendresse rare.

Rengaine de Rachid Djaïdini

Grâce à des personnages dépeints avec justesse, des dialogues précis et percutants, un rythme bien maîtrisé, Djaïdani insuffle une bouffée d'oxygène au cinéma français. Le sentiment de liberté qui s'en dégage fait respirer un grand coup. Il brise les silences et transgresse les tabous, avec pudeur et imagination. Sous tension, jusqu'au bout.

Saya Zamouraï d'Hitochi Matsumoto

Loin d'être parfait, certes. Les premières minutes bizarres et les dernières minutes mièvres se font oublier après l’heureuse surprise de l’ensemble. Ce qui est loufoque devient burlesque, ce qui est absurde devient formidable. C’est une curiosité japonaise avec une dimension universelle, le film est rythmé et inventif au point de devenir génial presque malgré lui, une réussite.

Sinister de Scott Derrickson

Une histoire sans fin qui arrive à s’affranchir des clichés du genre. Il réussi ainsi à surprendre le public dans sa manière de faire peur et de créer de l’angoisse. Une histoire qui montre le Super 8 et ses fantômes.

Le Sommeil d'or de Davy Chou

Le sommeil d’or est une véritable réussite dans le genre documentaire. Il devait exister. Il fallait le réaliser. Il évoque un fantôme, le cinéma cambodgien. Dans un pays où la télévision a envahit tous les espaces, où le 7e art a disparu sous les cadavres d'un génocide sans nom, quelques rares survivants témoignent d'un âge d'or révolu, enseveli. La magie du cinéma ressuscite quelques images.

Take Shelter de Jeff Nichols

Ce thriller paranoïaque a créé le climat le plus anxiogène de 2012, amenant le spectateur à douter  de tout, et surtout de ses sens. On avait pas tremblé au cinéma depuis au moins trois ans et le climax colossal approche de la perfection en plus de nous mettre une grosse claque. Jeff Nichols explore si brillamment la zone d'ombre entre folie et cauchemar que l'on ne sait plus ce qui serait le pire : que le personne ait raison, ou qu'il soit fou. Michael Shannon confirme son talent pour les rôles extrêmes et habités. Un film dense et fort sur la peur de l'homme face à un avenir incertain.

Two Days in New York de Julie Delpy

Delpy flirte avec les comédies loufoques et narcissiques de Woody Allen. Elle insuffle un ton qui lui est propre. Un mix entre la comédie américaine, puisqu’elle vit sur ce continent, et sa culture française. Cette confrontation entre les deux mondes créé une série de gags et de répliques qui rendent l’ensemble léger. Voire hilarant.

Tyrannosaur de Paddy Considine

Ce drame sera une référence pour comprendre comment raconter la vie de personnages. La mise en scène est subtile, le décor est authentique, l’histoire est un drame éprouvant.  Mais la manière de dévoiler la part d’ombre des personnages, de nouer des relations complexes entre eux, cette complexité psychologique et cette complicité entre les deux acteurs, dévoués à un réalisateur inspiré, font qu'il se dégage une puissance émotionnelle folle.

Une bouteille à la mer de Thierry Binisti

La Palestine aujourd'hui et Israël aussi. Le scénario est joliment écrit, les scènes sont courtes et vives. Ce portrait d’un pays fracturé se dessine par petites touches et le film n’évacue pas ses souffrances : torture, guerre, attentat… Il reste lumineux, notamment grâce à l'irrésistible duo de jeunes acteurs Agathe Bonitzer et Mahmoud Shalaby .

Week-end d'Andrew Haigh

La rencontre amoureuse au coeur du film reste l'une des plus belles de l'année. Avec simplicité et fluidité, Andrew Haigh propose une alternative intelligente et fine à la comédie romantique traditionnelle. La manière opposée qu'à chaque personnage de vivre et revendiquer son homosexualité dresse un portrait tout en nuances de ce qu'est être homosexuel dans l'Angleterre d'aujourd'hui.

Woody Allen : a documentary de Robert B. Weide

Robert Weide nous invite à revisiter la carrière de Woody Allen tout en entrant dans son intimité par le biais de témoignages et d'interviews inédites. Le spectateur néophyte est forcément par l'immense intelligence qui se dégage de l'œuvre d'Allen. Le spectateur avisé reprochera peut-être une certaine superficialité. Mais le documentaire permet de découvrir le cinéaste sous un autre angle, à travers ses multiples facettes. Et nous le faire aimer encore davantage.

Sundance 2012 : le nouveau Rodrigo Cortes (Buried) déçoit un peu

Posté par vincy, le 25 janvier 2012

Rodrigo Cortes avait écrit Red Lights avant de réaliser Buried, révélé à Sundance il y a deux ans avant de devenir un film culte (et succès surprise) de l'année 2010. "Beaucoup de financiers étaient intéressés par Red Lights, mais nous étions arrivés à ce point où tout le monde voulait participer, mais seulement une fois qu'un autre aurait fait le premier pas". Il a donc inversé ses projets, ayant l'intuition que Buried offrirait une belle carte de visite.

Red Lights n'a cependant rien à voir avec l'exercice de style de Buried (un homme enterré sous terre durant tout le film, ou presque).  Le film a une narration plus classique, même si l'intrigue semble plus complexe, et dispose de trois vedettes dans son casting : Cillian Murphy, Sigourney Weaver et Robert de Niro.

L'histoire suit un professeur de psychologie spécialisé dans l'explication rationnelle des phénomènes paranormaux (Weaver) et son assistant brillant et arriviste (Murphy) qui consacre sa vie à démasquer les charlatans et à éclairer les esprits crédules. Jusqu'au jour où un mentaliste aveugle et surdoué Simon Silver (De Niro) décide de la mettre au défi. Une vieille rancoeur les oppose mais son assistant rêve d'en faire son premier gros gibier. Le film s'adresse aussi bien aux agnostiques qu'aux croyants.

Présenté hors-compétition à Sundance vendredi soir, le thriller paranormal serait en passe d'être acquis par Millennium Entertainment pour être distribué en Amérique du nord. On aurait pu s'attendre à un autre distributeur, plus important que celui-ci, spécialisé dans les séries B avec grosses stars. Cela s'explique sans doute par les premiers retours qui nous reviennent de l'Utah. Les premières critiques font état d'un film solidement interprété, tendu à l'extrême jusqu'à un final parait-il grandiose. Mais nombreuses sont celles qui pointent une longueur injustifiée, un rythme inégal, un montage parfois bancal et un propos trop intellectuel.

Mais tous s'accordent à signaler que Cortes est un bon illusionniste, avec plus d'un tour de magie dans sa tête.

Le film sort le 2 mars en Espagne. Pour l'instant, il n'est prévu qu'au second semestre aux USA et en France.

La Semaine de la Critique enrôle le critique et historien Charles Tesson

Posté par vincy, le 28 avril 2011

Charles Tesson prendra pour trois ans la délégation générale de la Semaine de la Critique. Il a été élu pour succéder à Jean-Christophe Berjon, en poste depuis 2004.

La section parallèle la plus excitante du Festival de Cannes célèbre cette année ses 50 ans, avec en cadeau surprise la venue de Spike Jonze pour l'avant-première mondiale de Mourir auprès de toi, co-réalisé avec Simon Cahn. Ce court-métrage d'animation sera présenté les 14 et 15 mai sur la Croisette : c'est le récit d'une drôle de romance entre un squelette échappé de Macbeth et la Mina Harker de Dracula.

Charles Tesson est critique et historien de cinéma. Il enseigne à l'Université l'histoire et l'esthétique du 7e art. De 1998 à 2003, il fut rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, dont il était l'un des piliers depuis 1979. Il a aussi écrit de nombreux essais : Hong Kong cinéma (avec Olivier Assayas), Satyajit Ray, Luis Buñuel, Photogénie de la série B, Théâtre et cinéma, Akira Kurosawa, Abbas Kiarostami : Textes, entretiens, filmographie complète (avec Laurent Roth, Jean-Michel Frodon et Alain Bergala), tous publiés aux éditions des Cahiers du cinéma. Il a préfacé un livre sur Carl Dreyer, collaboré à un autre sur Allan Dwan, dirigé un autre sur Straub et Huillet. On lui doit aussi, chez Larousse, Les grands réalisateurs, co-écrit avec Jean A. Gili, Daniel Sauvaget et Christian Viviani.

Spider-Man à Broadway : critiques assassines, public curieux

Posté par vincy, le 27 février 2011

"'Spider-Man' n'est pas seulement la production la plus chère, elle pourrait aussi être une des pires", "On se demande d'abord 'Où sont passés les 65 millions de dollars?' et après 15-20 minutes 'Quand vais-je pouvoir quitter la salle'?" (New York Times), "L'histoire est à la limite de l'incohérence" (The Hollywood Reporter), "Bazar incontrôlable, avec un trop-plein de ressources, artistiques et financières. Les producteurs de Spider-Man ont par inadvertance financé une forme artistique de mégalomanie" (Los Angeles Times)... N'en jetons plus.

Cinq reports, des accidents à répétition (la chute spectaculaire d'un cascadeur, un acteur blessé),  un départ remarqué d'une des principales actrices : Spider-Man: Turn Off The Dark a coûté 65 millions de $ et a provoqué les railleries voire l'effroi des critiques lors de sa (fausse) avant-première.

Catastrophe industrielle? Pas si simple. Certes le spectacle est maudit. Mais l'enjeu est tellement énorme (pour U2, la metteur en scène Julie Taymor, Marvel) que personne n'a envie d'en rire. Quand un cascadeur, durant une répétition payante (le public accède au spectacle avant sa première officielle), fait une chute de 10 mètres dans le vide, les spectateurs ont du immédiatement sortir, après un baisser de rideau. Le cascadeur s'en sort, malgré une hémorragie interne et pas mal de casse. L'inspection du travail a aussi collé deux avertissements pour violation de mesures de sécurité. Quand l’héroïne de la pièce, jouée par Natalie Mendoza, ramasse sur le crâne une corde d’une dizaine de kilos, elle décide de quitter l'aventure, à quelques semaines de la première.

Et ça ne s'arrange pas depuis les premières représentations : une fois sur deux, Spider-Man ne parvient pas à survoler le public... le mécanisme est coincé, saucissonant le héros dans sa toile. Un rôti de dindonneau. Bien sûr ce sont des répétitions, mais le spectacle a un an de retard. Et sa première définitivement prévue le 11 janvier a été reportée au 7 février puis de nouveau décalée au 15 mars. Le spectacle tourne, mais n'est toujours pas rodé. Mais les critiques se sont lâchés, avant même la première.

Pour l'instant, le spectacle récolte 1,3 millions de $ en moyenne par semaine. Un bon score relatif. Certes, il est le 2e hit sur Broadway, derrière Wicked et devant Le Roi Lion, de la même Julie Taymor. Mais en remplissage, Spider-Man Turn Off the Dark n'est que 5e, avec les deux tiers de ses sièges occupés, à 92$ la place (en moyenne car certaines places sont vendues 275$). À plein, il devrait rapporter 2 millions de $ dans le théâtre de Foxwoods (1 829 places).

L'alliance entre un héros mythique contemporain, Julie Taymor et Bono and the edge  (avec U2) était pourtant une martingale gagnante sur le papier. Sur scène, Reeve Carney, et Matthew James Thomas en remplacement, dans  le rôle de Peter Parker, Jennifer Damiano dans celui de Mary Jane Watson et Patrick Page en Bouffon vert signait pour être les stars du spectacle de l'année 2009, puis 2010 et finalement 2011.

Le spectacle a commencé ses représentations le 28 novembre, et n'ouvrira officiellement que le 15 mars. Près de 80 représentations auront été données, et ont surtout attiré les médias de caniveaux pour les scandales à foison. Maintenant, la presse "sérieuse" s'en empare. Pour l'instant, Spider-Man a rapporté 12,5 millions de $ en dix semaines. Julie Taymor ajuste constamment ce "work-in-progress" et il ne reste plus qu'à espérer un miracle. Mais les musiques "décevantes" (et a priori aucun ajout ou aucune modification n'est planifiée), un deuxième acte "peu excitant", du playback inconcevable pourraient avoir raison de l'optimisme ou du relativisme des producteurs.
Le public est là : mais à Broadway, surtout avec un spectacle aussi cher, c'est la durée qui compte.

Chronique du Festival de Gérardmer 2010 : les neiges silencieuses

Posté par geoffroy, le 31 janvier 2010

Vendredi 29/1/10 14 :00

Dans les neiges vosgiennes profondes le giallo fut Amer et La horde peu sanglante. Mais beaucoup d’aboiements ont transpercés les festivaliers lorsque les chiens sont sortis de leur maison (Doghouse).

Amer, de Hélène Cattet et Bruno Forziani (Compétition officielle)

Quête charnelle à travers trois temps dans la vie d’une femme, Amer brille par son expérimentation de l’image et du son. Ce premier film exploite une palette cinématographique dense et cohérente entre l’hommage au giallo et le cinéma de Bunuel. Par effleurement des sens Amer suggère le désir et la fragilité de la chair de manière brutale, colorée, intime, comme offerte à l’autre tout en le lui refusant. Expérience troublante entachée par un troisième acte un peu vain, Amer reste une très bonne surprise.

Notes : Denis 4/5 ; Geoffroy 4/5

La Horde, de Yannick Dahan et Benjamin Rocher (Compétition officielle)

La Horde est un essai français sympathique mais un peu vain voire léger du film de zombies. Association de circonstance entre des flics masqués et des durs à cuire de cité contre une horde de zombies sortie de nulle part, l’action non stop se répète à chaque étage entre punch lines agressives et dégommage de zombies pas si sanglant que prévu. Un brin décevant.

Notes : Denis 2/5 ; Geoffroy 2/5

Doghouse de Jack West (Hors compétition)

Film potache à la Shaun of the dead, Doghouse est un film de femmes zombies lorgnant du côté de la parodie sans prétention des films du genre. On est jamais vraiment surpris ni déçu. On se marre des quelques situations incongrues entre misogynie et découpage de doigts. Un vrai bon moment sympathique à partager entre pote.

Notes: Denis 3/5 ; Geoffroy 2/5

***

Samedi 30 /01/2010

Halloween 2 de Rob Zombie (Hors Compétition)

Faisant suite au remake d’Halloween sortie en 2009 et réalisé également par Rob Zombie, ce n°2 reste sur les traces de la saga tout en offrant une pointe d’originalité assez rare dans ce genre cinématographique. Zombie nous gratifie de belles scènes oniriques plongeant le spectateur dans la folie meurtrière d’un Myers toujours aussi flippant.

Notes : Denis 3/5 ; Geoffroy 3/5

The Door de Anno Saul (Compétition officielle)

Sur le thème très original du monde parallèle, le réalisateur brosse le quotidien d’un père responsable de la mort de sa fille. Traversant par hasard une porte temporelle, il a la possibilité de revenir en arrière et modifier ses erreurs. S’ensuit une mise en scène convenue qui, malgré le talent des acteurs (mention spéciale à Mikkelsen), plombe irrémédiablement le film. Le twist final ne changera pas le cours des choses et The Door s’avère être une œuvre rapidement oublié.

Notes : Denis 1/5 ; Geoffroy 2/5

Survival of the dead, de Georges Romero (Hors compétition)

L’un des films les plus attendus du festival fut aussi l’une des plus grosses déceptions. Romero plagie Romero et nous pond un zombie chez les ploucs. Il enterre d’un coup de sabot sa saga et par là même occasion le film de zombie. Adieu critique des Etats Unis, adieu fronde contre le consumérisme et la saturation des images, Romero n’a plus rien à dire. Clap de fin.

Notes : Denis 0/5 ; Geoffroy 1/5