Venise 2018 – David Cronenberg: « En voyant La Strada, j’ai compris que le cinéma pouvait être un art »

Posté par kristofy, le 6 septembre 2018

cronenberg ©ecran noir

Chaque année la Mostra de Venise décerne un Lion d'or d'honneur pour l'ensemble de leur carrière à différents talents du 7e art. Les derniers récipiendiaires ont été Jean-Paul Belmondo et Jerzy Skolimowski en 2016, Jane Fonda et Robert Redford l'année dernière. Cette année c'est l'actrice britannique Vanessa Redgrave (en ouverture du fesstival) et le réalisateur canadien David Cronenberg.

"Même si Cronenberg est resté confiné au début aux territoires marginaux des films d'horreur, dès son premier film scandaleusement subversif, le réalisateur a monté qu'il voulait séduire un public au-delà des limites de son genre, et il a a su construire, un film après l'autre, un édifice original et très personnel. En évoluant autour de la relation indissociable entre le corps, le sexe et la mort, son univers est peuplé de difformités et d'accouplements terrifiants, une horreur qui reflète la peur devant les mutations produites dans le corps par la science et la technologie, la maladie et la décadence physique. Tous ses thèmes - la violence, la transgression sexuelle, la confusion entre la réalité et le virtuel, le rôle déformant de l'image dans nos sociétés contemporaines - ont contribué à faire de lui l'un des plus audacieux et stimulants cinéastes de l'Histoire, un innovateur de formes et de langages qui n'est jamais lassé.", a déclaré Alberto Barbera, le directeur du Festival.

Parmi tous ses films et ses multiples prix, David Cronenberg a reçu un Ours d'argent à Berlin pour eXistenZ, un prix spécial du jury à Cannes pour Crash, Cannes où il a présenté cinq films en compétition, un Carrosse d'Or pour son œuvre et deux nominations au César du meilleur film étranger (Eastern Promises, A History of Violence). Il a reçu cinq fois "l'Oscar" du meilleur réalisateur au Canada. A Venise il a présenté son film A Dangerous Method en compétition en 2011. David Cronenberg n'a rien tourné depuis Maps to the Stars en 2014, mais il a écrit le roman Consumed (qui sera adapté en série) et il travaille sur un projet de série dont il devrait réaliser les deux premiers épisodes...

cronenberg ©ecran noirDavid Cronenberg reçoit ce Lion d'or d'honneur ce soir en préambule d'une projection spéciale de son film M. Butterfly. Avant cette soirée de gala, il s'est livré lors d'une masterclass en forme de réponses aux questions de spectateurs :

Lion d'or :
Réaliser un film c'est quelque chose de très dur physiquement et émotionellement, c'est un engagement de plusieurs longs mois voir de plusieurs années. Le festival de Venise m'a demandé quel film je souhaitais pour la projection de la séance spéciale de remise de leur récompense. J'ai choisi M. Butterfly parce que tout le monde ne l'a pas vu. Ce tournage a eu lieu en Chine à Pékin, à Budapest, à Paris; ça à été une expérience fabuleuse pour moi de le faire. La plupart de mes films parle d'identité, surtout de création d'identité.

Crash :
N'importe quel artiste qui repousse des frontières dans son art risque de faire face à une certaine censure. Crash a été censuré dans certains endroits, la Norvège par exemple. Il y a eu aussi deux versions avec 10 minutes de moins pour certains DVD, c'est regrettable. Le grand moment pour moi avec ce film a été la projection de Crash au festival de Cannes. Gilles Jacob avait proposé une projection en milieu de festival pour que ça explose comme une bombe, et ça a été le cas avec beaucoup de haine et beaucoup de passion pour ce film.

Enfance :
Quand j'étais gamin, le moyen d'accès à des fictions c'était la radio, il y a eu des grandes séries radiophoniques, Orson Welles en a fait quelques unes. En écoutant ça à la radio, il était possible d'être terrifié. Ce type de séries a disparu remplacé par les séries à la télévision et maintenant celles en streaming via internet. Petit, j'allais au cinéma voir des dessins-animés ou des films d'aventures avec des pirates, je pensais que le cinéma était un divertissement pour les enfants. J'habitais dans un quartier de Toronto qui était devenu italien, avec assez d'italiens pour que le cinéma proche de chez moi passe des films italiens. Un jour j'ai vu des gens sortir du cinéma avec des larmes aux yeux, je me suis demandé quel film pouvait bien avoir ce pouvoir sur des adultes : c'était La Strada de Fellini. C'était la première fois que je comprenais que le cinéma pouvait être un art.

Nouvelles technologies :
Avant notre époque du tout digital, vous savez que la fabrication du film était analogique avec différents procédés de développement de la pellicule. On travaillait à obtenir des couleurs parfaites pour le négatif qui servait d'étalon, mais ça arrivait que la copie projetée en salles de cinéma montre une définition de couleurs un peu différente. Chaque génération de duplication est une dégénération de l'original, un peu comme les enfants (sourire). Le numérique a apporté cette même qualité parfaite pour chaque copie. Les films en Réalité Virtuelle doivent trouver leur propre grammaire, le procédé est fascinant mais quoi en faire ? Moi au bout d'une dizaine de minutes ça me donne envie de vomir, ce n'est pas agréable sur une longue durée. Les drones aujourd'hui deviennent un nouvel outil de cinéma d'ailleurs très utilisé dans des séries, j'en ai acheté un moi-même. Avec, on peut faire des plans qui étaient très coûteux auparavant car il fallait une grue ou un hélicoptère. La technologie est une extension de notre cerveau.

[69, année érotique] Cannes 2016: Crash en 1996

Posté par vincy, le 15 mai 2016

Ah les années 1990! On aimait les scandales à Cannes. On aimait crier dans la salle, claquer du fauteuil, siffler de désapprobation, insulter par voie de presse. Cannes aimait, se complaisait?, chaque année prouver sa force destructrice en rejetant avec fracas un film palmable. Et Crash, de David Cronenberg, a été, à ce titre, symptomatique.

On se demande quand même ce qui dérange tant dans cette adaptation du livre de J.G. Ballard. Le fétichisme de la tôle froissée et de la mécanique? En mixant les fantasmes d'accident de voitures et de relations sexuelles (hétéros ou homos, à deux ou à trois), il y a quelque chose qui a troublé les festivaliers de 1996, assurément.

Lors de la projection, une grande partie des spectateurs est sortie de la salle. A la fin de la projection, le film est sifflé, chahuté, hué. Et quand le film reçoit quelques jours plus tard le Prix spécial du jury, ce fut une nouvelle bronca contre le film en pleine cérémonie. Le sexe est encore choquant, scandaleux. Et le film sera interdit au moins de 16 ans en France.

Les réactions furent en tout cas passionnelles. Les blessures, les plaies et les cicatrices sont autant de zones érogènes ou pénétrables. Le sperme lustre les voitures. Dans Crash, le couple mature tente de réveiller sa libido en respectant les codes convenus d'une société mais en associant la chair au métal, des corps mutilés mais encore en vie. On se souvient alors de la main de Deborah Kara Unger, avec son alliance, pleine du foutre d'un amant peu sympathique qui l'a baisée sur la banquette arrière, et qui cherche à toucher son mari, assis sur le siège avant.

Pas étonnant que la presse anglo-saxonne ait jugé le film dégradant, dépravé. Mais il eut aussi de fervents partisans et reste aujourd'hui encore, loin des huées cannoises, un des films les plus marquants sur un couple qui cherche à survivre entre Eros et Thanatos, et tétanos.

Crash au Forum des Images

Posté par vincy, le 12 mai 2009

Notre collaborateur Denis Baron, spécialiste des films de genre (mais pas seulement) fera une présentation-analyse du film Crash de David Cronenberg ce mercredi 13 mai au Forum des Images (Paris) à 19h.
Le film est projeté dans le cadre du cycle Désir. Denis est l'auteur du livre “Corps et artifices : De Cronenberg à Zpira” (Éd. L’Harmattan)

Décès de J.G. Ballard, le père de Crash (1930-2009)

Posté par geoffroy, le 21 avril 2009

jgballard.jpgL’écrivain anglais J.G. Ballard est décédé dimanche dernier des suites d’un cancer de la prostate. Il avait 78 ans.

Auteur d’une science-fiction post-apocalyptique novatrice pour la littérature anglo-saxonne de l’époque, celui-ci devient culte en explorant dès 1969 les psychoses sexuelles et mentales dans des romans d’anticipation sociale tels que la Foire aux atrocités, Crash ou encore l’île de béton.

Né à Shanghai le 15 novembre 1930 où son père dirigeait une entreprise de textile, il sera fait prisonnier dans un camp de détention en 1942 suite à l’invasion japonaise en Chine. Cette épreuve traumatisante fera l’objet d’un livre célèbre, L’Empire du Soleil (1984), magnifiquement rendu par le film éponyme de Steven Spielberg (1987).

De retour en Angleterre dès 1946, JG Ballard renonce, quelques années plus tard, à devenir psychiatre et s’entête alors avec talent à décortiquer par sa plume aiguisée les obsessions d’un monde violent, confiné et de plus en plus technologique. De cette vision sortira son premier grand succès, Crash (1973). En 1996, David Cronenberg adaptera cette imbrication du corps et de la machine dans un film tout aussi brillant.

Son oeuvre, tournée vers la codification de rapports sociaux factices et décadents à bien des égards, a toujours été d'une lucidité tranquille et pénétrante.

Spielberg et Cronenberg l'avaient bien compris. Les droits de son roman, High Rise, viennent d'être acquis pour une adaptation cinématographique.