Le documentaire politique n’est pas un acteur mais un révélateur

Posté par vincy, le 21 juillet 2009

rogeretmoi.jpgDans le Courrier International du 16 juillet, il est évoqué le nouveau film de Michael Moore, à venir sur les écrans cet automne (voir actualité du 11 juillet dernier), Capitalism : A Love Story. Titre évidemment ironique. 20 ans après son premier documentaire, Roger et moi, Moore ne peut que constater d’avoir su mettre en scène avant les autres les excès et les périls du Capitalisme, comme unique dogme économique (et même idéologique). Le résultat parle de lui-même Cette ville de Flint, déjà défigurée par la crise industrielle et notamment sa dépendance à l’égard de l’automobile, est aujourd’hui tant sinistrée (lire l’article de David Streitfeld traduit du New York Times) qu’elle envisage de raser des quartiers entiers et de les convertir en espaces verts.

Dans Newsweek, le documentariste James Scurlock lance que « Michael Moore a connu un immense succès sous George W. Bush mais ses documentaires n’ont jamais été suivis d’effets. » Et de justifier sa pique en citant Bowling for Columbine qui n’a jamais conduit l’Amérique à se passer des armes à feu. Mais Scurlock est de mauvaise foi en prenant ce genre d’arguments. Qu’il juge Moore comme un « justicier d’opérette » ou qu’il considère ses films comme « simplistes », c’est son droit. Sicko et même Farhenheit 9/11 ne sont pas exempts de défauts ni sur le fond ni sur la forme. Mais combien de documentaires ont réellement eut un impact sur la vie réelle, sur l’action politique ?

Dans le domaine des fictions, hormis, peut-être, récemment Indigènes et la honte infligée à la République Française concernant ses vétérans africains, peu de films ont réellement eut un impact immédiat sur notre société. Considérons le nombre de films plaidant contre la peine de mort aux Etats-Unis et admirons leur splendide échec à avoir convaincu la majorité des Américains… Souvenez-vous en France du documentaire acclamé, et contreversé, Le cauchemar de Darwin : combien de consommateurs regardent la provenance de leur poisson surgelé ?

Pourtant, fictions comme documentaires ont une utilité. Que les documentaires flirtent avec le divertissement ou que les fictions s’imprègnent de réalité, peu importe. Ils éveillent les consciences, ovurent des portes, attisent la curiosité, révèlent des faits ou des situations révoltantes ou oubliées. C’est là leur limite. Mais aussi le prix de leur liberté artistique et intellectuelle. Les réalisateurs restent en effet des artistes, engagés, impliqués dans leur époque ou leur société. Mais des artistes. Ce ne sont pas des juges, des politiciens, ou encore des militants associatifs. Ils ne servent qu’à éclairer ce que nos civilisations laissent dans l’ombre ou souhaitent cacher, ou tout simplement ne voient pas. Aux autres d’agir.