Clermont-Ferrand 2020 : rencontre avec Marion Lacourt, réalisatrice de Moutons, loup et tasse de thé

Posté par MpM, le 17 février 2020

Sélectionné au dernier festival de Locarno, puis auréolé du prestigieux prix Emile Reynaud, Moutons, loup et tasse de thé fut l'une des grandes découvertes de 2019, qui figurait déjà en bonne place dans notre florilège des courts métrages français de l'année.

Sa sélection en compétition nationale à Clermont-Ferrand, d'où ses productrices Nidia Santiago et Edwina Liard (Ikki Films) sont d'ailleurs reparties avec le prix Procirep 2020 du meilleur producteur, est l'occasion de revenir plus longuement sur le film avec sa réalisatrice Marion Lacourt.

Dans un entretien au long cours, elle nous parle de son processus de création particulier, de la technique du multiplans qui donne à cette fable hypnotique des teintes lumineuses et chatoyantes, de dessin sur celluloïd, mais aussi de rituels familiaux, de contes enfantins et de gravure.

A noter que Moutons, loup et tasse de thé est en ligne sur le site d'Arte jusqu'au mois d'octobre 2020, ainsi qu'un making-off qui permet d'en savoir plus sur la conception du film et de voir la réalisatrice au travail.

Ecran Noir : Quelle place occupe le film dans votre parcours personnel ?

Marion Lacourt : C’est mon premier film en tant qu’auteure. Avant, j’ai eu une expérience de film de commande dans le cadre de « En sortant de l’école » [une collection de courts métrages animés consacrés à la poésie], produit par Tant Mieux Prod et diffusé sur France Télévisions. J’avais fait le film Page d’écriture, sur le poème de Jacques Prévert du même nom. C’était mon premier challenge avec la technique du multiplans, et c’est ce qui m’a donné le courage et l’ancrage pour partir dans un projet personnel avec cette technique. Sur Page d’écriture, je n’ai pas eu autant de temps pour le développement que pour Moutons, loup et tasse de thé... .C’est-à-dire pour tout ce qui est purement dessin et recherches sur la palette chromatique. Il y a donc un côté beaucoup plus direct, très flashy, mais qui collait bien avec l’idée de faire un film « pour les petits ».

EN : Pouvez-vous nous parler de cette fameuse technique du multiplans ?

ML : Je travaille avec l’outil banc-titre multiplans : le principe est d’avoir un appareil-photo fixé au-dessus de plusieurs plaques de verre et un rétro-éclairage en-dessous de ces dernières. La lumière remonte à travers mes quatre plaques de verre pour finir dans l’objectif de l’appareil. Sur les trois plaques du bas, j’utilise des encres de gravure dont les pigments attrapent la lumière, ce qui me permet d’avoir ces couleurs justement très lumineuses. Sur la dernière plaque, il y a tout un travail de cernes noirs qui vont définir les contours du décor et des personnages. La majeure partie du temps, les décors sont dessinés directement sur la plaque de verre. Ensuite, en fonction du type d’animation que je veux, je vais soit animer directement sous la caméra, en dessinant au feutre sur ma plaque, image par image, soit je vais passer par une animation plus traditionnelle sur celluloïd.

EN : Qu’apporte le dessin sur celluloïd ?

ML : Il me fallait un support transparent, pour pouvoir poser mes feuilles sur la plaque de verre. C’est pour cela que j’ai utilisé du celluloïd. Dessiner les images sur un support permet un acting plus précis que l'animation directe sur verre. Le celluloïd n’est pas une matière évidente non plus, surtout quand on ne l’a jamais utilisé. Mais c’est aussi ce qui m’a permis de travailler avec d’autres personnes, quatre dessinateurs qui progressivement sont venus m'aider, car sur le banc-titre, j’étais seule du début à la fin.

EN : Et comment se passe l’animation directe sur la plaque de verre ?

ML : L’intérêt de l’animation directe sur le banc-titre, c’est que ça permet de créer de la matière par les résidus subsistant d'une image à l'autre. Chaque fois que je prends une image, j’efface une partie du trait, je le redessine un peu plus loin, et ainsi de suite. Je fais aussi bouger les plaques de couleurs : si je veux plus de blanc, je laisse passer la lumière en « débouchant » une partie de mes trois plaques couvertes d'encre, par exemple. Ces trois plaques de couleurs s’animent donc en fonction de l’animation de la ligne sur la plaque du dessus.

En raison de ma pratique de la gravure, j’ai été très attentive tout au long de la fabrication, à ce qui se passait sur mes plaques de verre quand j’effaçais mes décors d’un plan à l’autre. Souvent, au fil du temps, ça crée des résidus, et il y a là des matières que je n’imaginais pas avant de commencer le film. Par exemple, dans l’univers cosmique, je savais que j’allais faire des nébuleuses au coton-tige, en étalant une encre bleue dans laquelle je ferais des percées de lumière, mais tout le reste, je l’ai trouvé en regardant ce qui se passait lorsque j’effaçait mes plaques. C’est un travail que j’ai fait en amont, en notant à chaque fois comment j’obtenais chaque effet. J’ai beaucoup aimé travailler comme ça.

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Clermont-Ferrand 2020 : Les mondes rêvés de Rosto au Musée d’Art Roger Quilliot

Posté par MpM, le 8 février 2020

Le réalisateur néerlandais Rosto nous a quittés prématurément en mars 2019, laissant une oeuvre tentaculaire dans laquelle tout est extrêmement cohérent, de son roman graphique en ligne Mind my Gap (commencé en 1998) aux chansons créées au sein de son groupe The Wreckers créé au début des années 90, qui renaîtra sous une forme virtuelle (Thee Wreckers) après sa dissolution, en passant bien évidemment par ses films, dans lesquels apparaissent les membres du groupe, et dont certains s'inspirent directement d'épisodes de Mind my Gap.

Sélectionné et récompensé par les plus grands festivals (il reçut notamment le Grand Prix Canal+ à la Semaine de la Critique en 2005 pour Jona/Tomberry et le Grand prix à Ottawa pour Lovely Bones en 2013), Rosto était un habitué de Clermont-Ferrand où il a présenté presque tous ses films, et pour lequel il avait réalisé l'affiche officielle en 2007.

Le Festival tenait donc cette année à lui rendre un hommage tout à fait exceptionnel à travers deux expositions et un programme spécial, en présence de sa famille et des autres membres du groupe. En partenariat avec la société de production Autour de Minuit qui a produit les quatre derniers films de Rosto (Le Monstre de Nix, Lonely Bones, Splintertime, Reruns) et distribue tous les autres, le Musée d'Art Roger Quilliot de Clermont-Ferrand propose ainsi jusqu'au 29 mars l'exposition Les Mondes rêvés de Rosto, plongée immersive dans l'univers si personnel de l'artiste.

Installée dans un espace circulaire situé à l'étage inférieur du Musée, l'exposition débute par cette citation : "D'aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours rendu, quand je m'endors, dans un lieu spécial que j'appelle ma "Ville-rêvée", qui est presque un lieu réel avec ses propres fondations, sa propre topographie où les mêmes événements se reproduisent." On y est accueilli par des mannequins taille réelle des personnages des Wreckers, portant les masques qui avaient été moulés sur les visages des membres du groupe pour le film Splintertime en 2014. De quoi se replonger immédiatement dans l'ambiance singulière et hypnotique du cinéma de Rosto qui s'apparente parfois à une forme très élaborée de cauchemar éveillé, peuplé de créatures à la fois humaines et monstrueuses.

Sont exposés pêle-mêle des accessoires utilisés sur les différents tournages, des pages de storyboard, des recherches préparatoires, ainsi que des affiches, des photos et des objets personnels, tels que le prix Allegorithmic des effets visuels que Rosto avait reçu pour Reruns en 2018. De nombreux panneaux explicatifs permettent également de mieux comprendre le processus créatif du réalisateur qui mélangeait inlassablement les techniques (2D, 3D, motion capture, prise de vues réelles, marionnettes...), n'hésitant pas à combiner images de synthèses et effets visuels plus artisanaux, comme l'animation d'une tête au bout d'un pique dans un aquarium.

Une place importante est également consacrée aux films eux-mêmes, qu'il est possible de visionner sur place, ainsi qu'à la musique de  Thee Wreckers et à l'édition physique de Mind my Gap, éditée par Autour de Minuit grâce à une campagne de financement participatif, et qui sera disponible à partir du 4 mars.

Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, sont également attendus un vinyle (So far so evil qui inclut 10 morceaux issus des courts métrages de Rosto - dans les bacs le 6 mars), un double album digital (Songs from my gap, 30 titres inédits du double album de Thee Wreckers, disponibles sur les plateformes également le 6 mars) et surtout la sortie en salles le 4 mars prochain du programme Thee Wreckers Tetralogy qui réunit No place like home, Lonely bones, Splintertime et Reruns ainsi que le documentaire Everything is different nothing has changed). Enfin, il a été confirmé que la suite du Monstre de Nix, souhaitée par Rosto et intitulée Return to Nix, serait réalisée par sa compagne Suzie Templeton (Oscar du meilleur court métrage d'animation en 2008 pour Pierre et le loup) à l'horizon 2023.

Clermont-Ferrand 2020 : nos premiers coups de coeur dans la compétition nationale

Posté par MpM, le 7 février 2020

Véritable paradis du cinéphile cinéphage, Clermont-Ferrand propose 31 programmes de cours métrages, rien qu'en compétition. Il faut ajouter à cela les différentes sections rétrospectives ou thématiques, ce qui porte à un niveau vertigineux le nombre d'oeuvres présentées.

Dans ce foisonnement, certains films sont déjà fortement identifiés suite à leur sélection dans d'autres festivals. D'autres, en revanche, avaient jusque-là échappé à notre attention. Parmi ceux-là, nous en avons retenu trois, issus de la compétition nationale, qui auront vraiment marqué cette 42e édition.

Genius loci d'Adrien Mérigeau


On comprend aisément pourquoi Genius loci enchaîne en quelques semaines le Festival Premiers plans d'Angers, Clermont-Ferrand et la compétition officielle de la Berlinale. Le premier court métrage en solo d'Adrien Mérigeau (avec des décors signés Brecht Evens et une séquence animée par Céline Devaux) est une splendeur visuelle et intellectuelle que l'on serait bien en peine de résumer, si ce n'est que son personnage principal, Reine, s'échappe de chez elle et s'enfonce dans le chaos urbain de la nuit, guidée par son écho.

Nous voilà donc face à une errance narrative syncopée, qui donne l'impression d'imiter les volutes du jazz, improvisant en toute liberté, ajoutant ici des images à peine esquissées qui se superposent au plan ; là, au contraire, dépouillant  le cadre de tout détail superflu. Cette esthétique changeante d'une image à l'autre, reflet des émotions de la jeune femme, et des sensations qu'elle traverse, est un tourbillon de formes, de couleurs et de mouvements qui matérialisent la vitalité invisible du monde, ce que l'auteur appelle le chaos urbain.

Le spectateur est pris dans l'énergie débordante de ce flot d'images, envoûté par la virtuosité avec laquelle la ville s'esquisse et se transforme sous ses yeux. Comme si au contact de Reine, les choses étaient soudainement refaçonnées par ses pensées intérieures et par sa vision du monde, à l'image de ces trois harceleurs de rue qui se décomposent en tableaux cubistes, avant de se muer en un minotaure qu'elle abandonne derrière des barreaux. Les allers et retours entre abstraction et dessin figuratif sont également incessants, comme si le film hésitait entre deux manières complémentaires de représenter la réalité dans sa dimension la plus foisonnante. Le résultat est assez époustouflant, à la fois d'une incroyable beauté visuelle et d'une grande force d'évocation, avec une séquence finale qui va crescendo dans l'expression des sentiments intimes les plus enfouis, qui trouvent enfin la possibilité de s'extérioriser.

Jusqu'à l'os de Sébastien Betbeder


Ce n'est pas nous qui allons nous plaindre de la rapidité avec laquelle tourne Sébastien Betbeder, dont on a vu en 2019 successivement deux longs métrages, Ulysse et Mona et Debout sur la montagne. Son nouvel opus est un moyen métrage formidable qui renoue avec la veine la plus absurde et décalée de son cinéma, dont on aime tant la liberté de ton et la vivacité d'esprit.

Il s'agit donc de la rencontre entre Thomas, pigiste au Courrier Picard, et Usé, musicien et ancien candidat aux élections municipales d'Amiens, qu'il est chargé d'interviewer. Le premier plan nous montre Thomas qui explique à son interlocuteur qu'il lui a menti pour expliquer son retard : non, son père n'a pas eu d'AVC. Il a juste eu du mal à se remettre d'une soirée trop arrosée. A ce stade, la situation pourrait être délicate, et compromettre l'interview. Sauf qu'Usé s'avère très compréhensif, et même compatissant. On s'en rendra vite compte, ces deux-là sont faits pour s'entendre, et se sont bien trouvés. D'ailleurs, on les prend pour des frères jumeaux.

De scènes hilarantes (la longue tirade d'Usé imitant Emmanuel Macron devant son ancien lycée) en idées poétiques (brûlant un cierge pour que son ex-copine revienne vers lui, Thomas se laisse parasiter par un autre souhait, qui finira bien par être exaucé), Jusqu'à l'os est une balade punk et ultra-contemporaine dans le monde d'aujourd'hui. Pas dans le monde trop réel des violences policières et des grands capitaux qui marchent au pas, non, mais plutôt dans celui, plus fantasmé et fantaisiste, de ceux qui refusent de céder à la peur et à la bêtise. Les personnages ont l'esprit, l'attitude, l'idéalisme des gens qui luttent, même si c'est par des actes plus poétiques que politiques, et que le "parti sans cible" créé par Usé n'a recueilli que 2,2% des voix aux élections municipales de 2014. On se laisse donc entraîner sans la moindre arrière-pensée dans le périple joyeux et fraternel de ces deux héros magnifiques, notre seul regret étant de ne pas pouvoir passer plus de temps avec eux.

Qu'importe si les bêtes meurent de Sofia Alaoui


Cette coproduction franco-marocaine menée de main de maître par la réalisatrice Sofia Alaoui relève le pari osé de proposer un film d'anticipation épuré et minimaliste dans les montagnes de l'Atlas. Abdellah, un jeune berger, doit descendre au village pour acheter de quoi nourrir ses bêtes qui dépérissent. Mais il découvre que tous les villageois sont partis, effrayés par l'arrivée de créatures venues d'une autre planète.

Avec une âpreté d'écriture renforcée par la topographie austère des  lieux où se déroule le récit, le film ausculte le bouleversement que produit chez les différents personnages la pensée que l'être humain n'est pas seul au monde. Il y a la jeune femme qui voit une bénédiction dans cette révélation, parce qu'elle lui permet de prendre son destin en mains. Le fou du village, lui, s'enthousiasme sur ces extraterrestres qui viennent "éclairer notre ignorance". Et puis il y a le père d'Abdellah qui le traite de mécréant, et ne peut supporter de voir son système de pensées remis en cause.

Sofia Alaoui ajoute ainsi à son récit de science fiction ultra-naturaliste et parfaitement tenu une dimension de parabole métaphysique qui vient remettre en cause tout azimut les traditions, les coutumes et les croyances humaines. "Et si tout ce que nous croyons était faux ?" balbutie Abdellah, abasourdi par l'étendue du vide qui s'ouvre soudain sous ses pieds. La fin ouverte nous renvoie à nos propres certitudes, et aux difficultés que nous avons parfois à les voir questionnées.

Clermont-Ferrand célèbre Olivier Smolders, Rosto, la Pologne et les « mondes paysans »

Posté par MpM, le 3 février 2020

La 42e édition du Festival de Clermont-Ferrand bat son plein jusqu'au 8 février, portant comme chaque année un coup de projecteur capital sur l'univers du court métrage. La manifestation peut se réjouir de son succès sans cesse renouvelé (il a comptabilisé en 2019 plus de 165 000 entrées dans ses salles et réuni 3 600 professionnels accrédités), qui en fait le carrefour incontournable du format court à l'échelle internationale.

Cette année, c'est la Pologne qui est à l'honneur à travers une sélection de films, pour la plupart inédits à Clermont, datant des 10 dernières années. En parallèle, une rétrospective est proposée autour des "mondes paysans", réunissant des films d'Alain Cavalier (La Gaveuse), Frédéric Back (L'Homme qui plantait des arbres) ou encore Hubert Charruel (Les Vaches n'auront plus de nom).

Un hommage sera également rendu au cinéaste belge Olivier Smolders (Adoration, Petite anatomie de l’image, Axolotl...), qui recevra un Vercingétorix d’honneur, ainsi qu'au Néerlandais Rosto, disparu prématurément en 2019, à qui sont consacrées deux expositions et un programme spécial.

Enfin, les trois compétitions traditionnelles permettront de (re)découvrir le meilleur du court métrage du moment, répartis entre sections nationale, internationale et "labo". On y croisera des incontournables comme L'Heure de l'ours d'Agnès Patron, La distance entre le ciel et nous de Vasilis Kekatos, Moutons, loup et tasse de thé de Marion Lacourt, She runs de Qiu Yang, Physique de la tristesse de Theodore Ushev, Acid rain de Tomek Popakul, et des nouveautés attendues, à l'image de Genius Loci d'Adrien Mérigeau (également présenté à Berlin), Teen horses de Valérie Leroy, No one is crazy in this town de Wregas Bhanuteja ou Jusqu'à l'os, le nouveau film de Sébastien Betbeder.

Les festivaliers ne manqueront donc pas d'occupations lors de cette semaine au rythme du court métrage. Heureusement, l'un des grands avantages du format court est qu'il multiplie les plaisirs, permettant de voyager en Indonésie, en Géorgie, au Brésil, puis au Canada et en Allemagne en l'espace d'un seul programme ! Alors n'hésitez plus : comme on se plaît à le répéter, si vous aimez le cinéma, allez à Clermont !

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42e édition du Festival de Clermont-Ferrand
Du 31 janvier au 8 février 2020
Programme et informations sur le site du festival

Clermont-Ferrand 2019 : retour sur nos découvertes

Posté par MpM, le 21 février 2019

À Clermont Ferrand, il n’y a pas de notion d’exclusivité ou de première mondiale. Dans le foisonnement des courts métrages présentés, on retrouve donc de nombreux films déjà remarqués en 2018, et dont certains figuraient dans nos classements français et étranger de fin d’année.

Bien sûr, le plus grand festival de courts métrages du monde n’allait pas passer à côté de La chute de Boris Labbé, sélectionné dans la section « labo ». Même chose pour Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet, La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel, Je sors acheter des cigarettes dOsman Cerfon, Le baiser du silure de June Balthazard, Moi votre ami de Camille Polet, La chanson de Tiphaine Raffier, D'un château l'autre d'Emmanuel Marre, III de Marta Pajek, The migrating image de Stefan Kruse, Swatted de Ismaël Joffroy Chandoutis ou encore Last year when the train passed by de Pang-Chuan Huang.

Autant dire que les très nombreux et assidus festivaliers clermontois (où ailleurs voit-on des centaines de personne faire de longues files d’attente pour voir des courts métrages ?) ont pu s’en mettre plein les yeux, et vérifier l’immense diversité, inventivité et richesse esthétique du format court, qui ne cesse d’interroger son époque, quand ce n’est pas le cinéma lui-même.

Démonstration en une dizaine de films.

All inclusive de Corina Schwingruber Ilic (Suisse)


Sans commentaires ni dialogues, All inclusive nous immerge pendant 15 minutes dans le quotidien d’un paquebot de croisière de la taille d’un immeuble. Les plans sur la façade donnent immédiatement l’échelle de cette véritable ville flottante sur laquelle se détachent des centaines de fenêtres et de balcons tous identiques.

C’est dans le choix et la juxtaposition des plans (chorégraphies collectives, séances de poses photos, distribution de gel hydro-alcoolique avant de serrer la main du capitaine...) que se manifeste l’ironie dont fait preuve la réalisatrice. Les passagers de cette aberration maritime dansent, plongent, mangent, en un mot vivent, et nous renvoient l’image d’êtres factices, coincés pour toujours dans un rêve de pacotille dont ils ne peuvent sortir, répétant inlassablement les mêmes gestes joyeux et artificiels.

C’est à la fois drôle et vertigineux, pathétique et presque effrayant, comme la captation de rituels codifiés qui ne seraient pas faits pour être observés de l’extérieur.

Are you listening, mother ? de Tuna Kaptan (Turquie)


Probablement l’un des films les plus classiques que l’on ramène de Clermont. Dans une première scène intrigante, une femme âgée rentre chez elle, accompagnée par la police. Son fils l’attend à la porte, gêné et soulagé à la fois. Le spectateur pense qu’elle s’était perdue, mais découvre bientôt qu’elle est assignée à résidence, obligée de porter un bracelet électronique qui l’empêche de s’éloigner du boîtier de plus de 15 mètres. Tout l’enjeu du film est d’observer la résistance passive du personnage qui ne cesse de franchir la ligne invisible, déclenchant systématiquement une alarme et la venue des policiers. La répétition du motif est évidemment drôle, et le réalisateur n’hésite pas à aller vers cette tonalité comique. Mais en parallèle, il place quelques éléments à la fois plus absurdes et plus sombres. Chaque déclenchement d’alarme est ainsi sanctionné par une amende lourde à payer pour cette famille modeste. On sent aussi l’espace vital de la vieille femme se réduire. Cela se traduit par la mise en œuvre de moyens de plus en plus coercitifs pour la maintenir « à sa place » en même temps que par le dépouillement de son intérieur. Très peu dialogué, le film recourt ainsi à un langage très visuel et à des motifs quasi burlesques pour accompagner la narration.

La force du film est de laisser le drame à la porte, latent mais hors champ, pour se concentrer sur les personnages et notamment la très belle relation de complicité qui unit le fils et sa mère. Inattendue, une séquence de danse improvisée vient par exemple éclairer de l’intérieur cette maison dans laquelle les absents occupent une place gigantesque.

Un simple carton, à la fin, vient expliquer que l’intrigue est basée sur une histoire vraie, et explique la nature du délit commis par le personnage. Bien sûr cette fin apporte un éclairage tout à fait différent sur le récit, qui se teinte alors d’un discours politique et engagé, et y gagne une profondeur supplémentaire. Dommage pourtant qu’il n’ait pas été possible d’incorporer ces éléments directement à l’intrigue, sans avoir recours à l’effet un peu artificiel de ce texte presque pédagogique.

Le chant d’Ahmed de Foued Mansour (France)


Sur la trame classique d’une rencontre entre deux personnages qu’a priori tout oppose, Le chant d’Ahmed est un conte sensible et attachant qui s'attache avant tout au facteur humain. Ahmed est employé aux bains douches publics depuis des années et voit la retraite approcher. Pour l'épauler, on lui envoie Mike, un adolescent en délicatesse avec la justice et la société. Le vieil homme consciencieux et le jeune homme qui fait feu de tout bois se découvrent une complicité inattendue, pleine d'humour et de non-dits.

Le secret du film réside dans quelques scènes fortes, finement écrites (notamment celle où Mike rappe devant Ahmed, ou lorsqu'il tente désespérément de ramasser une savonnette à l'aide d'une pince), qui apportent sincérité et justesse au récit, mais aussi une forme d'émotion subtile. On se laisse emporter par ce conte tout en retenue qui n'assène aucun message, mais observe simplement avec bienveillance l'une de ces surprises que réserve parfois la vie.

Hurlevent de Frédéric Doazan (France)


Un livre posé sur le sol. Le vent qui se lève. Frédéric Doazan donne vie aux mots et aux signes dans un film poétique où les caractères d'imprimerie aux typographies diverses s'animent et se combinent pour former d'autres signes, d'autres images. On est fasciné par cette manière de montrer le langage en action, pris dans un tourbillon qui le malmène et l'agite, lui faisant vivre rencontres impromptues et existences changeantes.

Tout devient alors possible à l'écran, des combats aux mutations, tour à tour chargés de sens ou absurdes. Comme l'explique le réalisateur, c'est le vent qui est ici le narrateur, mais un narrateur involontaire qui crée les rafales et les bourrasques sans réellement se soucier des effets et du résultat. S'y manifeste pourtant la puissance toujours menacée du langage, via une nouvelle tour de Babel qui nargue les cieux.

Maria de los Esteros de Eugenio Borrero et Our song to war de Juanita Onzaga (Colombie)


Le hasard de la programmation crée souvent des échos et des correspondances entre les films, donnant le sentiment qu’ils se répondent, ou se complètent. C’est la cas de Maria de los Esteros de Eugenio Borrero et de Our song to war de Juanita Onzaga qui sont chacun à sa manière des évocations poétiques et politiques d'événements sanglants traumatiques.

Tous deux se déroulent dans une nature magnifiée (la mangrove, les différents bras de la rivière), captée par une caméra omnisciente qui se fait notre guide. Dans les deux cas, une voix off insuffle du mystère au récit. L’ambiance est trouble, la temporalité peu marquée.

Dans le premier film flotte le spectre de l’exil (des populations expulsées de leur territoire pour des raisons économiques, à Buenaventura en Colombie), dans le second celui de la mort (le massacre d'environ 120 habitants de Bojaya par les FARC, en mai 2002). Dans les deux cas, la question du territoire et du souvenir sont prégnants, interrogeant l'avenir possible. Comme une communauté d'esprit et d'esthétique dans la manière de traiter le poids lourd du passé et les ondes infinies de la tragédie.

Nuit chérie de Lia Bertels (Belgique)


Par une belle nuit bleutée d’hiver, une poignée d’animaux insomniaques se croisent. Il y a le Ouistiti qui a peur du yéti, l’ours mélancolique, le loup musicien. Tous veillent sous l’éclat majestueux d’un ciel couvert d’étoiles filantes.

Avec son esthétique ronde et douce et son camaïeu de bleus, le récit est plus contemplatif qu’initiatique. À la fois plein de spleen et de douceur. À destination des plus jeunes, mais pas uniquement, il rappelle l’inanité des préjugés et l’importance de ne pas passer à côté des belles choses de la vie : une croisière au clair de lune à dos de baleine, la surprise de surmonter ses peurs, la rencontre avec de nouveaux amis.

On est conquis par la simplicité, l'intelligence et la justesse de ce conte jamais mièvre, dans lesquels les personnages sont immédiatement attachants, et les dialogues profonds. Sans oublier une mention spéciale pour la musique déchirante jouée par le loup, et la chanson finale du poète maudit.

Screen de Christoph Girardet et Matthias Müller (Allemagne)


La pluie qui s'abat sur le sol, la neige qui tombe en flocons légers, le sable qui s'écoule inlassablement... Des voix qui se succèdent, impérieuses ou autoritaires : "ouvrez les yeux, écoutez ma voix, vos paupières sont lourdes..." Stimuli lumineux, bruit blanc d'une télé qui ne capte plus de programmes. Les réalisateurs Christoph Girardet et Matthias Müller utilisent des extraits d'images de films qu'ils mêlent aux extraits sonores d'autres films pour réfléchir sensoriellement, par le biais d'une recherche formelle et expérimentale, à l'impact des images sur le corps et l'esprit de celui qui les reçoit. Ils inventent ainsi une forme de séance d'hypnose cinématographique collective forcément hallucinée.

Sans trop savoir à quelle expérience on participe (est-on le sujet hypnotisé auquel s'adressent les voix de fiction ou le spectateur réel, incapable de détacher son regard de l'écran ? - l'analogie est aussi forte qu'évidente), on est fasciné au sens le plus fort du terme par cette succession de plans qui nous entraînent toujours plus loin dans la force incommensurable de l'image. On voudrait littéralement que l'écran ne s'éteigne plus jamais, nous permettant de baigner pour toujours dans cette alternance de lumière et d'obscurité capable de nous faire quitter notre corps et voyager bien au-delà des mondes connus sans jamais quitter notre fauteuil.

Solar walk de Reka Bucsi (Danemark)


On retrouve dans Solar walk l’esthétique qui nous avait séduits dans Love, présenté à Berlin en 2016. Des couleurs vives, des personnages au design naïfs, et une sorte de rêverie mystérieuse qui nous embarque dans son univers singulier. Aux confins d'un système solaire inconnu, des sortes de lapins cosmiques jouent avec les planètes, et envoient des cosmonautes miniatures dans l'espace.

N'hésitant pas à passer par l'abstraction pure, la réalisatrice nous entraîne dans un tourbillon onirique de formes et de couleurs. Parfois on se perd un peu dans ce récit déroutant, construit par couches successives, et qui fourmille d'intrigues et d'images. Mais il y a toujours une idée visuelle ou un passage particulièrement virtuose pour nous ramener dans le film, à l'écoute des sensations qui défilent à l'écran. Comme si Reka Bucsi avait inventé un langage esthétique se passant de mots et de causalités pour parler directement aux sens du spectateur.

Et sans doute fallait-il bien ce foisonnement sensitif vertigineux, aux multiples correspondances cachées, et cet affranchissement d'une narration traditionnelle pour réinventer avec un tel brio le space opéra existentiel.

Sous le cartilage des côtes de Bruno Tondeur (Belgique / France)


Comment vivre avec la douleur ? Comment appréhender ce mal étranger tapis en nous, prêt à nous dévorer à la moindre seconde d’inattention ? Bruno Tondeur nous plonge dans les affres de l’impuissance qui nous saisit lorsque notre corps, ce si intime étranger, se met à agir contre notre volonté. Lorsqu’il reprend en quelque sorte le contrôle, et par le mal qu’il abrite (réel ou supposé), se met à occuper la moindre de nos pensées. Quand chaque fibre de notre être n’est plus qu’instinct de survie et peur panique de la mort.

A l’écran, cœur qui bat, poumons qui palpitent. Tuyauterie complexe à laquelle nous ne pensons pas la plupart du temps. Le réalisateur nous la montre pourtant en alternance avec le quotidien du personnage. En interaction avec ce quotidien qui nous apparaît répétitif : mêmes scènes de bureau, de restaurant, de solitude. Juste le personnage et cette créature rose fantasmée qui occupe de plus en plus de place : la matérialisation de ce qui le ronge.

Le film de Bruno Tondeur crée une impression étrange, dérangeante, quasi anxiogène, renforcée par le contraste entre l’aspect enfantin de la « créature » (sorte de bibendum rose affectueux) et l’effet qu’elle a sur le personnage. L’effroi et la stupeur se matérialisent alors visuellement à l’écran, sous forme d’insectes-bactéries de toutes sortes qui grouillent sur et autour de lui dans des visions pas si éloignées de nos pires cauchemars.

Wild will d'Alan King (Australie)


Wild Will fait partie de ces films que l’on aime qualifier d’hypnotiques, et dans lesquels le cinéma s’affirme en tant qu’art du hors champ et de la suggestion. À l’image, un gros plan au ralenti sur le visage hagard d’un homme. Encore hagard est-il un grand mot : en vérité il est inexpressif. Absent à lui même. Vide.

En off, un échange par talkie-walkie. Histoire basique : un policier rencontre l’une de ses connaissances dans la rue, trouve son comportement étrange (il est désorienté et ne semble pas le reconnaître), le ramène au poste. C’est là que l’homme révèle sa vraie nature, dans une scène d’une violence inouïe dont on ne voit pourtant rien à l’écran, si ce n’est un reflet flou dans une paire de lunettes posée sur la table. Tout ou presque se joue au niveau sonore, avec des cris et des grognements qui glacent le sang. Mais ce qui est le plus effrayant, c’est probablement le plan qui revient au visage privé de réaction de Will.

Alan King, que l’on retrouve à tous les postes, y compris à celui d’acteur principal, nous emmène au confins de la monstruosité, dans une dimension parallèle où se révèle brutalement le vrai visage de l’être humain. Le minimalisme précis de son cinéma est en soi plus sidérant que des tombereaux d’effets spéciaux.

Clermont-Ferrand 2019 : retour sur le palmarès

Posté par MpM, le 18 février 2019

A Clermont, on a eu fugacement l'impression lors de cette 41e édition que les années se suivent et se ressemblent. Car après le triomphe l'an passé de Vilaine fille d'Ayce Kartal en compétition nationale (film actuellement en lice pour les César, et qui figurait dans la liste de nos courts métrages favoris en 2017), c'est un autre film d'animation qui remporte le même prix cette année : Ce magnifique gâteau de Emma De Swaef et Marc James Roels. Ce qui fait deux grands prix pour le cinéma d'animation d'affilée, alors que cela n'était jamais arrivé jusque-là. Evidemment, on ne peut que s'en réjouir ! Et peut-être même y voir le signe que la "frontière" entre image par image et prise de vues continue est tout doucement en train de s'estomper, pour ne garder que l'idée de cinéma au sens large.

La nouvelle est d'autant plus réjouissante que Ce magnifique gâteau est un moyen métrage absurde et cruel sur la colonisation, réalisé en stop-motion, avec des figurines rondelettes et duveteuses. On y assiste aux conséquences de la colonisation sur les populations locales (à travers notamment un personnage de pygmée assez bouleversant), aux pillages de ressources, et aux effets déshumanisants sur tout ceux qui y prennent part. Un pamphlet puissant et efficace qui ne cesse de récolter des prix (Ottawa, Toronto, Zagreb, Annecy...) partout où il passe depuis sa présentation à la Quinzaine des Réalisateurs en mai 2018.

Mais ce n’est pas tout, puisqu'en section labo, c’est carrément le même réalisateur qui remporte le Grand prix pour la 2e année consécutive ! Huang Pang-Chuan, primé pour Retour en 2018, fait en effet le doublé avec Last year when the train passed by, qui s'inscrit justement dans le prolongement du précédent. Le réalisateur y revient à Taïwan pour interroger les habitants dont il avait photographié les maisons l'année précédente, depuis le train : « Que faisiez-vous l’an dernier quand j’ai pris cette photo du train qui passait devant votre maison ? » Le récit débouche ainsi sur une série de portraits touchants et sensibles qui livrent au gré des rencontres quelques bribes d'un quotidien on ne peut plus "normal" : en un an, les joies et les peines, la vie et la mort, sont passées dans chacune des maisons photographiées par le réalisateur. A noter que les deux films figuraient dans nos courts métrages français préférés de l’année passée.

Côté compétition internationale, c’est un film roumain qui repart avec la récompense suprême. Cadoul de Craciun de Bogdan Mureseanu raconte comment un père de famille découvre avec horreur que son fils a envoyé une lettre au père Noël pour lui expliquer que son papa veut la mort de Ceausescu. Nous sommes le 20 décembre 1989, quelques jours seulement après la répression sanglante à Timisoara.

Parmi les autres prix décernés (ils sont une quarantaine), on remarque le prix spécial du jury pour un film dont nous nous avons déjà parlé à plusieurs reprises : Swatted de Ismaël Joffroy Chandoutis (section labo), le prix du meilleur film documentaire qui va également à Last year when the train passed by de Huang Pang-Chuan, ou encore le doublé prix spécial du jury / prix Canal + pour Leoforos Patision (Avenue Patission) de Thanasis Neofotistos, l'histoire d'une femme qui, en se rendant à un casting, s'aperçoit que son fils est resté seul à la maison.

Le prix du meilleur film d’animation va à Tracing Addai d’Esther Niemeier, un documentaire animé qui essaie de comprendre ce qui est arrivé à Addai, un jeune homme allemand qui a rejoint un groupe de Salafistes en Syrie en 2013.

Du côté français, il faut souligner le prix spécial accordé à Jupiter ! de Carlos Abascal Peiro (une comédie sur le pouvoir), le prix Égalité et diversité à Braquer Poitiers de Claude Schmitz (un portrait léger et drôle de la classe moyenne), le prix du public à Nefta Football club de Yves Piat (une comédie sur fond de foot, en Tunisie), le prix de la meilleure musique originale à Guillaume Bachelé pour La chanson de Tiphaine Raffier (comédie absurde sur l'imitation et la création) , ou encore le prix de la presse Télérama à Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet, comédie romantique de l'année 2018.

Compétition internationale

Grand Prix
Cadoul de cracium (Cadeau de Noël) de Bogdan Muresanu - Roumanie

Prix Spécial du Jury
Leoforos Patision (Avenue Patission) de Thanasis Neofotistos - Grèce

Prix du Public
Skin (Épiderme) de Guy Nattiv - États-Unis

Prix du meilleur film d’animation
Tracing Addai (À la recherche d'Addai) d'Esther Niemeier - Allemagne

Prix Étudiant
Binnu Ka Sapna (Binnu : sa vie, son histoire) de Kanu Behl - Inde

Prix CANAL+
Leoforos Patision (Avenue Patission) de Thanasis Neofotistos - Grèce

Compétition Labo

Grand Prix
Last Year when the Train Passed by (L’an dernier quand le train est passé) de Pang-Chuan Huang - France

Prix Spécial du Jury
Swatted d'Ismaël Joffroy Chandoutis - France

Prix du Public
Skin (Épiderme) de Guy Nattiv - États-Unis

Prix CANAL+
The Passage (La traversée) de Kitao Sakurai - États-Unis

Prix Festivals Connexion – Auvergne-Rhône-Alpes
The Sound of Falling (La bruit de la chute) de Chien Yu Lin - Royaume-Uni, Taïwan, Colombie


Prix du meilleur film documentaire (Documentaire sur grand écran)

Last Year when the Train Passed by (L’an dernier quand le train est passé) de Pang-Chuan Huang - France

Prix Allegorithmic des effets visuels
Twenty One Points (Vingt et un points) de Pete Circuitt - Nouvelle-Zélande

Compétition nationale

Grand Prix
Ce magnifique gâteau ! d'Emma de Swaef, Marc James Roels - France, Belgique, Pays-Bas

Prix Spécial du Jury
Jupiter ! de Carlos Abascal Peiro

Prix du Public
Nefta Football Club de Yves Piat

Prix Égalité et Diversité
Braquer Poitiers de Claude Schmitz

Prix de la meilleure musique originale (Sacem)
Guillaume Bachelé pour La chanson de Tiphaine Raffier

Prix du meilleur film d’animation francophone (SACD)
Cadavre exquis de Stéphanie Lasaque, François Leroy

Prix de la meilleure première œuvre de fiction (SACD)
Beautiful Loser de Maxime Roy

Prix Adami d’interprétation - Meilleure comédienne
Imane Laurence dans Côté cœur de Héloïse Pelloquet

Prix Adami d’interprétation - Meilleur comédien

François Créton dans Beautiful Loser de Maxime Roy

Prix Étudiant
Las Cruces de Nicolas Boone

Prix CANAL+
Tigre de Delphine Deloget

Prix de la Presse Télérama
Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet

Prix du Rire « Fernand Raynaud »
Pile poil de Lauriane Escaffre, Yvonnick Muller

Prix Procirep du producteur de court métrage
Insolence Productions

Bourse des festivals Auvergne-Rhône-Alpes
Fin de saison de Matthieu Vigneau / Mabel Films

Candidature European Film Awards
Leoforos Patision (Avenue Patission) de Thanasis Neofotistos - Grèce

Mentions spéciales du jury international
Desecho (Déchets) de Julio O. Ramos - Pérou, États-Unis
Brotherhood (Fraternité) de Meryam Joobeur - Tunisie, Canada, Qatar

Mentions spéciales du jury labo
María de los Esteros (María de la mangrove) - Colombie
Fest (Teuf) de Nikita Diakur - Allemagne

Mentions spéciales du jury national
Souvenir inoubliable d’un ami de Wissam Charaf
Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet
Mort aux codes de Léopold Legrand
Côté cœur de Héloïse Pelloquet
La chanson de Tiphaine Raffier

Mention spéciale du jury SACD (animation francophone)
Raymonde ou l’évasion verticale de Sarah Van den Boom - France

Mention spéciale du jury SACD (première œuvre de fiction)
La traction des pôles de Marine Levéel / France

Coup de cœur CANAL+ Family
After the Rain (Après la pluie) de Rebecca Black, Céline Collin, Valérian Desterne, Juan Pablo De La Rosa Zalamea, Juan Olarte, Lucile Palomino, Carlos Omar Salazar Tornero - France

Mention spéciale du jury CANAL+ Family
Nuit chérie de Lia Bertels - Belgique

Bourse La poule qui pond
Coucouleurs de Oana Lacroix - Suisse

Prix Orange des Brèves digitales
Ceva de Paul Muresan - Roumanie, République Tchèque

De Court Circuit à Top of the Shorts, le festival de Clermont Ferrand s’invite sur les petits écrans

Posté par MpM, le 6 février 2019

Alors que le festival de Clermont-Ferrand bat son plein, le court métrage est également à la fête sur le petit écran, avec plusieurs programmes télé spéciaux. L'occasion de découvrir en même temps que les festivaliers certains des courts des différentes sélections, et d'en savoir plus sur leurs secrets de fabrication. L'émission Libre court de France 3 diffuse ainsi ce vendredi 8 février Las Cruces de Nicolas Boone et La Parcelle de Mickaël Guerras, tandis que l'émission de la semaine précédente est encore disponible en ligne, avec trois films issus de la sélection nationale : Raymonde ou l'évasion verticale de Sarah van den Boom, Air comprimé de Antoine Gorgini et Fatiya de Marion Desseigne Ravel.

Sur Canal +, c'est Top of the shorts qui apporte un petit parfum clermontois à ses spectateurs, avec principalement des films sélectionnés en 2018 (Bonobo de Zoel Aeschbacher et Etat d'alerte sa mère en replay, Skuggdjur de Jerry Carlsson dans l'émission du 10 février) et l'une des découvertes 2019, Erebeta de François Vogel. Les films de la Collection Canal + consacrée au polar bénéficient eux-aussi d'une diffusion à l'antenne puis sur myCanal.

Sur France 2, Histoires courtes a également mis à l'honneur plusieurs films de la compétition nationale dont Egg de Martina Scarpelli et Comment Fernando Pessoa sauva le Portugal de Eugene Green.

Enfin, le prochain Court Circuit d'Arte, diffusé le 9 février, avant d'être ensuite disponible en replay pendant une semaine, met lui aussi l'accent sur le Festival de Clermont-Ferrand avec une programmation entièrement dédiée. Deux films parmi les plus excitants de l'année 2018 seront notamment diffusés en intégralité : Guaxuma de Nara Narmande, évocation sensible et délicate de l'amie d'enfance de la réalisatrice, et Le sujet de Patrick Bouchard, dissection au sens propre de l'artiste lui-même. Une interview du réalisateur canadien accompagnera cette oeuvre surprenante et vertigineuse.

Plus légers, Souvenir inoubliable d'un ami de Wissam Charaf, est une chronique adolescente pleine d'humour dans le Liban des années 80, tandis que Per tutta la vita de Roberto Catani est une plongée animée et colorée dans les souvenirs autrefois joyeux d'un couple. L'équipe de Court Circuit a également rencontré le réalisateur italien. Enfin, cinquième film proposé dans l'émission, Jauria (La meute) de Pedro Pio suit Acacio, un homme qui vit dans les montagnes au-dessus de Bogota, entouré d'une meute de chiens. Un portrait ultra naturaliste peu à peu contaminé par une forme de fantastique quasi mystique.

Les cinq courts métrages sont accompagnés d'un focus sur la réalité virtuelle avec le réalisateur Benjamin Nuel (L'île des morts) et sa productrice Oriane Hurard, d'un épisode de Short cuts consacré à Terminator 2 de James Cameron par le réalisateur et illustrateur Zaven Najjar et d'une rencontre avec Jean-Bernard Marlin (Shéhérazade) qui se souvient de ses premiers courts métrages.

Le 41e Festival de Clermont-Ferrand célèbre le Canada, la musique et le meilleur du court métrage mondial

Posté par MpM, le 1 février 2019

Alors que s'ouvre sa 41e édition, le Festival de Clermont-Ferrand affiche des chiffres à faire pâlir tout organisateur de manifestation consacrée au court métrage : en 2018, il a en effet comptabilisé plus de 165 000 entrées et attiré 3 500 professionnels venus du monde entier pour découvrir et faire la promotion des films courts les plus attendus ou réputés de l'année. Le marché est ainsi un rendez-vous incontournable pour les producteurs, acheteurs et autres organisateurs de festival, tandis que ses différentes compétition affichent régulièrement salle comble (quand le malheureux festivalier ne se retrouve pas refoulé après une heure à avoir patienté dans la file d'attente).

Cette année, c'est le Canada qui est à l'honneur à travers une rétrospective en six programmes, dont le premier, intitulé Flaskback, permettra de (re)découvrir les courts de réalisateurs confirmés comme Guy Madin, Denis Villeneuve ou Jean-Marc Vallée. On retrouvera aussi des courts signés Chloé Robichaud, David Cronenberg ou encore Matthew Rankin, et un programme entièrement consacré à Phillip Barker, producteur, réalisateur, décorateur et scénariste de cinéma canadien. Enfin, une "classe de maîtres" réunira les deux cinéastes d'animation Patrick Bouchard (Le sujet) et Theodore Ushev (Vaysha l'aveugle) autour de leur oeuvre respective.

Côté section thématique, Clermont nous entraîne cette année dans une forme de sublimation du dialogue de sourds à travers la sélection "Shorts in translation" qui s'attache à des rencontres entre des personnages n'ayant aucune langue commune, sans que cela les empêche de trouver un certain mode de communication. L'occasion de voir ou revoir des films comme Inupiluk de Sébastien Betbeder (deux Français en goguette au Groenland), Ato san nen de Pedro Collantes (un Japonais et une Espagnole tentent de se comprendre) ou encore Mindle Raeh de Hak Soon-Kim (une veuve américaine et une veuve coréenne lient connaissance en utilisant le langage des gestes).

La musique sera également à l'honneur à travers les programmes spéciaux "Décibels" ainsi que deux soirées musicales et un concours international de composition musicale pour l'écran. Pour compléter le programme, citons en vrac une carte blanche à l'école La Poudrière à travers deux programmes-anniversaire, avec notamment des films de Benjamin Renner, Rémi Chaye, Lucrèce Andreae, Gabriel Harel ou Rocio Alvarez, une carte blanche à Caïmans production, avec des films de Jacques Tati, Stéphane Demoustier, Ayce Kartal, Camille Lugan, Zaven Najjar ou encore Alain Resnais ; et des "Regards" sur la Palestine et sur l'Afrique.

Bien entendu, les trois traditionnelles compétitions ne seront pas en reste avec 78 films en compétition internationale, 54 films en compétition nationale et 31 en compétition labo. A noter la présence de Fauve de Jérémy Conte et Detainment de Vincent Lambe (tous deux sélectionnés aux Oscars), Interiør de Reek Van Dyk (qui avait gagné le Grand Prix à Clermont en 2017 avec Dekalb Elementary), Ce magnifique gâteau d'Emma de Swaef et Marc James Roels (sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs, primé à Ottawa, Toronto, Zagreb et à Annecy, par le prestigieux prix André Martin), Fest de Nikita Diakur (multiprimé lui-aussi à Ottawa, Bucheon ou encore Paris avec ce film et son précédent, Ugly) ou encore The evil eye du prolifique Clément Cogitore (nommé aux César avec deux autres courts).

De quoi vivre pendant une semaine au rythme du court métrage dont le grand avantage, pour les festivaliers, cinéphiles et autres amateurs, est qu'on peut en voir beaucoup plus que de longs sur une durée identique. Alors n'hésitez plus : vous aimez le cinéma ? Allez à Clermont !

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41e édition du Festival de Clermont-Ferrand
Du 1er au 9 février 2019
Programme et informations sur le site du festival

Clermont Ferrand 2018 : retour sur le palmarès

Posté par MpM, le 13 février 2018

Le 40e festival de Clermont-Ferrand s’est clos sur un palmarès foisonnant et riche (plus de 40 prix décernés) après une très belle édition anniversaire qui a attiré plus de 165 000 spectateurs.

Dans la compétition nationale, c'est le très remarqué Vilaine fille d'Ayce Kartal qui a remporté le Grand Prix. Ce délicat récit à la première personne d'une petite fille ayant subi une agression met son animation libre et inventive au service du sujet sensible des viols collectifs d'enfants en Turquie.

Plus on avance dans le récit, plus la légèreté du ton et de l'image renforce l'effroi qui saisit le spectateur, cueilli presque par surprise par une puissance émotionnelle sèche, dénuée de tout pathos, et d'autant plus violente. On se réjouit d'autant plus de cette belle (et méritée) récompense qu'il n'est pas si fréquent de voir un film d'animation distingué par un grand prix "généraliste".

Côté international, c'est un film polonais, Tremblements de Dawid Bodzak, qui a convaincu le jury. Il s'agit d'un film mystérieux et  symbolique mettant en scène deux adolescents dont le comportement  inexpliqué de l'un deux va totalement bouleverser la relation.

Soyons honnêtes, on est resté assez extérieur à cette fable hermétique qui s'ouvre sur une proposition étrange : l'un des adolescents demande à l'autre ce qu'il ferait, s'il se retrouvait dans une forêt obscure et déserte, soudainement encerclé par des loups. On saisit confusément que le reste du film tente de répondre métaphoriquement à la question, mais sans que cela ne soit jamais réellement convaincant.

Le labo a quant à lui vu le couronnement de Retour de Pang-Chuan Huang, un documentaire qui raconte en parallèle un mystérieux voyage en train vers l’Est, censé ramener le narrateur chez lui, et un autre périple, effectué des années plus tôt par un autre jeune homme pris dans la tourmente de l’Histoire. Le réalisateur (étudiant à l'école du Fresnoy) a principalement recours à des images fixes, et à une voix off omniprésente qui guide le spectateur. Certes n’est-on pas totalement surpris par la tournure que prend le récit, mais le film bénéficie d’une vraie force d’évocation, malgré les maladresses du texte, et ses baisses de rythme. Il est également une belle démonstration de la puissance de l’image fixe qui confie au spectateur le soin de combler les creux.

Il faut aussi souligner la présence au palmarès du Lion d'or du dernier Festival de Venise (Gros chagrin de Céline Devaux, prix étudiant de la compétition nationale) ; de deux films de Clément Cogitore (sur les trois présentés) : meilleure musique originale pour Braguino, prix du public et mention presse Télérama pour Les Indes galantes ; du déjà multi-primé The burden de Niki Lindroth von Bahr (meilleur film d'animation), du documentaire suisse Ligne noire de Mark Olexa et Francesca Scalisi (prix étudiant de la compétition internationale) ou encore de l'étonnant film malaysien It's easier to raise cattle d'Amanda Nell Eu (mention spéciale de la section labo).

Enfin, parmi les films dont nous vous disions le plus grand bien pendant le festival, Le marcheur de Frédéric Hainaut a remporté le prix SACD du meilleur Film d'animation francophone, Reruns de Rosto le Prix Allegorithmic des effets visuels et Everything de David O'Reilly un Prix spécial.

Comme toujours, on peut avoir quelques regrets, notamment sur des films déjà mentionnés comme Des hommes à la mer de Lorris Coulon, l'un des plus beaux courts métrages français de l'année 2017, (Fool)Time job de Gilles Cuvelier, fable sociale glaçante qui prend à contre-pied tout ce que l'on peut avoir en tête quand on pense au cinéma d'animation ou Chose mentale de William Laboury,  œuvre complexe et envoûtante qui transcende en même temps le motif du huis clos inquiétant, celui du glissement vers le fantastique et les codes de la comédie romantique.

Mais, bonne nouvelle, il est possible comme chaque année aux Parisiens et Franciliens de se faire une idée du Palmarès en assistant à la reprise qu'en fait le Forum des Images. Ce sera ce 18 février à partir de 15h30, pour prolonger un peu la grande fête hivernale du court métrage.

Compétition nationale

Grand prix
Vilaine fille d'Ayce Kartal

Prix spécial
Vihta de François Bierry

Meilleure musique originale
Eric Bentz pour Braguino de Clément Cogitore

Égalité et diversité
The Barber Shop de Gustavo Almenara, Émilien Cancet

Mention spéciale
Encore trois ans de Pedro Collantes

Mention spéciale
Master of the Classe de Carine May, Hakim Zouhani

Prix du public
Les Indes galantes de Clément Cogitore

Prix étudiant
Gros chagrin de Céline Devaux

CANAL+
Little Jaffna de Lawrence Valin

SACD - 1ère œuvre de fiction
Pourquoi j'ai écrit la Bible d'Alexandre Steiger

SACD - 1ère œuvre de fiction - Mention
Junk Love de Jonathan Rochart

Adami - Interprétation masculine

Florent Gouëlou dans Un homme mon fils de Florent Gouëlou

Adami - Interprétation féminine
Sigrid Bouaziz dans La nuit je mens d'Aurélia Morali et Les vies de Lenny Wilson d'Aurélien Vernhes-Lermusiaux

Presse Télérama
Les vies de Lenny Wilson d'Aurélien Vernhes-Lermusiaux

Presse Télérama - Mention
Les Indes galantes de Clément Cogitore

Brèves digitales Orange
Un film sur les éboueurs de Le Gros Z

Procirep
Caïmans Productions pour Pépé le morse de Lucrèce Andreae

Bourse des festivals
La sphinx de Tito Gonzalez Garcia

Coup de cœur Canal+ Family
Oscillation de Yookyung Cha

Coup de cœur Canal+ Family - Mention
La mort, père & fils de Vincent Paronnaud (Winshluss) et Denis Walgenwitz

Compétition internationale

Grand prix
Tremblements de Dawid Bodzak

Prix spécial
Les ombres de Jerry Carlsson

Prix du public
Bonobo de Zoel Aeschbacher

Prix étudiant
Ligne noire de Mark Olexa, Francesca Scalisi

CANAL+
Les ombres de Jerry Carlsson

SACD - Film d'animation francophone
Le marcheur de Frédéric Hainaut

Film d'animation
Min Börda (Le fardeau) de Niki Lindroth Von Bahr

Rire Fernand Raynaud
État d'alerte sa mère de Sébastien Petretti

Nomination EFA
Honte de Petar Krumov

Mention spéciale
Hasta siempre, Comandante de Faisal Attrache

Mention spéciale
La victoire de la charité d' Albert Meisl

Mention spéciale
Dependent de Phil Sheerin

Compétition Labo

Grand prix
Retour de Pang-Chuan Huang

Prix spécial
Everything de David O'Reilly

Mention spéciale
Beetle Trouble de Gabriel Böhmer

Mention spéciale
Snap de Felipe Elgueta, Ananké Pereira

Mention spéciale
It's easier to raise cattle d' Amanda Nell Eu

Prix du public
Black America again de Bradford Young

CANAL+
Rebirth is Necessary de Jenn Nkiru

Prix Festivals Connexion
Ondes noires d'Ismaël Joffroy Chandoutis

Prix du documentaire
Proch de Jakub Radej

Prix Allegorithmic des effets visuels
Reruns de Rosto

Dix films remarqués au 40e Festival de Clermont-Ferrand

Posté par MpM, le 9 février 2018


Pour qui n’est jamais allé au festival du court métrage de Clermont Ferrand, il faut imaginer une cité en perpétuel mouvement, organisée en nombreux lieux et espaces de projections autour des deux centres névralgiques que sont la maison de la culture et le marché du film.

Ici, on croise des scolaires en file indienne, deux par deux derrière leurs professeurs, des festivaliers acharnés aux yeux un peu cernés d’avoir déjà vu trop de films, des professionnels affairés du monde entier, qui courent d’un rendez-vous à un autre, des réalisateurs qui accompagnent leur film, intimidés ou galvanisés, c’est selon, par l’immense salle Cocteau susceptible d’accueillir 1400 spectateurs... Et que dire de ces longues files d’attente qui se forment toute la journée devant les salles ? On se croirait à Cannes, la neige en plus et l’hystérie et le tapis rouge en moins.

Pour cette 40e édition, environ 450 films étaient présentés, répartis dans les 3 compétitions, les rétrospectives et les différents focus. Certains des films les plus remarqués de 2017 étaient ainsi présentés, à l’image de The burden de Nikki Lindroth Von Bahr (qui a justement reçu le prix du Court métrage de l'année remis par l'association Short Film Conference à Clermont Ferrand), Des hommes à la mer de Lorris Coulon (tout récemment auréolé du prix du meilleur court métrage français 2017 décerné par le Syndicat de la critique), Ligne noire de Mark Olesa et Francesca Scalisi (Grand prix à Winterthur), Une nuit douce de Qiu Yang (Palme d'or à Cannes), Vilaine fille d'Ayce Kartal, Chose mentale de William Laboury, Gros chagrin de Céline Devaux (lion d'or à Venise), Le visage de Salvatore Lista, (Fool)Time Job de Gilles Cuvelier...

Nous avions déjà eu l'occasion de vous dire tout le bien qu'on en pense lors de notre grand bilan 2017 consacré au format court (à lire ici pour les films plébiscités en festival, ici pour les films français et ici pour les films étrangers).

Mais d’autres, plus récents, ou qui n’étaient pas encore parvenus jusqu’à nous, ont à leur tour plus particulièrement retenu notre attention. Petite liste (non exhaustive) de dix films qui ont fait notre festival.

Copa Loca de Christos Massalas


Copa-Loca est une station estivale grecque. Hors saison, il n'y a rien à y faire. Mais Paulina, elle, est toujours prête pour mettre un peu de baume au cœur des habitants. Raconté en voix-off dans un style faussement documentaire, et jouant précisément du décalage entre le récit et l'image, le film est une satire joyeuse et décomplexée dans laquelle le corps exulte quand bon lui semble.

Everything de David O'Reilly


A première vue, nous voilà dans une conférence scientifique à mi-chemin entre la spiritualité new age et la démonstration implacable de l'interconnexion du monde, animée par des extraits sonores enthousiastes et péremptoires du philosophe Alan Watts. Mais très vite on s’interroge non sur ce que l'on entend, mais sur ce que l'on voit, des images semblant empruntées à un jeu vidéo vintage, dans lequel les animaux se déplacent en roulant indéfiniment sur eux-même et où les décors sont si minimalistes qu'ils semblent avoir été conçus par des enfants. Et pour cause, puisque tout le film a été tourné dans le  jeu vidéo Everything, également créé par O'Reilly en 2017, dans lequel on peut littéralement incarner n'importe quel être vivant. Par défaut, le jeu est en mode "autoplay", c'est-à-dire que le joueur n'a rien à faire sinon suivre les péripéties de son personnage sur l'écran. Ce qui le place finalement dans une position de complète impuissance, devenu spectateur de son propre destin. Une idée qui traverse Everything, le film, de part en part, interrogeant à la fois les limites de l'animation elle-même, mais aussi celles du spectateur, du joueur, et par extension, de tout être vivant lancé dans cette absurde boucle infinie que l'on appelle l'existence.

L'intervalle de résonance de Clément Cogitore


Le festival de Clermont Ferrand propose sous forme d'un court métrage construit en trois parties la monumentale installation vidéo présentée par Clément Cogitore au Palais de Tokyo en 2016, dans laquelle l'artiste interroge nos croyances collectives. Mêlant différentes formes d'images très hétérogènes (des plus professionnelles aux plus amateurs), il croise deux récits de manifestations aux origines physiques mystérieuses, la mythologie existant autour de la perception de sons émis par les aurores boréales et l’apparition d’une étrange formation lumineuse en Alaska. D'une très grande beauté formelle, le film est un voyage fulgurant au croisement du fantasme, du rêve, de l'invisible, de la perception et de la rationalité scientifique.

J'attends Jupiter d'Agathe Riedinger


Reposant à 99% sur la performance habitée de l'actrice Sarah-Megan Allouch, J'attends Jupiter est à la fois la chronique naturaliste d'un moment de basculement et le portrait sensible d'une génération nourrie aux rêves de gloire et de célébrité. L'héroïne est ainsi persuadée, lorsqu'elle accède au second tour d'un casting de télé-réalité, que sa vraie vie va enfin commencer. On la voit alors se débarrasser sans état d'âme de tout ce qui composait cette "pré-existence", brossant un état des lieux cruel d'une société qui n'a plus grand chose à offrir à sa jeunesse.

Manivald de Chintis Lundgren


Quand un renard introverti et sous la coupe d'une mère étouffante s'amourache d'un beau loup sexy et pas farouche, cela donne une satire sociale irrévérencieuse et irrésistible. Entre absurdité et ironie, le film joue de son style graphique très classique pour faire passer l'humour et les situations les plus décalées.

Le marcheur de Frédéric Hainault

Le marcheur est un film coup de poing porté par une voix-off dense et habitée dont la diction précipitée trahit l'urgence et la colère. C'est l'histoire d'un homme qui, un jour, a décidé de ne plus se résigner. Qui s'est mis en route et n'a plus jamais cessé d'avancer, de marcher, de contester. Peu importe la complexité de sa pensée politique, peu importe la cause. Le marcheur refuse, en bloc, tout ce qui est injuste et laid, révoltant et insupportable. Il ne revendique rien, si ce n'est ce droit à marcher, et à ne plus courber l'échine. Les choix formels sont à l'unisson de cette démarche, refusant un esthétisme gratuit, une "beauté" qui ne collerait pas avec l'âpreté du ton et du sujet. On est à la fois assommé et conquis par cette oeuvre à la puissance politique concrète et immédiate.

Reruns de Rosto


Le dernier volet de la tétralogie de Rosto autour de son groupe de rock Thee Wreckers est une plongée hallucinée et fourmillante dans les méandres du passé. Le personnage incarné par le réalisateur lui-même est pris dans une sorte de boucle temporelle qui lui permet de se revoir simultanément à différents âges. Dans un montage saccadé et hypnotique, le réalisateur néerlandais interroge les effets du temps passé et des rêves brisés. Comme le bilan punk et trash d'une vie déjà écoulée. On est à la fois sidéré par l'esthétique du film (dans la droite ligne de l'oeuvre du réalisateur néerlandais) et emporté par la profondeur de la réflexion que cela éveille en nous.

Ugly de Nikita Diakur


Ne vous fiez pas au titre, qui dissimule mal un film singulier et joyeux dans lequel un chat fait la connaissance d'une sorte de gourou dans les décombres d'un monde en déliquescence. Tout est rose et bleu, les objets nous assaillent et se multiplient, les décors mutent, l'univers part à vau-l'eau (ou se reconstruit, selon les interprétations), et pourtant on a l'impression d'être devant un feel good movie (sous ecstasy). Le réalisateur a spécialement créé une technologie numérique pour obtenir ces effets de déconstruction et de bizarrerie (le ugly du titre), en exploitant notamment des erreurs générées dans le code, ce qui donne l'impression d'un film où les pixels ont pris le pouvoir,  échappant à tout contrôle humain. De quoi ouvrir de nouvelles perspectives.

Weekends de Trevor Jimenez


Sans pathos et avec une tonalité très tendre, Trevor Jimenez (qui travaille chez Pixar) raconte la nouvelle existence d'un petit garçon dont les parents viennent de divorcer. Le film le suit tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, dans des activités enfantines basiques, ou d'autres plus singulières, racontant tout en douceur, avec poésie et délicatesse, le temps qui passe et la vie qui change.

Wednesday with Goddard de Nicolas Ménard

Parti à la recherche de Dieu suite à une averse lui donnant envie d'avoir la foi, le personnage rencontrera l'amour, puis le désespoir. Ton décalé, scènes cocasses et humour loufoque sont au rendez-vous de ce Wednesday with Goddard irrévérencieux à souhait. Dissimulée sous une couche de premier degré volontairement simpliste, la quête pour trouver Dieu est notamment une succession de piques à l'égard de la religion (on adore la séquence de l'Eglise) et d'ironie mordante sur l'Humanité.