Jean-Pierre Marielle nous quitte (1932-2019)

Posté par vincy, le 24 avril 2019

Le comédien Jean-Pierre Marielle est décédé mercredi à l'âge de 87 ans, a annoncé dans la soirée sa famille à l'AFP. Il était l'un des mousquetaires de la bande du conservatoire qui comprenait Jean-Paul Belmondo, Jean Rochefort, Annie Girardot, son amie de toujours, Bruno Cremer, Claude Rich, Françoise Fabian, Pierre Vernier et Michel Beaune. Belmondo, Fabian et Vernier sont aujourd'hui les derniers survivants.

[Portrait] Jean-Pierre Marielle: Un homme heureux

Né le 12 avril 1932, Jean-Pierre Marielle venait de fêter ses 87 ans. On a en tête son regard plein de malice, sa voix grave et chaude, caverneuse, un sourire charmeur qui pouvait se muer en rire tonitruant, sa silhouette de grand dandy, entre virilité et vulnérabilité qui lui ont permis d'incarner des rôles très différents, de la farce au drame, des navets aux grands films. "Certains trouvent que j'ai une tête d'acteur. Moi pas. J'ai une tête de rien. Au fond, c'est peut-être le mieux pour être comédien, une tête de rien pour tout jouer" écrivait l'acteur dans son autobiographie. Il avait ses humeurs, il était taciturne, il jouait de son physique, à la fois grand et moyen, comme de son mystère, son secret comme de ses colères et de ses angoisses.

S'il a été évincé de la Nouvelle Vague, la maturité l'a aidé à trouver de grands rôles par la suite. Sept fois nommé aux Césars (et toujours snobé) entre 1976 et 2008, deux fois primé par le Syndicat de la critique, Molière du meilleur comédien, Prix Lumières d'honneur, Marielle était éminemment populaire, tout en étant respectable. Trop souvent résumé à une grande gueule du cinéma français, ce fils d'industriel et de couturière, a très tôt attrapé le virus des planches, dès le lycée.

Après le Conservatoire - 2e prix de comédie - et les petits théâtre, il opte pour le cabaret, avec un certain Guy Bedos. Au cinéma, les rôles sont décevants. Il faudra qu'il attende la trentaine, alors que Belmondo triomphe déjà dans les salles. Si au cinéma, c'est plutôt un drame qui le révèle (Climats, 1962, avec Marina Vlady), c'est bien dans la comédie qu'il va exceller.

Dans les années 1960, il enchaîne Faites sauter la banque ! de Jean Girault, Week-end à Zuydcoote de Henri Verneuil, Monnaie de singe d'Yves Robert, Tendre Voyou de Jean Becker, Toutes folles de lui de Norbert Carbonnaux, Les Femmes de Jean Aurel. Mais c'est Philippe de Broca qui va le mieux exploiter son excentricité. Après Un monsieur de compagnie en 1964, il incarne un dragueur un peu beauf et frimeur, play-boy proche du ridicule, dans Le Diable par la queue.

Les années 1970 seront plus passionnantes pour le comédien, passant de la noblesse au père de famille libidineux, d'un homme en quête de bonheur à un père protecteur, d'ogre à policier, en passant par un double rôle de proxénète et de militaire. Il devient une tête d'affiche et aligne les grands noms du cinéma français dans sa filmographie, même du côté des oubliables (de Audiard à Mocky).

Les Caprices de Marie de Philippe de Broca, Quatre mouches de velours gris de Dario Argento, Sans mobile apparent de Philippe Labro, Que la fête commence de Bertrand Tavernier, Dupont Lajoie d'Yves Boisset, Les Galettes de Pont-Aven de Joël Séria, film iconique de sa carrière... Il tourne trois fois chez Claude Berri (Le pistonné, Sex-shop, Un moment d'égarement). Et fait la rencontre de Bertrand Blier (Calmos, 1976).

En revoyant certaines scènes, la palette de ses rôles (et des métiers qu'il a incarné), on se rend compte qu'il était immense, capable de jouer le misérable comme l'aristocrate, le Français sympathique avec un béret ou celui plus rigide dans son uniforme. Il pouvait être dépressif ou humaniste, hypocrite ou déjanté, jouant pour jouer et donnant ses lettres de noblesses au jeu plutôt qu'au je.

Marielle a eu des flops, mais avec son double rôle dans Coup de torchon de Bertrand Tavernier, les succès de Signes extérieurs de richesse de Jacques Monnet et Hold-up de Alexandre Arcady, sa sensibilité dans Quelques jours avec moi de Claude Sautet, son charisme en nanti déprimé dans Tenue de soirée de Bertrand Blier, il survole les années 1980 sans trop de maux.

Il apprécie les films de groupes: ainsi, il retrouve en 1990 Claude Berri pour Uranus, s'amuse dans Les Grands Ducs de Patrice Leconte, s'intègre dans Une pour toutes de Claude Lelouch et se joue lui-même dans Les Acteurs de Bertrand Blier. Avec ce dernier, il touche au cœur dans Un, deux, trois, soleil. Il fait aussi un pas de côté avec Max et Jérémie de Claire Devers. Noiret, Rochefort sont toujours autour. Il croise aussi Depardieu, Auteuil, Cassel. Il passe de Parillaud à Paradis, de Bonnaire à Sagnier, d'une génération à l'autre.

Mais son grand film restera à jamais Tous les matins du monde d'Alain Corneau, où il interprète un compositeur mutique du XVIIe siècle, Monsieur de Sainte-Colombe, connu pour son austérité et sa sévérité. Le film attire plus de 2 millions de spectateurs en France et la BOF de Jordi Savall est un phénomène cette année là.

Depuis 4 ans, Jean-Pierre Marielle ne tourne plus. Les années 2000 n'auront pourtant pas été moins éclectiques. La Petite Lili de Claude Miller, Demain on déménage de Chantal Akerman, Les Âmes grises d'Yves Angelo, Da Vinci Code de Ron Howard (soit son plus gros succès au box office mondial), qui ouvre Cannes en 2006, Faut que ça danse ! de Noémie Lvovsky, Micmacs à tire-larigot de Jean-Pierre Jeunet et les voix d'Auguste Gusteau dans Ratatouille en VF et celle du vilain dans Phantom Boy en 2015, dernier générique où il est crédité.

On l'a aussi vu dans le deuxième épisode de Capitaine Marleau et surtout au théâtre, son lieu qu'il n'a jamais abandonné. Il y a joué Molière, Ionesco, Ustinov, Giraudoux, Feydeau, Pirandello, Pinter, Stoppard, Anouilh, Tchekhov, Claudel, Guitry et y a lu la correspondance de Groucho Marx des Marx Brothers. Amoureux de jazz et de poésie, il avait toujours une musique en tête, un air ou des mots.

Sacré carrière. Pourtant, dans son livre, Le grand n'importe quoi (2010), il disait "vouloir vivre entre deux mondes, et de préférence plutôt du côté de la rêverie, ce qui est assez contradictoire avec toute velléité de carrière, c'est-à-dire de travail. " Ce qu'il cherchait c'était la rencontre. Même s'il nuançait. "Je prends beaucoup de plaisir à la conversation et n'aime rien tant qu'on me foute la paix : je suis un misanthrope mondain, un solitaire bavard" écrivait-il. Comme Marielle aimait le dire, "La communication silencieuse est un idéal." Alors silence.

Fin de Garde à vue pour Jean Vautrin (1933-2015)

Posté par vincy, le 16 juin 2015

L'écrivain et scénariste Jean Vautrin, de son vrai nom Jean Herman, est mort à l'âge de 82 ans. Prix Goncourt en 1989 pour Un grand pas vers le bon Dieu, l'écrivain avait commencé sa carrière au cinéma, issu de l'IDHEC. Il fut assistant réalisateur de Roberto Rossellini (India, Terre mère, 1958), de Jacques Rivette (Paris nous appartient, 1961), de Vincent Minnelli (Les Quatre cavaliers de l'Apocalypse, 1962) et de Ken Annakin (Le jour le plus long, 1962). Il était passé réalisateur dès 1958 avec le court métrage Voyage en Boscavie. Son court La Quille avait reçu le prix du Jury au Festival de Venise en 1961. Il réalise son premier long métrage achevé en 1967 (Le dimanche de la vie), avant d'enchaîner avec Adieu l'ami, Jeff, et L'oeuf en 1972.

Dès lors, il se consacra au scénario pour Claude Pinoteau (Le grand escogriffe), George Lautner et Belmondo (Flic ou voyou, Le guignolo), Gérard Pirès (L'entourloupe), Jacques  Deray et Belmondo (Le marginal), Gilles Béhat (Rue Barbare, Urgence, Charlie Dingo), Yves Boisset (Canicule, d'après son propre livre, Bleu comme l'enfer). Mais son oeuvre maîtresse reste Garde à vue de Claude Miller, en 1981, qui lui valu un César du meilleur scénario (partagé avec le cinéaste et Michel Audiard) et un prux du jury pour le scénario au Festival des films du monde de Montréal). Il était passé en moins de dix ans des comédies presque absurdes et fantaisistes aux polars les plus noirs.

Son roman Billy-Ze-Kick avait également été adapté par Gérard Mordillat. Côté adaptation, ses romans ont aussi connu une autre vie en bande dessinée avec Jean Teulé (Bloody Mary) et surtout Le cri du peuple, par Jacques Tardi.

Dans un entretien récent, Jean Vautrin expliquait qu'il avait "fait ce que l’on appelle la pirouette à l’envers : d’habitude on commence à écrire et on a envie d’aller à l’image". Lui, ça a été le contraire: "je savais d’avance que je serais un artiste composite, multicarte. J’ai passé 15 ans au service du cinéma, cinéma dans lequel je n’étais pas parfaitement heureux ,d’ailleurs, parce que je n’ai jamais été doué pour aller discuter des budgets et on m’avait embarqué dans une direction qui était celle des super vedettes et ce n’était pas mon truc."

Claude Miller, Ettore Scola, Maïwenn, Jamel Debbouze, Céline Sciamma, Joann Sfar primés par la SACD

Posté par vincy, le 20 juin 2012

Comme chaque année, le Conseil d’administration de la SACD fête tous les auteurs et décerne ses prix dans plusieurs disciplines, dont le cinéma. Les 24 prix de la SACD ont été remis aux 31 lauréats lors de la soirée du 18 juin par les 28 membres du Conseil d’administration présidé par Sophie Deschamps

Décédé en avril, Claude Miller reçoit un Grand prix pour l'ensemble de son oeuvre. Les femmes sont les grandes gagnantes de ce palmarès.

Palmarès des Prix SACD 2012

GRAND PRIX : ex-aequo: Claude Miller et Bartabas

PRIX EUROPÉEN : Ettore Scola

PRIX CINÉMA : Maïwenn (Polisse)
PRIX NOUVEAU TALENT CINÉMA : Céline Sciamma (Tomboy)

PRIX SUZANNE BIANCHETTI qui récompense une jeune comédienne de théâtre débutant une carrière cinématographique prometteuse: Marie Kremer (Louise Wimmer)

PRIX ANIMATION : Joann Sfar (Le chat du rabbin)
PRIX NOUVEAU TALENT ANIMATION : Émilie Mercier (Bisclarvet)

PRIX HUMOUR/ONE MAN SHOW: Jamel Debbouze

Cannes 2012 : Cannes Classics, éclectique

Posté par vincy, le 26 avril 2012

Révélation de la sélection Cannes Classics, la sélection "patrimoniale" du festival de Cannes. 13 longs métrages, 2 courts métrages, un mini-concert et  4 documentaires, tous en avant-première mondiale.

Et c'est aussi varié que réjouissant.

Comme nous vous l'avions annoncé sur notre page Facebook, l'événement sera bien entendu la présentation en copie restaurée et reconstruite (avec 25 minutes de scènes additionnelles) d'Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone. Le film épique a été remasterisé par La Film Foundation, présidée par Martin Scorsese. Robert De Niro, Elizabeth McGovern et Jennifer Connelly acompagneront la projection.

Pathé présentera la version restaurée de Tess, le film césarisé de Roman Polanski. Le cinéaste a lui-même supervisé le travail et, avec son actrice principale Nastassja Kinski, sera de la projection.

Pour les 100 ans d'Universal Pictures et les 40 ans de cinéma de Steven Spielberg, Cannes Classics diffusera Les dents de la mer dans une copie neuve.

Autre centenaire, celui du cinéaste japonais Keisuke Kinoshita, né en 1912 (et mort en 1998). La sélection a retenu La ballade de Narayama, dont le remake de 1983 avait obtenu la Palme d'or. Cette première version, l'adaptation du roman de Shichirô Fukazawa, avait été en lice pour le Lion d'or 1958. Le film sera distribué en France par MK2.

Autre anniversaire, le grandiose Lawrence d'Arabie de David Lean, qui célèbre ses 50 ans et sera projeté avec une nouvelle restauration en format 4K.

Le Festival de Cannes fêtera aussi le trentième anniversaire de la Cinémathèque de la Danse (Paris) avec trois films : A Great Day un Harlem de Jean Bach (1994) et deux courts métrages, An All Colored Vaudeville Show et Jammin The Blues.

Dans le cadre du projet "Rescue the Hitchcock 9", initié par les Archives nationales du British Film Institute, visant à sauver les 9 films muets du Maître du suspens, Cannes proposera Le masque de cuir (The Ring, 1927), triangle amoureux entre un jeune boxeur, son épouse et un champion de boxe, avec un ciné-concert joué par le musicien Stephen Horne.

Cannes prolonge aussi sa collaboration avec la cinémathèque de Bologne et l'Insititut Luce Cinecittà qui ont lancé le projet Rossellini afin de faire revivre les oeuvres du grand réalisateur néo-réaliste. Cette année, la Croisette accueillera Voyage en Italie, avec Ingrid Bergman.

La World Cinema Foundation présentera After the Curfew, film indonésien de 1954 d'Usmar Ismail et Kalpana, film indien de 1948 d'Uday Shankar.

Côté cinéma russe, le Festival profitera de la présence d'Andrei Konchalovsky pour projeter la copie neuve de son film d'action Runaway Train. Ce film de 1985, avec Jon Voight, Eric Roberts et Rebecca De Mornay avait reçu trois nominations aux Oscars et il avait été sélectionné en compétition à Cannes en 1986.

Les Archives françaises du film du CNC présenteront une restauration de Cléo de 5 à 7, le film culte d'Agnès Varda, qui sera là pour l'occasion.

Dans le cadre d'un hommage rendu par le Festival à Georges Lautner, une projection des Barbouzes, dont les dialogues ont été écrits par Michel Audiard. Cette comédie de 1964 met en vedette Lino Ventura, Francis Blanche, Bernard Blier et Mireille Darc.

Les quatre documentaires choisis mettront en lumière quatre réalisateurs : Woody Allen (Woody Allen : A Documentary, Robert Weide), Jerry Lewis (Method to the Madness of Jerry Lewis, Gregg Barson), John Boorman (Me and Me Dad, Katrine Boorman) et Claude Miller (Claude M le cinéma, Emmanuel Barnault). L’hommage à Claude Miller se poursuivra en clôture du Festival avec la présentation de son dernier film en Sélection officielle, Thérèse Desqueyroux.

Cannes 2012 : Le dernier film de Claude Miller en clôture

Posté par vincy, le 18 avril 2012

On savait que Thérèse Desqueyroux serait présenté hors-compétition à Cannes (voir notre article). Le dernier film de Claude Miller, récemment disparu, aura les honneurs de clore le Festival, le 27 mai prochain.

Dans un communiqué, le festival rappelle qu'en "adaptant Thérèse Desqueyroux, le roman de François Mauriac, Claude Miller aura signé son ultime film". "En lui dédiant sa soirée de clôture, le Festival de Cannes, accompagné de sa famille, de ses amis, de ses producteurs, de ses distributeurs, est heureux de saluer la mémoire de Claude Miller", écrivent ses organisateurs. Ainsi le Festival honorera "une oeuvre immense à laquelle Cannes et tous les admirateurs du cinéaste seront heureux de rendre hommage."

Claude Miller expliquait : "ce qui me passionne dans la démarche cinématographique, c'est de m'attacher au plus près au jeu des apparences, gestes, regards, comportements et d'essayer de faire deviner l'intérieur des êtres, leur jardin secret, alors qu'on ne voit d'eux que l'extérieur."

Audrey Tautou et Gilles Lellouche, acteurs principaux du film, monteront les marches. Tautou avait fait l'ouverture du Festival avec Da Vinci Code en 2006. Il seront accompagnés des proches du cinéaste : sa famille, ses amis, ses producteurs et ses distributeurs.

Selon Le Figaro, le dernier film de Claude Miller sera sélectionné à Cannes

Posté par vincy, le 5 avril 2012

Claude Miller à Cannes, de manière posthume? "Selon nos informations, son dernier film, Thérèse Desqueyroux, figurera dans la sélection officielle du festival de Cannes, en mai 2012" annonce dans son blog, Sébastien Le Fol (Le Figaro).

Le film est prêt, il a été vu par quelques personnes. Nous l'avions même intégré dans la liste des prétendants français que nous avons publiée il y a dix jours.

Après La classe de neige (1998, prix du jury) et La petite Lili (2003), ce serait le troisième film de Claude Miller, disparu hier soir (voir notre actualité), à être sélectionné.

Annoncé à Cannes en 2010 (voir notre actualité), le film, avec Audrey Tautou, Gilles Lellouche, Anaïs Demoustier, Stanley Weber et Jérôme Thilbault, est l'adaptation du roman de François Mauriac (publié en 1927 et traduit en 28 langues). Une version cinématographique du livre avait déjà été réalisée par Georges Franju, en 1962, avec Emmanuelle Riva, Philippe Noiret, Edith Scob et Samy Frey.

Il s'agit de la descente aux enfers d’une bourgeoise de province mariée à un homme froid et rigide. Donnant la parole à son héroïne, l'histoire retrace une à une les étapes qui vont pousser Thérèse à essayer de tuer son mari en l’empoisonnant à l’arsenic.

Claude Miller (1942-2012) : la meilleure façon de partir…

Posté par vincy, le 5 avril 2012

Claude Miller, réalisateur, scénariste et producteur, est décédé mercredi 4 avril au soir à l'âge de 70 ans. 7 fois nommé au César du meilleur réalisateur (sans jamais l'obtenir), trois fois dans la catégorie du meilleur scénariste (avec le prix pour Garde à vue), et quatre fois cité dans la catégorie du meilleur film (La meilleure façon de marcher, Garde à vue, L'effrontée, Un secret), Miller était parfois méprisé par une partie des critiques et de la profession qui voyait en lui un cinéaste populaire et non pas un auteur héritier de la Nouvelle Vague. Une ironie si l'on connaît son parcours : il a débuté avec Marcel Carné avant d'être l'assistant réalisateur de Michel Deville (Martin Soldat), Jean-Luc Godard (Week-end), Jacques Demy (Les demoiselles de Rochefort) et surtout le directeur de production de François Truffaut (La Sirène du Mississipi, L'enfant sauvage, Domicile conjugal, Les deux anglaises et le continent, La nuit américaine, L'histoire d'Adèle H.).

Deux fois sélectionné à Cannes (avec le prix du jury pour La classe de neige en 1998), prix de la Critique internationale à Berlin (La chambre des magiciennes), grand prix des Amériques à Montréal (Un secret) et enfin prix Louis Delluc en 1985 (L'effrontée), Miller a pourtant l'un des plus beaux palmarès de sa génération.

Charlotte for ever

De La meilleure façon de marcher, son premier film en 1976 à Thérèse Desqueyroux, avec Audrey Tautou, tout juste achevé (le film pourrait être à Cannes et sortira le 21 novembre), il aura tourné 17 films, dont quelques grands succès en salles comme Garde à vue, L'effrontée, La petite voleuse, L'Accompagnatrice ou Un secret. Certains de ses films ont également été de cuisants échecs, souffrant de sorties trop discrètes. Surtout, Miller, depuis La classe de neige, avait des difficultés à trouver des financements pour ses films. L'impossibilité de concrétiser son grand projet, Nana, l'a contraint à trouver des sujets plus modestes. Cela a d'ailleurs coïncidé avec sa découverte des caméras numériques, lui ouvrant de nouvelles perspectives et finalement une nouvelle façon de filmer, plus libre, plus rapide.

Le cinéma de Claude Miller était un cinéma d'émotions. Les visages des acteurs importaient plus que le décor. Les plus grands comédiens, qui lui furent très fidèles - certains ont tourné plusieurs films avec lui - sont passés devant sa caméra: Michel Serrault, Romy Schneider, Lino Ventura, Patrick Dewaere, Isabelle Adjani, Miou-Miou, Gérard Depardieu, Marina Hands, Sandrine Kiberlain, Jean-Claude Brialy, Nicole Garcia, Bernard Giraudeau, Jean-Pierre Marielle, Richard Bohringer. Il fut aussi un grand directeur de jeunes acteurs en herbe : Charlotte Gainsbourg lui doit son premier César, Romane Bohringer l'un de ses meilleurs films et on devrait aussi citer Ludivine Sagnier, Vincent Rottiers, ...

Les âmes grises

Il aimait les histoires ambigües, troubles, où la carapace morale se faisait taillader par des vérités blessantes ou la cruauté de l'humanité. L'ambivalence des comportements, des situations est ainsi admirablement incarné à l'image par Michel Serrault dans Garde à Vue (coupable ou pas d'un crime affreux) et Mortelle randonnée (à la fois flic et ange gardien de sa cible). Il plongeait dans l'intime, révélant les zones d'ombres, souvent dans des films où la lumière, artificielle ou naturelle, était omniprésente. Ces petites histoires ultra-sensibles composaient au final une oeuvre sur la lâcheté et la complicité, dans un ensemble empreint de tristesse. Le sombre l'attirait. Les zones obscures le tourmentaient. Miller faisait un cinéma anti-mélo, où la complexité prévalait sur les bons sentiments. L'adolescence et l'enfance l'intéressaient sans doute pour cela : coupable ou non, personne n'est innocent à ses yeux.

Fils d'un employé du Grand Rex, à Paris, né de parents juifs en pleine guerre, major de l'Idhec (ex-Fémis), Claude Miller a aussi été un cinéaste impliqué dans sa profession, en président la Fémis ou les salles Europa Cinémas.

Nous l'avions rencontré deux fois (mai 1998 et janvier 1999). La mélancolie - certains évoquaient même une dépression chronique - qu'il dégageait était atténuée par une douceur non feinte. Il aimait le dialogue avec les autres tout en étant abattu par la dureté de l'époque.

La meilleure façon de partir pour un cinéaste est celle de nous laisser un dernier film, posthume, pour nous consoler de sa disparition.

Le cinéaste Emmanuel Carrère reçoit le prix Renaudot pour son roman Limonov

Posté par vincy, le 2 novembre 2011

Emmanuel Carrère avait déjà été récompensé du prix Femina il y a 16 ans pour La classe de neige. Le romancier vient d'être couronné aujourd'hui par le prix Renaudot aujourd'hui pour son dernier livre, Limonov (P.O.L.).

Ce n'est pas la première fois qu'un cinéaste ou un écrivain devenu réalisateur reçoit ce prestigieux prix littéraire : l'an dernier Virginie Despentes, ou encore Philippe Claudel en 2003, Frédéric Beigbeder (président du jury du Renaudot par ailleurs) il y a deux ans... C'est une tendance.

Emmanuel Carrère, 54 ans, écrit depuis 27 ans. Deux de ses romans ont connu une très belle carrière au cinéma : La classe de neige de Claude Miller, prix du jury à Cannes en 1998 et L'Adversaire, somptueuse oeuvre de Nicole Garcia en compétition à Cannes en 2002. Carrère a été membre du jury au Festival de Cannes en 2010, sous la présidence de Tim Burton.

En 2003, cet ancien critique de cinéma (Positif, Télérama), passe à la réalisation avec un documentaire, Retour à Kotelnitch, récit très personnel de la Russie qu'il a connu enfant. En 2005, il adapte son propre roman, La moustache, avec Vincent Lindon et Emmanuelle Devos. Le film est présenté à la Quinzaine des réalisateurs et emporte le Label Europa Cinémas.

Un autre de ses romans, D'autres vies que la mienne, a été librement adapté par Philippe Lioret sous le titre Toutes nos envies, avec Vincent Lindon et Marie Gillain. Lioret (Welcome) a décidé d'inventer de nouveaux personnages, ainsi qu'une nouvelle histoire, tout en conservant l'univers sombre du livre très autobiographique. Il sort en salles le 9 novembre prochain.

Cannes 2010 : Audrey Tautou sera la Thérèse D. de Claude Miller

Posté par vincy, le 17 mai 2010

Audrey Tautou, pour quelques jours encore sur les planches parisiennes avec Maison de Poupée, sera à l'affiche du prochain film de Claude Miller (une première pour elle), Thérèse B. L'adaptation de ce roman de François Mauriac suit une femme à l'esprit libre, mais malheureuse en mariage, qui lutte contre la pression sociale et l'ennui de sa vie en banlieue, dans les années 20.

Cette production au budget moyen (un peu moins de 10 millions d'euros) commencera l'année prochaine.

D'ici là, on verra Tautou dans Soins complets, un film de Pierre Salvadori où elle retrouve sa partenaire de Vénus Beauté (Institut), Nathamie Baye).

La région Île-de-France veut investir dans le relief

Posté par vincy, le 17 mars 2010

Le cinéma (et la télévision) représente déjà le principal effort budgétaire culturel de la région Île-de-France, la plus riche du pays. Dotée d'un fond de soutien, crée en 2001, elle a aidé 241 films et 155 oeuvres audiovisuelles pour un total de 98 millions d'euros. L'impact économique d'un tournage est à ce prix.  La dernière commission a permis de sélectionné 6 nouveaux longs métrages, parmi lesquels les prochains Claude Miller et Lou Ye, et six oeuvres télévisuelles, dont un documentaire sur Roberto Saviano (Gomorra), soit près de 3 millions d'euros d'apports.

En 2006, la région a créé quatre nouvelles aides à la post-production (numérique et argentique), facilitant ainsi leur montage ou leur distribution. Cela a concerné 36 longs métrages et 35 courts métrages. En souhaitant créer un fonds pour la 3D Relief, la collectivité fait un pas supplémentaire vers la mutation numérique, tout en "protégeant" un secteur fragile financièrement : les prestataires techniques et d'effets spéciaux. Ce fonds de soutien à la création numérique serait doté d'un budget de 5 millions d'euros et concernerait aussi bien les longs métrages que les jeux vidéos.

Seul échec à noter : sa politique dans les festivals. La région a été incapable d'installer son propre événement. Le festival du film de Paris, un temps rescapé par le conseil régional, a disparu. Le Festival International du Film d'environnement manque toujours de visibilité. Les aides sont plus performantes quand il s'agit de soutenir des manifestations d'initiative locale ou départementale (Rencontres cinématographiques de Seine-Saint-Denis). Clairement, la création de Paris Cinéma par Bertrand Delanoë et Christophe Girard a relégué la Région à un simple figurant financier.