Cinespana 2010 : palmarès et retour sur la compétition

Posté par MpM, le 11 octobre 2010

Le jury professionnel présidé par Georges Corraface et réunissant Myriam Mézières, Dominique Besnehard, Luis Rego,  Jean-Claude Petit et  Serge Regourd a logiquement récompensé le meilleur film présenté en compétition cette année au Festival de cinéma espagnol de Toulouse : La mujer sin piano de Javier Rebollo (notre photo). Un film doux-amer suivant l'errance nocturne d'une mère de famille soudain décidée à changer de vie. De la gare où elle rencontre un jeune polonais paumé à la chambre d'hôtel où l'étrange duo finit par se réfugier, c'est une succession de mini-aventures absurdes et burlesques filmées avec rigueur et élégance par la caméra tantôt statique, tantôt virtuose de Javier Rebollo.

Autre choix logique avec les deux prix d'interprétation. Le premier distingue Guillermo Toledo dans un rôle de loser au bout du rouleau, embarqué dans une soirée où toute la vacuité de son existence éclate au grand jour. Le deuxième est collectif, décerné à tout le casting féminin de La vida empieza hoy de Laura Maña (dont Mariana Cordero que nous avons rencontrée et Pilar Bardem, sur notre photo), où un petit groupe de seniors reprend plaisir à la vie et à l'amour grâce à des cours de sexologie. Le film a d'ailleurs obtenu le prix du public.

Mal dia para pescar d'Alvaro Brechner est lui doublement cité avec un prix du scénario récompensant l'adaptation à la fois mélancolique et cocasse que le jeune réalisateur a fait d'une nouvelle de l'écrivain uruguayen Carlos Onetti, présentant les aventures grotesques et touchantes d'un impresario affabulateur et de son "champion" ainsi que le prix de la meilleure musique originale.

Enfin, c'est Lo más importante de la vida es no haber muerto de Olivier Pictet, Marc Recuenco et Pablo Martin Torrado qui reçoit le prix de la meilleur photographie avec son intrigue mystérieuse autour d'un accordeur de piano souffrant d'insomnie, tandis que le jury étudiant couronne El idioma imposible, une œuvre maniérée et confuse sur les bas-fonds de Barcelone, sauvée par l'excellent Nadrés Gertrudis.

Le jury est ainsi parvenu à distinguer ce que chacun des films présentés avait de plus intéressant, ne faisant au final pas d'oubli majeur puisque seuls Habitacion en Roma de Julio Medem (un coup de foudre passionnel entre deux jeunes femmes qui viennent de se rencontrer, digne de figurer dans les éditions "Harlequin") et Bon appétit de David Pinillos (un film gentillet et sans prétention sur un jeune cuistot qui se cherche) repartent bredouilles.

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Palmarès complet

Violette d'Or du Meilleur Film
La mujer sin piano de Javier Rebollo

Meilleur Acteur
Guillermo Toledo (After de Alberto Rodriguez)

Meilleure Actrice
Pilar Bardem, Maria Barranco, Sonsoles Benedicto, Mariana Cordero, Rosa Maria Sarda (La vida empieza hoy de Laura Maña)

Meilleur Scénario
Alvaro Brechner (Mal dia para pescar de Alvaro Brechner)

Meilleure Musique Originale
Mikel Salas (Mal dia para pescar de Alvaro Brechner)

Meilleure Photographie
Pietro Zuercher (Lo más importante de la vida es no haber muerto de Olivier Pictet, Marc Recuenco et Pablo Martin Torrado)

Meilleur Premier Film (décerné par le Jury Etudiant)
El idioma imposible de Rodrigo Rodero

Meilleur Court Métrage
Estocolmo de Juan Francisco Viruega

Prix Raíces du Meilleur Documentaire
Malta radio de Manuel Menchon

Mention spéciale remise par le jury Raíces
Familystrip de Lluis Miñarro

Prix du Public
La vida empieza hoy de Laura Maña

Cinespana 2010 : 3 questions à Mariana Cordero

Posté par MpM, le 6 octobre 2010

Mariana CorderoPrésenté en compétition, La vida empieza hoy de Laura Mana suit un groupe de "seniors", hommes et femmes, qui suivent des cours de sexologie et de sensualité. Certains renaissent à la passion amoureuse tandis que d'autres découvrent le plaisir pour la première fois.

L'actrice espagnole Mariana Cordero interprète une épouse qui, après avoir longtemps négligé son mari, décide de reprendre les choses en mains. Après une petite visite dans un sexshop, elle se métamorphose en maîtresse SM...

Ecran Noir : Comment avez-vous réagi en découvrant le rôle que Laura Mana vous proposait ?
Mariana Cordero : J'ai été étonnée car c'est un sujet dont personne ne parle jamais. A partir d'un certain âge, les gens pensent que les caresses ou les bisous n'ont plus d'importance, et souvent, les retraités deviennent invisibles. Les enfants n'aiment pas voir de gestes tendres entre leurs parents et la plupart du temps, après un certain âge, les couples cessent d'en avoir en public. Cela m'a donc beaucoup attiré d'interpréter ce personnage. D'ailleurs, lors des rencontres avec le public, les spectateurs étaient surpris car c'est une manière différente de montrer les parents ou grands parents. Le film porte un nouveau regard sur leur vie.

EN : Avez-vous hésité, notamment à cause des scènes SM ?
MC : J'ai eu très peur ! C'est un rôle très difficile, à cause de ces scènes engagées. Mais la réalisatrice Laura Mana est très délicate et nous avons beaucoup travaillé pour arriver à ce résultat. Elle a su me donner confiance et mettre tout le monde à l'aise. Le scénario était très écrit, mais Laura était ouverte aux propositions. Sur le tournage, il y avait une bonne ambiance, une vraie chaleur humaine. Aucun acteur a refusé de faire ce qui lui était demandé.

EN : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la genèse du film ?
MC : La réalisatrice avait entendu dire qu'il existait des cours de sensualité à Barcelone, dans un centre civique. Dans ces cours, il était dit que l'on a besoin de la sensualité de la naissance à la mort. Mais deux enfants de participants ont protesté et les cours ont été arrêtés. Alors l'animatrice est partie à Valence pour organiser des cours similaires. La réalisatrice a assisté à plusieurs séances et a beaucoup retranscrit ce qui se disait dans ces cours et s'en est inspiré pour le film. D'ailleurs, le scénario a été écrit à l'aide de la psychologue-sexologue qui anime ces ateliers.

Cinespana 2010 : Trois questions à Alvaro Brechner

Posté par MpM, le 4 octobre 2010

alvaro-brechnerPrésenté en compétition, Mal dia para pescar est le premier long métrage du réalisateur uruguayen, Alvaro Brechner, aujourd'hui Madrilène. Le film, qui raconte les mésaventures d'un champion de lutte et de son impresario tentant d'organiser un ultime combat dans un petit village d'Uruguay, a également été sélectionné à la Semaine de la Critique en 2009, et devrait sortir sur nos écrans début 2011.

Ecran Noir : Comment est né le film ?

Alvaro Brechner : Il s'agit du mélange d'une histoire courte de l'écrivain uruguayen Juan Carlos Onetti [Jacob et l'autre] que j'avais envie d'adapter au cinéma et de mon intention de faire une version complétement différente, plus proche du monde du western en Amérique latine. Un western bien sûr sans chevaux ni pistolets.  Et avec à l'esprit l'idée de raconter cette histoire de deux Européens un peu apatrides qui voyagent en Amérique latine. Mais ce n'est pas un vrai western, car les westerns racontent l'histoire d'une certaine époque, en Amérique du Nord,  alors que là, l'histoire se déroule au XXe siècle et en Uruguay. Je voulais raconter l' atmosphère du western, comme de la nostalgie pour un temps passé. Pour moi, le western est un genre qui parle tout le temps de la mort. De la mort d'une manière plus symbolique.  Je trouve que c'est l'histoire de deux personnages qui sont à la fin d'un rêve, et c'est très crépusculaire.

EN :  Dans le film, vous jouez sur les contrastes...

AB : J'ai voulu mélanger les genres. Je voulais faire un western un peu atypique avec des choses du film noir, et mélanger le drame, la tragédie et la comédie. Car pour moi ce sont deux personnages dans l'esprit de Don Quichotte qui essaient de recréer leur réalité. Mais bien sûr cette réalité est très différente de celle que nous, en tant que spectateurs, on voit. Ils sont en train de lutter pour une illusion. C'est le contraste entre leur propre point de vue sur leur vie et les situations ridicules qu'ils vivent.

EN : Et finalement, de votre point de vue, de quel côté penche la balance ?

AB : Ce n'est pas qu'ils sont ridicules, c'est que je perçois la vie elle-même comme ridicule. Bien sûr, j'ai beaucoup d'empathie pour mes deux personnages. Mais pour moi, le côté le plus merveilleux de la vie, c'est qu'on peut voir tout ce qui se passe comme un drame ou une comédie. C'est une question de point de vue ! Selon d'où on regarde, la vie est à la fois merveilleuse et ridicule.

Cinespana 2010 : coup de projecteur sur le cinéma espagnol contemporain

Posté par MpM, le 2 octobre 2010

Patrick Bernabé est l'un des programmateurs du festival Cinespana. Chaque année, il suit avec attention la production cinématographique ibérique et en tire la substantifique moelle afin de donner aux festivaliers un aperçu représentatif de sa richesse et de sa diversité.  S'il y a un bien un homme capable de nous donner les grandes tendances du festival et plus globalement du cinéma espagnol actuel, c'est lui !

Ecran Noir : Comment avez-vous bâti la sélection de Cinespana cette année ?

Patrick Bernabé : Plus que jamais, nous avons souhaité montrer les différents aspects du cinéma espagnol, ce qui est passé par une programmation plus structurée. Il faut préciser qu'il y a eu moins de films produits en Espagne cette année, à cause de la crise économique. Le choix était donc plus restreint, et il y a par exemple moins de longs métrages dans la section Panorama que les autres années.

EN : Par contre, il y a plusieurs sections thématiques...

PB : Oui, par exemple "de la résistance à la Transition" est un reflet de la société espagnole récente, entre la censure de la dictature et l'apparition de la liberté avec la Transition. La section "Mémoire" explore la mémoire et les difficultés à l'exprimer, en montrant comment aujourd'hui on perçoit l'époque de la guerre civile.  Nous avons aussi voulu donner une carte blanche au producteur indépendant Lluis Minarro qui a produit une vingtaine de films souvent difficiles dans le forme. C'était important pour nous de présenter son travail, d'autant qu'il est le coproducteur d'Oncle Boonme, la dernière Palme d'or. Enfin, "la dernière séance" rappelle que le cinéma fantastique espagnol est l'un des plus innovants au monde. Nous rendons notamment un hommage à Paul Naschy qui est l'un des initiateurs du genre en Espagne.

EN : Vous avez une bonne image d'ensemble des films sortis en Espagne ces derniers mois... Quelles tendances avez-vous notées ?

PB : Les problèmes sociaux sont toujours très présents, notamment la drogue. Par contre, cette année, il n'y avait pas de film de prison contrairement à l'an dernier. Le cinéma est toujours le reflet d'une société, mais c'est particulièrement vrai pour le cinéma espagnol ! Par ailleurs, nous avons vu peu de comédies, et moins de films historiques, à part bien sûr dans le domaine documentaire.

EN : Sur quels films attirez-vous particulièrement l'attention du public, toutes sections confondues ?

PB : Il y en a plein car le niveau était très bon cette année ! Mal dia para pescar de Alvaro Brechner est un film formidable. Personnellement, j'aime aussi beaucoup Habitacion en Roma. Dans la section Panorama, il y a notamment Elisa K qui vient de recevoir un prix à San Sebastian. Dans les documentaires, il y a Mi Vida con Carlos sur l'histoire récente du Chili. C'est l'histoire d'un fils qui part à la recherche de son père assassiné en 1973. Garbo, el espia sur la vie d'un espion pendant la deuxième guerre mondiale. Le film est entrecoupé d'images tirées de films d'espionnage, c'est très bien fait. Et puis bien sûr il y a Fake orgasm qui est un film incroyable, qui fait vraiment se remettre en questions le spectateur. Dans la section "Mémoire", Los caminos de la memoria fait écho à la loi sur la Mémoire historique et essaye de comprendre ce qu'il s'est réellement passé pendant les années Franco. Enfin, Senora de apporte le témoignage de femmes qui racontent leur vie sous le franquisme et l'oppression sexiste qu'elles ont subie à l'époque.

EN : Aujourd'hui, on a l'impression de voir plus de films espagnols dans les salles...

PB : C'est vrai, le cinéma espagnol s'exporte mieux : en 2009, 20 films espagnols ont été distribué) en France. Il rencontre une vraie reconnaissance internationale. En France, je pense qu'on y est un peu pour quelque chose. Nous avons réussi à le faire reconnaître, à le sortir des clichés dans lequel il était enfermé. En tout cas, c'était notre ambition.

Cinespana 2010 : c’est parti pour une 15e édition !

Posté par MpM, le 2 octobre 2010

La 15e édition de Cinespana s'est ouverte vendredi soir dans une ambiance festive. Pendant dix jours, Toulouse va vivre au rythme du cinéma espagnol, avec pas moins de 143 films présentés.

Le jury (notre photo) composé de Myriam Mézières, Georges Corraface,  Dominique Besnehard, Luis Rego,  Jean-Claude Petit et  Serge Regourd devra lui départager les huit films de la compétition longs métrages.