Coronavirus: les salles de cinéma en mode intimiste, les fermetures, reports et annulations s’enchaînent

Posté par redaction, le 13 mars 2020

Les Festivals s'annulent les uns après les autres, notamment Cinéma du réel qui commençait aujourd'hui, mais aussi Cinélatino à Toulouse et le Festival national du film d'animation. Les sorties de films sont décalées à l'été ou l'automne (derniers en date: The Room, Sans un bruit 2, Divorce club, Le jardin secret, Effacer l'historique, Ondine, Adolescentes, Mulan, Petit pays, Police et Fast and Furious 9). Le coronavirus bouscule aussi les tournages, suspendus. Et on attendra fin avril pour savoir si le Festival de Cannes aura bien lieu (e tout cas physiquement, puisque virtuellement c'est toujours possible).

Coronavirus: SERIES MANIA annulé

Mais avec les nouvelles annonces gouvernementales d'aujourd'hui - le premier ministre Édouard Philippe a annoncé l'interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes -,  ce sont désormais les cinémas qui sont menacés.

Cela veut dire que toute salle de plus 100 fauteuils sera fermée ou qu'il faudra limiter les séances à un nombre restreint de spectateurs pour les plus grandes salles. En Italie, en Belgique et en Suisse, toutes les salles sont fermées.

Ce sera du cas par cas. Kinépolis, qui a fermé ses salles belges, a d'ores et déjà annoncé que la totalité des cinémas Kinepolis français restent ouverts au public, en limitant la fréquentation de chaque salle. Les salles aux capacités inférieures à 110 places voient leur fréquentation limitée à 30 spectateurs par séance, soit presque un tiers de taux remplissage. Les autres salles sont ainsi limitées à 95 spectateurs maximum par séance.

Les festivals et les films atteints par le coronavirus

Le Forum des Images à Paris ferme jusqu'à nouvel ordre. La Cinémathèque française suspend ses activités.

Si la fréquentation va naturellement chuter, paradoxalement, cette mesure pourrait ne pas trop toucher les cinémas art et essai et les cinémas de quartier ou de proximités. Les 1179 cinémas art et essais ont souvent de petites salles (en moyenne les cinémas art et essai en France offre 172 sièges au total). Et 56% des cinémas en France n'ont qu'un écran. Ce sont les multiplexes qui sont principalement atteints par cette mesure.

Les vrais gagnants seront sans doute les plateforme de SVàD et de VàD, comme Netflix ou La Cinetek. En attendant, c'est le moment d'être curieux et de découvrir les films qui sont à l'affiche et ceux qui maintiennent leur sortie dans les trois, quatre prochaines semaines.

Contagion et virus: 15 films à voir en cas de confinement

Jean-Claude Brisseau (1944-2019) part sans bruit ni fureur

Posté par vincy, le 11 mai 2019

Le cinéaste Jean-Claude Brisseau est décédé samedi à Paris à l'âge de 74 ans, a appris l'AFP par son entourage.

Le réalisateur et scénariste est décédé dans un hôpital des suites d'une longue maladie. Sa filmographie est marquée par trois films: De bruit et de fureur (1988), prix spécial de la jeunesse au Festival de Cannes et prix Perspectives du cinéma français, Noces Blanches (1989) qui révéla l'actrice Vanessa Paradis (qui empocha un césar l'année suivante) et La Fille de nulle part (2012), Léopard d'or au festival de Locarno.

Sa filmographie s'étend sur 40 ans, depuis son premier long en 1976, La croisée des chemins, qui pose une partie des bases d'un cinéma sulfureux où il scrute une jeune fille rebelle partagée entre le désir et la mort. Avec Un jeu brutal, il croise le chemin de Bruno Cremer, qu'il enrôle pour être un biologiste meurtrier. Crémer sera le truand de De bruit et de fureur, l'un des premiers films sur la banlieue, où la dureté et la violence quotidienne croise le rêve naturaliste d'un adolescent dans un environnement de solitude et d'exclusion. Une série de déflagrations qui achève le film dans une tragédie désespérée.

Noce blanche est une confrontation presque sage entre un Cremer prédateur et une Paradis pas vraiment innocente en jeune fille ex-prostituée et toxico, amoureuse de son professeur de philosophie. Derrière son émancipation, et leur histoire d'amour, il y a le vertige des deux à plonger dans un monde inconnu. Dans une interview accordée aujourd'hui au journal Le Monde, Vanessa Paradis évoque un réalisateur très grand, très autoritaire, avec une voix grave.

Il était réputé difficile. Pas vraiment le genre à attirer la sympathie. Mais ce révolté passionné et avide de liberté, avec le soutien des Films du Losange, a pu bâtir une œuvre singulière dans le cinéma français et relativement hétérogène. Avec Céline, portrait d'une jeune femme paumée versant dans le surnaturel, L'ange noir, seul grand rôle de cinéma pour Sylvie Vartan, accompagnée de Michel Piccoli, Tchéky Karyo et Philippe Torreton, dans une sordide manipulation criminelle, ou encore Les savates du bon Dieu, film romantique autour d'une quête amoureuse, à travers une errance et des braquage.

C'est loin d'être parfait. Mais il y a l'influence des grands cinéastes américains - dont John Ford qu'il admirait - qui planent à chaque fois. A partir des années 2000, la difficulté de trouver des vedettes de premier rang ou des noms connus ont compliqué le montage de ses films. Il poursuit sa voie sur le portrait de jeunes femmes marginales, dans des milieux précaires, avec la séduction, la cruauté et la mort qui s'entremêlent: Choses secrètes, A l'aventure, ou son dernier film Que le Diable nous emporte, son ultime film (2018), vaudeville plus mature où la violence masculine et la méditation sont autant d'obstacles ou de leviers vers le bonheur compliqué par le jeu des sentiments.

Jusqu'à cette mise en abyme ratée dans Les anges exterminateurs, inspiré de son propre livre et présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, où il confie ses méthodes particulières de travail, sa manière de sélectionner ses actrices et finalement, comment il s'est retrouvé condamné en justice pour harcèlement et agression sexuelle sur des actrices à qui il avait fait passer des auditions.

Il avait été condamné par le tribunal correctionnel de Paris en 2005 pour harcèlement sexuel à un an de prison avec sursis et à 15 000 euros d'amende pour harcèlement sexuel sur deux actrices lors d'auditions pour son film Choses secrètes. En décembre 2006, il est condamné en appel pour agression sexuelle sur une troisième actrice.

Suite à cela, le mouvement #metoo, qui jugeait toute célébration de son œuvre insupportable, avait contraint la Cinémathèque, qui avait essayé de défendre l'artiste en oubliant que l'homme avait été condamné, à annuler fin 2017 la rétrospective qu'elle devait lui consacrer.

Pas étonnant que son film le plus sincère, sacré à Locarno, La fille de nulle part, soit aussi son film miroir. Il y joue le rôle masculin principal, Michel un professeur de mathématique veuf et à la retraite qui vit cloîtré dans son appartement parisien. Sa vie monacale est bouleversée par l'arrivée d'une jeune femme agressée. Se noue une complicité et une entraide, troublée une fois de plus par d'étranges manifestations paranormales. Tout son cinéma est condensé là: la détresse des femmes, la violence de la société, l'amour comme seul rempart, loin des jugements et de la morale.

"C’est précisément l’esprit archaïque du cinéma des origines que convoque le réalisateur dans son propre appartement, où il a tourné avec un caméscope et une poussette (pour les travellings). Impression unique de voir un hybride entre le prosaïsme délicat et articulé d’Éric Rohmer (tendance Lumière) et les noires féeries de John Carpenter (tendance Méliès). Le dispositif paraît évidemment rudimentaire, voire bredouillant, mais cela en fait le charme gracile et discret" pouvait-on lire dans L'Humanité.

Sans doute filmait-il son propre fantôme, lui si mystique. Sans doute son cinéma a-t-il été mal compris à cause de ses agissements et de ses méthodes qui déforment les jugements. Car si on y regarde bien, il sublimait souvent ses actrices, et dénonçait tout aussi souvent la brutalité masculine. Homme d'une autre époque, cela n'excuse pas tout. Il vitupérait le féminisme castrateur d'hommes hétérosexuels et le climat de censure de l'époque. Mais il regrettait surtout de ne plus pouvoir tourner avec les vedettes qui l'intéressaient. Il s'inquiétait de ne plus pouvoir filmer. Il était déphasé.

Dans une de ces dernières interview, à Paris-Match, il expliquait: "Je suis trop émotif (...)  Je vous avoue que l’opinion que les gens de cinéma peuvent avoir de moi me laisse indifférent. Là où je suis triste, c’est pour mes anciens élèves. Avant, quand je les rencontrais dans la rue, ils étaient fiers. Maintenant, j’ai l’image colportée d’un “super-violeur”. Mais quand j’ai eu un procès, je ne me suis pas défendu. J’ai eu tort". Ajoutant: "J’ai vécu des réactions de vengeance… Alors que la jouissance de la femme m’a toujours intéressé au cinéma et que je ne fais que creuser les mêmes thèmes."

Jean-Claude Brisseau, inexcusable, restera entaché par cette affaire (alors que d'autres bien plus vénérés s'en sont sortir indemnes). Mais le cinéaste, lui, aura produit quelques beaux films qui sondaient le mystère des femmes, le plus inexplicable à ses yeux.

Une belle année pour la Cinemathèque française

Posté par vincy, le 21 janvier 2019

La Cinémathèque française a réalisé une belle année en 2018. Avec 256000 entrées dans ses 4 salles, elle bat même le record de 2011. Avec un taux de remplissage de 45% (trois fois plus que la moyenne des salles françaises, l'institution démontre que l'éclectisme de sa programmation et la prolifération de séances-événements s'avèrent payantes.

Au  total, ce sont 400000 visiteurs qui sont entré dans le bâtiment près de Bercy. C'est le meilleur résultat depuis 2013 selon le communiqué. 40000 ont visité le Musée du cinéma et 17000 ont fréquenté la bibliothèque.

Côté expos, "Il était une fois Sergio Leone" a séduit 50000 curieux.

Lumière 2018 – Jane Fonda reçoit le 10e Prix Lumière

Posté par Morgane, le 20 octobre 2018

Vendredi 19 octobre, la cérémonie de remise du Prix Lumière a, comme de coutume, eu lieu à l'amphithéâtre de la Cité Internationale de Lyon. Entrent en salle, Jean-Loup Dabadie, Biyouna, Rachid Bouchareb, Tahar Rahim, Rossy de Palma, Lambert Wilson, Vincent Perez, Anne Le Ny, Valeria Bruni Tedeschi, Claudia Cardinale, Marina Foïs... et... la francophile et francophone Jane Fonda!

Soirée aux intonations françaises

Autant pour Tarantino en 2013 la soirée était très américaine avec Uma Thurman, Harvey Keitel, Tim Roth, autant cette année, ceux qui entourent Jane Fonda sont frenchy, tout comme les textes et les chansons qui ont rythmé cette soirée, pour le plus grand plaisir de la militante, qui n'a de cesse de dire à quel point elle aime la France. "C'est ma deuxième maison!"

Vincent Delerm s'installe au piano faisant une reprise bien à lui de Mon manège à moi d'Edith Piaf et faisant reprendre le lalalalala en choeur à toute la salle. Puis c'est à Dominique Blanc d'entrer en scène lisant un extrait du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir.:"Entre les deux sexes il n'y a pas encore d'égalité." Le texte date de 1949 et est encore, malheureusement, très actuel.

Les images reprennent le dessus et un extrait du documentaire Women make film de Mark Cousins est projeté, avec les voix de Tilda Swinton et Jane Fonda. Anaïs Demoustier, Suzanne Clément et Anne Consigny donnent leurs voix à des extraits de Ma vie, l'autobiographie de Jane Fonda: "Il faut aussi prendre des risques pour devenir réelle."

Puis Edith Piaf cède sa place à Jacques Brel et sa Quête chantée par Nolwen Leroy.

Enfin, c'est monsieur Constantin Costa-Gavras qui prend le micro pour remettre le Prix Lumière à Jane Fonda. Il l'a connue lorsqu'il était 1er assistant réalisateur de René Clément sur le tournage des Félins en 1964. Il rappelle son talent d'actrice, l'admiration pour son engagement... Et c'est à Jane Fonda de venir sur scène, sautillante, sourire aux lèvres, pleine de rires, dans une tenue qui semble cousue sur son corps! On sent qu'elle est heureuse d'être ici. Elle entonne alors "Ah voilà la quille" que lui a appris Roger Vadim "entre autres choses" nous dit-elle l'œil amusé. Puis elle continue avec la chanson "La rue des Blancs-Manteaux" comme si une fois lancée on ne pouvait plus l'arrêter.

Rien de guindé, tout en naturel, Jane Fonda a vraiment donné du sourire, des rires et de belles anecdotes cinéphiles à cette 10e Edition! Une Jane Fonda lumineuse, des films sublimes, des masterclass intéressantes et un soleil brillant, tout était au rendez-vous pour que cette édition soit réussie!

Mais comme chaque année, 10 jours passent trop vite et le clap de fin a déjà été donné... alors rendez-vous l'année prochaine!

La Cinémathèque française à Paris organise une rétrospective de la filmographie de Jane Fonda du 22 octobre au 5 novembre. L'actrice fera notamment une masterclass le 22 octobre.


Sergio Leone en tête d’affiche à la Cinémathèque, en librairie et au Festival Lumière

Posté par vincy, le 11 octobre 2018

"Il était une fois Sergio Leone" est la nouvelle exposition de la Cinémathèque française, débutée mardi et qui fermera ses portes le 27 janvier.  L'occasion de découvrir un maître du cinéma italien, longtemps réduit au "western spaghetti", écrasé par la musique de son ami d'enfance Ennio Morricone, méprisé par une grande partie de la critique.

La grande expo de la rentrée à la Cinémathèque s’offre à « bon conte » ce monstre du cinéma Sergio Leone. Enfant de la balle – au temps du muet, sa mère était comédienne, son père, après voir été acteur, fut cinéaste et même chef du syndicat des réalisateurs – le petit Sergio est tombé dans le cinéma quand il était petit. Et il est resté longtemps le fils de Vincenzo Leone. « Au fond de moi, il y a un enfant, il y aura toujours un enfant » avait-il confié lors de sa Master class en 1986 à la Cinémathèque.

De ses origines à son projet inachevé, Leningrad, en passant par ses influences et ses méthodes de travail, le parcours réhabilite fondamentalement celui qui a inspiré Scorsese ou Tarantino. Ce brouilleur de pistes méritait bien qu'on le suive à la trace.

La Cinémathèque propose plusieurs événements pour compléter cette exposition. D'abord une visite guidée tous les samedis et dimanches à 15h30. Mais l'événement sera bien entendu la Masterclasse d'Ennio Morricone le 22 novembre à 20h, avec une rétrospective des films mis en musique par le compositeur du 22 au 26 novembre.

A cela s'ajouteront des conférences : "Il était une fois en Italie, les westerns de Sergio Leone" par Christopher Frayling le 14 octobre à 14h30, et "Sergio Leone: à la recherche du temps rêvé" par Jean-François Rauger le 18 octobre à 19h.

Il y aura aussi un documentaire sur Arte, Sergio Leone, une Amérique de légende, réalisé par Jean-François Giré et diffusé le 9 décembre (et à la Cinémathèque le 20 octobre), ainsi qu'un mois dédié à Ennio Morricone sur France Musique chaque samedi de novembre à 13h.

Sans oublier le catalogue, sous la forme d'un essai compilant entretiens (Scorsese, Cardinale, Bertolucci, Wallach...), analyses, texte de la masterclasse du réalisateur à la Cinémathèque en 1986, documents et images divers. Le livre, La révolution Sergio Leone, de Gian Luca Farinelli et Christopher Frayling, vient de paraître aux éditions de la Table ronde. Frayling a aussi écrit une biographie, Sergio Leone: quelque chose à voir avec la mort que l'Institut Lumière publie avec Actes Sud fin octobre.

Le Festival Lumière, par ailleurs, projettera la semaine prochaine une nuit Sergio Leone avec Il était une fois dans l'Ouest, Il était une fois... la révolution et Le Bon, la brute et le truand.

Mais l'intégrale de Leone sera à la Cinémathèque, avec une séance bonus: Claudia Cardinale présentera Il était une fois dans l'Ouest le 10 novembre à 20h15. Toous les films, qu'il en soit le réalisateur, le réalisateur non crédité, le réalisateur de la seconde équipe, ou le producteur, seront projetés.

Rebond de la fréquentation en 2017 pour la Cinémathèque française

Posté par vincy, le 3 février 2018

expo goscinny © vincy thomas380 000 entrées en 2017. La Cinémathèque enregistre une belle hausse de sa fréquentation (+8%). Les moins de 26 ans représentent désormais 22% du public grâce à une politique orientée vers le jeune public.

Tout va mieux du côté du parce de Bercy. Les salles sont mieux remplies (44% contre 40% en 2016) avec des taux de remplissages parfois étonnants (la rétrospective Tarkovski a fait quasiment salles pleines avec 95%, devant les rétros Visconti et Vigo, 75% chacune).

Les expositions et le musée du cinéma ont séduit 120000 personnes, loin des records passés comme l'expo Tim Burton (plus de 350000 visiteurs). L'expo Goscinny et le cinéma, toujours en cours jusqu'au 4 mars et qui ira à Angoulême à partir de juin, a attiré 42000 visiteurs durant le dernier trimestre. Les expositions produites par la Cinémathèque ont rayonné dans le monde avec 30000 visiteurs de Turin à Lausanne, en passant par l'Espagne.

Quant au site internet de la Cinémathèque, il enregistre également une hausse de fréquentation de 12,5%, avec 1,5 million de visiteurs.

Enfin, le Festival international du film restauré, Toute la mémoire du monde, a connu un joli succès avec 73% de taux de remplissage. Cette année, la 6e édition aura lieu du 7 au 11 mars, avec Wim Wenders en parrain de la manifestation et Stefania Sandrelli en invitée d'honneur.

L'année 2018 accueillera aussi une exposition Chris Marker à compter du 2 mai (puis à Bruxelles à partir du 19 septembre), des rétrospectives Tod Browning, Rainer Wener Fassbinder, Robert Bresson et William Wyler, un cycle spécial dédié à la première sélection de la Quinzaine des Réalisateurs (celle de 1969)

6 événements de la rentrée à ne pas rater: Goscinny, Astérix et le cinéma

Posté par vincy, le 16 août 2017

Exposition Goscinny et le cinéma
4 octobre 2017 - 4 mars 2018
Cinémathèque française (Paris)

On devine déjà que cette expo pluridisciplinaire sera un carto(o)n. Pour les 40 ans de la disparition du plus génial des scénaristes de BD français, la Cinémathèque a décidé de relier 9e art et 7e art. Et en bonus, le 19 octobre, un nouvel Astérix (Astérix et la Transitalique) va inonder les librairies du monde entier (5 millions d'exemplaires prévus pour le premier tirage international).

"Je crois qu’il faut écrire pour la bande-dessinée comme il faut écrire pour le cinéma" expliquait René Goscinny. Pas étonnant qu'Astérix, Lucky Luke, Le Petit Nicolas aient connu d'immenses succès dans les salles, une fois adapté. Pas surprenant non plus que le cinéma soit souvent invité sous forme de clins d'œil ou de références explicites dans les cases de ses BD. Avec tout Lucky Luke John Ford n'est jamais loin et avec Astérix et Obélix on a une version bien gauloise de Laurel et Hardy, etc...

Outre l'expo très attendue, la Cinémathèque proposera un cycle de films: Lucky Luke et le Western, Cléopâtre vue par le cinéma, Le Viager, seul scénario écrit pour le cinéma par l'auteur, les adaptations de ses BD pour le jeune public... Des ateliers, des conférences (dont un dialogue avec Alain Chabat) et même une exposition au Musée d'art et d'histoire du judaïsme"René Goscinny - Au-delà du rire", qui débutera le 27 septembre et portera sur un regard plus "politique" de son œuvre.

Enfin, le catalogue comprendra des essais sur l'art de la parodie des genres les plus populaires (burlesque, péplum, western) et des focus sous forme de fiches pour les films les plus importants, des entretiens inédits avec Albert Uderzo, Alain Chabat et Patrice Leconte, un texte sur l'histoire des Studio Idefix et un éclairage sur la fabrication d'un dessin animé. En bonus, le livre réunit pour la première fois les BD scénarisées par Goscinny et dessinées par ses amis du magazine Pilote sur le thème du cinéma, soit Jean Giraud, Alexis, North et Mulatier.

Cannes 70 : petits et grands scandales sur la Croisette

Posté par cannes70, le 16 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-32 Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Avec une infinie générosité, la Cinémathèque Française, a décidé de participer à notre hommage au Festival de Cannes en organisant, du 26 avril au 28 mai, une rétrospective de 26 films présentés sur la Croisette liés à des scandales et controverses. Nous remercions l'aimable direction de son soutien à notre dossier.

Dans le texte de présentation du cycle dans le programme officiel, Thierry Frémaux, délégué général du festival de Cannes, présente les divers types de scandales qui ont émaillé l'histoire de la manifestation, essentiellement d'ordre esthétique, politique ou moral, sans oublier les rejets violents de certains palmarès rejetés et/ou sifflés.

Certains des plus nobles scandales de Cannes sont avant tout d'ordre esthétique. Renouvelant considérablement l'art délicat de la narration, La Dolce vità de Fellini et L'Avventura d'Antonioni (ah, ces italiens, quel talent !) ont, en 1960, surpris les amateurs d'un cinéma aux codes plus classiques que l'on retrouvait cette année là : Celui par qui le scandale arrive de Vincente Minnelli, Jamais le dimanche de Jules Dassin ou Le Trou de Jacques Becker qui sont pourtant des moments de cinéma bien nobles. La Source de Ingmar Bergman et Moderato Cantabile de Peter Brook ont pu dérouter également mais ont moins choqué une certaine foule - que l'on qualifiera de peu éclairée - que leurs confrères italiens.

Monica Vitti et Antonioni ont même reçu quelques tomates lors de la remise du prix du Jury, attribué pour sa «remarquable contribution à la recherche d'un nouveau langage cinématographique». Après la projection pour le moins chaotique, comme l'explique la comédienne dans la vidéo ci-dessous, le film est heureusement soutenu par de nombreux artistes et journalistes choqués par des réactions disproportionnées et bien peu réfléchies. La Dolce Vita reçoit la Palme d'or. Le scandale n'a pas étouffé l'art, heureusement, grâce au jury présidé par Georges Simenon.

Les vrais gros scandales

La postérité retient un petit nombre de scandales en réalité. En 1955, Nuit et brouillard d'Alain Resnais est retiré de la compétition, sur ordre du pouvoir, alors qu'il s'agit d'une commande du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale pour commémorer le dixième anniversaire de la libération des camps de concentration. La raison de cette censure ? Un gendarme apparaît furtivement sur une photo en ouverture au camp de rassemblement des futurs déportés de Pithiviers. Une présence que Resnais n'avait même pas remarqué, au passage...


Jean Cayrol, co-auteur du film et rescapé des camps, victime lui-même du décret Nuit et Brouillard (Nacht und Nebel, en allemand) qui ordonne la déportation des ennemis du Reich, dénonce cette intervention des pouvoirs publics au journal Le Monde (cité dans En haut des marches, le cinéma d'Isabelle Danel) : «la France refuse ainsi d'être la France de la vérité, car la plus grande tuerie de tous les temps, elle ne l'accepte que dans la clandestinité de la mémoire, elle arrache brusquement de l'histoire les pages qui ne lui plaisent plus ; elle retire la parole aux témoins ; elle se fait complice de l'horreur, car notre dénonciation ne portait pas seulement sur le système concentrationnaire nazi mais sur le système concentrationnaire en général, qui fait tache d'huile et tache de sang sur toute la terre encore sinistrée par la guerre». Le gendarme est caché et le film est bien programmé, mais hors-compétition. L'objet du délit sera réintégré au montage en 1997. Une œuvre historique qui saisit en quelques minutes une horreur indicible, alors quasiment secrète. Avec ce film, le silence se tait définitivement.

La Grande bouffe de Marco Ferreri est rejeté pour l'outrance de son propos, ce suicide collectif organisé par quatre amis pour rejeter l'inanité de leurs vies et qui ont prévu de bouffer jusqu'à s'en faire éclater la panse. Mais le rejet ne serait-il pas plus sournois, lié à la mise en valeur du corps voluptueux d'Andréa Ferréol, filmé avec amour et désir, loin des canons de beauté plus lisses ? Une image, à force d'avoir été diffusée très régulièrement depuis près de 45 ans a marqué ce rejet hystérique : une dame bien apprêtée hurle face caméra sa réaction à la vision de ces gloutons mortifères : «C'est un scandale, un scandale, ça gagne du pognon, ça...».

La haine aujourd'hui ne passe plus par de telles éructations face caméra ou par des crachats tels qu'en ont reçu le réalisateur et son acteur Marcelo Mastroianni. Ces dérives n'existent plus (heureusement). Désormais les rejets exagérés passent certes toujours par quelques piques bien senties dans des journaux de presse écrite mais aussi désormais dans des messages plus crus sur Twitter en 140 signes et des poussières. Le relatif anonymat des réseaux sociaux pourrait faire naître quelques scandales dans les prochaines années, le rejet caractérisé de certains films pouvant achever certains d'entre eux en quelques minutes, Sea of trees de Gus Van Sant (absent de cet hommage) en a fait les frais en 2015.

Dans une image devenue historique, Maurice Pialat lève un point conquérant (et ne fait pas un bras d'honneur contrairement aux apparences) lorsqu'il reçoit la Palme d'or pour Sous le soleil de Satan sous quelques quolibets. Premier français à recevoir la Palme depuis Claude Lelouch en 1966 et dernier avant Laurent Cantet pour Entre les murs en 2008, il a notamment battu Nikita Mikhalkov pour Les Yeux Noirs. Les sifflets qui lui étaient destinés viendraient-ils de la communauté russe ?

Underground d'Emir Kusturica a poussé cet idiot d'Alain Finkielkraut, le lendemain de l'annonce de sa Palme d'or, à publier une tribune assassine (L'imposture Kusturica) dans Le Monde, alors qu'il n'avait pas vu le film, suivi par une autre réaction hostile de Bernard Henri-Levy dans Le Point qui lui non plus ne l'avait pas vu ! Ces messieurs ont, il est vrai, tendance à ne pas rater les occasions de ne pas se taire. Alors oui, ça fait parler, ça fait du papier, mais est-ce bien utile de s'illustrer ainsi ?

Heurté, le cinéaste a rétorqué ainsi, toujours dans Le Monde, quelques mois plus tard, au moment de la sortie en salles : «J'ai d'abord ressenti une grande tristesse puis une assez grande colère, et finalement une sorte d'incertitude. J'aurais voulu répondre immédiatement ; mais pour quoi dire ? Non que mon imagination eût été prise en défaut, mais je ne trouvais pas de mots pour répliquer à l'auteur de l'article, qui, à l'évidence, n'avait pas vu mon film. Finalement, j'en suis venu à la conclusion que nous étions effectivement une ” imposture ”, moi et les films que je fais. C'est un sentiment qui devient prédominant au moment du tournage, lorsque le doute m'envahit. Je crois d'ailleurs que tous mes films sont nés du doute, car dans le cas contraire je serais probablement aujourd'hui en Amérique, en train de fabriquer des films pour le box-office. Mais la croyance qu'il existe toujours une différence entre les films et les hamburgers me pousse à continuer de vivre ici, en Normandie. Je ne comprends toujours pas que Le Monde ait publié le texte d'un individu qui n'avait pas vu mon film, sans que personne ait cru bon de le signaler».

En 1978, Gilles Jacob invite en compétition L'Homme de marbre d'Andrzej Wajda, sorti discrètement de Pologne et invité à la dernière minute pour déjouer la censure. Trois ans plus tard, sa «suite» L'Homme de fer, bénéficie du même traitement de "film surprise" et remporte la Palme d'or, offrant une visibilité inattendue au mouvement Solidarnosc de Lech Walesa. En 1961, Viridiana de Luis Buñuel est jugé «sacrilège et blasphématoire» par le Vatican et le directeur général de la Cinématographie est renvoyé. Le film reçoit la Palme mais perd sa nationalité espagnole, qu'il récupère en 1983.

Les petits scandalinous de rien du tout

Le cycle réunit d'autres films à la croisée des reproches. À L'Argent de Robert Bresson, celui de la présence dans la distribution de Valérie Lang, la fille de Jack Lang, alors ministre de la culture ; à Fahrenheit 9/11 – qui n'est pas considéré comme le film le plus pertinent et indémodable de Michael Moore – le fait de partager avec Quentin Tarantino, président du jury qui lui a remis la Palme d'or, les mêmes producteurs (les frères Weinstein) ; à Funny Games de Michael Haneke, sa violence extrême ; à Khroustaliov, ma voiture ! d'Alexeï Guerman, son style déroutant ; à La Peau de Liliana Cavani sa crudité dans la description de la libération en Italie et au Goût de la cerise d'Abbas Kiarostami sa représentation du suicide, interdit en Iran.

La présence de certains films dans cette rétro étonne. Le choix de Wim Wenders de primer Sexe, mensonges et vidéo de Steven Soderbergh a certes surpris à plusieurs titres : il s'agit d'un premier film (le seul à recevoir une Palme d'or), l'acteur principal (James Spader) est lui aussi primé (ce qui valide l'enthousiasme du jury) et d'autres étaient plus attendus : Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore, Do the Right Thing de Spike Lee, Monsieur Hire de Patrice Leconte, Mystery Train de Jim Jarmusch, Pluie noire de Shohei Imamura, Sweetie de Jane Campion ou Trop belle pour toi de Bertrand Blier. Certains seront primés, d'autres non, mais la victoire de Soderbergh, plus jeune palmé de l'histoire, juste devant Claude Lelouch, n'est pas embarrassante, loin de là. Et n'a pas franchement suscité de controverse.

Inclure La Frontière de l'aube de Philippe Garrel, simplement car il fut défendu ardemment par un critique qui traita de «trous du cul» ses détracteurs, étonne. Le film a certes déconcerté certains festivaliers ou leur a simplement déplu mais scandale ? Controverse ? Mmm… Pas vraiment... Hors-la-loi de Rachid Bouchareb énerve quelques élus de droite et d'extrême droite mais laisse les spectateurs plus indifférents que scandalisés. Lire le reste de cet article »

Locarno consacrera sa Rétrospective à Jacques Tourneur

Posté par vincy, le 19 janvier 2017

La Rétrospective du 70e Festival de Locarno (2-12 août 2017) sera consacrée au réalisateur français Jacques Tourneur (1904 – 1977). Cet hommage "s’intéressera à un réalisateur qui n’est encore pas reconnu à la hauteur de son talent" explique le communiqué du festival. "Tourneur a souvent tourné des films de série « B », des films qui nous semblent aujourd’hui plus incisifs, plus visionnaires et plus actuels que leurs aînés. Car le réalisateur a toujours su mêler dans son travail l’imaginaire puissant des récits de genre et une poésie visuelle unique, héritée sans doute de sa double identité, européenne et américaine."

La Rétrospective se déroulera dans le cinéma historique de Locarno, entièrement restauré et rebaptisé le GranRex, qui dévoilera son nouvel aménagement à l’occasion de la 70e édition du Festival. La Rétrospective, conçue par Roberto Turigliatto et Rinaldo Censi, en collaboration avec la Cinémathèque suisse et la Cinémathèque française, sera accompagnée par un ouvrage publié en anglais et en français aux éditions Capricci.

Fils du réalisateur Maurice Tourneur, l'un des pionniers du cinéma français, Jacques Tourneur est né à Paris en 1904.Après ses premiers films, Maurice quitte la France à la veille de la Première Guerre mondiale pour les États-Unis, où il devient un cinéaste confirmé, dont les films sont appréciés du public. La famille rentre en France en 1928, et Jacques fait ses premiers pas derrière la caméra en 1931 avec Tout ça ne vaut pas l'amour. Il tourne trois autres longs métrages puis décide de repartir pour les États-Unis. Sa rencontre avec le producteur Val Lewton à la RKO va donner vie à l’une des collaborations les plus fructueuses de l’histoire du cinéma: ensemble, ils travaillent sur des films fascinants et sombres, considérés aujourd’hui comme des pierres angulaires du cinéma: La Féline (1942), L’Homme – Léopard (1943) ou encore Vaudou (1943).

Des films policiers (Nick Carter, Master Detective) au western (Le passage du canyon, L’or et l’amour), des films de cape et d’épée (La flibustière des Antilles, La flèche et le flambeau), à ceux de guerre et d’espionnage (Berlin Express, Jours de gloire), en passant par le mélodrame (Angoisse, La vie facile), le film d’aventure (Les révoltés de la Claire-Louise, La Cité sous la mer) et le film noir (Nightfall, La griffe du passé), il a a touché à tous les genres.

"Considéré comme le maître du cinéma fantastique"

Carlo Chatrian, Directeur artistique du Locarno Festival, rappelle que « Le nom de Tourneur est connu des passionnés du 7e art et certains de ses films figurent même au rang des œuvres inoubliables de la grande saison du cinéma américain de l’après-guerre; il n’en va pas de même pour l’ensemble de son œuvre qui est néanmoins de très grande qualité. Cette Rétrospective, organisée avec les plus importantes et prestigieuses institutions, que je remercie ici, sera l’occasion pour les nouvelles générations de comprendre la force d’une œuvre cinématographique qui privilégie les choix visuels plus que les mots, qui trouve dans les cadrages, les mouvements de caméra, l’utilisation de la lumière, du son et des couleurs des instruments d’expression essentiels. Considéré comme le maître du cinéma fantastique, Tourneur a toujours cherché à aller au-delà du visible, en représentant les sentiments profonds qui jaillissent derrière la superficialité des choses. C’est pourquoi ses films ont résisté au temps et sont une source d’inspiration pour tant de cinéastes. »

Frédéric Bonnaud, Directeur de la Cinémathèque française, précise par ailleurs que la Rétrospective de l’œuvre de Jacques Tourneur sera programmée à la Cinémathèque française à partir du 30 août.

Le cinéma d’animation dans tous ses états à la Cinémathèque

Posté par MpM, le 13 janvier 2017

Pour la 4e année consécutive, la Cinémathèque française proposait lundi 9 janvier "Le cinéma d'animation dans tous ses états", une carte blanche offerte au spécialiste d'animation Francis Gavelle (réalisateur, présentateur de l'émission "Longtemps je me suis couché de bonne heure" sur Radio Libertaire et ancien sélectionneur pour la Semaine de la Critique). L'occasion de découvrir un panorama de la création contemporaine mêlant une dizaine de courts métrages et un long, le très beau Tout en haut du monde de Rémi Chayé, sorti de manière bien trop confidentielle début 2016.

Côté courts, toutes les techniques et tous les styles étaient représentés, permettant de passer (avec bonheur) d'un documentaire sur la sexualité masculine composé de dessins à l'encre (Petite mort d'Antoine Bieber) à un drame familial en volume - marionnettes et stop motion - (Wellington jr de Cécile Paysant), en passant par une évocation aux dessins presque enfantins d'un poème de Guillaume Apollinaire (Le Pont Mirabeau de Marjorie Caup), un documentaire mêlant animation 3D et images documentaires peintes (Lupus de Carlos Gómez Salamanca) ou encore un film anxiogène sur la solitude et la peur en 2D noir et blanc (Colocataires de Delphine Priet-Mahéo).

Une sélection réjouissante et qui présage d'autant mieux de l'avenir de l'animation (notamment française) que plusieurs courts métrages sont des films de fin d'études, ou l'oeuvre de très jeunes réalisateurs. Parmi eux, retour sur cinq films qui ont plus particulièrement retenus notre attention.

*** Colocataires de Delphine Priet-Mahéo ***

Le trait, en noir et blanc, semble fondre décors et personnages dans un flou qui matérialise la vie de son héroïne, coincée dans un quotidien morne et répétitif. Entre son travail de caissière rythmé par le "bip" incessant des articles qui défilent et la solitude de sa maison, où seul son chat l'attend, les jours se suivent, se ressemblent et se confondent. La presse attise cette solitude en générant peur et haine vis-à-vis des "errants" qui hantent la ville. Une rencontre est pourtant possible entre cette femme désabusée et l'homme qui investit sa maison en son absence. Une rencontre ténue, sans réel face à face, mais qui passe par l'appropriation de l'espace, le langage des objets et le partage de nourriture. Car rien n'est simple ou angélique dans ce conte anxiogène sur l'isolement, le repli sur soi et le découragement.

*** Journal animé de Donato Sansone ***

Journal animé est une improvisation artistique sur l'actualité à travers le détournement des pages du quotidien Libération entre le 15 septembre et le 15 novembre 2015. Le réalisateur dessine sur les photos, les anime, les transforme dans une farandole d'abord potache (des moustaches ajoutées à une personnalité publique, un ballon de foot qui rebondit d'une page à l'autre...) puis plus grave (des coups de feu, une mer de cadavres...). Tout va très vite, le crayon virevolte, le temps aussi, il est parfois malaisé de saisir les détails de l'animation ou le sujet de l'article, mais le résultat est indéniablement fort, puissant, comme une rétrospective hypnotique de ce qui constitue notre monde au jour le jour.

*** Love de Reka Bucsi ***

Réjouissante allégorie de l'amour, ses manifestations et ses conséquences, qui se décline dans un univers onirique à la fois charmant et inquiétant. Entre ironie et poésie, humour et recherche esthétique, Love met ainsi en scène des individus littéralement pris au piège du sentiment amoureux, une nature luxuriante dont le cœur s'emballe ou encore des planètes qui ont un petit grain de folie. Une vraie ambition narrative et esthétique anime ce récit foisonnant qui a quelque chose d'un feel good movie un peu cruel. Ambivalent, certes, mais tellement réjouissant.

*** Petite mort d'Antoine Bieber ***

Ce documentaire cru ose la parole masculine sur la sexualité et l'orgasme sans jamais déraper vers le voyeurisme ou l'illustration littérale. Les témoignages, sincères et spontanés, sont aussi captivants que l'animation fluide et délicate (composée de dessins à l'encre) qui recrée avec un certain minimalisme la valse (aérienne) des corps et le ballet (complexe) du désir. Le seul défaut du film est d'être trop court, tant on aurait aimé en voir (et en entendre) plus !

*** Ragoût d'Inès Bernard-Espina ***

Énigmatique film qui mêle habilement une nouvelle de Richard Brautigan, dans laquelle des hommes essayent désespérément d'enterrer un lion (vivant) dans un trou trop petit, et l'histoire tout aussi curieuse d'une femme obligée de manger ce que son visiteur lui a cuisiné. Plusieurs styles cohabitent en fonction des variations du récit : gammes chromatiques et techniques distinctes d'un lieu et d'un moment à un autre, traits larges pour les silhouettes noires massives des hommes qui creusent, trait fin pour le corps gracile et délicat de la jeune femme, etc. On est à la fois dérouté, intrigué et terriblement séduit.