Une version définitive et une sortie calée pour Touch Me Not, Ours d’or à Berlin

Posté par vincy, le 18 mars 2018

touche me notOurs d'or du meilleur film et meilleur premier film à la dernière Berlinale, Touch Me Not d'Adina Pintilie sortira en France le 31 octobre.

Le film roumain ne changera pas de titre mais il bénéficiera d'une nouvelle post-production d'ici l'été. Cette version définitive pourra ensuite être montrée aux exploitants et à la presse. Pour la promotion, le film peut profiter de l'actrice principale, la française Laura Benson.

"A la frontière entre réalité et fiction, Touch me not suit le parcours émotionnel de Laura, Tomas et Christian qui cherchent à apprivoiser leur intimité et leur sexualité. Si cette soif d’intimité (toucher et être touché, au sens propre comme au sens figuré) les attire autant qu’elle les effraie, leur désir de se libérer de vieux schémas est plus fort. Le film s’attache à comprendre comment on peut atteindre l’intimité de manière totalement inattendue et comment aimer l’autre sans se perdre soi-même" explique la présentation du distributeur.

Ce premier film, qui a mis 7 ans à se monter, est une coproduction internationale entre la Roumanie, l'Allemagne, la République tchèque, la Bulgarie et la France (Les Films de L'Etranger).

Les Arcs 2016: trois projets de films récompensés

Posté par vincy, le 12 décembre 2016

Le jury professionnel présidé par Bertrand Bonello au Festival du cinéma européen des Arcs a distingué deux films en "work in progress" parmi les 16 films sélectionnés.

Le très convoité prix Eurimages Lab Project a été remis à The Hidden City de l'espagnol Victor Moreno (The Building, Goya 2012 du meilleur documentaire). Cette coproduction espagnole (El Viaje Films) et française (Pomme Hurlante Films) a reçu 50000€. Il s'agit d' "un projet innovant et non traditionnel en termes de contenu et de production" et la dotation devrait permettre de boucler la post-production.

Le prix Hiventy (10000€ de prestations de post-production par le laboratoire) revient à Good Luck de l’américain Ben Russell, qui fut donc honoré du prix Hiventy. Coproduction entre la France (KinoElektron) et l’Allemagne (CaSk Films), ce documentaire se concentre sur les employés d’une mine souterraine en Serbie et d’une mine d’or illégale au Suriname.

La sélection Work In Progress était aussi composée de All You Can Eat Buddha de Ian Lagarde (Canada), Cemetery de Carlos Casas (Espagne), Dog de Florin Serban (Roumanie) , Dovlatov de Alexey Guerman Jr (Russie), Hier de Balint Kenyeres (Hongrie), I Am Not A Witch de Rungano Nyoni (Royaume Uni), In My Room de Ulrich Köhler (Allemagne), Koko-di Koko-da de Johannes Nyholm (Suède), La part sauvage de Guérin Van Der Vorst (Belgique), My Happy Family de Nana & Simon (Géorgie/Allemagne), Sans Titre de Olmo Omerzu (République tchèque), The Elephant in a Dark Room de Konstantin Bojanov (Bulgarie), The Gulf de Emre Yeksan (Turquie) et The Real Estate de Mans Mansson et Axel Petersén (Suède).

Par ailleurs, la chaîne franco-allemande Arte, partenaire du Festival, a donné le 3e Arte International Prize (4000€) au projet The Father Who Moved Mountains, parmi les 21 projets de la sélection Village des coproductions. Ce drame roumain de Daniel Sandu, qui avait déjà présenté One Step Behind the Seraphims dans la sélection Work-in-Progress l’an dernier. Produit par Mobra Films, la société de Cristian Mungiu, il a déjà réuni les deux tiers de son budget (1,6 M€).

Cette sélection avait dans sa liste L'enfance Martha Jane Cannary de Rémi Chayé, The Last Words de Jonathan Nossiter, Magic City de Eva Ionesco et Sad Liza de Caroline Deruas, qui présentait L'indomptée, son premier film dimanche en compétition.

Black Movie Festival : le cinéma indépendant dans tous ses états à Genève

Posté par MpM, le 18 janvier 2016

Black Movie 2016Le Black Movie Festival de Genève, manifestation entièrement consacrée au cinéma indépendant,  promet pour sa 17e édition "un cocktail des sens, sans dessous", soit une "cuvée 100% cinéma". Ce sont en effet 117 films (très exactement 6315 minutes de projection) qui seront présentés dans la 2e ville de Suisse du 22 au 31 janvier prochain.

Outre les traditionnelles compétitions qui permettront de distinguer 5 films par des jurys professionnels et amateurs, le Black Movie 2016 propose une table ronde autour du cinéma roumain, une rétrospective Sono Sion et une carte blanche au ciné Guimbi (cinéma mythique du Burkina Faso), ainsi que les nouveaux films de Hong Sang-Soo (Right now, wrong then), Serguei Lonitza (The event), Apichatpong Weerasethakul (Vapour), Tsai Ming-Liang (Afternoon), Athena Rachel Tsangari (Chevalier) et plein d'autres.

Les différentes sections (poétiquement nommées "100% adrénaline", "80% hallucinogène" ou "72% aphrodisiaque") mêlent par ailleurs "films survoltés et décoiffant", cinéma "chaud chaud chaud", œuvres "spirituelles" ou encore programmes jeune public, sans oublier une grande première : la projection live de The Garbage Helicopter de Jonas Selberg Augustsén, en simultané avec plus de 40 salles européennes, et en partenariat avec le Festival de Rotterdam où est sélectionné le film.

Un programme riche et éclectique conçu pour répondre aux objectifs des organisateurs : oublier "tous les obstacles" et réfléchir "mieux au monde qui nous entoure, grâce à ce cinéma qui nous paraît de plus en plus beau et surprenant". Chiche ?

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17e Black Movie Festival
Du 22 au 31 janvier 2016
Informations sur le site de la manifestation

Cannes 2015 : Un certain regard se porte sur l’Islande, l’Asie et l’Europe de l’Est

Posté par MpM, le 23 mai 2015


"L'expérience d'avoir visionné dix-neuf films, en provenance de vingt et un pays différents reste en notre mémoire. Nous avons l'impression de prendre un avion et de survoler notre planète et ses habitants... N'importe quel anthropologiste nous envierait." C'est avec ces quelques mots qu'Isabella Rossellini, présidente du jury Un certain regard, a résumé les dix jours qui viennent de s'écouler.

Elle a également tenu à "exprimer personnellement [sa] gratitude envers le festival pour avoir choisi [sa] mère Ingrid Bergman pour l'affiche du 68e Festival de Cannes". "Mamma plane au-dessus de nous tous, réalisateurs et cinéphiles, tel un ange gardien", a-t-elle souligné.

Le jury de la section Un certain regard a récompensé six des dix-neuf longs métrages qui concourraient cette année, privilégiant les films venus d'Asie (trois sur six) et d'Europe de l'Est (2 sur 6). Le prix principal a été accordé à Hrutar de Grimur Hakonarson (Islande) qui met en scène deux frères éleveurs de moutons fâchés depuis quarante ans. Le réalisateur Kiyoshi Kurosawa, habitué du festival de Cannes où il a présenté Jellyfish en compétition en 2003, a également été distingué pour la mise en scène de Vers l'autre rive.

Le palmarès, équilibré, récompense ainsi tous les styles cinématographiques, du film fantastique à la chronique plus intimiste en passant par la fable sociale, et fait la part belle aux jeunes cinéastes en décernant un prix spécial à deux premiers films : Masaan de Neeraj Ghaywan (Inde) et Nahid d'Ida Panahandeh (Iran).

Prix un Certain Regard
Hrutar (Rams) de  Grimur Hakonarson

Prix du jury
Zvizdan (The High Sun) de Dalibor Matanic

Prix de la mise en scène
Kiyoshi Kurosawa pour Kishibe no tabi (Vers l'autre rive)

Prix Un Certain Talent
Comoara (Le trésor) de Corneliu Porumboiu

Prix de l'avenir ex aequo
Masaan (Fly away solo) de Neeraj Ghaywan
Nahid d'Ida Panahandeh

Cannes 2015: Carte postale de Roumanie

Posté par vincy, le 17 mai 2015

cinema bucarestLe cinéma roumain s'est installé à Cannes. Une cinéphilie qui a pris sa carte d'abonnement depuis quelques années. Et Cannes renvoie l'ascenseur en allant tous les ans à Bucarest pour y projeter quelques films de la Sélection officielle. En dix ans, la Roumanie a récolté davantage de prix que durant les soixante années précédents, avec un seul prix majeur (la mise en scène en 1965 pour Liviu Ciulei et La Forêt des pendus): une Palme d'or (4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu), une caméra d'or (12 h 08 à l'est de Bucarest de Corneliu Porumboiu), deux Prix Un certain regard (La Mort de Dante Lazarescu de Cristi Puiu et California Dreamin' de Cristian Nemescu) et deux prix du scénario (dont le récent Au-delà des collines, toujours de Cristian Mungiu), la Roumanie est devenue la meilleure ambassadrice de l'ancienne Europe de l'Est sur la Croisette dans les années 2000.

Bien sûr on est loin de l'âge d'or de ce cinéma, quand les films locaux attiraient plus de 10 millions de spectateurs dans les années 60 et 70. Quand, après une Palme d'or du court métrage pour Ion Popescu-Gopo, le pays décidait de créer un studio d'animation, parmi les mailleurs d'Europe, AnimaFilm. La période "communiste" avait largement encouragé le cinéma national. Aujourd'hui, la Roumanie affiche le taux de fréquentation le plus faible d’Europe (10 millions d'entrées l'an dernier), la part de marché des films roumains ne dépasse pas les 3% et sa production de film reste très faible, avec moins de 20 films par an.

Si avant 1990, la censure empêchait le tournage de nombreux films, aujourd'hui le problème provient davantage de financements trop aléatoires pour ne pas dire inexistants. De plus, avec une libéralisation accélérée du marché, Hollywood a rapidement conquis les salles et le marché vidéo. Les multiplexes ont remplacé les cinémas vétustes, mais les salles art et essai restent rares.

La Nouvelle Vague a au moins balayé le souvenir d'un cinéma qu'on croyait disparu depuis l'ère glorieuses des films de Lucian Pintilie, Mircea Muresan, Mirel Iliesiu, Radu Gabrea, Mircea Daneliuc... Avec ses faibles moyens, le cinéma roumain est entré dans la cour des grands pays cinématographiques, amenant chaque année dans les grands festivals des oeuvres marquantes et souvent récompensées.

Sophie Dulac devrait distribuer l’Ours d’or début 2014

Posté par vincy, le 18 février 2013

Sous quel titre sortira-t-il? Pozitia Copilului en roumain, Child's Pose en anglais, ... La place de l'enfant ou La position de l'enfant en français?  Sophie Dulac distribuera le film de Calin Peter Netzer, qui a reçu l'Ours d'or à Berlin samedi soir. Le drame roumain ne sortira pourtant que début 2014 selon le distributeur.

Le film était l'un des favoris de la critique internationale, si l'on en croit le tableau de Screen International, qui le plaçait derrière le chilien Gloria.

Avec dans le rôle principal Luminita Gheorghiu (Code inconnu, Le temps du loup, La Mort de Dante Lazarescu, 12h08 à l'est de Bucarest, 4 mois 3 semaines 2 jours, Au-delà des collines), et la réputation du réalisateur, sans compter l'intérêt croissant pour le cinéma roumain, le film devrait trouver son public.

Calin Peter Netzer a déjà remporté plusieurs prix pour son premier long métrage Maria (Grand prix à Bratislava, prix spécial du jury à Locarno, prix Europa) et le suivant Médaille d'honneur (prix du public à turin, prix de la critique internationale à Thessalonique, mention spéciale à Miami).

Le film raconte l'histoire d'une mère de famille aisée ultra-possessive qui cherche à protéger et même exempter (avec son argent et ses réseaux) son fils immature, responsable d'un accident de la route mortel.

Un cinéma roumain adoré dans les Festivals, ignoré dans son pays

C'est la première fois qu'un film roumain gagne l'Ours d'or à Berlin. La Berlinale avait cependant récompensé d'un grand prix du jury If I Want to Whistle, I Whistle en 2010. Le cinéma roumain n'a jamais été récompensé par le prix suprême à Venise (Terminus Paradis avait reçu le Grand prix du jury en 1998). En revanche, Cannes avait décerné la prestigieuse Palme d'or à 4 mois 3 semaines 2 jours en 2007.

Cet Ours d'or arrive à point nommé au moment où les réalisateurs roumains souffrent d’un manque sévère de fonds pour monter leurs projets et pour montrer leurs films (la Roumanie compte environ 240 écrans) face à un gouvernement qui cherche à contrôler de plus en plus la production cinématographique.

Le palmarès de Berlin 2013 : le film roumain Child’s Pose remporte l’Ours d’or

Posté par vincy, le 16 février 2013

child's pose ours d'or berlin 2013

Lire aussi : Berlin 2013 : pronostics et favoris ; Une édition dominée par les femmes, le poids de la religion et le spectre de l’enfermement

Child's Pose du roumain a surclassé tous les favoris, y compris Bruno Dumont, ignoré par le jury. A cet Ours d'or, ajoutons les deux prix pour le film de Danis Tanovic, An episode in the Life of an Iron Picker (belle, sensible et réaliste incursion dans une petite communauté rom où la solidarité finit par prédominer) et tout cela confirme que le cinéma d'Europe de l'Est continue de séduire ; sans oublier le Teddy Award remis hier au très beau film polonais In the Name of...!

Child's Pose, "portrait d'une époque et d'un certain milieu social en même temps que celui d'une mère possessive", aborde le conflit de générations et la question de la culpabilité. Ce tableau d'une classe moyenne dominante et arrogante est composé de "scènes étirées, de dialogues brutaux et tout contribue à un sentiment de malaise qui sonne juste" écrivions-nous dans notre bilan.

Un court-métrage Français (La fugue), une grande actrice chilienne, Paulina Garcia, époustouflante Gloria, et un cinéaste québécois, Denis Côté, qui aime les chemins de traverse, au point d'être autant adoré que détesté avec son Vic + Flo ont vu un Ours, sont parmi les primés de ce soir, qui feront oubliés des choix plus discutables dans d'autres catégories.

Jafar Panahi n'hérite ainsi que d'un modeste prix du meilleur scénario pour son film clandestin Closed Curtain. Harmony Lessons du Kazakh Emir Baigazin, magistralement filmé, ne revient qu'avec le prix, mérité, de la meilleure contribution technique. Gold et In the Name of Father... ont été snobé, tout comme les films français, pourtant appréciés par la critique. Ne parlons pas du cinéma américain : on trouve Wong Kar-wai bien indulgent d'avoir décerné une mention spéciale à Gus Van Sant pour son Promised Land.

On reste aussi circonspects avec le prix de la mise en scène pour David Gordon Green, dont Prince avalanche a séduit une partie de la presse, et qui s'avère un remake d'Either way de l'Islandais Hafsteinn Gunnar Sigurðsson, dont le charme décalé avait plus d'intérêt.

Palmarès du jury

Ours d'or : Pozitia Copilului (Child's Pose) de Calin Peter Netzer (Roumanie)

Deux mentions spéciales : Layla Fourie de Pia Marais et Promised Land de Gus Van Sant

Grand prix du jury : An episode in the Life of an Iron Picker de Danis Tanovic (Bosnie Herzégovine)

Prix Alfred Baueur (innovation) : Vic+Flo ont vu un Ours de Denis Côté (Canada)

Meilleur réalisateur : David Gordon Green pour Prince Avalanche (USA)

Meilleure actrice : Paulina Garcia dans Gloria de Sebastian Lelio (Chili)

Meilleur acteur : Nazif Mujic dans An episode in the Life of an Iron Picker de Danis Tanovic (Bosnie Herzégovine)

Meilleure contribution technique : le directeur de la photographie Aziz Zhambakiyev pour Harmony Lessons d'Emir Baigazin (Kazakhstan)

Meilleur scénario : Closed Curtain de Jafar Panahi (Iran)

Ours d'or d'honneur : Claude Lanzmann

Prix du premier film (toutes sélections confondues)

Meilleur premier film : The Rocket de Kim Mordaunt (Australie), sélectionné en Generation Kplus

Mention spéciale : A batalha de Tabatô (The Battle of Tabatô) de João Viana (Guinée Bissau/Portugal)

Court-métrages

Ours d'or  : La Fugue de Jean-Bernard Marlin (France)

Ours d'argent : Die Ruhe bleibt (Remains Quiet) de Stefan Kriekhaus (Allemagne)

Arras 2010 : focus sur le cinéma roumain

Posté par MpM, le 11 novembre 2010

Le festival d'Arras poursuit son auscultation du cinéma européen en proposant un focus sur le nouveau cinéma roumain. Depuis la palme d'or de Quatre mois, trois semaines, deux jours en 2007, c'est presque devenu un lieu commun que de vanter cette cinématographie radicale et intransigeante capable de regarder en face les contradictions de son pays. Mais le fait est que l'intérêt ne se dément pas. Et si les trois films présentés à Arras (Mardi après Noël de Radu Muntean ; Felicia de Razvan Radulescu et Melissa de Raaf ; If I want to whistle, I whistle de Florin Serban) ne donnent pas une vision exhaustive de ce qu'est la production roumaine actuelle, ils en confirment le dynamisme.

Ainsi, on retrouve dans ce mini-focus quelque chose de la radicalité stylistique observée chez Christian Mungiu, Cristi Puiu ou encore Corneliu Porumboiu. Tout d'abord le choix d'une mise en scène épurée, souvent constituée de plans fixes et de séquences longues, qui donne l'impression de vouloir capter le monde d'un regard neutre et extérieur. Le temps est lui aussi primordial, dans la mesure où les trois films installent leur récit par petites touches, scène après scène, sans précipitation ni raccourci. Il faut accepter d'adopter le rythme lent et parcimonieux de ces intrigues dont on ne saisit parfois la finalité que dans les dernières séquences.

Mardi après Noël s'ouvre par exemple sur un long échange entre un homme et une femme nus dans un lit. Mari et femme ? Amants ? Inconnus qui viennent de se rencontrer ? Le dialogue est quotidien, presque trivial, délivrant de rares bribes d'information sur les personnages. Il faudra un moment pour comprendre où ces deux-là vont nous mener... Exactement comme si le réalisateur avait planté sa caméra dans la chambre à coucher d'un couple pris au hasard et laissait tourner sans savoir ce qui allait se passer.

C'est là une autre caractéristique de ces trois films, et qui peut au-delà s'appliquer à plusieurs autres longs métrages roumains découverts ces dernières années : malgré des intrigues souvent ténues (une rupture, une rencontre, une journée en famille), on ne sait jamais ce qui va arriver dans la scène suivante parce que comme dans la réalité, tout est possible. Paradoxalement, malgré leur banalité, les intrigues ne sont en effet pas formatées et chaque situation sonne excessivement juste. Le personnage principal de Mardi après Noël pourrait très bien quitter sa femme, rester avec elle ou encore choisir de poursuivre sa double vie. La fille de Felicia peut se fâcher définitivement avec ses parents ou au contraire se réconcilier avec eux. Ce qui est sûr, c'est que quelle que soit l'issue du film, on reste dans des actes quotidiens d'où tout événement extraordinaire est gommé. Même le jeune homme de If I want to whistle, I whistle, qui semble basculer dans l'irréparable, ne demande au fond qu'à passer une heure dans un café avec une jolie fille.

De cette simplicité des enjeux et des sujets naît une véritable proximité entre le spectateur et les personnages. Il est possible de se projeter dans ce cinéma intimiste parce qu'il aborde les rapports humains et plus spécifiquement familiaux  dans ce qu'ils ont de plus authentiques et de plus primaires (rapport filiaux dans Felicia, conjugaux dans Mardi après Noël). Et même si le contexte de If I want to whistle, I whistle est clairement à part (un centre de détention pour mineurs), ce sont pourtant bien les rapports entre le héros, sa mère et son petit frère qui servent de fil rouge à l'intrigue.

Ce qui frappe enfin, c'est l'universalité de ces histoires qui sont diversement intégrées dans le contexte roumain spécifique. Les protagonistes de Mardi après Noël sont issus d'une classe aisée pour qui l'argent ou les conditions sociales ne sont jamais un problème. Ils pourraient aussi bien vivre à Paris ou à New York. Chez Felicia, on est dans une classe plus modeste. Mais là non plus les personnages ne manquent de rien. Le poids du passé communiste est malgré tout perceptible, même s'il est très peu abordé. Il n'y a finalement guère que le centre de détention de If I want to whistle, I whistle qui semble une "spécificité" roumaine apportant au film une dimension sociale supplémentaire mais à laquelle on ne peut le résumer.

Hasard ou coïncidence, la plupart des autres films d'Europe de l'Est présentés à Arras dans le cadre des "découvertes européennes" diffèrent de ce cinéma roumain tout en retenue, mais partagent avec lui un certain intérêt pour l'intime. Ainsi, les problèmes personnels des personnages sont globalement plus liés à la réalité sociale et politique de leur pays, en l'occurence le radicalisme religieux pour Le choix de Luna de Na Putu et le faux mirage européen et capitaliste dans Slovenian girl de Damjan Kozole et Just between us de Rajko Grlic. La famille y demeure également la pierre angulaire de l'intrigue, même lorsqu'il s'agit de regarder en arrière à l'image de All that I love de Jacek Borcuch qui évoque l'époque de Solidarnosc en Pologne. Toutefois, différence notable, aucun d'entre eux ne parvient à capter la réalité du quotidien comme le font les trois films roumains du focus.

Cannes migre en Roumanie

Posté par vincy, le 19 octobre 2010

L'initiative mérite d'être soulignée. Le Festival de Cannes et le cinéaste Cristian Mungiu, Palme d'or 2007 pour Quatre mois, Trois semaines et Deux jours, ont organisé conjointement à Bucarest, capitale de la Roumanie, une semaine autour du Festival de Cannes 2010 et des longs métrages "historiques" qui ont été sélectionnés sur la Croisette. Nous vous invitons à relire notre chronique lors du Festival 2009 sur le cinéma roumain présent à Cannes, depuis les années 50.

"Les Films de Cannes à Bucarest" a commencé vendredi et se terminera jeudi soir. Au programme Quatre mois, trois semaines et deux jours évidemment mais aussi  le prix Un certain regard 2005, La mort de monsieur Lazarescu (Cristi Puiu), Hiver en flammes (Mircea Muresan), prix de la première oeuvre en 1966, La Forêt des pendus (Liviu Ciulei), prix de la mise en scène en 1965. Les cinéphiles pourront aussi voir Les dimanches de permission, Une larme de jeune fille, Le chêne, Des animaux malades, Un été inoubliable et Télégrammes. Ces films là sont accessibles gratuitement.

Les spectateurs roumains découvriront aussi la Palme d'Or 2010, Oncle Boonmee qui se souvient de ses vies antérieures du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, le Grand prix du jury, Des Hommes et de dieux de Xavier Beauvois, Grand Prix du Jury et le prix de la mise en scène,  Tournée de Mathieu Amalric.

Le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, animera une masterclass mardi tandis que les metteurs en scène Gaspar Noé (France), Sergei Loznitsa (Ukraine) et Kornel Mundruczo (Hongrie)  débattront avec les spectateurs, en plus de la projection de leurs films récemment sélectionnés.

Venise 2009 : un film roumain menacé par la petite fille de Mussolini

Posté par vincy, le 9 septembre 2009

francesca.jpgOn vous le disait pas plus tard qu'hier : le festival de Venise est traumatisé par sa naissance mussolinienne. La petite fille du dictateur fasciste, Alessandra Mussolini, politicienne d'extrême-droite, a engagé une action en justice pour arrêter les projections de Francesca, un premier film roumain de Bobby Paunescu. Présenté dans le cadre de la sélection Orizzonti, deux de ses projections ont été annulées.

De quel odieux crime est responsable ce film? Francesca est une Roumaine (Monica Barladeanu) qui cherche à migrer en Italie pour trouver un job. Mais voilà, dans le film, un de ses compatriotes l'avertit qu'il y a "une salope qui veut tuer du Roumain". Et la Alessandra s'est sentie visée. Quelle idée! Autre cible, le maire de Vérone, qui loin de la bluette shakespearienne entre Roméo et Juliette, a une politique plutôt haineuse et est traité, dans le film,  de "maire de merde". On est étonné que le film n'aille pas plus loin en traitant le nouveau maire de Rome de "génocideur". Rappelons que ça ne le gène pas de voir des immigrés morts sur une plage ou battus dans les rues. Mussolini veut que ces citations soient retirées. Le réalisateur, qui a vécu en Italie, refuse de changer une virgule, en se fondant sur le fait que ces propos sont basés sur des citations réelles.

Le film doit sortir en Italie dans un mois. Fandango, son distributeur, a maintenu la date.

Au delà de la censure, cela montre un triste visage raciste de l'Italie, repliée sur elle-même et loin des louables intentions de cette Mostra. Mais comment résister malgré soi à son époque? Le procès c'est la grande mode des minorités ou des activistes. Même si Marine Le Pen n'a pas porté plainte contre un film comme Welcome, souvenons-nous des propos indécents du Ministre Eric Besson au sujet de ce film. Plus tard, nous avons frémit aux menaces de Corses en furie contre Un prophète.

Il y a plus d'un million de Roumains en Italie.