Pourquoi MK2 veut être sur les Champs-Elysées?

Posté par vincy, le 15 septembre 2017

Judicieusement, depuis 1974, MK2 s'est développé sur la Rive gauche mais surtout dans les quartiers populaires, aujourd'hui boboïsés et gentrifiés, à l'Est, loin des spots historiques de Gaumont et UGC (Opéra, Champs-Elysées, Montparnasse, Les Halles). Le réseau de Marin Karmitz a longtemps été sans réelle concurrence - hormis à Montparnasse, Beaubourg et Bastille - à Gambetta, Jaurès, Bibliothèque nationale de France, Odéon, Nation.

Mais les choses ont changé. D'une part les grands circuits ont investit les mêmes zones: Pathé à La Villette et Ivry, UGC qui rénove à Odéon et ouvre un multiplexe porte d'Aubervilliers, etc... (lire aussi notre article). D'autres cinémas se regroupent : Etoile, qui après la Porte des Lilas et Saint-Germain-des-Prés a repris le Balzac sur les Champs, en attendant l'ouverture éventuelle de Voltaire ; Haut et Court qui gère Le Nouvel Odéon et le Louxor ; Les Ecrans de Paris avec des salles éparpillées entre Bastille, Passy et Saint-Germain des Prés.

D'autre part, la fréquentation a évolué dans la capitale. Si on prend les dix plus importants multiplexes, la géographie est claire. UGC Les Halles, UGC Bercy, MK2 Bibliothèque, Gaumont Parnasse, MK2 Quai de Seine-Loire, Gaumont Opéra, Pathé Beaugrenelle, Gaumont Aquaboulevard, Pathé Wepler et UGC Paris 19. On constate d'abord que deux de ces complexes n'étaient pas ouverts avant 2010 (Beaugrenelle et Paris 19). Ensuite, seuls trois multiplexes se trouvent dans les "spots" historiques (et dans les arrondissements centraux), et aucun sur les Champs-Elysées, autrefois grand rendez-vous des cinéphiles.

Alors quel intérêt pour MK2 d'investir dans les Champs-Elysées, sachant que le réseau a déjà une salle prestigieuse au sein du Grand Palais?

Car MK2 a reçu une autorisation "tacite" selon Le Film français, pour créer un multiplexe de huit salles sur les Champs, afin de remplacer le vétuste UGC George V (11 salles, 1700 fauteuils), créé en 1938 (UGC l'a repris en 1993). Le complexe vieillot, passant de près de 800000 entrées en 2012 à 240000 en 2016, ne correspond plus aux critères d'UGC qui ferme ses cinémas non rentables, préférant investir lourdement dans l'ouverture de Ciné Cité ou dans la rénovation des vieux cinémas de quartiers populaires. Le bail arrivait à son terme et les nouvelles conditions n'étaient pas acceptables. Il est situé dans un immeuble qui doit être complètement rénové afin d'installer un hôtel de luxe français.

Le projet serait transformé en multiplexe de 8 salles et réduit à 1000 places. A proximité de l'UGC Normandie, du Balzac, du Publicis et du Lincoln, l'arrivée de MK2 risque de bousculer les équilibres sur la zone fragilisée, mise à mal par la hausse inflationniste des loyers. Le Gaumont Ambassade a déjà disparu d'un côté de l'avenue, remplacé par une marque de chaussures. Ces loyers ne peuvent être assumés que pour le prestige de l'adresse ou par des grandes marques multinationales (Foot Locker, Five Guys, Weston pour les plus récents).

MK2 prend donc un sérieux risque dans une zone très concurrentiel et désaffectée par les cinéphiles: la fréquentation est passé de un million de spectateurs il y a dix ans à 540000 l'an dernier. Plus personne ne va sur les Champs pour aller au cinéma, hormis les journalistes pour les projections, la plupart dans des salles privées.

Mais pour MK2, attaqué sur son terrain à l'Est et au Sud de Paris, il est vital de s'étendre et de rester l'un des circuits majeurs en France (il est le 3e à Paris, 9e en France). S'il vient de franchir un grand cap en Espagne (en rachetant le plus grand cinéma de Madrid et le réseau Cinesur, il est devenu le le 3ème opérateur cinématographique du pays), s'il a racheté un concurrent à Bastille, rénové Odéon et Beaubourg et agrandit son fleuron à la Bibliothèque nationale de France, son projet marseillais a pris l'eau et n'a toujours pas de salles en dehors de la Capitale, malgré des projets hors des frontières.

Size does matter, apparemment.

Avis de fermeture pour le Gaumont Champs-Elysées Ambassade (1959-2016)

Posté par vincy, le 29 juillet 2016

Alors que Gaumont a rouvert ses établissements à Convention (au printemps) et celui d'Alésia (la semaine dernière), tous deux dans le sud de la Capitale, le réseau s'apprêt dimanche à fermer son prestigieux Gaumont Ambassade, créé en 1959, sur les Champs-Elysées. 7 salles et 1 568 fauteuils disparaitront du paysage cinématographique parisien, après les fermetures de La Pagode, du Pasquier de Saint-Lazare et de La Bastille, il y a quelques semaines.

Le groupe Pathé-Gaumont a déjà fermé pour des raisons assez similaires le Pathé Cordeliers à Lyon, le Pathé Place d'Arc à Orléans et le Gaumont Mistral dans le quartier de Montparnasse à Paris. Mais à l'inverse, il investit dans la rénovation de ses salles situées dans des quartiers plus denses démographiquement, ou inaugurent des nouveaux complexes en proche banlieue.

La géographie des cinémas changent. Ils se rapprochent des populations "bobos parisiennes, dans le nord, l'Est et le Sud. Les Champs-Elysées, comme Opéra, ne sont plus des lieux de sortie pour les parisiens. Qui irait sur les Champs hormis les touristes? Il n'y a pas de bars sympas, les restaurants y sont chers et les cinémas sont plus beaux ailleurs.

La raison de la fermeture est simple: le Gaumont Ambassade est vieux. Pour le lifter (accessibilité, confort, hall d'accueil), il faut le transformer. Et ce n'est pas rentable. Les coûts seraient disproportionnés. L'adresse, pas très loin du Disney Store et des futures Galeries Lafayette, devrait être remplacé par des chaussures de marque J.M. Weston.

"Nous vous informons de la fermeture définitive du Gaumont Ambassade, situé au 50, avenue des Champs-Elysées à Paris, le dimanche 31 juillet après sa dernière séance. Le Gaumont Ambassade ne répond plus aux standards de qualité, de confort et d’accessibilité que vous attendez aujourd’hui. Le manque d’espace du hall et des salles, non adaptées aux personnes à mobilité réduite, ne permet pas une restructuration de ce cinéma .

Depuis 2 ans, nous avons lancé un très large programme d’investissement pour la rénovation de nos salles, notamment en Île-de-France. De nouveaux cinémas ont ainsi été créés (Pathé Beaugrenelle –15e arr., Pathé Levallois) ou totalement reconstruits (Gaumont Alésia – 14e arr., Gaumont Convention – 15e arr.) pour vous offrir les meilleurs standards de qualité. D’autres projets parisiens d’envergure vont suivre en 2017 et 2018 (dont début 2017 le Pathé La Villette – 19e arr.)."

Gaumont n'aura donc plus que le "Champs-Elysées Marignan" (six salles, 1 700 places, créé en 1933), qui était en face, de l'autre côté de l'avenue. Il accueille de nombreuses avant-premières. Les deux adresses avaient fusionné en 2004 pour ne devenir que "Gaumont Champs-Elysées". Cependant la fréquentation des deux complexes avait chuté de 17% entre 2014 et 2015. Il visait 1,3 million d'entrées lors de son rapprochement il y a douze ans et en attirait finalement que la moitié (657 000)

Champs-Elysées Film Festival 2016 : des rires, des prix et des pingouins

Posté par wyzman, le 15 juin 2016

Sur la plus belle avenue du monde, il s'en passe des choses ! La preuve, hier soir s'est achevée la cinquième édition du Champs-Elysées Film Festival. Et comme chaque année, la cérémonie de clôture contenait son lot de fous rire.

Malgré un retard conséquent et une pluie qui s'est tapée l'incruste pendant que festivaliers et invités attendaient devant le Publicis Cinémas, le reste de la soirée s'est déroulé sans accroc. Sophie Dulac, la présidente du CEFF, n'a pas manqué de féliciter les jurés, invités d'honneur, partenaires et autres membres de son équipe avant de lancer le bêtisier du Vidéomaton. Mais si, vous savez, cette petite cabine dans laquelle nous avons tous échangé des baisers, trinqué, ri et vérifié que l'on n'avait rien entre les dents.

Par la suite, il faut bien reconnaître que la vidéo de récap' du festival nous a beaucoup plu. Claire, fluide et bien rythmée, elle a eu le mérite de rappeler à toutes les personnes présentes que le cinéma, c'est beau. Le cinéma, c'est la vie. Le cinéma fait rêver et oublier les temps compliqués que nous vivons actuellement. Pour paraphraser le RP de Variety présent pour l'occasion, le cinéma crée des ponts, le CEFF les entretient.

Côté palmarès, le "Label Etudiant" des (Re)Découvertes remis à Masculin féminin de Jean-Luc Godard n'aura étonné personne. Chantal Goya était présente dans la salle (et sur scène), alors bon, tant qu'à faire… Thunder Road de Jim Cummings est reparti avec le Prix du Public pour un court métrage américain. Producteur, scénariste et acteur de cette comédie dramatique de 13 minutes, Jim Cummings avait déjà remporté le prix du jury à Sundance. Côté français, c'est Feuilles de printemps de Stéphane Ly-Cuong avec Frédéric Chau et Bich Ly-Cuong qui a remporté le cœur et le Prix du Public.

Et les courts appelant les longs, la cérémonie de clôture a permis d'assister au double sacre de From Nowhere. L'histoire de ces trois adolescents sans papiers et sur le point d'être diplômés a remué festivaliers et jurés. Le film de Matthew Newton repart ainsi avec Le Prix du Public de cette cinquième édition et une Mention spéciale du Jury.

Mais puisqu'il ne doit en rester qu'un… C'est à l'excellent documentaire Weiner de Josh Kriegman et Elyse Steinberg qu'est allé le premier Prix du Jury de l'histoire du CEFF ! La seconde campagne politique d'Anthony Weiner, candidat à la mairie de New York n'a pas manqué de faire rire et d'agacer les spectateurs. Une adaptation pour la télévision façon The Good Wife ne saurait tarder tant la matière est parfaite. Un personnage principal touchant, intelligent mais complètement dépassé par les événements, des rebondissements sans fin et une mise en scène efficace auront eu raison de nos petits cœurs de critiques. Le film n'a pas encore de date de sortie, mais on vous en reparlera le moment venu.

Enfin, histoire de bien finir cette cinquième édition placée sous le signe de la joie, de la pluie et de la concurrence footballistique, Marie Madinier, Charlotte Le Bon et Anne Le Ny sont venues présenter le film Le Secret des banquises avec beaucoup d'humilité. Objet filmique non identifié, on ne peut que recommander ces 81 minutes de pur délire.

Seuls Two : « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé »

Posté par geoffroy, le 23 juin 2008

seulstwo1.jpgSynopsis: Gervais, policier à Paris, maladroit et entêté, est la risée de son commissariat. Depuis des années, il file sans relâche, un esthète de la cambriole, drôle et narquois, Curtis qui, chaque fois, lui échappe et le ridiculise. Un beau matin, après une course poursuite manquée, Gervais se réveille dans une capitale vidée de tous ses habitants. Tous ? Pas tout à fait. Un second individu fonce dans les rues désertes au volant d'une Formule 1 : Curtis ! Voilà nos deux héros seuls au monde, peut-être l'occasion d'enterrer la hache de guerre et de profiter de la situation...Mais ce serait sans compter sur la droiture de Gervais et surtout sur son obstination. Pour lui, la place de Curtis est en prison et rien ne saurait le faire dévier de sa mission...

Notre avis : C’est beau une ville déserte. Surtout quand il s’agit de Paris. A n’en pas douter, assister à la désertification "pure et simple" des Champs-Élysées en un seul plan est assez bluffant et, osons le dire, "fun". Soyons honnête également, c’est à peu près la seule bonne idée d’un film répétitif, plutôt lent et limite ennuyeux.

Tour de force que d’avoir réussi un tel pari, Seuls Two ressasse indéfiniment l’univers du duo comique sans pour autant y apporter une réelle plus value. Constance donc, statisme également. Car passé l’introduction développant la trame d’une histoire qui n’en a pas vraiment, nous nous hasardons dans un film « comico-fantastique-absurde » à la gloire d’Eric & Ramzy, écrit par Eric & Ramzy (comme La Tour Montparnasse infernale), réalisé par Eric & Ramzy pour Eric & Ramzy. Vrai bonne idée ou fumisterie à 18 millions d’euros ? Soyons honnête une deuxième fois. Le duo arrive, inégalement il est vrai, à pousser son concept un peu plus loin que d’habitude, sans doute libéré d’avoir eu les coudés franches pour leur première réalisation. Pas cons, ils développent en filigrane une parabole sur l’indissociabilité des duos comiques malheureusement perturbée par des sous-intrigues sans intérêts. Si la question de leur fonction (faire rire), leur interaction et leur existence n’est pas clairement abordée, nous en devinons les contours. La mise en situation des deux protagonistes échappe aux réalisateurs en herbes rapidement débordés par la vacuité d’un propos ressemblant pour beaucoup à une faute non provoquée. Pas fait exprès comme dirait l’autre.

Dommage car l’exploration de son propre univers est un formidable prétexte aux délires cinématographiques des plus fantasques. Proche d’un Tex Avery dans ce jeu sans fin du chat et la souris version live, les quelques bonnes idées (formule 1 sur les quais, Stade de France, scènes de l’autoroute) ne font pas le poids face à la pauvreté des situations, la nullité des dialogues et le manque de rigueur d’une mise en scène approximative (montage, rythme, cohérence narrative). Les velléités louables d’Eric & Ramzy sont annulées dans l’œuf, les deux compères n’osant pas aller jusqu’au bout de leur démarche. Très décevant, voire mauvais par instant. L’indulgent trouvera l’essai ambitieux mais bancal. Reste un Ramzy étonnant de justesse et une sincérité palpable de bout en bout. Bien insuffisant, hélas!