[Adèle Haenel] Le cinéma apporte son soutien, le parquet réagit et l’accusé Christophe Ruggia nie

Posté par vincy, le 7 novembre 2019

adele haenel

Les révélations d'Adèle Haenel à propos du comportement du réalisateur Christophe Ruggia sur le tournage des Diables - emprise, attouchements et harcèlement sexuel. alors qu'elle était mineure - n'en finissent pas d'ébranler (enfin?) le monde du cinéma français. Deux ans après #MeToo, le courage de la comédienne a permis de remettre en pleine lumière la situation des femmes victimes d'abus psychologiques, tactiles ou sexuels.

Le Parquet de Paris s'est auto-saisi hier et a ouvert hier une enquête préliminaire pour "agressions sexuelles" sur mineure de moins de 15 ans "par personne ayant autorité" et "harcèlement sexuel". L'Office central de la répression de la violence faite aux personnes sera chargé de l'enquête.

Une victime sur dix porte plainte

Cette décision est intervenue quelques heures après la déclaration de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, au micro de France Inter: "Je pense au contraire, surtout avec ce qu'elle a dit, qu'elle devrait saisir la justice, qui me semble être en capacité de prendre en compte ce type de situations". Or, justement, Adèle Haenel n'a pas porté plainte, expliquant à Mediapart que la justice condamne trop peu souvent ce genre d'affaire et reprochant "une violence systémique faite aux femmes dans le système judiciaire". "Je crois en la justice mais elle doit se remettre en question pour être représentative de la société" avait-elle ajouté.

Selon la lettre de l'Observatoire des violences faites aux femmes, 94000 femmes, majeures, ont déclaré avoir été victimes de viols et/ou de tentatives de viol sur l'année 2017. Seulement 18 % se sont rendues dans un commissariat et, parmi elles, 12 % ont décidé de porter plainte. Ce qui fait une victime sur dix.

Le bourreau se fait victime

Christophe Ruggia, l'accusé, a réagit lui aussi, et sans passer par ses avocats. Cramé à coup sûr, exclu de la SRF, il a reconnu l'erreur d'avoir joué avec elle "les pygmalions avec les malentendus et les entraves qu'une telle posture suscite". En gros d'avoir été trop présent. Il réfute toujours les violences qui lui sont imputées. "Je n'avais pas vu que mon adulation et les espoirs que je plaçais en elle avaient pu lui apparaître, compte tenu de son jeune âge, comme pénibles à certains moments. Si c'est le cas et si elle le peut, je lui demande de me pardonner", explique-t-il dans son droit de réponse.

Il nie mais il sait qu'il est déjà jugé. "Mon exclusion sociale est en cours et je ne peux rien faire pour y échapper, Le Moyen-Age avait inventé la peine du pilori mais c'était la sanction d'un coupable qui avait été condamné par la justice. Maintenant, on dresse, hors de tout procès, des piloris médiatiques tout autant crucifiants et douloureux" affirme-t-il. Cette réaction est aussi typique dans ce genre de cas: le bourreau se fait passer pour victime, et démonétisant ainsi la parole, forte et courageuse, de celle qui a parlé et qui a souffert.

Le milieu du cinéma en soutien

Du côté du cinéma, les diverses représentations ont décidé de réagir à leur tour. L'ARP (Auteurs, réalisateurs, producteurs) soutient ainsi "Adèle Haenel dans cette démarche courageuse". La CGT Spectacle affirme: "Il ne faut plus que le cinéma, l'audiovisuel, le spectacle soient des espaces tolérant +au nom de l'art+ la destruction des corps et des vies de celles et ceux qui les fabriquent". Unifrance a condamné "sans réserve tout fait de violence ou de comportement inapproprié" et indique "que l’association restera particulièrement vigilante sur ces points et annoncent l’élaboration prochaine d’une charte à l’attention des artistes et professionnels amenés à participer aux manifestions organisées ou initiées par" l'organisme.

Dans son "soutien sans faille à l'actrice", l'AFAA (Actrices Acteurs de France Associés) rappelle qu'une telle charte existe: "Nous disons aussi qu'il est urgent maintenant que nos partenaires, producteurs audiovisuels et du spectacle vivant, directeurs de théâtre, réalisateurs, scénaristes, musiciens, techniciens, bref toutes les organisations représentatives de nos métiers,se saisissent également du moment."

Occupy Méliès à Montreuil

Posté par vincy, le 21 mars 2013

greve au cinéma le meliesLes Socialistes sont embourbés dans le bocage nantais à cause d'un aéroport... Mais les Écologistes s'enlisent dans un autre conflit, politico-économico-culturel, à deux pas de Paris... Le Méliès, l'historique cinéma municipal situé à Montreuil, créé en 1897, a subit 46 jours de grève (seules les séances destinées aux scolaires étant maintenues) avant de rouvrir le 6 mars, avec le film d'Agnès Jaoui, Au bout du conte... Et au bout du compte, on assiste affligés à une guérilla juridique et médiatique entre une maire, l'ancienne ministre Dominique Voynet, et des artistes, employés municipaux et autres professionnels de la profession.

Voynet versus "La Diva"

Cependant la maire a gagné une bataille puisque la grève est terminée. Le bilan est lourd. Outre les trois salariés suspendus de leurs fonctions, le directeur artistique, Stéphane Goudet, "La Diva" selon Voynet comme le rapporte Le Canard Enchaîné, a été licencié : "manquement au devoir de réserve, insultes subliminales sur internet, non-dénonciation d'une irrégularité comptable et nuisance à l'image de la ville et du projet". Cela risque de coûter cher aux prud'hommes si aucun de ces motifs n'est juste. Depuis 2002 Goudet avait pourtant réussi à résister à la concurrence des multiplexes tout en conservant une programmation art et essai assez pointue et salutaire dans cette banlieue écartelée entre cités HLM et nouveaux lofts pour "bobos". Grâce à lui, le Méliès a vu défiler quelques uns des plus grands cinéastes du moment. "Stéphane Goudet a fait un travail exceptionnel et a subi un traitement honteux" raconte David Henochsberg, exploitant parisien.

143 000 € détournés selon la Mairie

Petit rappel des faits. Le 3 décembre 2012, la ville de Montreuil ordonne une "enquête administrative", présumant de dysfonctionnements dans la gestion du cinéma municipal. 143 000€ manqueraient dans les caisses selon la commune. Le 6 décembre Dominique Voynet saisit le procureur et porte plainte contre X pour "détournement de fonds publics" : caisse noire, double billetterie, ...  Tout cela devait être confidentiel, mais chaque parties a préféré s'envoyer ses arguments par voie de presse. De fausses accusations sont échangées au passage.

En février, le Trésor Public annonce qu'il manque 8 000 € (abonnements scolaires de la saison en cours). Soit 0 € en juin, puisque ces abonnements doivent être payés à la fin de l'année scolaire. On est loin de la somme totale évoquée par la mairie.

Mais la Ville évoque d'autres soucis de gestion : ainsi elle affirme que les séances dites non commerciales auraient généré 77 000 € de recettes, qui n'auraient pas été reversées dans les caisses de cinéma. Le Méliès se défend en arguant que la municipalité a gonflé le nombre de spectateurs allant voir des films expérimentaux ou autoproduits ou des documentaires sans distributeurs… Au mieux cela ne concerne finalement qu'une quinzaine de séances et une moyenne de 30 spectateurs payants (trois fois moins que le chiffre retenu par le rapport de la Mairie). Et le rapport confirme que les sommes étaient bien reversées dans les caisses.

Mais l'absurde va plus loin : tous les cinémas disposent du droit d'exonérer un spectateur (équipes de films, cartes professionnelles, cartes vertes des critiques, carte CICAE des exploitants, invités...). Mais en 2009, les élus municipaux ont révisé tous les tarifs du cinéma à la hausse, oubliant de mettre une exception sur cette "gratuité". Légalement, donc, les exonérations sont facturables au tarif d'un billet de cinéma, soit 58 000 € à récupérer. Ce serait une première et un non-sens total.

Pas un centime n'a été détourné selon le Méliès
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L’avant-première d’Or noir troublée par un conflit avec le producteur

Posté par vincy, le 22 novembre 2011

L'avant-première d'Or noir, le nouveau film de Jean-Jacques Annaud, lundi 21 novembre au Gaumont Champs-Elysées, a été troublée, de manière très sage, par les employés de LTC, filiale à 100% de Quinta Industries. Le Syndicat national des techniciens et réalisateurs de la production cinématographique et de télévision (SNTR / SGTIF - CGT) a distribué un tract aux invités qui faisaient la queue. Quelques employés brandissaient des pancartes, accusant principalement l'actionnaire Tarak Ben Ammar, le long du tapis rouge.

Rappel des faits : LTC (32 millions d'€ de chiffre d'affaires en 2010, 24 millions prévus cette année), mais aussi Scanlab (6,3 millions d'euros) et Quinta Industries (6,6 millions d'euros) sont en redressement judiciaire depuis le 3 novembre. Les trois sociétés regroupent 182 employés. Le groupe Quinta industries, qui englobe les trois sociétés, détenu à 83% par Tarak Ben Ammar et à 17% par Technicolor, elle-même en procédure de sauvegarde, est en cessation de paiement depuis le 1er septembre et les salaires d'octobre n'ont pas pu être payés. Un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) devrait être présenté d'ici deux mois aux 182 salariés des trois sociétés. Les difficultés financières des trois sociétés sont liées notamment au déclin de l'activité photochimique, qui a accéléré sa chute à partir du 2e semestre 2010, notamment liée au processus de numérisation des salles de cinéma, en forte accélération ces derniers mois. Le Conseil de la concurrence a rejeté la fusion des laboratoires LTC avec ceux d'Eclair, dont Tarak Ben Ammar est aussi actionnaire à hauteur de 43%. Tarak Ben Ammar justifie qu'il a anticipé la mutation technologique en orientant les activités de ses laboratoires vers la numérisation des oeuvres mais qu'il n'a pas réussi à trouver les financements nécessaires pour répondre aux besoins de cette montée en charge. Il compte démarrer la numérisation de son catalogue (500  films environ) dès décembre.

Cependant, les syndicats reprochent à Tarak Ben Ammar de ne pas faire face à ses responsabilités. "L'administrateur judiciaire a annoncé aux élus du personnel qu'un plan massif de licenciement était nécessaire et que les mesures d'accompagnement seraient au minimum conventionnel à moins que l'actionnaire y participe financièrement". Un premier plan de licenciements de 34 personnes avait été enclenché l'été dernier. Le plan avait été annulé, et celui qui s'annonce semble bien plus "massif". Le tribunal a accordé une période d'observation de six mois. Le plan de continuation prévoit un plan de sauvegarde de l'emploi et la cession du site de Saint-Cloud, qui rapporterait 13,5 millions d'euros (soit un peu moins que la dette financière, qui s'élève à 15 millions d'euros).

Les salariés reprochent à l'actionnaire une certaine désinvolture. "Si vous allez pouvoir voir (...) le film Or noir (...), c'est parce que les salariés de LTC, Scanlab et Quinta Industries continuent à travailler alors qu'ils ne sont même pas certains que, comme le mois dernier, leur salaire sera versé. Les salariés réclament qu'en juste contrepartie de 10 ans au travail au seul bénéfice des sociétés du groupe Quinta Communications, Tarak Ben Ammar mette la main à la poche pour assurer dignement le départ et la reconversion des salariés." Ce dernier ne s'est toujours pas engagé à participer financièrement aux licenciements alors que les salaires n'ont effectivement pas été versés en octobre et qu'il affirme que son groupe Quinta Communications "va très bien".

Des amis nommés Ben Ali, Khadafi, Berlusconi

A cela s'ajoute une controverse liée aux conditions de tournage d'Or noir. Le syndicat exige, "compte tenu des conditions sociales iniques qui ont permis la réalisation de ce film", que soient revues très rapidement les conditions de l'agrément de ce film, agréé par le Président du CNC, en dépit d'un avis défavorable de la Commission des professionnels. Le 21 septembre dernier, le syndicat expliquait que "la société Quinta Communication avait imposé aux ouvriers et techniciens de travailler en qualité d'expatriés via une société tunisienne, ceux-ci ne bénéficiant alors d'aucune couverture sociale et conventionnelle, la commission d'agrément dont l'avis est consultatif, avait unanimement émis un avis défavorable à la délivrance de l'agrément pour ce film, à deux reprises. En délivrant l'agrément sans même en informer la commission, le Président du CNC fait preuve d’une véritable défiance vis-à-vis des professionnels du cinéma ; en conséquence, les organisations professionnelles de la CGT, artistes et techniciens, siégeant à la Commission ont décidé de quitter la séance qui a du être ajournée."

Sales temps pour Tarak Ben Ammar, qui avait déjà du affronter la révolution tunisienne en plein tournage d'Or noir (voir aussi actualité du 19 janvier) et qui est, en tant qu'actionnaire de la chaîne télévisée Nessma, au coeur d'un procès en Tunisie pour avoir diffusé Persépolis (voir actualité du 14 octobre). Ce dernier point serait plutôt à mettre à son actif. Hélas, ses amitiés qui lui ont permis de construire son empire s'effondrent autour de lui. Après son ami Ben Ali, l'ancien dictateur tunisien, c'est au tour de Silvio Berlusconi (co-actionnaire de Quinta Communications) de tomber ; et il est aussi fragilisé par la révolution libyenne : en 2009, il avait reçu du régime de Khadafi, via le fonds souverain Libyan Foreign Investment Co, 19 millions d'euros soit 10% du capital de sa société.