Adieu Bacri (1951-2021)

Posté par vincy, le 18 janvier 2021

bacri

Il avait le goût des autres. Un certain sens de la fête. Un air de famille. Il faisait partie dans l'inconscient collectif de nos meilleurs copains, ceux avec qui on aurait aimé passer l'été en pente douce. Jean-Pierre Bacri est mort des suites d'un cancer à l'âge de 69 ans. Et ça nous rend triste.

Pour beaucoup, il restera un peu ce grincheux permanent, ce loser à l'humour grinçant, ce charmeur aux répliques acides, celui qui jouait le drôle comme un drame. Durant près de 40 ans, il a été l'incarnation d'un Français "moyen" mais humaniste, humble mais flamboyant, sentimental et attachant. Il est révélé par Alexandre Arcady (Le grand pardon et Le Grand carnaval). Il éclate dans Coup de foudre de Diane Kurys. Il empoche sa première nomination aux Césars avec Subway de Luc Besson. Il peut être sombre dans la comédie et lumineux dans le noir. Il attirait le personnage à son tempérament, quitte à faire oublier toutes les subtilités de son jeu, beaucoup plus riche qu'en apparence.

Jaoui

Avant de devenir l'un des premiers rôles (et râleurs) les plus aimés du cinéma français, il avait débuté au théâtre avec Lorenzaccio, Ruy Blas, Don Juan (en Sganarelle) puis Ribes / Topor , Pinter et Brecht. C'est d'ailleurs la scène qui va le rendre incontournable. Observateur des mœurs, conscient des luttes sociales, engagé, il écrit ses premières pièces des ses débuts à la fin des années 1970. Mais c'est sa rencontre avec Agnès Jaoui, en 1987 sur le plateau de L'anniversaire, qui deviendra sa compagne durant un quart de siècle, et qui va sceller un destin d'écriture à quatre mains hors du commun. Elle-même l'a confié au Monde ce week-end: "Je ne serais pas arrivée là, bien sûr, si je n’avais pas rencontré Jean-Pierre Bacri. Voilà quelqu’un qui exprimait ce que je ressentais sans même me l’être formulé ; qui avait des réflexions qui me percutaient, me soulageaient, témoignaient de valeurs communes, d’un rapport au bien et au mal que je partageais, avec une conviction qui m’émerveillait car elle était si singulière !"

Les "Jabac" - surnom donné par Resnais - se lancent dans Cuisine et dépendances en 1991 puis Un air de famille en 1996, devenus des classiques sans cesse repris, en plus d'avoir été des succès populaires et cultes au cinéma. Il fera un dernier tour sur les planches avec Les Femmes savantes, mis en scène par Catherine Hiegel.  Il est couronné par un Molière du comédien, 25 ans après avec partagé celui de l'auteur avec sa compagne d'alors pour Cuisine et Dépendances.

Sur le grand écran, il passe par la sensibilité de L'été en pente douce, le délire des Saisons du plaisirs, la mélancolie de La Baule-Les-Pins, l'authenticité de Mes meilleurs copains... Il est un second-rôle idéal, celui qui met du relief aux dialogues et qui renvoi si bien la lumière sur l'ensemble du groupe. Populaire, il n'avait jamais transigé. Employé de banque, venu par hasard au théâtre, le méditerranéen était beau gosse (avec des cheveux) avant de se métamorphoser parisien plein d'esprit et dont les prises de paroles faisaient du bien. Il menait une vie peinarde. Discret, avec ses habitudes, sans trop de contraintes.

Chabat

Comme pour Jaoui, c'est l'adaptation de leur propre pièce, Cuisine et dépendances, qui révèle sa nature comme son don pour les personnages un brin cynique ou désillusionné. Un air de famille le rend alors populaire, sans qu'il ne fasse de compromis. Il enchaîne avec trois films très différents qui le positionne parmi les comédiens les plus bankables: Didier d'Alain Chabat, poussant vers l'humour absurde, On connaît la chanson d'Alain Resnais, déclinant son personnage d'angoissé, et Place Vendôme de Nicole Garcia, protecteur de Catherine Deneuve. Cette fois-ci, il est au premier plan, incisif, hilarant ou séducteur.  Avec Alain Chabat, c'est l'histoire d'une fidélité: projectionniste tué dans La Cité de la peur, invité de "Les Nuls l'émission" ou de "Burger Quiz", scénariste invité dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre (en plus d'en être le narrateur), participation dans Santa & Cie...

Jean-Pierre Bacri tourne peu, mais sûrement. Il réfute les clichés et préfère chercher l'humanité, l'empathie, la profondeur d'un personnage, peu importe qu'il soit chef d'entreprise proche du burn-out, barman sifflotant un générique de jeu TV, proxénète, éditeur égocentrique, ou vendeur de brosses à dents. "Je ne joue pas toujours des personnages râleurs !" rappelait-il en 2015 l’AFP. Certes, il n'aimait pas l'irréel des héros, la triche du surjeu, le mensonge du bonheur total. Il préférait "traquer le vécu, la sobriété, la pudeur", même si le rôle est abject. C'était une gueule. On lui reprochait de toujours faire la gueule. A tort. Lançons un (Ba)cri du coeur, il souriait, riait même, et savait montrer sa générosité et sa chaleur. Car, on l'oublie, il aimait aimer. Ses personnages courait après l'amour, ceux fanés, inaccessibles ou maladroits. L'amour au centre de tout: se fichant d'être aimé, il faisait quand même tout pour que son personnage le plus antipathique ne soit pas détestable. "Je joue des gens qui ont des problèmes, placés face à des contradictions, c'est ce qui m'amuse le plus" précisait-il, préférant jouer "vraiment le contraire" de ce qu'il pensait être.

Lauriers

Il est évidemment formidable dans Le Goût des autres d'Agnès Jaoui, leur meilleure satire, mais il sait aussi transcender les scènes chez Noémie Lvovsky (Les sentiments) ou Pascal Bonitzer (Tout de suite maintenant) ou dans Une femme de ménage de Claude Berri. Pourtant, ce sont dans des films plus décalés qu'il brille et qui démontre son goût très sûr pour les bons scénarios, les grands personnages, souvent seuls dans des univers singuliers, et les cinéastes au ton si personnel (Adieu Gary de Nassim Amaouche, Kennedy et moi de l'ami Sam Kermann, La vie très privée de Monsieur Sim de Michel Leclerc...).

Choisir Bacri dans un film c'est lui donner une tonalité particulière, où l'on ne voit plus que ce faux misanthrope, ce bougon faussement détaché ou ce solitaire malgré lui. Et à chaque fois, aucune fausse note. Un naturel confondant au point de le confondre avec ses rôles. "Je fais en sorte qu'on ne voie pas les coutures, qu'on ait l'impression que je suis en train de vivre la situation. Je crois qu'un acteur doit avoir une certaine empathie pour les gens, pour les comprendre et donc pour les jouer, ressentir leurs émotions" disait-il dans Le Figaro il y a trois ans. Le sens de la fête en 2017, d'Olivier Nakache et Eric Toledano, représente à ce titre l'acmé de son jeu dans une troupe où il sait être à sa place: centrale mais collective. Ce sera la dernière de ses sept nominations aux César (celui-là, il le méritait pourtant), César qu'il aura eu en tant qu'acteur pour un second-rôle (1998) mais quatre fois comme scénariste avec Jaoui (en plus d'un prix du scénario à Cannes et deux European Awards).

On ne le dira jamais: auteur génial, il était aussi un grand acteur. Sans aucune nostalgie pour l'enfance, il s'était épanoui avec la maturité, comme un grand vin. Il avait conquis sa liberté, son indépendance. "Je ne veux plus des dimanches soir mortels d’ennui de mon enfance, des levers à l’aube pour aller travailler à l’école, au lycée, à la banque. J’ai trop vécu alors de petit spleen en petit spleen" clamait-il dans Télérama. Il lui restait de sa jeunesse "Une certaine futilité, un goût stupide de l’amusement, des plaisirs gamins... Une paresse de cancre aussi".

Dans l'hebdomadaire, il affirmait: "Je ne regrette aucun des films où j’ai joué, je n’en mythifie aucun non plus. Une vie d’acteur est nourrie de l’accumulation d’expériences, quelles qu’elles soient. Je ne sacralise pas ce métier." Nous, on aurait quand même bien envie de le sacriliser tant il a offert des barres de rire, de grands moments d'émotion et une vision de l'humain à contre-courant des comédies populaires et du diktat artificiel du bonheur imposé par la télévision. Il y avait quelque chose en nous de Bacri.

César 2021: un président, une présentatrice, des révélations et des courts métrages

Posté par vincy, le 18 décembre 2020

Ce sera le 12 mars, soit un peu plus tard que d'habitude. La 46e cérémonie des César, aka celle de la résurrection, consacreront un cinéma français qui aura souffert en 2020, avec près de cinq mois d'absence pour cause de confinement des salles.

Roshdy Zem, César du meilleur acteur en 2020, présidera la soirée, tandis que Marina Foïs, jamais récompensée malgré cinq nominations, présentera la soirée, coécrite par Blanche Gardin et Laurent Lafitte. Cette cérémonie - en présentiel dans un lieu à déterminer - devra surtout effacer l'historique, soit celle de 2020 piégée par les polémiques et les scandales.

En 2020, les César ont opéré un reboot: conseil d'administration, gouvernance, règles (le César du public disparaît)...

En attendant, deux pré-listes ont été déjà communiquées: les révélations pour les César du meilleur espoir et les courts métrages candidats.

Révélations 2021 - les Comédiennes :

Noée Abita dans Slalom
Najla Ben Abdallah dans Un fils
Aïcha Ben Miled dans Un divan à Tunis
Nisrin Erradi dans Adam
India Hair dans Poissonsexe
Liv Henneguier dans Douze mille
Annabelle Lengronne dans Filles de joie
Pauline Parigot dans Frères d'arme
Julia Piaton dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
Camille Rutherford dans Felicità
Lauréna Thellier dans K contraire
Anamaria Vartolomei dans Just Kids

Révélations 2021 - les Comédiens :

Abdel Bendaher dans Ibrahim
Lucas Enlander dans Les Apparences
Sandor Funtek dans K contraire
Thomas Guy dans Un vrai bonhomme
Guang Huo dans La Nuit venue
Félix Lefebvre dans Été 85
Nils Othenin-Girard dans Un vrai bonhomme
Jules Porier dans Madre
Bastien Ughetto dans Adieu les cons
Benjamin Voisin dans Été 85
Alexandre Wetter dans Miss
Jean-Pascal Zadi dans Tout simplement noir

Courts métrages :

19
Réalisé par Marina ZIOLKOWSKI
MARS COLONY
Réalisé par Noël FUZELLIER
L'AVENTURE ATOMIQUE
Réalisé par Loïc BARCHÉ
MASSACRE
Réalisé par Maïté SONNET
BAB SEBTA
Réalisé par Randa MAROUFI
MATRIOCHKAS
Réalisé par Bérangère MCNEESE
BALTRINGUE
Réalisé par Josza ANJEMBE
MORTENOL
Réalisé par Julien SILLORAY
BLAKÉ
Réalisé par Vincent FONTANO
OLLA
Réalisé par Ariane LABED
COMMENT FAIRE POUR
Réalisé par Jules FOLLET
QU'IMPORTE SI LES BÊTES MEURENT
Réalisé par Sofia ALAOUI
FELIX IN WONDERLAND
Réalisé par Marie LOSIER
SAPPHIRE CRYSTAL
Réalisé par Virgil VERNIER
HOMESICK
Réalisé par Koya KAMURA
SHAKIRA
Réalisé par Noémie MERLANT
L'IMMEUBLE DES BRAVES
Réalisé par Bojina PANAYOTOVA
THE LOYAL MAN
Réalisé par Lawrence VALIN
INVISÍVEL HERÓI
Réalisé par Cristèle ALVES MEIRA
TSUMA MUSUME HAHA
Réalisé par Alain DELLA NEGRA et Kaori KINOSHITA
JE SERAI PARMI LES AMANDIERS
Réalisé par Marie LE FLOC'H
UN ADIEU
Réalisé par Mathilde PROFIT
JUSQU'À L'OS
Réalisé par Sébastien BETBEDER
YANDERE
Réalisé par Wiliam LABOURY

Court métrage d'animation :

BACH-HÔNG
Réalisé par Elsa DUHAMEL
SORORELLE
Réalisé par Frédéric EVEN et Louise MERCADIER
LE GARDIEN, SA FEMME ET LE CERF
Réalisé par Michaela MIHÁLYI et David ŠTUMPF SWATTED
Réalisé par Ismaël JOFFROY CHANDOUTIS
GENIUS LOCI
Réalisé par Adrien MÉRIGEAU
SYMBIOSIS
Réalisé par Nadja ANDRASEV
L'HEURE DE L'OURS
Réalisé par Agnès PATRON
TÊTARD
Réalisé par Jean-Claude ROZEC
MOUTONS, LOUP ET TASSE DE THÉ...
Réalisé par Marion LACOURT
LA TÊTE DANS LES ORTIES
Réalisé par Paul CABON
L'ODYSSÉE DE CHOUM
Réalisé par Julien BISARO
TRACES
Réalisé par Hugo FRASSETTO et Sophie TAVERT MACIAN

Véronique Cayla et Eric Toledano à la tête des César

Posté par vincy, le 29 septembre 2020

Ce mardi 29 septembre 2020, les 180 membres de l’Assemblée Générale ont procédé à l’élection de Véronique Cayla, ancienne présidente d'Arte, et d’Éric Toledano, scénariste, réalisateur et producteur, à la Présidence et Vice-Présidence de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, pour un mandat de deux ans.

C'est "avec vous que nous pourrons inventer un nouveau modèle pour les César, un modèle collectif, imaginatif, utilisant la modernité des moyens techniques pour pallier les difficultés actuelles en particulier sanitaires" a déclaré Véronique Cayla, à qui l'on doit la transformation réussie d'Arte. Eric Toledano ajoute que ce mandat devra apporter "des changements, en s'ouvrant d'avantage" aux jeunes générations et à la diversité.

À l’occasion de cette Assemblée Générale Extraordinaire, ont également été élus les 42 représentants des 21 branches de métiers qui viennent constituer, aux côtés du tandem Présidente/Vice-Président, le nouveau Conseil d’Administration de l’Académie :
Marina FOÏS - Antoine REINARTZ dans la branche de l’interprétation,
Pascale FERRAN - Cédric KLAPISCH dans la branche de la réalisation,
Olivier GORCE - Julier PEYR dans la branche du scénario,
Gréco CASADESUS - Marie SABBAH dans la branche de la composition musicale,
Catherine BOISGONTIER - Pierre-Yves GAYRAUD dans la branche des costumes,
Chloé CAMBOURNAC - Laurent TESSEYRE dans la branche des décors,
Bertrand COLLARD - Sophie REINE dans la branche du montage,
Yves CAPE - Jeanne LAPOIRIE dans la branche de la photographie,
Lucien BALIBAR - Claudine NOUGARET dans la branche du son,
Chantal LEOTHIER - Christophe OLIVEIRA dans la branche du maquillage et de la coiffure,
Roxane FECHNER - Matthias WEBER dans la branche des effets spéciaux et visuels,
Nathalie CHÉRON - Daniel DELUME dans la branche des autres collaborations techniques,
Alain ATTAL - Marie-Ange LUCIANI dans la branche de la production,
Sébastien CAUCHON - Elisabeth TANNER dans la branche des agents artistiques et attachés de presse,
Danièla ELSTNER - Alexandre MALLET-GUY dans la branche de la distribution et de l’exportation,
Christine BEAUCHEMIN-FLOT - Richard PATRY dans la branche de l’exploitation en salle,
Marc DU PONTAVICE - Pascale FAURE dans la branche de l’animation,
Rebecca HOUZEL - William JÉHANNIN dans la branche du documentaire,
Justin PECHBERTY - Pauline SEIGLAND dans la branche du court métrage,
Didier DIAZ - Sophie FRILLEY dans la branche des industries techniques,
Frédérique BREDIN - Vincent TOLÉDANO dans la branche des professions associées.

Il y a deux semaines, les 4 313 membres de l’Académie des César à jour de leur cotisation avaient élu les 164 nouveaux membres de l'Association pour la Promotion du Cinéma (APC) qui régit l'Académie. Cette nouvelle Assemblée Générale, qui comprend 182 membres au total en y incluant les membres historiques, a donc élu ce nouveau Conseil d'Administration de l'Association.

Cette nouvelle gouvernance paritaire pourra commencer à préparer la prochaine Cérémonie, l’ensemble des événements organisés par l’Académie, et procéder à la rénovation du règlement de l'Académie. Cinq groupes de travail plancheront sur cinq réformes prioritaires: conditions d'adhésion à l'Académie des César ; contribution financière versée par les membres de l'Académie des César ; présentation des films ; format de la Cérémonie ; et événements associés.

Les César continuent d'être pris dans la tourmente. Lors de l'élection des nouveaux membres à la mi-septembre, les statuts ont permis à Roman Polanski et au producteur Thomas Langmann, condamné en 2019 pour harcèlement envers sa femme, tout comme Alain Terzian, critiqué par les frondeurs pour sa gestion de l'ancienne Académie des César, à être admis d'office en tant que "membre historique" après en avoir fait la demande. Le psychodrame a continué quand deux membres historiques ont démissionné en apprenant la présence de ces hommes dans l'Assemblée générale.

Il reste quelques mois pour préparer la prochaine cérémonie, après le chaos et les scandales de cette année.

Tonie Marshall au plus près du paradis (1951-2020)

Posté par vincy, le 12 mars 2020

C'est la seule femme à avoir reçu le César de la meilleure réalisation. La cinéaste Tonie Marshall vient de s'éteindre à l'âge de 68 ans, des suites d'une longue maladie. Elle apparaissait encore sur les tapis rouges, y compris celui du spectacle de Jean-Paul Gaultier, le Fashion Freak Show, qu'elle a mis en scène.

Sa mère, l'actrice Micheline Presle, 97 ans, lui survit. Enfant de la balle, avec une chambre donnant sur la cabine de projection du cinéma le Studio des Ursulines à Paris, elle a réalisé une dizaine de longs métrages, dont le plus récent, Numéro Une en 2017.

Son cinéma, profondément féministe, valorisant des femmes dirigeantes et émancipées, croquait l'air du temps sous forme de comédies douces-amères (et parfois acides).

Depuis Pentimento en 1989, elle a ainsi creusé ce sillon, avec plus ou moins de succès. Son plus gros succès reste Vénus Beauté (Institut). Avec un casting de haute volée (Nathalie Baye, Bulle Ogier, Samuel Le Bihan, Jacques Bonnaffé, Mathilde Seigner, Audrey Tautou, Robert Hossein, Marie Rivière, Edith Scob, Hélène Fillières, Brigitte Roüan, Claire Nebout, Micheline Presle, Emmanuelle Riva, Elli Medeiros et Claire Denis), le film a séduit près de 1,4 million de spectateurs, a été décliné en série TV en 2005 et a reçu 7 nominations aux César, repartant avec ceux du meilleur film, meilleur réalisateur (trice), meilleur scénario (pour Marshall), et meilleur espoir féminin (pour Tautou).

Tu veux ou tu veux pas (avec Sophie Marceau et Patrick Bruel) en 2014 a aussi passé le cap du million d'entrées. Pour le reste son ton plutôt intimiste, souvent porté sur les classes prolétaires ou moyennes, avant de passer à la bourgeoisie, et son regard souvent moqueur sur les travers de nos sociétés l'ont souvent empêchée de trouver un large public. Elle aimait confronter les genres (polar, comédie, mélo...) avec des situations familiales parfois retors comme dans Pas très Catholique ou Enfants de salaud. Et sinon elle filmait des rencontres amoureuses chaotiques, improbables, en écho aux comédies américaines des années 40-50.

Du Télé-achat dans France Boutique à une variante d'Elle et lui dans Au plus près du Paradis, ses tours de passe-passe l'ont amenée à tourner avec Catherine Deneuve, William Hurt, Karin Viard, Anémone, Jean Yanne, François Cluzet, Emmanuelle Devos, François Cluzet....

Vivante et drôle, chaleureuse et attachante, Tonie Marshall est passée à la réalisation dans les années 1990, après avoir commencé en tant que comédienne peu convaincante (L'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune de Jacques Demy, Les Sous-doués de Claude Zidi, Pour rire ! de Lucas Belvaux). Proche de Jean-Michel Ribes, avec qui elle partage l'humour devant la caméra et sur scène, Tonie Marshall était aussi une femme très engagée dans la profession et dans les luttes féministes. Elle se battait pour la place des femmes et contre les inégalités de sexe à la manière d'une combattante.

Dans un entretien en 2018, elle affirmait ainsi : "dans la société, il y a beaucoup de morales, beaucoup de religions qui sont enclins à enfermer les femmes dans des cases, à les cantonner dans un rôle. Tout est organisé sur le masculin depuis le début. Changeons ça ! On va y arriver. Mais pour y parvenir, il faut embarquer les hommes. Il ne faut surtout pas donner l’impression que les femmes prennent la place de qui que ce soit. Elles prennent seulement leur place dans une société où elles sont à 50 % au moins …" Et de rappeler: " Si les femmes comptaient davantage dans la société, elles compteraient aussi davantage à l’écran."

Didier Bezace (1946-2020) quitte la scène

Posté par redaction, le 11 mars 2020

Le comédien et metteur en scène français Didier Bezace est décédé des suites d'une longue maladie, a annoncé mercredi à l'AFP son attachée de presse. il avait 74 ans.

Au cinéma, il a joué dans une trentaine de films durant quarante ans de carrière. On l'a ainsi remarqué dans de nombreux second-rôles, avec sa diction bien prononcée et son regard souvent en coin: La petite voleuse de Claude Miller, L.627, Ça commence aujourd'hui et Quai d'Orsay de Bertrand Tavernier, Petits arrangements avec les morts de Pascale Ferran, Les voleurs d'André Téchiné, La femme de chambre du Titanic de Bigas Luna, La dilettante de Pascal Thomas, Ça ira mieux demain, C'est le bouquet! et Cause toujours! de Jeanne Labrune, Mariages ! de Valérie Guignabodet, Ma vie en l'air de Rémi Bezançon, Le pressentiment de Jean-Pierre Darroussin... Il a été nommé au César du meilleur acteur dans un second rôle pour Profil bas de Claude Zidi.

Si le cinéma était si peu présent dans sa vie de comédien, il tournait de nombreux téléfilms. Mais c'est le théâtre qui occupait toute sa vie, cofondateur du Théâtre de l'Aquarium à La Cartoucherie de Vincennes et directeur du Théâtre de la Commune d'Aubervilliers durant 16 ans.

Molière de la révélation théâtrale en 1995 avec La Femme changée en renard, il a reçu deux autres Molières en 2005 en tant que metteur en scène et adaptateur pour La version de Browning.

César 2020: « Les Misérables » triomphe

Posté par vincy, le 28 février 2020

Florence Foresti a ouvert cette cérémonie pas comme les autres, avec Tchéky Karyo, qui ne s'est pas "rasé depuis Nikita". La 45e cérémonie des "connards, euh des César" a commencé avec un film court où elle parodie le Joker, personnage qui, rappelons-le, tente de faire rire en se croyant fait pour le stand-up.

Comme quoi le cinéma américain est toujours plus inspirant pour les ouvertures de cette soirée annuelle. Mais il fallait bien chauffer la salle depuis que ces César étaient menacés de gel. "Ça va la diversité? Vous vous êtes crus à la MJC de Bobigny. ici, c'est l'élite, on dégage".  Une polémique de moins. "Je suis très heureuse d'être là... enfin non... je suis très courageuse. Elle a bien choisi son année pour revenir la Foresti", balance-t-elle. "On est sur du rire bio".

Brillante, évidemment, elle s'est moquée de l'époque avec son autodérision habituelle (blackface et salut nazi): "Il semblerait que je sois blanche, hétéro, d'héritage chrétien. C'est pas grave!" Mais évidemment on l'attendait sur J'accuse -" douze moments où on va avoir un souci". Et elle s'en est bien sortie, avouons-le. Piquant avec humour Céline Sciamma et son équipe à 80% féminine, loin des objectifs du collectif 50/50. Du coronavirus à la bite de Benjamin Griveaux, toute l'actu y est passée pendant la cérémonie. Jusqu'à se payer l'Académie: "Y a plus de patron, c'est pas une intérim qui va m'arrêter". Jusqu'à rencontrer Isabelle Adjani dans un sketch filmé. Rappelons que Foresti avait fait il y a 5 ans une parodie de la star qui est devenue culte. Et Adjani de jouer les fausses folles, reprenant ainsi le sketch télévisuel de Foresti.

Sandrine Kiberlain a alors ouvert la soirée en tant que présidente. "Heureuse et touchée" d'être présidente de cette cérémonie, "la dernière d'une époque, la première d'une nouvelle", elle a pesé chacun de ses mots et clamé un discours résolument féministe. Un discours très social aussi  "Je crois profondément aux vertus de la crise" affirme-t-elle, citant Victor Hugo, mai 68, mais aussi des films oubliés par les nominations comme Les invisibles, C'est ça l'amour et Tu mérites un amour. Classe.

Moins convaincants, les discours des remettants, trop insistants, maladroits, parfois lourds ou plombants (on ne le dira jamais assez: l'écriture est le parent pauvre du cinéma), ou alors complètement insipides. Dommage parce que ça allait dans le bon sens de l'inclusion et de la diversité. Au final, beaucoup d'intermèdes étaient trop longs et assez vains. Il a fallu attendre deux heures et demi pour passer aux catégories reines. Imaginez notre supplice. Heureusement, il y a eu le bel hommage à Agnès Varda, en chanson, en voix et en images.

La diversité, l'égalité et la mixité étaient pourtant sur scène, notamment avec beaucoup de femmes lauréates (y compris dans les métiers techniques). Les remettants, bien sûr, mais aussi du côté des lauréats avec la belle double victoire Papicha. Ce n'est pas la seule réalisatrice couronnée puisque Yolande Zauberman a été primée côté documentaires, succédant à Agnès Varda et Mélanie Laurent dans cette catégorie essentiellement masculine. Et le court métrage a récompensé une co-réalisatrice (Lauriane Escaffre).
Avec sa nouvelle règle, le César du public a échappé à Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu?, champion du box office, au profit des Misérables de Ladj Ly.

C'est une fois de plus le festival de Cannes qui cartonne avec J'ai perdu mon corps, La belle époque, Roubaix une lumière, Portrait de la jeune fille en feu, Parasite, Alice et le maire, Les Misérables et Papicha parmi les vainqueurs. Il n'y a pas eu de vrais perdants parmi les multi-nommés. C'est même plutôt un palmarès plutôt équilibré. Et de Roschdy Zem à Anaïs Demoustier en passant par Fanny Ardant et Swann Arlaud, les remerciements étaient beaux, les prix mérités.

Mais c'est bien Roman Polanski, récompensé personnellement par deux César dont celui de la réalisation, qui aura fait un bras d'honneur à tous.  On aurait tellement aimé, pour le symbole, que Céline Sciamma, soit distinguée. Les professionnels ont finalement fait de la résistance en séparant l'homme de l'artiste. Mais c'est quand même une provocation ce César pour Polanski (certes pas le premier). Un "symbole mauvais" comme anticipait le ministre de la Cuture. Adèle Haenel en a quitté la salle. Elle qui a tout bousculé, ouvert la voie, donner de la voix aux femmes, aura finalement été humiliée par les votants de l'Académie. D'autres personnes, dont Céline Sciamma, la suivent en criant "Quelle honte !". Un silence glacial paralyse la salle. Florence Foresti balance un "écoeurée" sur Instagram.

Heureusement, le seul vainqueur est un premier film venue de la banlieue, métissé et certes très masculin. Les Misérables, et son petit budget, a été récompensé quatre fois et sacré par le prix meilleur film. Le cinéma français, terre de contrastes et de contradictions...

Palmarès

César du meilleur film : Les Misérables
César de la meilleure réalisation : Roman Polanski pour J'accuse
César du meilleur premier film : Papicha de Mounia Meddour
César du film d'animation (long métrage) : J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin
César du film d'animation (court métrage) : La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel
César du meilleur film documentaire : M de Yolande Zauberman
César du meilleur court métrage : Pile poil de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller
César du public : Les Misérables
César du meilleur film étranger : Parasite de Bong Joon-ho

César de la meilleure actrice : Anaïs Demoustier dans Alice et le maire
César du meilleur acteur : Roschdy Zem dans Roubaix, une lumière
César du meilleur second-rôle féminin : Fanny Ardant dans La belle époque
César du meilleur second-rôle masculin : Swann Arlaud dans Grâce à Dieu
César du meilleur espoir féminin: Lyna Khoudri dans Papicha
César du meilleur espoir masculin: Alexis Manenti dans Les Misérables

César du meilleur scénario original : Nicolas Bedos pour La belle époque
César de la meilleure adaptation: Roman Polanski et Robert Harris pour J'accuse, d'après le roman D. de Robert Harris
César de la meilleure musique : Dan Levy pour J'ai perdu mon corps
César de la meilleure photo : Claire Mathon pour Portrait de la jeune fille en feu
César du meilleur montage : Flora Volpelière pour Les Misérables
César des meilleurs décors: Stéphane Rozenbaum pour La belle époque
César des meilleurs costumes: Pascaline Chavanne pour J'accuse
César du meilleur son : Nicolas Cantin, Thomas Desjonquières, Raphaël Mouterde, Olivier Goinard et Randy Thom pour Le Chant du loup

César 2020 : de Polanski à Sciamma

Posté par kristofy, le 28 février 2020

Pas de César d'honneur. Un réalisateur révolté contre un changement de règle (Philippe de Chauveron, qui concoure pour le César du public) et qui décide de boycotter la soirée. Des polémiques à foison du côté des révélations, des finances, des règlements. Une présidente intérimaire tout juste nommée. Une humoriste qui a de quoi ne pas se louper. Une présidente - Sandrine Kiberlain - piégée dans la pire année. Une diffusion en différé pour éviter les couacs en direct. Les César sont trainés dans la boue depuis deux mois. Année zéro ou année de transition: les révélations sur la cuisine des César ont fini par nous en désintéresser.

J'accuse absent de la salle Pleyel

Mais le ministre de la Culture, Franck Riester, a remis une pièce dans le juke-box hier. Un peu tard pour influencer les votes, autant dire inutile, il a déclaré qu'un César pour Roman Polanski serait un "symbole mauvais". Ispo Facto, Alan Goldman, producteur de J'accuse, de Roman Polanski, en tête avec 12 nominations, a déclaré cette après midi qu'aucun membre de l'équipe du film ne viendrait ce soir. Après tout, pourquoi aller à une soirée où on va se faire conspuer, même si les professionnels de la profession ont voté pour que J'accuse apparaisse dans 12 catégories...

Petit rappel. Voici la présentation de l'Académie des César : « La gloire vient à un film de cinéma de trois manières : par le plaisir du public (les entrées en salles, les achats vidéo, les audiences télévisées), par les faveurs de la critique (les médias et les festivals), et par la reconnaissance des professionnels de l’industrie cinématographique (les Académies nationales de cinéma). L’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, usuellement appelée l’Académie des César, est l'institution qui, en France, organise cette troisième voie de distinction cinématographique, dédiée aux films et aux personnes qui les font. Elle est composée de plus de 4700 membres qui vont chaque année distinguer par leurs votes les artistes, les techniciens et les films qui leur ont paru les plus remarquables, en leur décernant un trophée appelé "César". »

Recevoir des nominations ou recevoir un César est bel est bien une récompense qui symbolise la reconnaissance des professionnels de l’industrie cinématographique pour une oeuvre ou l'un des membres qui y a participé.

C'est donc uniquement cette reconnaissance qui est mise en lumière ce soir, alors que les César sont trainés dans la boue depuis deux mois.

Nominations légitimes?

Les 12 nominations pour le film J'accuse de Roman Polanski ont pour seule valeur de saluer le travail artistique réalisé sur ce film, et ces nominations concernent la musique, les décors, les costumes, les acteurs... Ainsi il n'y a pas du tout 12 nominations pour Polanski. En fait, il y en a seulement 3 (meilleur réalisateur, meilleur adaptation pour le scénario partagée avec le romancier Robert Harris, et meilleur film partagée avec le producteur Alain Goldman). Il n'y a donc qu'une seule nomination qui concerne pleinement Roman Polanski, celle de meilleur réalisateur. Et vu le contexte, on parierait presque que le film reparte bredouille.

Et cette nomination n'est pas absurde. Son film J'accuse a déjà été récompensé deux fois : Un grand prix du jury au Festival de Venise, avec une présidente du jury féministe argentine, et un Prix Lumières décerné par la presse internationale dans la catégorie réalisateur. Ni tribunal, ni défenseur de l'ordre moral, les César n'ont pas vocation à envoyer un message particulier hormis saluer un talent artistique pour une œuvre spécifique.

L'avis d'Adèle

Les nominations aux César de J'accuse sont indépendantes du passé judiciaire de Roman Polanski, mais c'est pourtant la cause de la polémique actuelle. Les violences faites aux femmes en écho au mouvement #MeToo aux Etats-Unis se cristallisent en France, en particulier par les différentes prises de parole de l'actrice Adèle Haenel.

Elle s'est exprimée sur le sujet, sur son expérience personnelle (avec un autre réalisateur mis en cause) à trois moments.

Octobre 2019 : le film J'accuse de Roman Polanski est projeté au festival de La Roche-sur-Yon. Invitée à la manifestation, Adèle Haenel demande à y organiser un débat sur 'la culture du viol' et sur la notion de 'différence entre l'homme et l'artiste' pour accompagner la séance.

Novembre 2019 : Adèle Haenel livre un témoignage de son expérience (sur le site Mediapart) et provoque un débat national. « Les monstres ça n'existe pas. C'est notre société. C'est nous, nos amis, nos pères. Il faut regarder ça. On n'est pas là pour les éliminer, mais pour les faire changer » dit-elle à propos du viol.

Février 2020 : Adèle Haenel radicalise son propos dans une interview au New York Times avec cette sortie liée aux César « Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, ‘ce n’est pas si grave de violer des femmes’ ».

Il y a certes plein de choses à revoir et cela est déjà en cours de réflexion avec une nouvelle direction et des nouveaux statuts pour l'Académie des César: les règles et accès aux nominations, les oublis incompréhensibles qu'il faut éviter, le manque de diversité, le choix du César d'honneur, des catégories à revoir (animation, film étranger), etc...

Mais cette année, soyons objectifs, il y a eu principalement quatre films français qui ont été reconnus pour leur impact en France et à l'international : Grâce à Dieu de François Ozon, Grand prix à Berlin; Portrait de la jeune fille en feu de Céline Siamma (avec donc Adèle Haenel), prix du scénario à Cannes; Les Misérables de Ladj Ly, prix du jury à Cannes; et J'accuse de Roman Polanski, Grand prix du jury à Venise.

Ethique variable

C'est logique que ces films aient autant de nominations (respectivement 8, 10, 11 et 12) dans la plupart des catégories artistiques. Le casier judiciaire de Roman Polanski et celui de Ladj Ly deviennent pour certains un motif de protestation contre ces nominations : une 'bonne moralité' devrait-elle être exigée avant une reconnaissance d'un travail artistique sur un film ? Si le critère du casier judiciaire est retenu, on pourrait alors en inventorier d'autres : domiciliation fiscale hors de France, consommation de drogue, opération de chirurgie esthétique, contrat publicitaire avec une marque de luxe qui pollue et exploite des enfants ailleurs dans le monde..., et il n'y aurait plus beaucoup d'actrices et d'acteurs qui pourraient alors recevoir une nomination !

Est-ce que l’avenir des César est d'exclure des gens (Polanski comme d’autres) sur des critères de moralité ? Le défi est bel et bien celui d'une meilleure inclusion et d'une meilleure représentativité des femmes et autres minorités (le racisme et l'homophobie sont aussi des sujets à évoquer) dans le cinéma français. Bref, les César gagneraient à rendre visible les invisibles. En cela, les tribunes, prises de paroles qui vont dans ce sens sont le bienvenues. Et les protestations qui auront lieu le 28 février en dehors et dans la salle Pleyel ne sont pas à moquer.

Mais on espère que ce qui rassemblera un jour ces familles du cinéma fracturées sera plus artistique que politique. Si les César déçoivent c'est avant tout pour le manque d'audace des votants à choisir des films moins formatés.

Portraits de la jeune fille en feu et de la jeune fille et la mort

Ainsi on imaginerait bien une rencontre autour du 7e art entre Céline Siamma et Roman Polanski. À travers des personnages féminins forts dans les films de Roman Polanski (Repulsion, Rosemary's baby, Tess, La jeune fille et la mort, qui d'ailleurs forment une condamnation de l'acte de viol et parlent de ce traumatisme), il y a une discussion à avoir sur la représentation de la femme à l'écran.

La dernière séquence de Portrait de la jeune fille en feu de Céline Siamma montre Noémie Merlant dans une salle de spectacle qui observe en hauteur Adèle Haenel qu'elle avait aimée, un regard lourd de sens puisque ici les convenances de la société patriarcale ont gagné contre elles (le féminisme a perdu, temporairement).

La dernière séquence qui termine La jeune fille et la mort de Roman Polanski est identique : Sigourney Weaver dans une salle spectacle observe en hauteur Ben Kingsley, qui avait reconnu l'avoir violée et torturée. Un regard lourd de sens puisque ici elle ne s’est pas vengée en tuant son bourreau ni en détruisant sa famille (#MeToo nait en fait dans ce film de Polanski).

Etonnant mais vrai, Céline Sciamma a donc mis en scène une fin de film de la même manière que Roman Polanski 20 ans avant elle : il y a déjà une amorce de dialogue de cinéma entre eux. Ce qui n'empêche pas d'avoir sa propre opinion sur le réalisateur. Le reste, et Adèle Haenel l'a très bien compris, est une affaire de justice. Quiconque est accusé doit être jugé et pouvoir se défendre. C'est un Etat de droit. Ce n'est pas l'Académie des César.

L’Académie des César a une nouvelle présidente

Posté par vincy, le 26 février 2020

cesar

Ce sera assurément une drôle d'édition vendredi soir. On s'attend à un show de la part de Florence Foresti. Il y a de quoi être inspiré entre la cohabitation d'Adèle Haenel et de Roman Polanski dans la même salle, l'absence à date de César d'honneur, et puis la destitution de l'empereur Alain Terzian qui régnait sur l'Académie un peu trop en solitaire (Lire l'article: les César meurent et ça n'est pas plus grave que ça).
A force de fouiller dans les cuisines des César, la cérémonie a vécu depuis janvier sa pire crise depuis le décès de Daniel Toscan du Plantier: on a vite compris que les votes pouvaient être contournés, que certains choix étaient ceux du prince et que certaines personnalités ne trouvaient pas grâce aux yeux de Terzian.

Bref, ça a secoué. Et après avoir demandé une médiation auprès du CNC, l'Académie a finalement démissionné. La productrice et distributrice Margaret Menegoz, plus que respectée dans le milieu, va en assurer la présidence transitoire, en attendant l'assemblée générale extraordinaire prévue le 20 avril.

Margaret Menegoz, qui était secrétaire générale de l'Académie, dirige Les Films du Losange, et a été présidente d'Unifrance de 2003 à 2009.

Elle aura en charge de préparer l'AG, soit la feuille de route vers de nouveaux statuts et vers une nouvelle gouvernance.  Tout cela devra faire l'objet d'une concertation, encadrée par le CNC, avec les différentes professions du 7e art. Il de suivre le chemin ouvert par les Oscars: élargissement et diversification, en plus de la représentativité et de la parité.

Pour le nouveau conseil d'administration, il faudra attendre l'été, après l'inclusion des nouveaux membres. Alors, il sera fortement possible que tout soit bousculé : du collège électoral aux règles de vote en passant par le tarif d'inscription des films pour avoir accès au fameux et très coûteux coffret.

Les César meurent, et ça n’est pas plus grave que ça

Posté par redaction, le 14 février 2020

Ça n'en finit pas. Les César sont dans la tempête. Et on n'a rien écrit dessus. On reçoit bien les communiqués des uns et des autres, de l'Académie qui se défend et de ceux qui l'attaquent, des parties de ping-pong où l'Académie s'enfonce chaque fois un peu plus dans la crise, jusqu'à personnaliser, cristalliser le débat autour de son président, le producteur Alain Terzian. On comprend bien les polémiques. On aurait tendance à soutenir les accusateurs. Et pourtant, on a attendu la Saint-Valentin pour en parler. C'est une histoire de divorce, ça tombe bien.

Pourquoi ça nous indiffère? Parce que cela fait longtemps que les César ne sont plus un événement à nos yeux. On couvre la cérémonie en annonçant les nominations et le palmarès. Service minimum de l'information. Mais sinon, quel intérêt? Quel impact? A part faire parler les professionnels de la profession, flatter les vainqueurs, qui peut s'intéresser à une telle branlette médiatique? L'acte courageux serait de ne pas aller aux César, si on ne soutient pas l'actuelle et future défunte direction, ni sa politique. Des 400 signataires d'une tribune aussi juste que virulente, combien feront quand même acte de présence salle Pleyel? On pense aux producteurs, à Karin Viard, Roschdy Zem, Céline Sciamma, Anthony Bajon, tous nommés cette année. On vous encourage à libérer votre soirée, et vous amuser davantage ailleurs.

Influenceurs

Il suffit de connaître les cuisines depuis quelques années pour comprendre notre point de vue. Il faut débourser 90€ pour être membre. Les dernières révélations nous ont confortés dans notre appréciation. Le fameux coffret n'est pas exhaustif. Le ticket d'entrée est même assez cher (6600€, ça peut calmer les petits distributeurs ou même les moyens qui doivent défendre plusieurs films). Et ne parlons pas de l'empreinte carbone. Pourquoi ne pas tout mettre sur une plateforme numérique et cryptée? Ainsi les nominations sont influencées: les petits films n'ont aucune chance d'être repérés, même en étant soutenu par la critique. Et entre la liste des préconisations pour les espoirs (qui en plus rejettent des Virginie Despentes et Claire Denis comme marraines) et les labels techniques qui ferment le choix à quelques films, les nominations n'ont plus rien de représentatif des goûts d'une profession, qui n'a de toute façon pas le temps de voir le quart des films en course.

Perte d'influence

Ne parlons pas du vote: l'ergonomie de la plateforme est digne d'un site de vidéo à la demande français. Avec des menus déroulants infinis. L'Académie est sous le feu des critiques (elle a démissionné hier, après avoir demandé une médiation au CNC, après avoir cru que le gros vent se calmerait), son président est accusé de conflits d'intérêts avec Canal + dans un quotidien ce matin, sa tambouille apparaît au grand jour. Il faut dire que les César, avec leur soirée souvent ratée, leur audience faiblarde et le manque d'impact pour les films récompensés au box office, sont plus à cheval sur l'idée de ne pas mettre un s à César au pluriel que de pouvoir justifier l'incompatibilité d'un césar du meilleur film et d'un césar du meilleur réalisateur, ou le quota obligatoire de deux films francophones dans la catégorie film étranger (ça donne des nominations étranges), ou d'une année sur l'autre une catégorie animation fusionnant les courts et les longs ou scindant les deux.

Branding

Sans parler des César d'honneur, choix du chef. Aucun français depuis 2008 (et encore c'était le second pour Jeanne Moreau et un posthume pour Romy Schneider) et une allégeance à Hollywood qui devient insupportable. Rappelons que Nanni Moretti, Mike Leigh, Ken Loach, Wim Wenders, Claude Lellouch, Michel Piccoli, Charlotte Rampling, Kristin Scott Thomas, Ridley Scott, Wong Kar wai, Costa Gavras manquent à l'appel...

A la vue des prochains César, on se dit surtout que quelques beaux films, récompensés qui plus est, ont été zappés au détriment d'un certain cinéma. Notamment des films de femmes comme Atlantique, Proxima, C'est ça l'amour, Tu mérites un amour, Les estivants... Formellement, c'est consensuel, voire répétitif. A force de privilégier des films du milieu, d'inventer le César du public, de bouder les propositions audacieuses d'un cinéma éclectique et cosmopolite, les César sont devenus moyens. Aucune surprise. Et si les films cannois dominent toujours, c'est bien parce que Cannes est le seul endroit où la profession voit les films. Sans parler de la non représentativité des 4600 votants avec seulement 35% de femmes parmi eux.

Tout cela pourrait-on dire n'est finalement qu'un vote de la profession. Mais on voit bien à quel point, au fil des années, la belle cérémonie s'est dévoyée, surtout en interne. Ce n'est pas une question de bon joueur, mauvais joueur. On doit accepter le vote démocratique des professionnels membres de l'Académie. Mais les propositions (coffret, catégories labellisées) et les résultats (le César du meilleur réalisateur peut revenir au 2e dans l'ordre des votes) sont manipulés, les César d'honneur décidés par un seul homme, truquent le jeu. Le président peut même imposer une nomination, grâce à un règlement fait sur mesure pour lui donner tous les pouvoirs. Tout cela est opaque, sent l'entre-soi, refuse le changement. Alors, non, pas une larme pour ces César. Et soutien total à ceux qui veulent révolutionner l'Académie.

Avé César, morituri te salutant. Oops, finalement c'est César le tricheur qui est mort. Le temps de se refaire une petite santé. Cela ne peut-être que salutaire.

César 2020: J’accuse, Les Misérables, La belle époque et Portrait de la jeune fille en feu en tête des nominations

Posté par vincy, le 29 janvier 2020

Florence Foresti sera la maîtresse de la 45e cérémonie des César, qui aura lieu le 28 février à la salle Pleyel et sera retransmise en direct et en clair sur Canal+. Sandrine Kiberlain présidera la cérémonie. Et l'affiche rend hommage à Anna Karina.

Les favoris des prochains César sont quatre : 12 nominations pour J'accuse, 11 ex aequo pour Les misérables et La belle époque et 10 pour Portrait de la jeune fille en feu. Notons quand même que Grâce à Dieu et Hors Normes cumulent 8 nominations et Roubaix, une lumière 7. Autant dire qu'il faut s'attendre à un palmarès façon puzzle, sans véritable vainqueur au final.

Meilleur film
La belle époque
Grâce à Dieu
Hors normes
J'accuse
Les misérables
Portrait de la jeune fille en feu
Roubaix, une lumière

Meilleure réalisation
Nicolas Bedos - La belle époque
François Ozon - Grâce à Dieu
Eric Tolédano, Olivier Nakache - Hors normes
Roman Polanski - J'accuse
Ladj Ly - Les misérables
Céline Sciamma - Portrait de la jeune fille en feu
Arnaud Desplechin - Roubaix, une lumière

Meilleure actrice
Anais Demoustier dans Alice et le maire
Eva Green dans Proxima
Adèle Haenel dans Portrait de la jeune fille en feu
Noémie Merlant dans Portrait de la jeune fille en feu
Doria Tillier dans La belle époque
Karin Viard dans Chanson douce
Chiara Mastroinanni dans Chambre 212

Meilleur acteur
Daniel Auteuil dans La belle époque
Damien Bonnard dans Les misérables
Vincent Cassel dans Hors normes
Jean Dujardin dans J'accuse
Reda Kateb dans Hors normes
Melvil Poupaud dans Grâce à Dieu
Roschdy Zem dans Roubaix, une lumière

Meilleure actrice dans un second rôle
Fanny Ardant  dans La belle époque
Josiane Balasko dans Grâce à Dieu
Laure Calamy dans Seules les bêtes
Sara Forestier dans Roubaix une lumière
Hélène Vincent dans Hors normes

Meilleur acteur dans un second rôle
Swann Arlaud dans Grâce à dieu
Grégory Gadebois dans J'accuse
Louis Garrel dans J'accuse
Benjamin Lavernhe dans Mon inconnue
Denis Ménochet dans Grâce à dieu

Meilleur espoir féminin
Céleste Brunnquell dans Les Eblouis
Lyna Khoudri dans Papicha
Luàna Bajrami dans Portrait de la jeune fille en feu
Nina Meurisse dans Camille
Mama Sané dans Atlantique

Meilleur espoir masculin
Anthony Bajon dans Au nom de la terre
Benjamin Lesieur Hors normes
Alexis Manenti Les misérables
Liam Pierron La vie scolaire
Djebril Zonga Les misérables

Meilleur premier film
Atlantique de Mati Diop
Au nom de la terre de Edouard Bergeon
Le chant du loup d'Antonin Baudry
Les misérables de Ladj Ly
Papicha de Mounia Meddour

Meilleur film étranger
Douleur et gloire de Pedro Almodovar
Le jeune Admed de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Joker de Todd Philips
Lola vers la mer de Laurent Micheli
Once upon a time in Hollywood de Quentin Tarantino
Parasite de Bong Joon-Ho
Le traitre de Marco Bellocchio

Meilleur film documentaire
68, mon père et les cloux de Samuel Biguiaoui
La cordillière des songes de Patricio Guzman
Lourdes de Thierr Demaizière et Alban Teurlay
M de Yolande Zauberman
Wonder boy Olivier Rousteing, né sous X de Anissa Bonnefont

Meilleur film d'animation

Long métrage animation
La fameuse Invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti
Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec
J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin

Court métrage animation

Ce magnifique gâteau
Je sors acheter des cigarettes
Make it soul
La nuit des sacs plastiques

Meilleur court métrage
Chien bleu de Fanny Liatard, Jérémy Trouilh
Beautiful loser de Maxime Roy
Le chant d'Ahmed de Foued Mansour
Netfa football club de Yves Piat
Pile poil de Lauriane Escaffre, Yvonnick Muller

Meilleur scénario original
Céline Sciamma pour Portrait de la jeune fille en feu
François Ozon pour Grâce à Dieu
Nicolas Bedos pour La belle époque
Eric Tolédano, Olivier Nakache pour Hors normes
Ladj Ly, Giordano Gederlini, Alexis Manenti pour Les misérables

Meilleure adaptation
Costa Gavras - Adults in the room
Roman Polanski, Robert Harris - J'accuse
Jérémy Clapin, Guillaume Laurant - J'ai perdu mon corps
Arnaud Desplechin, Léa Mysius - Roubaix une lumière
Dominik Moll, Gilles Marchand - Seules les bêtes

Meilleure musique originale
Alexandre Desplat pour J'accuse
Fatima Al Qadiri pour Atlantique
Dan Lévy pour J'ai perdu mon corps
Marco Casanova, Kim chapiron pour Les misérables
Grégoire Hetzel pour Roubaix, une lumière

Meilleure image
Nicolas Bolduc pour La Belle époque
Pawel Edelman pour J'accuse
Julien Poupard pour Les Misérables
Claire Mathon pour Portrait de la jeune fille en feu
Irina Lubtchansky pour Roubaix, une lumière

Meilleur montage
La belle époque
Grâce à dieu
Hors normes
J'accuse
Les misérables

Meilleur son
La belle époque
Le chant du loup
J'accuse
Les misérables
Portrait de la jeune fille en feu

Meilleurs costumes
La belle époque
Edmond
J'accuse
Jeanne
Portrait de la jeune fille en feu

Meilleurs décors
La belle époque
Le chant du loup
Edmond
J’accuse
Portrait de la jeune fille en feu