[J'accuse] Polanski sur la sellette, des séances annulées et des élus qui veulent censurer

Posté par vincy, le 19 novembre 2019

Après son exclusion des Oscars, Roman Polanski pourrait être évincé des organisations professionnelles françaises. Depuis les révélations de Valentine Monnier, qui accuse le cinéaste de l'avoir violée dans les années 1970 alors qu'elle avait 18 ans, le malaise se répand dans toute la profession. Cela n'empêche pas son dernier film, J'accuse de prendre la première place du box office cette semaine avec 376000 spectateurs en 5 jours, soit son meilleur démarrage en plus de 30 ans. Le film fait déjà quatre fois mieux que le résultat final de sa précédente réalisation, D'après une histoire vraie, et a également dépassé le box office total de La Vénus à la fourrure, sorti en 2013.

Reste que la polémique enfle. la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) a décidé d'instituer de nouvelles règles : tous membres condamnés ou poursuivis pour des infractions sexuelles conduiront à la suspension du réalisateur. "Quarante ans se sont passés entre la première affaire qui concerne Roman Polanski et aujourd’hui. Je pense que le monde a beaucoup changé en quarante ans. Les crimes sont les mêmes, mais la façon dont ils sont perçus a énormément changé" a déclaré le président de l'ARP, Pierre Jolivet. Clairement, il a précisé que Roman Polanski serait concerné par une suspension.

Le changement de statut sera proposé au vote lors de la prochaine assemblée générale; dont la date n'a pas encore été fixée.

Depuis la prise de parole d'Adèle Haenel, concernant le réalisateur Christophe Ruggia, qui devrait être prochainement exclu de la SRF, le milieu du cinéma tente de réagir pour lutter contre le harcèlement sexuel. Le nom de Polanski est autrement plus symbolique, de par sa notoriété et la multiplicité des affaires qui le visent. La SRF, justement, a, par la voix de Rebecca Zlotowski, membre du Conseil d'administration et co-créatrice du Collectif 5050, "aussi appelé, aux côtés d’autres organisations d’auteurs et du Collectif 5050, à des États généraux sur les questions des abus sexuels et des harcèlements dans notre industrie, dans le but d’aboutir à une charte, un code de conduite commun, et des mesures spécifiques." L'Académie des César refuse toujours de s'exprimer sur ce cas.

Cependant, pour l'instant, ce sont les exploitants qui sont en première ligne sur le front. L'avant-première de J'accuse au mythique Champo, un des rares cinémas dirigé par une femme, Christiane Renavand, a ainsi été annulée par une manifestation de féministes. D'autres militantes féministes ont fait interrompre puis annuler des séances à Rennes et à Saint-Nazaire ce week-end.

Censure politique en Seine-Saint-Denis

Et ce n'est pas fini puisque cet après-midi, nous avons appris que les élus d'Est Ensemble, intercommunalité qui regroupe 9 villes, ont ordonné, contre l'avis des cinémas, la déprogrammation de J'accuse dans les six sites qu'elle gère à Pantin (le Ciné 104), Bagnolet (le Cin'Hoche), Bondy (le Ciné Malraux), Bobigny (l'Ecran Nomade), Romainville-Noisy le Sec (le Trianon) et Montreuil (le Méliès). Cette décision fait suite à la réclamation de la maire socialiste de Bondy, Sylvine Thomassin, et a été soutenue par l'ensemble des groupes politiques: "On est effarées que l'administration des salles se permette une telle diffusion, sans demander ce que les politiques en pensent" a-t-elle expliqué. On est effaré que des élus se croient encore autorisé à interdire un film. Il s'agit d'un cas inédit de censure "officielle".

[Censure. Nom féminin, du latin censura. Examen préalable fait par l'autorité compétente sur les publications, émissions et spectacles destinés au public et qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffusion totale ou partielle. (En France, les films doivent comporter un visa de censure, le visa d'exploitation, délivré par le ministre de la Culture après avis d'une commission.]

Le président d'Est Ensemble, le socialiste Gérard Cosme, a cependant communiqué qu'il "paraissait peu crédible et peu souhaitable que la programmation relève d'un comité d'élus ou même du président", choisissant ainsi "la liberté de programmation artistique" aux établissements. Un revirement radical, qui va à l'encontre du vote des élus qu'il préside donc. Sagement, il refuse donc de déprogrammer le film mais demande aux cinémas d'organiser "un débat en présence des associations et des élus qui le souhaitent et qui se sont exprimés en faveur de la déprogrammation". Or, les directeurs des cinémas n'ont pas attendus les élus pour débattre autour du film et du cinéaste.

Dans le cadre de la projection du film de Polanski, deux débats étaient prévus au Méliès: "Choisir de voir ou non le dernier Polanski ?", avec les associations féministes Nous Toutes et Collage Féminicide et "L'Affaire Dreyfus et l'antisémitisme d'hier et d'aujourd'hui" avec la Ligue des Droits de l'Homme. Adèle Haenel avait elle-même initié et milité pour des débats encadrant le film.

Avant l'annulation de la déprogrammation, le directeur artistique du Méliès, Stéphane Goudet s'était exprimé sur Facebook pour alerter ceux qui ne prennent pas la mesure d'une telle censure: "Nous demandons dès à présent à nos élus la liste des cinéastes dont nous n'aurons plus le droit de programmer les films et la définition de leurs critères. Un comité de vérification de la moralité des artistes programmés est-il prévu, puisque la liberté individuelle des spectateurs n'est pas suffisante ? L'interdiction doit-elle être étendue aux délits, et si oui lesquels ? Nous souhaitons également savoir quel sort sera réservé aux écrivains et peintres condamnés pour crimes dans les bibliothèques d'Est Ensemble. Selon toute vraisemblance, les livres de Céline et Althusser, les DVD de Max Linder, Brisseau, voire Woody Allen (plus besoin ici de décision de justice), les disques de Michael Jackson et les ouvrages sur Le Caravage et Gauguin devraient être retirés des rayonnages."

Lire aussi : Voir ou ne pas voir « J’accuse »

Hong Kong, Chine, Taïwan: secousses sismiques dans le 7e art

Posté par vincy, le 7 octobre 2019

Le cinéma subit à son tour les effets de la situation politique de Hong Kong, dont les citoyens revendiquent a minimia le maintien d'un pays-deux systèmes distinguant Hong Kong du continent chinois, statut obtenu lors de la rétrocession par les britanniques en 1997. Depuis la fin mars, la métropole de près de 8 millions d'habitants vit aux rythmes de manifestations monstres où la violence policière et étatique est de plus en plus brutale.

Pour ne pas froisser la Chine, deuxième marché mondial en nombre de spectateurs en salles, certaines personnalités du cinéma ont déjà refusé de soutenir les hong kongais, à commencer par l'actrice du film Mulan, Liu Yifei. D'ores et déjà des appels aux boycotts ont répliqué. Mais la Chine sait se faire pression. Dès qu'une personnalité du spectacle ou du sport apporte son soutien au "mouvement des parapluies", le régime de Pékin ordonne la rétractation, ou c'est l'interdiction de travailler en Chine. Aussi, aucun des cinéastes hongkongais ne s’est exprimé à titre personnel sur cette crise pour continuer à bénéficier de l'accès aux puissantes industries culturelles chinoises. Dans La Croix, Arnaud Lanuque justifiait ce silence il y a un mois: "Le cinéma de Hong Kong est devenu limité, et ces réalisateurs ne veulent pas faire de petits films. Pour faire des films ambitieux, il faut nécessairement passer par le marché chinois. Hong Kong n’a plus que des films à petits budgets, des drames sociaux, des comédies, et des films fantastiques (genre interdit en Chine)."

Migration en Corée du sud

Mais depuis deux semaines, le cinéma hong kongais est quand même sur les dents. Les Asian Film Awards ont décidé de quitter leur lieu d'accueil historique, remis chaque année depuis 2007 au Festival international du film de Hong Kong en mars. Ils migreront à Busan, en Corée du sud, la ville où se déroule le plus grand festival de cinéma en Asie. Si bien que les prochains AFA auront lieu en octobre 2020. A un mois des Asia Pacific Screen Awards (qui se déroulent à Brisbane en Australie).

Fondé par la HKIFF Society, les AFA ont ensuite noué des partenariats avec les festivals de Busan et Tokyo, tout en restant juridiquement basés à Hong Kong. Depuis longtemps, les organisateurs réfléchissent à une rotation entre les trois festivals (Tokyo a lieu fin octobre). Mais les difficultés de Busan à l'époque avaient mis ce projet à l'écart. Cette rotation serait de nouveau en discussion.

Le Festival du film de Hong Kong devrait quand même avoir lieu, et accueillerait malgré tout un prix honorifique des AFA, afin de conserver son emprise sur la marque. Mais il faudra bien attendre encore un an pour connaître le successeur d'Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda. Et on ignore encore si le cinéma chinois (5 statuettes du meilleur film en tant que producteur ou co-producteur) y sera le bienvenu.

Exclusion du cinéma chinois

Car, l'effet de choc n'est pas terminé. Les Golden Horse Awards se mêlent aussi de real-politik. Les récompenses de cinéma taïwanaises sont décernées depuis 1962 distinguant les films d’expression chinoise, qu’ils viennent de Taïwan, des territoires sinophones (Hong Kong, Singapour, ...) et depuis 1996 de Chine continentale.

Or, l'île de Taïwan, à la fois état souverain non indépendant et province chinoise avec son propre système politique et économique, est en pleine campagne électorale. Et elle est partagée entre ceux qui souhaitent le rattachement à la Chine, sur la base de Hong Kong (un pays, deux systèmes), et ceux qui revendiquent l'indépendance (qui sont de plus en plus renforcés dans leur conviction en voyant les événements de Hong Kong).

Les récentes nominations aux Golden Horse Awards montrent que les professionnels ont choisi leur camp: les films chinois sont complètement absents et seuls quelques films de Hong Kong ont reçu des citations (Suk Suk, My Prince Edward, Bamboo Theatre). Deux films de Singapour et un de Malaisie complètent les nominations hors-Taïwan. C'est d'autant plus une claque que les films de Chine et de Hong Kong ont largement dominé le palmarès des GHA depuis leur création. Seules 8 productions ou coproductions taïwanaises ont remporté le prix du meilleur film depuis 1996.

Présidés par Ang Lee, les GHA sont considérés comme les Oscars du cinéma en langue chinoise. Mais l'an dernier, Fu Yue, prix du meilleur documentaire, avait choqué le régime chinois en réclamant l'indépendance de Taïwan lors de son discours d'acceptation. En guise de rétorsion, les autorités chinoises, en août dernier, ont alors décidé de boycotter tous les films nommés aux Golden Horse Awards, interdits de sortie en Chine continentale.

De peur de ne plus pouvoir travailler en Chine, plusieurs personnalités de cinéma de Hong Kong ont déjà fait savoir qu'ils ne soumettaient par leurs films aux GHA, ce qui explique l'absence de films chinois (il n'y a eu que 148 candidats contre 228 l'an dernier). Dernier en date, et pas des moindres, le cinéaste Johnnie To, qui s'est retiré de la présidence du jury, qui choisit les gagnants, au nom d'obligations contractuelles.

Mais surtout, la Chine a décidé de lancer ses propres récompenses, les Golden Rooster Awards, qui auront lieu à Xiamen, le même soir (23 novembre) que les Golden Horse Awards. A cette politique de menaces, le régime chinois ajoute d'autres formes de pressions sur les festivals internationaux en interdisant à certains films et talents de s'y rendre, à l'instar de One Second de Zhang Yimou, retiré au dernier moment de la compétition de Berlin, ou de Liberation de Li Shaohong, film d'ouverture du festival de Pingyao (créé par Jia Zhangke), remplacé trois jours avant sa projection par un autre film.

Le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof condamné

Posté par vincy, le 25 juillet 2019

Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof, primé à Cannes en 2017 pour son film Un homme intègre, a été condamné en Iran le 23 juillet à un an de prison ferme suivi de deux ans d'interdiction de sortie de territoire et d'interdiction de se livrer à une activité sociale et politique. Son distributeur français, ARP Sélection, a immédiatement exigé sa libération. Le Festival de Cannes a également demandé qu'il soit libéré, rappelant qu' "À travers son travail il ne cesse de conter la réalité de son pays, affrontant ainsi la censure imposée chez lui par les autorités iraniennes."

Déjà, en 2011, il avait été condamné à un an de prison pour "activités contre la sécurité nationale et propagande" et en 2013, l'Iran lui avait déjà confisqué son passeport.

Depuis septembre 2017, le cinéaste ne pouvait plus circuler librement, travailler et se rendre à l'étranger. Son passeport a été confisqué dès son arrivée à l’aéroport de Téhéran. Il a ensuite été soumis à un long interrogatoire par les Renseignements des Gardiens de la Révolution. Ceux-ci l’empêchent alors d’assurer le reste de la promotion de son film à l’étranger. Les acteurs du film subissent aussi une perquisition à l’issue de laquelle leurs passeports et ordinateurs sont saisis.

La Russie raccourcit Rocketman

Posté par vincy, le 31 mai 2019

Il fallait s'y attendre. Taron Egerton, qui incarne Elton John dans le biopic Rocketman, avait d'ailleurs anticipé le problème. "Je me fous de savoir si le film marchera en Russie" affirmait-il il y a quelques semaines en pointant un pays qui peut rejeter sa distribution pour "atteintes au valeurs traditionnelles". "Ça n’a pas d’importance, poursuit-il. Ça ne veut pas en avoir. Qu’est-ce que 25 millions de dollars en plus au box office ? Pourquoi faire cela ? Pour ne pas dormir la nuit parce que tu as tout édulcoré ?"

Et bien, ça n'a pas coupé. En fait, si ça a bien coupé. L'AFP rapporte que des scènes d'amour homosexuelles (il y en a trois) et de consommation de drogues ont été retirées de la version russe du film selon des critiques ayant assisté vendredi à une projection en Russie. "Toutes les scènes de baisers, d'amour et de sexe oral entre hommes ont été coupées", a écrit sur Facebook le critique de cinéma russe Anton Doline. C'est d'autant plus ironique qu'on ne voit pas grand chose à part la tête entre les jambes d'un homme ou deux corps presque nus enlacés.

Le distributeur du film a confirmé que ces modifications avaient été faites pour "respecter les lois russes". Depuis 2013, la loi punit d'une amende ou de prison tout acte de "propagande" homosexuelle auprès des mineurs. En l'occurrence, le gouvernement n'a rien demandé, si on en croit le ministère russe de la Culture.

Déshumanisation

Amnesty International a dénoncé un cas de "censure" "ridicule" qui "déshumanise les relations homosexuelles". L'ONG exige la sortie de la version originale du film au nom du respect des droits des minorités sexuelles. Ce sera vain, évidemment.

Le distributeur Central Partnership a aussi modifié le texte précédent le générique de fin. Dans la version normale, il est rappelé qu'Elton John est marié avec un homme et a adopté deux enfants avec son époux. Dans la version russe, il est indiqué qu'il a créé une association contre le sida. Mais aucune mention sur son mariage et sa paternité.

Etrangement, les scènes d'amour gay, plus rares avouons-le, dans Bohemian Rhapsody n'avaient pas été coupées en Russie.

Peut-être qu'il faut y voir une petite revanche sur Elton John, qui a souvent critiqué le pays sur ses lois discriminatoires envers les homosexuels. Là aussi, c'est assez ironique: en 1979, il a été l'une des premières stars occidentales à se produire dans l'Union soviétique d'alors, lors d'une tournée. Sans compter la chanson "Nikita" très russophile. Il n'a cessé de passer par la Russie lors de ses tours de chant. En 2014, il s'est même exprimé sur le sujet: "En tant qu’homme gay, je me suis toujours senti aussi bien accueilli ici en Russie. Les histoires de fans russes - des hommes et des femmes qui sont tombés amoureux en dansant sur "Nikita" ou de leurs enfants qui chantent pour "Le cercle de la vie" - définissent le monde selon moi. Si je ne suis pas honnête avec qui je suis, je ne pourrais pas écrire cette musique. Ce n’est pas de la propagande gay. C’est comme ça que j’exprime la vie. Si nous commençons à punir les gens pour cela, le monde perdra son humanité. "

Rocketman prépare son lancement

Posté par vincy, le 12 avril 2019

Cela fait plusieurs jours que la rumeur court. Certains avançaient même la date du 16 mai pour sa projection. Et selon RTL, l'événement est sûr d'avoir lieu ce jour-là. Rocketman, biopic de la star pop Elton John, de Dexter Fletcher devrait être présenter lors de la 72e édition du Festival de Cannes, qui n'a toujours rien confirmé. Sir Elton John serait sur le tapis rouge pour la montée des marches. Rappelons qu'il avait tourné à Cannes (et à Monaco) le clip d'un de ses tubes, "I'm still standing".

Le film est prévu dans les salles le 29 mai, distribué par Paramount, qui compte bien faire aussi bien que Bohemian Rhapsody (20th Century Fox) et ses 4,4 millions de spectateurs. Dexter Fletcher avait d'ailleurs repris la réalisation de Bohemian Rhapsody après le renvoi de Bryan Singer.

Rocketman retrace la vie de la star britannique depuis son enfance jusqu’à son avènement en tant que star de stade, de son statut de gamin introverti, grassouillet et fils unique à celui de diva excentrique, génie du piano. Si on en croit la bande annonce, le film retrace son enfance anglaise, ses premiers cours de piano, ses débuts au club Troubadour à Los Angeles en 1970 et ses deux concerts géants au Dodger Stadium de la métropole californienne cinq ans plus tard.

Taron Egerton incarne le chanteur (note: il croisa d'ailleurs Elton John dans Kingsman: Le Cercle d'or) et interprète lui-même les tubes musicaux. Jamie Bell interprète son parolier Bernie Taupin, Richard Madden son amant et manager John Reid et Bryce Dallas Howard sa mère.

Dans une récente présentation aux Etats-Unis, Dexter Fletcher explique que le film "n'est pas une biographie officielle" mais plutôt une relecture de la vie d'Elton John par l'artiste lui-même. "Nous ne sommes pas limités par les faits, nous avons une liberté d'imagination, ce qui est très important lorsqu'on fait un film". Ajoutant: "Avoir Elton comme narrateur a été très libérateur de ce point de vue".

Fierté LGBT plutôt que recettes en Russie et censure en Chine

Cinq Grammy Awards, 300 millions de disques vendus (dont le single le plus vendu du monde: "Candle in the wind" ), Elton John est aussi l'un des producteurs du film, aux côtés de son mari, le cinéaste David Furnish. Ce qui devrait éviter le "bug" de Bohemian Rhapsody sur la sexualité de Freddie Mercury, largement estompée par le montage. Rocketman n'évitera pas le sujet de l'homosexualité.

Dans un récent entretien à GQ UK, Taron Egerton va beaucoup plus loin en s'offrant une belle colère à l'égard des "Les trucs que nous avons tournés sont assez explicites. C’est la raison pour laquelle j’ai joué dans ce film. Ces scènes sont désespérément importantes", rappelant que "En tant qu’acteur hétérosexuel, ne pas pousser le jeu le plus loin possible pour en faire une célébration sans réserve du fait d’être gay serait une erreur."

"Je me fous de savoir si le film marchera en Russie" affirme-t-il en pointant un pays qui peut rejeter sa distribution pour "atteintes au valeurs traditionnelles". "Ça n’a pas d’importance, poursuit-il. Ça ne veut pas en avoir. Qu’est-ce que 25 millions de dollars en plus au box office ? Pourquoi faire cela ? Pour ne pas dormir la nuit parce que tu as tout édulcoré ?"

Espérons que les scènes ne seront donc pas coupées pour viser un public le plus large possible. Autrement, le bad buzz des fans et des influenceurs LGBTQI+ pourrait être fatal. Mais il reste à savoir comme Rocketman sera projeté dans certains pays qui ne tolèrent pas l'homosexualité. Bohemian Rhapsody a été censuré en Malaysie, en Egypte, et en Chine (au point que les spectateurs ne comprenaient plus rien à l'histoire et au personnage).

Vesoul 2019 : le silence et l’exil face aux politiques absurdes

Posté par kristofy, le 11 février 2019

Comme à son habitude, le Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul propose en compétition des films de tous horizons (Chine, Corée du Sud, Inde, Japon, Iran, Philippines, Afghanistan...) La plupart de ces films, dont trois sont signés de réalisatrices, montrent des familles qui éprouvent diverses difficultés. Certaines sont en résonance avec leur pays avec en fond une critique d'un système. Deux films sont particulièrement interrogateurs, voir dénonciateurs : Widows of silence et A family tour.

Widows of silence, réalisé par Praveen Morchale : originaire de l'Inde, il s'agit de son 3ème long-métrage. Il raconte une histoire dans le  Cachemire. Une femme dont le mari est porté disparu depuis 7 ans est seule avec sa fille de 11 ans et sa belle-mère âgée muette de chagrin. Cette femme doit plusieurs fois se déplacer pour des formulaires demandant un acte de décès de son mari qu'elle n'arrive pas à obtenir, l'une des raison est d'ailleurs de lui soustraire des terres de son mari...

Praveen Morchale explique ce qui l'interpelle : « Le Cachemire est une zone très conflictuelle entre l'Inde et le Pakistan, depuis des dizaines d'années. Il y a des gens qui traversent des frontières pour disparaître et d’autres pour devenir soldat ailleurs par exemple. Il y a surtout le problème interne des gens qui sont à un moment arrêtés par des militaires et qu'on ne revoit jamais. Il y aurait 2500 femmes veuves officiellement mais plutôt environ 10000 disparus officieusement, la situation est douloureuse pour les proches surtout les épouses et les enfants. Il y a un peu plus d'un an j’ai découvert dans un article de journal le terme de ‘demi-veuve’ et je me suis intéressé à ce que ça voulait dire, en fait des femmes dont les maris ont disparus après des arrestations.

Je suis allé au Cachemire et j'y ai rencontré des gens incroyablement généreux et qui partagent beaucoup de choses, et aussi des femmes qui m'int raconté des choses horribles et absurdes qui arrivent là-bas. Les médias locaux ne parlent jamais des malheurs de ces femmes et de ces enfants, les journaux et les radios ne parlent que d'actions militaires victorieuses par exemple, mais rien de négatif sur le pays. Beaucoup de ces femmes sont illettrées ou bloquées au quotidien dans des démarches administratives, elles sont d'autant plus silencieuses ou ignorées que personne ne parlent d'elles, de ces veuves dont les maris sont morts on ne sait où ni comment. Environ 6 mois plus tard je faisais le film, le tournage a duré 17 jours dans un petit village où personne n'avait jamais vu de caméra. A l'écran c'est la réalité, les villageois jouent leur vie à l'image : le chauffeur est chauffeur, l'infirmière est infirmière. Que des non-professionnels donc sauf l'actrice principale qui a fait du théâtre et le chef du bureau d'état civil qui est en fait mon assistant qui fait l'acteur ici. Dans mon film 99% des choses sont vraies d'après ce que m'ont raconté plusieurs femmes rencontrées là-bas, sauf le final est fictif. »

A family tour, réalisé par Ying Liang : il est chinois mais il a dû s'éloigner de sa région natale pour aller vivre à Hong-Kong, sa précédente réalisation When night falls lui avait valu diverses difficultés avec le pouvoir et c'est d'ailleurs le sujet de son nouveau film. Une réalisatrice exilée à Hong-Kong parce qu'un de ses film a offensé les autorités chinoises participe à un festival dans la dissidente Taïwan. Elle en profite pour y faire venir sa mère malade qu'elle n'a pas vue depuis cinq ans. La mère participe à un voyage groupé touristique et à chaque étape la réalisatrice avec son mari et son fils va la rejoindre pour passer du temps ensemble...

Ying Liang évoque comment la Chine surveille des cinéastes : « Cette histoire est une fiction qui reflète mon histoire personnelle. Un de mes films a fait que je ne pouvais plus retourner en Chine, c'était une phase difficile et j'ai repensé totalement ma vie. La première version du scénario était à propos d'un homme réalisateur en exil et c'était trop proche de moi. Faire du personnage principale une femme réalisatrice permettait de suggérer différents choix de vie et en faire un personnage plus fort : ici ce n'est pas une femme qui suit son mari par exemple, c'est elle qui est moteur des décisions. Je suis originaire de Chine mais à Hong-Kong il y a plus de libertés, notamment pour faire des films et les montrer, mais en ce moment Hong-Kong change à une vitesse folle et en pire.

Les deux actrices sont originaires de Pékin, et je leur ai demandé clairement "voulez-vous prendre le risque d'apparaître dans mon film?" L'actrice qui joue la mère était déjà dans mon précédent film qui m'a vau des problèmes dans le rôle de la maman d'un garçon ayant tués des policiers chinois, en fait elle est aussi elle-même productrice de films indépendants comme Lou Ye, elle connait les risques de censure. Dans ma vraie vie; mes parents n'ont pas fait ce type de voyage dans un pays tiers pour me voir, c'est risqué car on ne sait pas ce qui peut se passer à leur retour. Le contact avec mes parents en Chine est comme dans ce film, c'est par internet et limité à des choses simples. Je ne peux pas leur parler de ce que je fais dans mon métier et cache certaines choses, et eux évitent de me poser certaines questions. »

La réalisatrice de « Rafiki » porte plainte contre les autorités kenyanes

Posté par vincy, le 12 septembre 2018

Wanuri Kahiu, réalisatrice de Rafiki, premier film kényan sélectionné au Festival de Cannes en mai dernier, a décidé de porter plainte contre le KFBC (organisme de régulation des diffusions mandaté par le gouvernement kényan), et le procureur général du pays, suite à l'interdiction de son film dans son pays.

Rafiki raconte l'histoire de deux jeunes femmes, à Nairobi, qui tombent amoureuses l'une de l'autre, essayant de ne pas se faire surprendre en restant à l'écart des commères, machos et autres dévots.

Lors de l'annonce de sa sélection à Cannes, tout le monde s'était réjoui de cet "honneur" dans le plus grand des festivals, à commencer par la Commission du Film du Kenya (l'équivalent du CNC) et le ministère des Sports et du Patrimoine, qui comprend la Culture dans ses attributions. Mais rapidement, le film a été censuré, avant même sa projection sur la Croisette. Le KFCB y a vu une "claire intention de promouvoir le lesbianisme au Kenya ce qui est contraire à la loi", ajoutant que ce film "heurte la culture et les valeurs morales du peuple Kényan".

Dans un communiqué, Wanuri Kahiu estime que l'empêchement de la diffusion du film viole plusieurs articles de la constitution qui protège la liberté d'expression et de création: "Quand quelqu’un commence à porter atteinte à votre droit d'être créative et d’exercer votre travail cela devient un problème".

Le film sort le 26 septembre en France. Il y a peu de chance qu'il représente le Kenya aux Oscars.

Russie: Kirill Serebrennikov toujours assigné à résidence, Oleg Sentsov toujours emprisonné

Posté par vincy, le 18 juillet 2018

La justice russe a prolongé mercredi 18 juillet de plus d'un mois l'assignation à résidence du metteur en scène et cinéaste russe Kirill Serebrennikov, accusé de détournements de fonds, rapporte l'AFP. Le cinéaste était en compétition à Cannes cette année avec son film Leto. L'assignation à résidence a été prolongée jusqu'au 22 août. Le tribunal a aussi prolongé jusqu'au 19 septembre l'assignation à résidence de la directrice du Théâtre académique de jeunesse (RAMT) Sofia Apfelbaum, arrêtée dans le cadre de l'enquête visant Serebrennikov.

"Ce qui se passe avec moi et les autres personnes dans cette affaire peut être qualifié d'un seul mot: absurde", a réagi lors de l'audience le réalisateur, cité par l'agence RIA Novosti. Arrêté fin août 2017, il est accusé d'avoir détourné à travers son théâtre près d'un million d'euros de subventions publiques grâce à un système de devis et factures gonflés entre 2011 et 2014.

De son côté le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov est toujours emprisonné, alors qu'il vient d'entamer son 66e jour de grève de la faim. Il est détenu depuis 2014. Il avait été condamné à 20 ans de camp pour "terrorisme" et "trafic d'armes" à l'issue d'un procès qualifié de "stalinien" et de "parodie de justice" par Amnesty International. Les présidents russe et ukrainien, Vladimir Poutine et Petro Porochenko, cherchaient une solution en mai dernier, soit un éventuel "échange de prisonniers" entre les deux pays.

Serebrennikov comme Sentsov bénéficient d'appels et de soutiens internationaux, dans les journaux ou lors des festivals (Cannes, Avignon...).

> Lire aussi :  19 grands noms du cinéma européen se mobilisent pour un cinéaste Ukrainien et Mobilisation pour le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, emprisonné en Russie

C'est sans effet. Malgré cette mobilisation médiatique d'auteurs, d'acteurs, d'artistes renommés, Serebrennikov et Sentsov sont toujours à la merci du pouvoir russe. Le Président français Emmanuel Macron, à l'occasion de la finale de la Coupe du monde de football, aurait évoqué le cas de Sentsov auprès du Président russe, Vladimir Poutine. Ce serait la deuxième fois, après la visite en Russie en mai de Macron, que le cas du réalisateur ukrainien s'inviterait dans la discussion entre les deux chefs d'Etat.. Sans résultat.

Cannes 2018: un festival plus politique que jamais

Posté par vincy, le 9 mai 2018

Il y a l'aspect business qui inquiète tant les professionnels (Cannes passe-t-il à côté des mutations technologiques de l'époque?), la résistance au cinéma dominant (blockbusters américains et chinois d'un côté, comédies française de l'autre), et puis il y a ce que dessine la sélection du festival en creux: mettant en lumière un cinéma d'auteur qui a de moins en moins de spectateurs, de plus en plus de difficultés à être projeté (les Avengers et Taxi 5 monopolisent 1650 écrans cette semaine) et qui se bat pour avoir une visibilité correcte dans des médias qui réduisent la place de la culture et qui doivent aussi faire du clic.

Mais cette année encore Cannes joue un rôle politique: la défense des réalisateurs, ceux qui croient encore au grand écran comme ceux qui ne peuvent pas sortir de leur pays. Terry Gilliam a reçu le soutien explicite du festival dans son combat juridique et financier contre le producteur Paulo Branco. Rafiki de Wanuri Kahiu a été censuré dans son pays parce que le film montre la relation amoureuse entre deux femmes. Même sanction pour Les âmes mortes du cinéaste chinois Wang Bing, qui est interdit de diffusion en Chine.

Evidemment les deux grands cas cette année sont metteur en scène et cinéaste russe Kirill Serebrennikov et le réalisateur iranien Jafar Panahi, tous deux en compétition respectivement avec Leto et Three faces. Le premier a été assigné à résidence à Moscou depuis l'été dernier accusé d'avoir détourné de fonds publics dans une affaire très politisée puisqu'il critique ouvertement Vladimir Poutine. Son assignation a été repoussée jusqu'au 19 juillet 2018, il sera donc absent.

Pour Jafar Panahi, l'affaire est encore plus rude. Il est interdit de tournage dans son pays et de voyager. Cela ne l'empêche pas de filmer (clandestinement) et même d'être primé par un Ours d'or à Berlin (Taxi Téhéran). On se doutait bien, avec la crise diplomatique américano-iranienne que l'Iran n'allait pas faire d'exception. Rappelons qu'il avait été incarcéré à la prison d'Evin alors qu'il était invité à faire partie du jury de Cannes en 2010.

On a déjà vu des films cannois censurés a posteriori dans leur pays ou dans d'autres. On a aussi déjà connu des cinéastes en sélection qui étaient en litige avec leurs producteurs ou des réalisateurs qui ne pouvaient pas sortir leurs films. Cannes a une histoire mouvementée.

En 1956, à la demande de l'Allemagne de l'Ouest, Nuit et Brouillard est retiré de la compétition officielle tout en étant projeté. Tels des thrillers, Gilles Jcob fait passer d'Est en Ouest les bobines de L'homme de marbre d'Andrzej Wajda et de Stalker de Andreï Tarkovski, au nez et à la barbe des régimes communistes. A la projection du film-surprise de Tarkovski, la délégation d’URSS reconnait le film dont il ne souhaitait pas la diffusion à Cannes et sort de la salle.

En Chine, ce n'est pas mieux, de Zhang Yuan (East Palace, West Palace, "premier film gay" en Chine) à Lou Ye (Summer Palace, qui parle de sexe sur fond de mouvement prodémocratique de la place Tian’anmen) sont censurés dans leur pays et les cinéastes plus que surveillés.

Rappelons aussi qu'avec Chronique des années de braise, Palme d'or signée de l'algérien Mohammed Lakhdar-Hamina, le réalisateur a été lenacé de mort lors de sa venue à Cannes par des anciens membres de l'OAS. C'était en 1975. En 2010, des élus UMP, des militants FN, des harkis, des pieds-noirs et d'anciens combattants protestent contre la projection du film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb. On prend les mêmes et on recommence.

Enfin signalons que l'an dernier, Mohammad Rasoulof, Prix Un Certain regard avec Un homme intègre, à peine rentré dans son pays, se voit confisquer son passeport et convoquer à un interrogatoire par les autorités qui l’accusent d'activités contre la sécurité nationale et de propagande contre le régime. En octobre, il disait: "J’ai l’impression que les autorités iraniennes veulent étouffer le cinéma d’auteur en Iran”.

Cannes n'a peut-être pas les films oscarisables. Mais une chose est certaine, le festival tient son rang dans la liberté de création et la défense d'un cinéma opprimé qui déplaît aux régimes les plus autoritaires et à ceux qui veulent museler la liberté d'expression.

Cannes 2018: Qui est Wanuri Kahiu ?

Posté par vincy, le 9 mai 2018

Une Kényane en sélection officielle. C'est une première et cet honneur revient à Wanuri Kahiu, artiste, cinéaste, activiste, auteure née à Nairobi et conteuse multi-supports. Cofondatrice de AfroBubbleGum, une agence qui soutient l'art africain, elle arrive à Cannes avec Rafiki, histoire d'amour tabou entre deux femmes, ce qui lui a déjà valu un sacré buzz pré-cannois: le film a été censuré au Kenya. L'homosexualité n'y est pas vraiment tolérée. Elle revendique la transgression. Consciente de toujours avoir été un mouton noir dans sa famille conservatrice, plutôt ultra-libérale.

A 16 ans, elle décide de devenir cinéaste. Part faire ses études à Los Angeles, apprend le cinéma sur des tournages hollywoodiens. Dès son premier film en 2009, From a Whisper, elle est remarquée, raflant 5 Africa Movie Academy Awards, dont celui du meilleur film. Elle y raconte l'histoire d'une jeune fille qui perd sa mère dans l'attentat terroriste de l'Ambassade des Etats-Unis à Nairobi en 1998. Son père lui ment en préférant lui dire qu'elle a disparu. La jeune fille cherche sa mère partout dans la ville, aidée par un policier qui culpabilise de ne pas avoir arrêté un des auteurs de l'attentat.

Entre traumatismes, mensonges, égalitarisme, féminisme et humanisme, la réalisatrice dessine l'esquisse de son message sur une Afrique ouverte, tolérante et universaliste.

Elle enchaîne ensuite avec un court métrage de science-fiction, Pumzi, une allégorie récompensée à Venise qui se déroule dans une Afrique post-apocalyptique, où elle creuse ce sillon féministe en plus d'affirmer sa sensibilité écologique. Wanuri Kahiu réalise aussi des documentaires pour une série de MNET et écrit deux livres pour les enfants (Rusties, The Wooden Camel).

Depuis la censure qui a frappé Rafiki, elle ne se tait pas. Luttant pour la liberté d'expression, pour la liberté tout court. Cannes va sans aucun doute lui offrir une tribune opportune pour rappeler que l'Afrique se réveille (outre son film, quatre autres films du continent sont sur la Croisette), tout en exposant certains des démons qui la rongent.