Mange, ceci est mon corps: recherche d’identité

Posté par geoffroy, le 8 juillet 2008

mange_1.jpgSortie prévue mi- 8 octobre 2008 

Interview de Michelange Quay

Synopsis: Haïti, île noire, solitaire, abandonnée à sa pauvreté et à sa misère. Madame, une femme blanche, vit un fantasme où elle enseigne, inspire et nourrit les masses damnées de la terre. Elle est en réalité entièrement coupée d'elles - à la mesure des continents. L'éveil du désir entre Madame et son serviteur noir, Patrick, va l'emmener au-delà de son isolement vers la réalité d'Haïti. Pour la première fois, elle va voir et entendre cette terre et son peuple, découvrir la vérité de son corps et faire face à sa propre mortalité.

Notre avis: Si Mange, ceci est mon corps est un film personnel au sens intime du terme, il n’hésite pas à délivrer des messages universels sur la valeur du regard, du jugement et de l’interprétation.  Loin de toute structure narrative classique, il s’agit d’une expérience visuelle entre poésie et abstraction. Les êtres s’y meuvent dans un temps organique et philosophique qui suppose l’expression d’une grammaire cinématographique retravaillée, triturée, conceptualisée et dont l’appropriation devient le leitmotiv de sa réussite. Cri lancinant d’un cinéaste à la recherche de sa propre interrogation, les sons, les images et les rythmes transforment les réponses supposées en questions sur ce que nous sommes. Nos relations, nos origines, nos attirances et nos folies font de ce poème vivant un long-métrage étonnant qui ne trace aucune direction mais ouvre des itinéraires.  

Voyage au dessus des hommes, le premier plan est tout simplement splendide. La vue aérienne part de la mer pour survoler les terres d’une île, Haïti, et ses bidonvilles, ses flancs de montagnes, ses cours d’eau et ses villages. La caméra finit sa course en glissant doucement, comme au ralenti, sur le ventre d’une femme enceinte au point d’accoucher. Symbole de vie, les éléments répondent aux êtres ; la douleur à l’espoir. Lieu physique de cette appropriation, il est ce départ vers un chemin sinueux mais envoûtant où les vérités ne sont ni données, ni simples. Si rien n’est figé, la valeur multiple des interprétations sonne comme un écho à chaque intime interpellé. A la suite d’une fête vaudou, nous suivons des enfants en file indienne parcourir le paysage pour se retrouver devant une maison de maître en pleine campagne française. Ellipse. Raccord. Passage d’une historicité concentrée en un lieu unique. Antichambre symbolique à même de structurer les différents messages d’un cinéma en construction, la maison est un espace fantasmatique où le blanc se mélange au noir, le noir devient le blanc tout comme le fatalisme côtoie l’espérance. Par un jeu de couloirs, de miroirs, de portes et de points de vue entre quatre entités, Michelange Quay structure un film fermé, presque claustrophobe car concentré dans l’inconscient de son auteur. Dans une scène fascinante, la mère et le domestique ne font plus qu’un et finissent par évoquer la schizophrénie d’une humanité souvent aveugle, craintive et possédée par la passion. Kubrick n’est plus très loin.
Lire le reste de cet article »