Simone Signoret, ou la splendide indifférence

Posté par vincy, le 4 octobre 2010

Elle fut. La vie derrière soi. L'une des plus grandes comédiennes européennes durant cinq décennies. La première française à avoir raflé un Oscar. Elle a aussi obtenu un prix d'interprétation à Cannes et un César de la meilleure actrice.

La nostalgie n'est plus ce qu'elle était. Titre de son premier livre : prémonitoire. On célèbre bien les anniversaires de chanteurs électrocutés ou de divas suicidées, on commémore son ancien grand amour, Yves Montand. Mais pas elle. Ni d'ailleurs Gabin. Bourvil et De Funès ont reçu des célébrations discrètes. Mais les légendes du cinéma français sont des morts qui ne reçoivent plus.

Simone Signoret, puisque c'est elle dont on parle, s'est éteinte le 30 septembre 1985. Pas un film diffusé sur une chaîne de télévision. Ni Casque d'or, ni les Diaboliques, ni Dédée d'Anvers, ni La ronde, ni Thérèse Raquin, ni un de ses films américains ou Le Chat, La vie devant soi, L'étoile du nord, un Chéreau, un Costa-Gavras ou un Chris Marker. Rien.

Seule France 5  a osé programmer Elle s'appelait Simone hier dimanche 3 octobre, en plein après-midi. Le documentaire de Christian Lamet sera rediffusé à minuit le dimanche 10 octobre. On imagine le taux d'audience. Parmi les témoignages : Guy Bedos, Anne Sinclair, Fanny Cottençon et puis surtout Catherine Allégret, la fille de Signoret, et Benjamin Castaldi, le petit-fils.

Ce matin sur France Inter, dans l'émission de Pascale Clark, Catherine Allégret est revenue sur cette splendide indifférence médiatique qui entoure l'anniversaire de la mort d'une comédienne qui fut la Reine d'un 7e art français rayonnant.

Le ministère de la Culture n'enregistre que les anniversaires de naissances pour son recueil des célébrations nationales. Aussi, en l'absence de communication, d'un éventuel "buzz", ou même d'une politique de programmation artistique, l'étoile Signoret ne pouvait pas être aperçue. Allégret accuse la Cinémathèque française, pourtant présidée par Costa-Gavras qui l'a fait tourner quelques fois, d'être passée à côté d'une rétrospective d'envergure. Signoret est présente discrètement dans la nouvelle exposition de la Cinémathèque, "Brune / blonde". Elle pointe du doigt aussi Marin Karmitz, qui a pourtant bien connu la dame, de ne pas avoir organisé un quelconque événement.

On comprend la colère de la fille face à cette absence d'hommage. Lucide, elle l'a reconnu : qui connaît Simone Signoret ? Parmi les jeunes, une poignée, grâce à une éducation cinéphile singulière transmise par des parents ou acquise par passion. Mais dans un pays où 30% de la population a plus de 60 ans, l'argument tient peu d'un point de vue audience télévisée.

Allégret souligne aussi qu'une émission souvenir plus ambitieuse aurait pu être possible. Mais les montants des droits de diffusion d'extraits rendaient le projet trop coûteux. Rappelons que Benjamin Castaldi, fils de Catherine, petit-fils de Simone, est l'animateur le mieux payé de France avec 105 000 euros par mois. Il aurait peut-être pu en faire un cadeau pour sa mère.

Ironie suprême : les médias s'emballent autour du livre de Marilyn Monroe qui sort ces jours-ci. La seule femme qui avait détourné Yves Montand de Simone Signoret.