Cannes 2014 – les mots de Cannes : Coupe

Posté par MpM, le 23 mai 2014

© vincy thomasAprès plus d'une semaine à démonter les clichés cannois, il est temps d'avouer que l'image traditionnelle de festivaliers parlant de films une coupe de champagne à la main n'est pas totalement infondée. "On demande toujours une coupe, à Cannes", confirme un éminent journaliste qui arpente la Croisette pour la 18e année consécutive.

Et de fait, la plupart des événements (remises de prix, conférences, inaugurations, soirées, etc.)  s'accompagnent de bulles. Une légende veut même qu'il soit possible de ne boire que ça pendant toute la quinzaine (à condition de le faire avec modération, bien sûr). Certains ont tenté l'expérience les années précédentes lorsque les bouteilles d'eau et autres boissons étaient systématiquement confisquées à l'entrée des salles. Quand on a soif, on boirait n'importe quoi, et a fortiori du champagne bien frais (si cette excuse ne vous convient pas, on en trouvera une autre).

Il semblerait tout de même que, l'an passé, tout ce champagne soit monté à la tête de certains journalistes, notamment ceux qui ont encensé le très moyen Ma vie avec Liberace et descendu Jim Jarmusch pour son merveilleux Only lovers left. Cela avait peut-être même contaminé le jury (donner un prix d'interprétation à Bérénice Bejo ?!).

Quoi qu'il en soit, pour cette 67e édition, le festival a prudemment décidé de faire machine arrière. Bouteilles d'eau admises dans toutes les salles du Palais et fontaines disposées dans les endroits les plus fréquentés. Pour la coupe de champagne devant le film, en revanche, il faudra encore attendre.

L’instant Glam’ : Charlotte Gainsbourg, Asia Argento, Xavier Dolan…

Posté par cynthia, le 22 mai 2014

xavier dolanOyé oyé cinéphiles! Huitième jour sur la Croisette hier. Croisette qui ressemblait davantage à la Tamise à cause de la pluie. Mais si les parapluies régnaient en maître au Festival de Cannes, ce n'était pas le cas des cols roulés ou des doudounes. Les stars savent rester sexy même par grand vent.

L'acteur Barry Ward en est la preuve vivante. Avec ses faux airs à la Colin Firth, l'acteur irlandais a illuminé les marches de cannes de sa mèche grisonnante pour présenter Jimmy's Hall. A ses côtés, la belle Aisling Franciosi et ses yeux de chat presque hypnotiques. Enveloppée dans une robe blanche qu'elle avait agrémenté d'une cloche en guise de pochette, la belle nous a presque fait oublier la faute de goût de sa partenaire Simone Kirby qui a monté les marches revêtue d'un aluminium bleu en guise de robe. On en avait mal aux yeux sur la croisette.

Faute de goût aussi pour Asia Argento et son look "je vais boire un verre avec des potes ce soir". L'actrice arborait un t-shirt noire transparent qui laissait entrevoir son énorme tatouage ainsi qu'une veste de costard aux larges poches. Asia nous avait habitué à son style rock et psychédélique mais en ce huitième jour de festival elle a littéralement fait un fashion faux pas. Elle avait plus l'air d'une camionneuse que d'une punk star à l'esprit rebelle. A quelques centimètres d'elle, la légendaire Charlotte Gainsbourg, qui a subit une attaque de souris avant d'arriver à Cannes. "Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous..." C'est la seule explication que j'ai trouvé à sa robe (gruyère) noire couverte de trous.

Quelques heures plus tard ce fut la montée des marches de l'équipe du film Mommy (qui était en retard) qui a marqué les esprit. Xavier Dolan, jeune réalisateur (25 ans), a attiré tous les regards avec sa jolie tête blonde, tandis que lui cherchait du regard si un athlète tatoué pouvait lui servir de roomate après sa soirée. Il est vrai que depuis la diffusion de son Mommy, son nom était déjà sur toutes les lèvres. Sa prestance n'a fait qu'accentuer la chose. Il fera sans nul doute longtemps parler de lui avec son charme et sa classe sans pareil. En costume bleu et chemise noir, il se démarque de l'habituel look pingouin présent sur les marches (costume noir, chemise blanche) et de ce fait, il a marqué l'assemblée de son originalité. Va-t-il en faire autant avec son œuvre? Autre membre du film, l'actrice Anne Dorval vêtue entièrement de noir. Classique certes, mais efficace. L'actrice tremblait autant que le reste de l'équipe du film.

Bon, Cannes c'est pas le purgatoire non plus : on respire et tout va bien se passer. D'ailleurs c'est déjà presque terminé. Les marches, les cliquetis des photographes, la chaleur, la pluie et les tétons qui pointent derrière une robe transparente ne seront bientôt plus qu'un doux souvenir de printemps.

Cannes 2014 : Lettre à… Sarajevo

Posté par MpM, le 22 mai 2014

sarajevoSarajevo, joyau des Balkans et capitale de Bosnie-Herzégovine, te voilà l'héroïne d'un film collectif au même titre que Paris ou New York ! Les ponts de Sarajevo, présenté sur la Croisette en séance spéciale, réunit treize points de vue de cinéastes européens sur ton passé douloureux et ton présent où tout reste à inventer.

Pour te célébrer, des réalisateurs d'origines et de génération différentes posent chacun un regard bienveillant et sensible sur tes rues, tes habitants et ton histoire. On retrouve Jean-Luc Godard qui te connaît depuis longtemps (Je vous salue Sarajevo en 1993), mais aussi Aida Begic qui est née sous ton ciel, Cristi Puiu qui connait bien tes rues, Isild Le Besco qui est tombée amoureuse de toi...

Entre chaque volet du film, une partie animée signée François Schuiten et Lui da Matta Almeida retrace avec poésie et finesse les grandes lignes de ton histoire : le pont entre tes deux rives est constitué de mains qui se tendent l'une vers l'autre, puis est illuminé par un feu d'artifices, ou remplacé par un pont de livres. Des cercueils, aussi, passent en-dessous.

Quant aux différents courts métrages eux-mêmes, ils évoquent l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand qui provoqua la première guerre mondiale comme les raisons politiques qui poussèrent son assassin à agir, et notamment le désir de voir le peuple slave se libérer du joug autrichien. Puis ils s'intéressent avec pudeur au terrible siège que connut la ville, et à la guerre immonde qui déchira le pays.

L'un des films les plus réussis est celui du Roumain Cristian Puiu (Réveillon) qui décortique en quelques minutes les clichés raciaux et xénophobes qui sont à l'origine de tous tes traumatismes. Avec beaucoup d'humour, il rappelle ainsi que la haine et les préjugés n'engendrent que la destruction et le chaos. La leçon, aujourd'hui encore, est toujours nécessaire.

Un autre film semble emprunter les célèbres répliques d'Hiroshima mon amour : "Tu n'as rien vu à Sarajevo" dit un homme à son frère trop jeune pour se souvenir des horreurs de la guerre ( Le voyage de Zan de Marc Recha). C'est donc l'occasion de lui raconter le siège : "sortir de la maison était comme jouer à la roulette russe", explique-t-il.

Aida Begic, elle, a recueilli le témoignage de certains de tes habitants (Album) sur leur vie pendant le siège : la faim, le froid, la mort qui rôde, les bombes qui pleuvent, l'horreur qui se déroule chaque jour au beau milieu de la rue...

Mais les images et les sons se dédoublent. A l'écran, on parle de toi, Sarajevo, mais dans notre tête apparaissent Grozny, Olms, Tombouctou, Benghazi, Bangui... Autant d'échos d'une histoire terrifiante qui n'en finit plus de se répéter.

Cannes 2014 – les mots de Cannes : frustration

Posté par MpM, le 22 mai 2014

Un festival sans frustration n'est pas un vrai festival. Parce qu'il n'est pas logistiquement possible de voir plus de 6 ou 7 films dans une journée, un Festivalier vraiment endurant (et bien accrédité pour ne pas perdre de temps dans les files d'attente, et surtout n'ayant jamais besoin de travailler ni de manger ni de boire) en verra au grand maximum 70 sur toute la durée, ce qui ne représente même pas l'intégralité des films présentés en sélection officielle et dans les deux sections parallèles. Soit la certitude, quoi qu'il arrive, de ne pas voir tous les films et de forcément passer à côté de l'un de ceux dont tout le monde parle. Autant le savoir tout de suite, à Cannes comme ailleurs, voir tous les films (en entier) n'est pas humainement possible.

Une fois ce principe essentiel digéré, il vaut mieux passer tout de suite à l'étape suivante et accepter aussi qu'il y aura de cruels dilemmes. Parfois, les deux films que vous attendiez le plus passent à la même heure. À moins d'être capable de se dédoubler, il faudra donc sacrifier l'un d'entre eux. Sachant qu'une règle tacite veut que le buzz encense toujours celui que vous avez sacrifié.  De manière générale, on vous vantera de toute façon toujours les mérites d'un film que vous avez raté. Rassurez-vous, vous ferez de même de votre côté.

Ça y est, vous êtes prêt à être frustré ? Merveilleux, vous n'êtes pas loin du zen ultime : c'est en acceptant la frustration que l'on s'en affranchit. Ça, ou en quittant Cannes. Car dès que le festival s'achève, les films tant convoités perdent presque tout leur éclat. Le festivalier est inconstant et versatile : ce petit film polonais que l'on était au désespoir de ne pas avoir vu ? Non seulement on l'oublie instantanément, mais en plus, le jour où il sort enfin en salles, on ne se donne même pas le mal d'y aller.

Cannes 2014 : Lettre à Leila Hatami

Posté par MpM, le 20 mai 2014

leila hatamiChère Leila Hatami,

Vous êtes au centre d'un scandale en Iran pour avoir échangé une "bise" avec le président du Festival de Cannes Gilles Jacob. Le vice-ministre de la Culture iranien a jugé cette attitude "inappropriée" et s'est insurgé contre un tel comportement : "Celles qui participent à des évènements internationaux devraient prendre en compte la crédibilité et la chasteté des Iraniens, afin de ne pas montrer une mauvaise image des Iraniennes", a-t-il estimé.

Ce que semble avoir voulu dire cet admirable censeur, c'est qu'en vous prêtant à cette innocente pratique, vous avez porté atteinte à la dignité de tout un peuple. Le discours nous est désormais connu : c'est dans la chasteté (l'humilité, la dignité, l'innocence, etc.) de la Femme que se situe l'honneur de l'Homme.

Deux réactions à cette polémique stérile. D'une part, chère Leila, courage. Je propose qu'en solidarité avec vous, toutes les festivalières soient immortalisées en train d'embrasser Gilles Jacob en haut des marches (pour trouver la première volontaire, s'adresser à la rédaction).

D'autre part, il faut bien avouer que l'on n'en peut plus de ces hommes qui instrumentalisent le corps des femmes et l'investissent de je-ne-sais quelles propriétés sacrées. Le corps des femmes leur appartient, et elles en font ce qu'elles veulent. Si cela vous dérange, monsieur le vice-ministre, détournez le regard. Chacun devrait être le détenteur de son propre "honneur" et surtout le seul juge de ce qui l'atteint ou non.

D'autant que la "bise" est, comme le soulignait intelligemment Gilles Jacob, une coutume occidentale utilisée pour se saluer, à laquelle sont tout particulièrement attachés les Français. Le Hollywood Reporter du 16 mai dernier en faisait d'ailleurs un article que l'on recommande chaudement au vice-ministre iranien : How to kiss the french like a pro : 8 rules for mastering la bise (en anglais). Où l'on découvre que le risque n'est pas tant de déshonorer les hommes de son pays que de piquer un fard suite à dérapage incontrôlé du geste ou un excès d'enthousiasme.