Cannes 70 : 70 films cannois à voir pour réussir sa vie de cinéphile

Posté par cannes70, le 27 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-21. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Nos deux rédacteurs Pascal Le Duff de Critique-film et Marie-Pauline Mollaret d'Ecran Noir se sont lancés le défi de déterminer les 70 films cannois à voir au moins une fois dans sa vie de cinéphile (oui, on s'ennuie parfois à la rédaction, à croire que cette série ne nous occupe assez).

Règles du jeu : un film par édition (1946-1979 pour pLd, 1980-2016 pour MpM), une phrase par film. Ne pas tenir compte du Palmarès. Revendiquer la plus parfaite subjectivité.
Quitte à citer cinq fois le même réalisateur ou à faire l'impasse sur des chefs d'oeuvre "officiels".
Et ne jamais oublier que les règles sont faites pour être transgressées.

NDLR : vous constaterez que les deux rédacteurs (épuisés par ce dossier cannois ?) souffrent de graves troubles obsessionnels, tant en termes d'auteurs que de thématiques. A défaut de les excuser, vous pouvez nous envoyer vos propres contributions.

1946 La Belle et la Bête de Jean Cocteau
Un des films les plus magiques de l'Histoire du cinéma… L'union de deux belles âmes, deux solitudes, filmée par le poète-cinéaste Jean Cocteau avec des plans indélébiles de transformation. La flèche qui atteint le coeur de la Bête atteint aussi le nôtre...

1947 Antoine et Antoinette de Jacques Becker
Ce couple vivant modestement, joliment amoureux, est bouleversé par un billet de loterie gagnant. Cette dramédie romantique au charme délicat est l'une des quelques réussites de Jacques Becker, avec une mise en scène aussi enlevée que cette jeunesse bouillonnante.

1949 Rendez-vous de juillet de Jacques Becker
Oserais-je enchaîner avec déjà un autre film du même réalisateur ? Et bien, oui, j'ose avec ce portrait choral enjoué mais lucide sur une jeunesse parisienne qui tente tant bien que mal d'embrasser la vie à pleine dents (au risque d'être maladroit et/ou cruel avec l'objet de son affection) malgré la mémoire bien fraîche des douleurs de la Seconde Guerre Mondiale.

1951 Les Contes d'Hoffmann de Michael Powell et Emeric Pressburger
Leur adaptation d'un opéra d'Offenbach démontre un art certain de la créativité expressionniste. Les décors stylisés et les effets de surimpressions accompagnent le vertige d'un jeune homme tourmenté qui transforme chaque dépit amoureux en geste créatif, aux dépends de la réussite de ses romances qu'il rêve passionnées.

1952 Un Américain à Paris de Vincente Minnelli
Cette comédie musicale est un enchantement de tous les instants. La délicieuse Leslie Caron est séduite par l'aérien Gene Kelly. Il ne chante pas sous la pluie ici mais danse légèrement au-dessus du sol sur la musique de George Gershwin qui accompagne le créatif ballet final avec tableaux de grands maîtres français revisités.

1953 Le soleil brille pour tout le monde de John Ford
La force de caractère d'un juge débonnaire mais déterminé se révèle notamment lorsqu'il accompagne le corbillard d’une prostituée. Le voyant mener le cortège, les habitants le rejoignent, son action ayant des conséquences bénéfiques directes, le bien appelant le bien, le courage d’un groupe naissant souvent de celui du premier homme qui réagira face à l’injustice.

1954 Tant qu'il y aura des hommes de Fred Zinnemann
Un film à voir pour une scène, une seule presque. Burt Lancaster. Deborah Kerr. Une plage. Des vagues. Enlacés. Humides. Et le reste du film, qui s'en souvient ? Est-ce si grave de l'avoir oublié ?

1955 Du rififi chez les hommes de Jules Dassin
Le clou du film est un casse prodigieux, orchestré avec minutie, dans un silence complet pendant plus de 30 minutes. Brian de Palma, entre autres, s'en souviendra pour Mission Impossible mais personne n'égalera un tel morceau de bravoure.

1956 Vivre dans la peur d'Akira Kurosawa
Toshiro Mifune, alors force de la nature de 35 ans, est grimé en vieillard fatigué, angoissé à l'idée d'être victime de la bombe atomique avec sa famille. Il sombre dans une folie qui n'est pas sans annoncer celle de Michael Shannon dans Take Shelter. Cinglé ou visionnaire ?

1957 Le Septième Sceau d'Ingmar Bergman
Le chevalier Max Von Sydow tente de repousser une échéance inéluctable. Un jeu d'échecs entre la Mort et sa proie comme métaphore sur le sens de la vie et de la mort, se concluant sur une danse macabre se découpant devant des nuages gris sous le regard de baladins philosophes.

1958 Mon oncle de Jacques Tati
Pour le non sens burlesque de monsieur Hulot, son humour pince sans rires, les gags de Pierre Etaix, les déplacements des personnages dans des espaces aux géométries exagérément alambiquées et une maison qui a des yeux bien trop curieux pour être honnêtes…

1959 Les Quatre Cents Coups de François Truffaut
Ne citons qu'un plan : celui de la course folle finale d'Antoine Doinel sur la plage qui se termine par un plan sur son visage. La naissance d'un cinéaste ; la révélation d'un acteur, Jean-Pierre Léaud qui, l'an dernier, accompagnait la mort d'un roi, Louis XIV dans un effet miroir troublant.

1960 Le Trou de Jacques Becker
Et oui, Becker encore, mais dans un autre registre ! La réplique de conclusion «Pauvre Gaspard» est concise, nette, percutante, indélébile, lorsqu’elle pénètre dans les oreilles de son destinataire. Le trou du titre n’est pas tant celui creusé par ses frères de cellule pour s'évader que celui d’une culpabilité sans fin.

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Cannes 70 : les découvertes de la critique

Posté par cannes70, le 26 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-22. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


Les critiques de cinéma passant leur temps, à Cannes comme ailleurs, à remettre en cause les films vus et les sélections proposées, il était assez logique qu'on finisse par leur dire de parler moins et d'agir plus, en gros de proposer leur propre programmation et d'arrêter d'embêter le monde.

Pourtant, on doit malheureusement à la vérité historique d'avouer que les choses ne se sont pas tout à fait passées ainsi. Si les critiques ont aujourd'hui leur propre section compétitive (La Semaine de la Critique), c'est certes à l'initiative du Délégué général du Festival officiel Robert Fabre le Bret, mais dans l'optique plus positive d'apporter à Cannes un cinéma innovant et sortant des sentiers battus.

En effet, en 1961, l'Association française de la Critique de cinéma (l'ancien nom du Syndicat de la critique) organise la projection, pendant le festival, du film indépendant The Connection de Shirley Clarke. C'est un événement dans le Landernau cannois habitué aux productions plus traditionnelles, et c'est un véritable succès, qui conduit le Festival et le CNC à renouveler l'expérience. L'association se voit alors confier une salle (la salle Jean Cocteau) avec la charge de la programmer pendant toute une semaine du festival 1962. C'est la critique et cinéaste Nelly Kaplan qui trouve le nom : Semaine de la Critique.

Cette année-là, sous la présidence de Georges Sadoul, sont ainsi montrés dix longs métrages : Les Oliviers de la justice de James Blue (Algérie/France), Tre veces Ana de David José Kohon (Argentine), Alias Gardelito de Lautaro Murúa (Argentine), Strangers in the City de Rick Carrier (Etats-Unis), Adieu Philippine de Jacques Rozier (France), I Nuovi angeli d’Ugo Gregoretti (Italie), Mauvais garçons de Susumu Hani (Japon), La Toussaint de Tadeusz Konwicki (Pologne), Football de R.Drew, R.Leacock et J.Lipscomb (Etats-Unis) et Les Inconnus de la terre de Mario Ruspoli (France)

Il faudra attendre 1988 pour que le court métrage fasse son apparition à la Semaine, puis l'an 2000 pour que les séances spéciales viennent enrichir la compétition. L'objectif est toujours le même : révéler de jeunes cinéastes venus du monde entier et donner du cinéma une vision élargie englobant tous les nouveaux courants et styles en devenir. C'est pourquoi la plus ancienne section parallèle du Festival de Cannes ne montre-t-elle que des premiers et deuxièmes films, systématiquement sélectionnés par des comités composés de critiques qui sont renouvelés à intervalles réguliers. Toutes les tendances, tous les regards sont ainsi conviés à tour de rôle, lui permettant de s'enorgueillir de la découverte d'un nombre important de cinéastes de premier plan et d'une dizaine de Caméras d'or obtenues.

Parmi les cinéastes « passés » par la Semaine à ses débuts, citons Bo Widerberg (Le péché suédois en 1963, il deviendra ensuite un habitué de la compétition officielle), Chris Marker (Le joli mai en 1963, avec Pierre Lhomme), Bernardo Bertolucci (Prima della rivulozione en 1964), Jerzy Skolimowski (Walkover en 1965), Jean Eustache (Le père Noël a les yeux bleus en 1966), Jean-Marie Straub (Nicht versöhnt en 1966), Philippe Garrel (Marie pour mémoire en 1968) ou encore Barbet Schroeder (More en 1969). On sent poindre un jeune cinéma d'auteur, plus libre et clairement moins académique que la sélection officielle de l'époque, et qui annonce les grands cinéastes des années (voire des décennies) à venir.

Dans les années 70, la tendance se confirme avec Ken Loach en 1970 (Kes), Victor Erice en 1974 (El Espíritu de la colmena), Benoît Jacquot en 1975 (L’Assassin musicien), Alexei Guerman en 1977 (Vingt jours sans guerre)... Mais la Semaine montre aussi des œuvres engagées, emblématiques de leur époque, voire provocatrices : Trash de Paul Morrissey en 1971, Avoir 20 ans dans les Aurès de René Vautier et Fritz the Cat de Ralph Bakshi en 72, Mourir à trente ans de Romain Goupil en 82...

Elle ne passe à côté ni de l'énergie poétique de Leos Carax (Boy Meets girl en 1984), ni de l'audace stylistique de Wong Kar-wai (As Tears Go By en 1989), ni du décalage noir et hilarant de C’est arrivé près de chez vous de Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde  en 1992. Elle repère aussi Amos Gitaï (Esther en 1986), Arnaud Desplechin (La vie des morts en 1991), Guillermo del Toro (Cronos en 1993), Alejandro González Iñárritu (Amours chiennes en 2000)... Plus près de nous, c'est une avalanche de paris réussis et de découvertes prometteuses confirmées. Citons seulement Fabrice du Welz (Calvaire en 2004), Rebecca Zlotowski (Belle épine en 2010), Jeff Nichols (Take shelter en 2011) ou encore Clément Cogitore (Ni le ciel ni la terre en 2015).

La Semaine reste ainsi le lieu des premières fois, et la création de la compétition courts métrages en 1988 vient renforcer son image de tête chercheuse du cinéma mondial. Via le format court, elle révèle par exemple Tran-Anh Hung (La Femme mariée de Nam Xuong, 1989), Gurinder Chadha (A Nice Arrangement, 1991), Andrea Arnold (Milk, 1998), Delphine Gleize (Les méduses, 2000), Denis Villeneuve (Next Floor, 2008), Marie Amachoukeli et Claire Burger (C’est gratuit pour les filles, 2009), Nicolas Pariser (Agit pop, 2013)... Elle a aussi fait la part belle au cinéma d'animation avec des œuvres qui ont fait date comme Ryan de Chris Landreth (2004) et L'homme sans ombre de Georges Schwizgebel (2004) ou encore Eat de Bill Plympton (2001) et Vasco de Sébastien Laudenbach (2010).

Sa programmation est un savant mélange d'audace et de reconnaissance, de paris et de suivis. Il arrive ainsi régulièrement que de jeunes cinéastes découverts avec leur court métrage reviennent avec leur premier long avant d'aller voler de leurs propres ailes dans d'autres sections cannoises, et sur les écrans des festivals du monde entier. Ce fut le cas de François Ozon sélectionné en 1996 avec le court Une robe d'été puis en 1998 avec le long Sitcom), de Gaspar Noé (Carne en 91, Seul contre tous en 98), de Justin Kurzel (Blue Tongue en 2005 puis Snowtown en 2011), de Jonas Carpignano (A Ciambra en 2014, Mediterranea en 2015) et bien sûr de Julia Ducournau, sensation de Cannes 2016 avec Grave, précédemment révélée avec Junior (2011).

C'est à la fois un peu cruel (car passé le deuxième film, ces talents que la Semaine a parfois été la première à reconnaître lui échappent) et d'une grande force, car il est ici plus question de transmission que d'ego. Quand Marie Amachoukeli et Claire Burger reçoivent la caméra d'or en section Un Certain regard (Party girl en 2014) ou quand Jeff Nichols est invité en compétition officielle (Mud en 2012, Loving en 2016), pour citer des exemples récents, c'est une satisfaction supplémentaire pour les équipes de la Semaine, soucieuses de voir leurs "poulains" "transformer l'essai" et confirmer leur potentiel.

Voilà sûrement pourquoi les cinéphiles les plus curieux et avides de découvertes suivent de près sa programmation, qui donne chaque année un aperçu des tendances de la jeune création cinématographique et des préoccupations (thématiques comme stylistiques) du moment. On s'y rend aussi dans l'idée de se ressourcer quand il semble que le cinéma tourne en rond ou que les "grands auteurs" n'ont plus rien de neuf à dire.

Enfin, depuis trois  ans, la Semaine de la Critique va au-delà du simple travail de découverte et de programmation en s'impliquant activement dans l'accompagnement de projets de premiers longs métrages. Le programme Next step permet ainsi aux réalisateurs des courts métrages sélectionnés pendant Cannes de suivre un atelier d'une semaine lorsqu'ils passent au long. Ils ont notamment l'occasion de discuter de leur projet avec des professionnels, d'échanger sur leur scénario et de se familiariser avec la réalité du monde du cinéma.

On ne peut jamais être sûr du tour que prendra la carrière d'un réalisateur, surtout lorsqu'il débute, et la Semaine a eu comme les autres sections l'occasion de s'en apercevoir, mais on peut en revanche mettre toutes les chances de son côté en lui donnant l'opportunité de poser les premiers jalons. A suivre, donc, car les longs métrages de la première promotion de Next Step commencent seulement à arriver. L'un d'eux n'est autre que... A ciambra de Jonas Carpignano, que l'on a déjà mentionné, et qui aura en mai prochain les honneurs de la Quinzaine des réalisateurs. On a connu pire destin.

Marie-Pauline Mollaret pour Ecran Noir

Cannes 70 : la nouvelle vague coréenne

Posté par cannes70, le 25 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-23. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


Deux des meilleurs films de l'année dernière nous venaient tout droit de Corée du Sud et sont passés sur la Croisette. Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho, avec son train rempli de zombies, en séance de minuit et Mademoiselle, récit à tiroirs de Park Chan-wook, en compétition officielle mais reparti bredouille, comme les meilleurs films de la sélection diront les mauvaises langues. On retrouvait en même temps à Cannes, hors-compétition, un autre film coréen plutôt bien reçu : The Strangers, dans lequel Na Hong-Jin mêlait vampires, exorcismes et thriller.

Cette année, ce ne seront pas moins de quatre cinéastes coréens qui seront présents en sélection officielle à Cannes. En séance spéciale, Hong Sang-soo retrouve Isabelle Hubert, cinq ans après In another country, avec La Caméra de Claire, un film tourné pendant ... le Festival de Cannes 2016. Dans un registre plus violent, nous auront droit en Séance de minuit à deux longs-métrages de réalisateurs inconnus dans nos contrées : The Merciless, "film de prison" de Byun Sung-hyun et The Vilainess, "film de vengeance" de Jung Byung-gil. Bong Joon Ho, lui, fait partie des 18 aspirants à la Palme d'or grâce à son Okja, production Netflix qui vraisemblablement n'aura pas l'honneur de sortir en salles, en tout cas pas en France.

Cannes a d'ailleurs été une rampe de lancement pour ce qu'on appelle "la nouvelle vague coréenne". Comme pour la française (et les innombrables déclinaisons dans d'autres pays), cette vague ne se définit pas tant par une période précise que par le nouvel élan permis par une poignée de réalisateurs, aux préoccupations plus ou moins semblables. Des cinéastes par ailleurs extrêmement populaires au pays du matin calme et qui ont été accueillis à bras ouverts par la critique française tout au long des années 2000.

Ha ! Si j'avais un marteau ...


Il nous faut revenir quelques années avant l'éclosion de cette "nouvelle vague" pour en comprendre les obsessions. De 1961 à 1979, la Corée du Sud subit la dictature de Park Chung Hee, et le cinéma national est, comme on peut s'en douter, fortement censuré et contrôlé par le pouvoir. Pendant les années 1980, la transition démocratique est en marche (n'y voyez aucun slogan politique), ce qui permet à l'industrie cinématographique d'être plus ou moins libre à partir des années 1990. Une décennie pendant laquelle les futurs grands cinéastes vont se former, faire leurs premiers pas avant de débarquer en trombe au début des années 2000. On peut même prendre une date charnière : 2004. Cette année-là, ce sont deux films coréens qui vont être unanimement acclamés. Non seulement deviennent-ils des classiques instantanés mais, surtout, ils vont révéler en France deux réalisateurs qui vont devenir des sortes d'ambassadeurs de ce cinéma coréen. Old Boy et Memories of murder vont, chacun dans leur style même, caractériser la nouvelle vague coréenne.

Dans Old Boy, deuxième film de la "trilogie de la vengeance" de Park Chan Wook, il est question d'un homme enfermé pendant 15 ans pour une raison qu'il ignore et qui va traquer ses malfaiteurs. Bong Joon Ho lui, dans Memories of murder, signe aussi un thriller (quoiqu'il s'agisse d'un terme plutôt générique) dans lequel deux policiers enquêtent sur un tueur en série. Les deux films sont d'une grande violence et leurs récits prennent le spectateur aux tripes du début à la fin. Ils partagent une critique, plus ou moins explicite, de la société coréenne et exorcisent le passé à coup de marteau ou de coups de pieds sautés.

D'un côté, nous avons un homme enfermé sans raison pendant plus de quinze ans, de l'autre c'est autant la société elle-même qui devient folle que ses rouages. Les policiers de Memories of murder sont en effet aussi violents que Oh Dae-soo, le protagoniste d'Old Boy qui est prêt à tout pour avoir sa revanche. Surtout, les deux long-métrages sont des claques visuelles : le plan-séquence du couloir de Park Chan-wook en aura marqué plus d'un, tandis que Bong Joon-ho nous plonge pendant plus de deux heures dans une atmosphère aussi crasse que belle. Si ce dernier triomphe au Festival international du film policier de Beaune, Old Boy est lui présent à Cannes et repart avec un Grand Prix amplement mérité.

Quelques jeunes turcs coréens (vous suivez ?)


Park Chan Wook reviendra sur la croisette, repartant même avec un Prix du Jury pour Thirst en 2009, et Bong Joon Ho est à la Quinzaine des réalisateurs avec The Host en 2006, à Un Certain Regard avec Mother en 2008 et sera donc pour la première fois en compétition officielle cette année. Un autre cinéaste de la même génération qui aime bien la violence et les anti-héros, Kim Jee Won, est lui aussi passé par la Riviera à deux reprises hors-compétition :en 2005 pour A bittersweet life et en 2008 pour le génial et déjanté western mandchourien Le bon, la brute et le cinglé.

Il ne faudrait cependant pas réduire la nouvelle vague coréenne à des films ultra-violents, ni aux quelques noms cités au-dessus. On retrouve en effet parmi ses rejetons des cinéastes plus intimistes. Hong Sang Soo, qui aime les femmes et l'alcool de soja, est ainsi devenu un habitué de Cannes, et ce dès son deuxième film, Le pouvoir de la province de Kangwon. En moins de vingt ans, il est ainsi passé quatre fois par la case Un certain regard et quatre autres fois en sélection officielle. Il a d'ailleurs côtoyé Old boy en 2004 avec La femme est l'avenir de l'homme.

Deux autres figures importantes de la nouvelle vague coréenne ont elles-aussi été accueillies à Cannes, mais assez tardivement, en tout cas bien après d'autres festivals de renom. Kim Ki Duk, remarqué à la Mostra de Venise pour L’île en 2000, et acclamé pour Printemps, été, automne, hiver… et printemps en 2003, est présent à Un certain regard en 2005 (L'Arc) et 2011 (Arirang), et en compétition officielle en 2007 (Souffle). Im Sang Soo se fait connaître internationalement pour Une femme coréenne à la Mostra de Venise de 2003 et c'est sans surprise qu'il débarquera sur la Croisette les années suivantes. À la Quinzaine des Réalisateurs, en 2005, il traite de l'assassinat du dictateur Park Chung Hee, puis en 2010 et 2012 il concourt pour la Palme avec d'abord The Housemaid, remake d'un classique coréen de 1961, puis avec L'ivresse de l'argent.

Et aujourd'hui ?

La nouvelle vague coréenne a donc mis sur le devant de la scène toute une génération de cinéastes, encore plébiscitée aujourd'hui, à Cannes notamment. Il est peut-être trop tôt pour choisir une date précise à laquelle arrêter ce "mouvement", mais à n'en pas douter il sera l'objet de plusieurs études dans un avenir proche. Et qui sait, peut-être qu'un film coréen sera enfin palmé à Cannes cette année ? Park Chan-wook fait d'ailleurs partis du jury… De bonne augure ?

Nicolas Santal de Critique-film

Cannes 2017 : le jury du 70e Festival

Posté par wyzman, le 25 avril 2017

A trois semaines de la 70ème édition, les organisateurs du festival de Cannes viennent de dévoiler la liste des jurés. Du 17 au 28 mai, et comme nous vous l'avions déjà annoncé, Pedro Almodóvar (réalisateur espagnol) présidera ce jury.

Il sera épaulé par Jessica Chastain (actrice américaine), Will Smith (acteur américain), Fan Bingbing (actrice chinoise), Maren Ade (réalisatrice allemande), Park Chan-wook (réalisateur sud-coréen), Agnès Jaoui (actrice française), Paolo Sorrentino (réalisateur italien), Gabriel Yarde (compositeur français). Très international, ce jury est également assez paritaire : quatre femmes et quatre hommes aux côtés de Pedro Almodovar.

Cannes 70 : quelle place pour le cinéma africain ?

Posté par cannes70, le 24 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-24. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


L'un des questions récurrentes posées annuellement au délégué général du Festival de Cannes mais aussi aux programmateurs des sélections parallèles (Quinzaine, Semaine et autres) est la sous-représentation du cinéma africain dans la plus grande manifestation de cinéma. Sur un continent marqué par la pauvreté, les guerres, le manque de productions solides ou de soutiens forts des pouvoirs publics (pour le moins), est-il possible de produire et donc ensuite de diffuser des films africains ?

Le sénégalais Ousmane Sembène, dont le film La Noire de… est le premier long-métrage réalisé par un cinéaste d'Afrique noire (prix Jean-Vigo en 1966) disait lui-même face aux questionnements sur la faible représentation du cinéma africain dans les Festivals de Film (Cannes, mais aussi Venise et Berlin) : «C'est à nous de créer nos valeurs, de les reconnaître, de les transporter à travers le monde ; nous sommes notre propre Lumière».

Djibril Diop Mambéty est le premier cinéaste du continent à avoir marqué le Festival de Cannes avec tout d'abord avec un court-métrage documentaire, Contras'City projeté dans la cadre de la première Quinzaine des Réalisateurs en 1969. Ce off de Cannes l'accueillera à nouveau avec Badou Boy, chronique enjouée d'une durée d'une heure de la vie quotidienne dans le Dakar populaire en 1971, puis deux ans plus tard avec son premier long, Le Voyage de la hyène. Ce chef d'oeuvre politique et métaphorique est plus connu aujourd'hui sous son titre d'origine Touki Bouki, redécouvert grâce à la World Fundation et Cannes Classics en 2008.

À travers l'errance d'un couple de jeunes adultes qui rêvent d'un avenir meilleur loin de leur pays natal, le réalisateur questionne une société perdue entre tradition et modernité. Mory, ancien gardien de troupeau, conduit une belle moto avec en figure de proue le crâne d'un zébu, symbole de son ancienne activité. Il propose à sa compagne Anta de prendre le bateau qui part le lendemain pour Paris, déjà eldorado pour de nombreux africains. La relation du couple est moderne, libérée de tout code moral convenu, amoureuse et sensuelle. La forme du récit est aussi libre que ses deux protagonistes qui ne semblent retenus par rien de tangible dans leur pays. Membéty transgresse les règles narratives avec un art maîtrisé du montage et du saut du coq à l'âne, ne cherchant pas la clarté à tout prix mais à faire naître des sensations quasi magiques. Une liberté d'écriture qui inscrit Membéty comme un cousin éloigné de Jean-Luc Godard et un futur grand du cinéma mondial. Ce film a fortement contribué à faire émerger une curiosité pour une cinématographie encore (déjà) balbutiante.

Pour autant, Djibril Diop Mambéty ne s'impose pas comme le représentant de son pays, voire de son continent, mais comme un créateur de formes à part entière, visionnaire mais qui n'a pas pu, hélas, s'imposer avec une longue filmographie. Celui qui croyait à un cinéma africain indépendant produit dans son pays n'a jamais quitté le Sénégal, ni pour aller dans une université de cinéma ni pour trouver de nouveaux financements. Malheureusement, il ne tournera qu'un seul autre long-métrage, vingt ans plus tard : Hyènes, adaptation bouleversante du Voyage de la vieille dame de Dürrenmatt, en compétition officielle en 1992.

Le compositeur Wasis Diop évoquait l'engagement de son frère dans un entretien au site Africiné : «La complicité professionnelle entre Djibril et moi a débuté quand il a eu sa caméra en main. C'était en 1965. Il avait dix-huit ans : un âge précoce dans un pays où le cinéma n'existait pas. J'étais à l'école et je séchais les cours pour l'accompagner dans son aventure. […] Nous étions déjà, très tôt, portés vers des questionnements de lumière, d'ombre, de mouvement, de son, etc. C'est ce qui fait que je suis devenu musicien, grâce à l'écoute de la société, de l'environnement, à l'observation, des quantités de choses, des personnages insolites qui cernaient notre existence». Les deux films sont associés à ses yeux, comme une boucle réunie par un lien invisible : «Touki Bouki et Hyènes c'est exactement la même histoire. Dans Touki Bouki, l'héroïne Anta s'en va, dans Hyènes elle revient à travers le personnage de Linguère Ramatou. C'est une symbiose, c'est une même histoire liée par une toile, je ne dirais pas mystique mais magique dans la création».

Sénégal toujours avec Ousmane Sembene, le premier – et le dernier, jusqu'à présent – cinéaste africain à recevoir le Carrosse d'or attribué par la SRF dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs en 2005. L'année précédente, il remportait le Prix Un Certain Regard à Cannes pour Mooladé, son dernier film, dans lequel il dénonce l'excision dont sont victimes les jeunes filles dans de nombreuses sociétés en Afrique. Il avait dédié son prix «aux mères, femmes qui luttent pour abolir cet héritage d'une époque révolue». En 2015, le documentaire Sembene ! de Jason Silverman et Samba Gadjigo, présenté à Cannes Classics après une projection de La Noire de…, revenait sur cet auteur plus classique sur la forme mais qui a lui aussi exercé une influence majeure.

En 2005 toujours, il donnait une leçon de cinéma sur la Croisette, évoquant sa vocation et son accession à ce métier inaccessible : «J’ai toujours été fasciné par l’image, […] dès l’enfance, entre quatre et six ans. On était avec les grand-mères qui savaient raconter des histoires. Des conteurs, j’ai retenu qu’ils étaient en même temps leurs propres auteurs, metteurs en scène, acteurs et musiciens. […] De la parole, l’image se créait dans ma tête. Et ça a continué pendant toute mon enfance. […]». Je voulais connaître le continent, pas seulement connaître le Sénégal. J’ai fait le tour du continent : à pieds, à dos de chameau, à cheval et en pirogue. Uniquement pour apprendre. Et c’est à partir de ce moment que j’ai passé dix jours sur le fleuve Congo ; on fuyait, c’était à l’époque de Lumumba. Je le dis toujours ; ce que j’ai vu m’a alors fasciné. Et du Congo, alors le Zaïre, j’ai dit : « je vais apprendre le cinéma ». […] En France, j’ai rencontré des hommes à qui je suis toujours redevable : des cinéastes. Je leur ai dit que je voulais faire du cinéma. C’est ainsi que, grâce à leur soutien, Georges Sadoul, entre autres, je me suis retrouvé en Union soviétique [aux studios Gorki de Moscou]. J’avais quarante ans bien sonnés. J’ai laissé enfant et femme pour aller apprendre le cinéma. Qu’est-ce qu’apprendre ? C’est avoir une connaissance de l’autre et de se demander ce qu’on peut ajouter à ce qu’on a appris pendant son enfance. Savoir seulement ce que le maître sait, le maître reste supérieur à vous. Respecter son père, c’est bien mais si vous n’ajoutez rien de nouveau à la maison de votre père, vous êtes toujours en dessous de votre père. Et je suis sûr que ceux qui m’ont enseigné, d’une manière ou d’une autre, seraient d’accord avec moi. J’ai appris à faire des films, mais je dois le faire en conformité avec mon temps et mes émotions. ».

En 1962, il réalisait son premier court-métrage, Borom Sarret (diffusé à Cannes Classics 2013), la journée d'un charretier qui transporte des clients et des marchandises. Lorsqu'un fonctionnaire zélé confisque son outil de travail, il rentre chez lui, sans argent et sans nourriture. Le réalisateur évoquait également sa responsabilité en tant que cinéaste africain, son «double rôle» consistant à s'adresser à deux publics différents en même temps : le public africain et le public international.

Après ces deux pères fondateurs, liés par leur pays d'origine et par leur importance historique en tant que porteurs d'espoirs pour ceux qui espéraient donner une voix à leur pays dans un continent sacrifié dans ce domaine, petit tour d'horizon, bien trop succinct des principaux artistes venus d'Afrique, à commencer par l'un des cinéastes les plus respectés de sa génération : Youssef Chahine. L'égyptien, né en 1926, est venu plusieurs fois en compétition, pour la première fois avec Le Fils du Nil en 1952 puis avec Ciel d'enfer (1954), La Terre (1970) et Adieu Bonaparte (1985) revenu à Cannes Classics en 2016 en version restaurée. Le Destin en 1997 lui permet de recevoir un prix pour l'ensemble de sa carrière. À Un Certain Regard, il présente L'Autre en 1999 et Alexandrie... New York en 2004, La Quinzaine des réalisateurs l'a accueilli avec Alexandrie encore et toujours (1990) et Le Caire raconté par Youssef Chahine (1991). En 2007, il est l'un des réalisateurs du film collectif Chacun son cinéma. Il est membre du Jury officiel en 1983.

En 1987, deux grands noms sont présents simultanément à Cannes. Devenu cinéphile grâce à l'arrivée des films des films de Hollywood dans son village natal dont ceux de John Wayne, le Malien Souleymane Cissé est devenu une autre grande figure de Cannes, recevant le Prix du Jury pour Yeelen (La Lumière). Il est invité à plusieurs autres reprises, en compétition pour Waati (Le Temps) en 1995 puis en séance spéciale avec Min Ye... (Dis moi qui tu es...) en 2009 et Oka en 2015.

Déjà en 1982, il participait à Un Certain Regard avant de rejoindre le jury officiel en 1983 et à celui de la Cinéfondation en 2006. En 2007, il fait partie des cinéastes présents pour le lancement de la World Cinema Foundation, aux côtés de Alfonso Cuarón, Ahmed El Maanouni, Fatih Akin, Gianluca Farinelli (directeur de la Cinématèque de Bologne, voir entretien), Ermanno Olmi, Walter Salles, Martin Scorsese et Wong Kar Wai. : «Les projets arriveront naturellement à la Fondation, il y aura des metteurs en scène qui amèneront des films représentant leur propre culture, l’identité de leur propre pays. […] Cette Fondation représente un grand espoir en Afrique, parce que nous nous rendons compte de tous les problèmes que le continent africain connaît […] Dans beaucoup de pays, il n’y a pas de préservation des films. […] Martin Scorsese est une personne qui a beaucoup d’humanité et une certaine prévoyance. Nous l’accompagnerons dans ce combat, parce qu’il en est de notre survie. Si dans 15 ou 30 ans, nos films ne sont plus visibles, et bien nous n’existerons plus».

Comme plusieurs réalisateurs évoqués ici, il a appris le cinéma dans une contrée lointaine : «L’occasion s’est ensuite présentée pour moi de faire des stages de photographie et de cinéma à Moscou, où je suis resté sept ans. L’adaptation n’a pas été facile… J’ai dû m’adapter au climat et apprendre le russe. Diplôme en poche, j’ai commencé à faire des reportages au Mali et par la suite des films».

Attentif à la transmission du savoir de son métier, il est l'un des fondateurs de l’Union des Créateurs et Entrepreneurs du Cinéma et de l’Audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest (UCECAU) dont l'un des buts est d'aider les jeunes générations à trouver les moyens de devenir cinéastes. Martin Scorsese, pourtant grand cinéphile, n'a découvert le cinéma africain qu'avec Yeelen et s'est donc bien rattrapé depuis en contribuant à la naissance puis à l'essor de la World Cinema Foundation. «Ce film a permis notre rencontre. Il a eu la gentillesse de nous apporter un soutien à la fois moral et logistique formidable. En 2007, il a même passé quatre jours avec nos jeunes à Bamako et en a invités quelque-uns sur son propre plateau de tournage » racontait Cissé au site Daily Movies.

En 1987, le Burkinabé Idrissa Ouedraogo débute à la Semaine de la critique avec Yam Daabo puis obtient le Grand Prix du jury en 1990 avec Tilai et revient enfin avec Kini & Adams en 1997, en compétition. En 1989, Yaaba était à la Quinzaine des Réalisateurs et reçoit le Prix de la critique, Djibril Diop Mambéty faisant d'ailleurs son retour après 17 ans d'absence en signant son making-off, Parlons Grand-mère, où il observe avec humour et poésie les aléas d'un tournage au Burkina Faso.

Dans un entretien au Monde en 2015, il insistait sur l'importance de la maîtrise de L'outil de fabrication : «Le cinéma est un art, il ne consiste pas seulement à raconter une histoire, il est aussi une technique. Pour être compétitif avec le flot d’images qui envahit le monde, il faut l’être d’abord en termes techniques et aussi en terme de récit. […] Ce métier artistique a pour base des études de cinéma comme Abderrahmane Sissako, Souleymane Cissé, Sembène Ousmane et moi-même en avons fait. La formation, la maîtrise de l’outil cinématographique sont très importants. C’est ce qui permet au regard et aux oreilles d’accepter un film. On ne peut pas faire l’économie de la formation professionnelle. […] Un film, c’est de la bonne image et du bon son, c’est tout. A force de ne plus en donner, les salles de cinéma n’existent quasiment plus dans nos pays».

Abderrahmane Sissako a lui aussi étudié le cinéma... à Moscou. Il débute à Cannes avec le court-métrage Octobre à Un Certain Regard en 1993, revient en 1998 avec La Vie sur Terre à la Quinzaine des Réalisateurs en 1998 et En attendant le bonheur le fait revenir à Un Certain Regard en 2002. Bamako est en sélection officielle hors-compétition en 2006 et en 2014 Timbuktu est très remarqué, laissant croire à une présence au palmarès. Il n'en sera rien mais quelques mois plus tard, le film remporte sept César, dont ceux du meilleur réalisateur et du meilleur film.

Abderrahmane Sissako inaugure avec Juliette Binoche le Pavillon des Cinémas du Monde en 2009. Il est simple membre du jury Cinéfondation et Courts métrages en 2000 avant d'en être le président en 2015, président de Un Certain Regard en 2003 et membre du jury long-métrages en 2007. premier réalisateur d'Afrique noire nommé à l'Oscar du film étranger avec Timbuktu pourrait lui permettre d'être le premier cinéaste du continent à présider le jury officiel. Peut-être devra-t-il attendre un autre film aussi exposé pour le devenir ? Il est le conseiller culturel du chef d'état Mohamed Ould Abdel Aziz.

Récemment un nouveau cinéaste s'est imposé sur la scène internationale avec Abouna (Quinzaine des réalisateurs, 2002) et Daratt (prix spécial du jury à Venise en 2006). Mais c'est le succès de Un Homme qui crie, prix du jury à Cannes en 2010 qui permet à Mahamat-Saleh Haroun non seulement de poursuivre son œuvre mais aussi d'aider à la visibilité du cinéma dans son pays. Il n'est pas seulement le premier cinéaste de premier plan venu du Tchad : avec le documentaire Bye Bye Africa, en 1999, il signait l'acte de naissance du cinéma tchadien.

En 2013, il revient, toujours en compétition, avec Grigris, non primé par le jury mais qui permet au directeur de la photographie Antoine Héberlé de recevoir le Prix Vulcain de l'Artiste-Technicien, décerné par la C.S.T. Comme souvent avec les cinéastes émergents de pays qui ne le sont pas moins, la direction du festival l'invite à participer à ses jurys et il est ainsi membre de la Cinéfondation en 2014 et de l'officielle en 2011 sous la direction de Robert De Niro (celui de la Palme d'or à The Tree of life de Terrence Malick). Interrogé lors de la conférence de presse du jury le jour de l'ouverture, il revenait sur ce qui s'était passé depuis l'obtention de son prix quelques mois plus tôt. Il annonçait alors qu'il avait été approché par le président Idriss Déby Itno pour créer une école de cinéma mais le projet n'a jamais été mené à terme, comme il l'expliquait en février dernier au Point : «Il a traîné, notamment du fait de l'entourage où tout le monde n'était pas favorable, n'y voyant pas leur intérêt. Et puis, il y a eu la crise, qui sévit encore, ça ne facilite pas les choses».

Vers la fin du festival, dans un entretien à La Croix, il s'exprimait sur l'invitation qui lui avait été faite et comment il avait vécu l'expérience, signalant notamment : «Les jurés sont sélectionnés par le Festival pour leur vision et leur proximité avec un certain cinéma. […] J'ai pris cet honneur, au-delà de ma personne, comme un signal lancé à l'Afrique. Une façon de dire à ceux qui pensent que Cannes ne se préoccupe pas de ce continent que, quand on a des choses importantes à dire, une place leur est faite. Il faut se préoccuper d'être dans cet endroit, se donner les moyens d'y figurer. Tous les cinémas du monde s'y confrontent et viennent acquérir plus de visibilité. À nous aussi de faire bouger les choses. Je me suis retrouvé dans un jury de haute tenue qui a élargi mon horizon et mon regard. J'aime bien les expériences qui me permettent d'apprendre. On est conscient quand on arrive qu'il faut défendre un cinéma exigeant et qui parle au monde. Les discussions, entre nous, m'ont permis de comprendre des aspects que je ne percevais pas bien ou pas toujours. Ce que j'ai vécu comme juré a ressemblé à une sorte d'apprentissage».

L'an dernier il revenait en séance spéciale avec le documentaire Hissein Habré, une tragédie tchadienne. Son prochain film, Une saison en France, qui réunit Sandrine Bonnaire et Ériq Ebouaney, et que l'on espérait sur la Croisette, devrait sortir l'automne prochain. Mahamat-Saleh Haroun a sorti un premier roman en mars dernier (Djibril ou Les ombres portées) et a été nommé ministre du Développement touristique, de la Culture et de l'Artisanat le 5 février dernier. Comme son collègue mauritanien, il lui est reproché d'être trop proche, voire complice, de gouvernements laissant peu de liberté à leur peuple.

En 2012, La Pirogue du sénégalais Moussa Touré est sélectionné à Un Certain regard et poursuit de façon plus didactique que son compatriote Membéty les voyages clandestins de l’Afrique vers l’Europe. Les temps ont changé, le style onirique est délaissé pour un brûlot réaliste et engagé sur l'exil, souvent mortel, des Sénégalais qui espèrent une meilleure vie ailleurs. Le réalisateur voit l'embarcation de son titre comme «une métaphore du pays qui part à la dérive, quand il n’y a plus d’horizon». Interrogé sur ce qu'il attendait du Festival de Cannes, il répondait : «Que le festival de Cannes s'ouvre davantage au cinéma du monde».

Présence forcément limitée en raison du boycott qui a frappé ce pays ségrégationniste avant la libération de Nelson Mandela, l'Afrique du Sud n'a que rarement envoyé des représentants. Skoonheid d’Oliver Hermanus, développé  au sein de la Résidence de la Cinéfondation, est le premier film tourné en afrikaans (la langue des oppresseurs) montré sur la Croisette, à Un Certain Regard en 2011. Son compatriote Oliver Schmitz est lui venu avec Mapantsula (1988), Hijack Stories (2001) et Le Secret de Chanda (2011), toujours à Un Certain Regard.

Parmi les autres réalisateurs de la compétition, au moins partiellement oubliés de nos mémoires, quelques égyptiens : Salah Abou Seif, considéré comme le père du cinéma réaliste égyptien, avec Les Aventures de Antar et Abla (1949), La Sangsue (1956) et Le Monstre, Grand Prix en 1954 ; Kamal El Sheikh avec Vie ou mort (1955), La dernière nuit (1964) et Langage du geste (1973) ; Henry Barakat avec Al Haram (1965) mais aussi le marocain Abdelaziz Ramdani avec Âmes et rythmes (1962) ; le tunisien Abdellatif Ben Ammar avec Une si simple histoire (1970) en compétition et avec Aziza à la Quinzaine des réalisateurs (1980) et l'haïtien Raoul Peck avec L'Homme sur les Quais en 1993, porté par l'impressionnante performance de Toto Bissainthe, la voix du rôle-titre de La noire de... de Sembène. Il est le président de la Fémis depuis 2010. Le français Jacques Baratier avec Goha fait partie de la liste des quelques réalisateurs étrangers en course pour la Palme d'or avec un film tourné sur le sol africain (en Egypte), une fable qui révèle Omar Sharif et Claudia Cardinale. Jean Rouch, qui a souvent encouragé les artistes africains à faire entendre leurs voix, représente en 1976 le Niger avec Babatou, les trois conseils.

Le cinéma africain a heureusement été primé sur la Croisette. Passons sur la Palme d'or officiellement marocaine de Orson Welles pour Othello, la première – et dernière à ce jour – revenant à l'Algérie pour Chronique des années de braise, palme d'or du jury de Jeanne Moreau en 1975. Déjà prix de la première œuvre avec Le Vent des Aurès en 1967, Mohammed Lakhdar-Hamina reste l'un de ces habitués méconnus de Cannes, avec d'autres sélections encore, à commencer par le court-métrage Sous Le Signe de Neptune, en compétition en 1963 et les longs-métrages, en compétition toujours, Vent de sable (1982) et La Dernière Image (1986) avec Véronique Jannot, vedette de la série Pause Café et interprète de la chanson rébus Désir, désir avec Laurent Voulzy. Il a depuis disparu des radars.

Malgré la longueur de ce texte, la question des financements et de l'exposition du cinéma africain reste à creuser en détails. Des tentatives de mettre en avant le continent se sont parfois soldés par des échecs. Ainsi, les Soleils d'Afrique lancés à Cannes en 2004 au Pavillon des Cinémas du Sud, se voulaient les Oscars ou les César de l'Afrique mais l'initiative a rapidement fait long feu. Plus pertinente est l'annonce récente par l'UNESCO de la création d'un partenariat avec la Film Foundation et la Fédération Panafricaine des Cinéastes pour un projet important pour le patrimoine cinématographique africain. Il vise, sur le long terme, à localiser, restaurer et préserver les grands classiques du cinéma africain.

L'Afrique à Cannes en 2017

Va-t-on découvrir le prochain nouveau grand nom du continent africain lors de Cannes 2017 ? Le nombre de représentants est faible, comme toujours ou presque donc, mais en sélection officielle, on retrouve au sein de Un Certain Regard la Tunisienne Kaouther Ben Hania avec La Belle et la meute (Aala Kaf Ifrit) et l'Algérien Karim Moussaoui avec En attendant les hirondelles, un projet soutenu par Alice Winocour, marraine 2016 de la Fondation Gan.

La Quinzaine des Réalisateurs accueille modestement la réalisatrice zambienne Rungano Nyoni avec I Am Not A Witch ; rien à la Semaine de la Critique ni à l'ACID et la sélection de Cannes Classicss n'a pas encore été dévoilée… mais La Fabrique Cinéma (ex Fabrique des Cinémas du Monde), un événement de soutien à la création organisé par l’Institut français, présentera dix projets dont quatre venus d'Afrique : The Sovereign de Wim Steytler (Afrique du Sud), The Bridge de Hala Lotfy (Egypte), Hawa Hawaii de Amirah Tajdin (Kenya) et The Maiden’s Pond de Bassem Breche (Liban). De futurs talents de la compétition cannoise ?

Pascal Le Duff de Critique-Film

Cannes 70: Et Cannes créa l’actrice française…

Posté par vincy, le 23 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-25. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Au fil des décennies, entre flâneries sur la Croisette, poses sur le tapis rouge, robes traînant sur les marches ou sourires radieux éclairés par les flashs des photographes, l'actrice française a su être la Marianne, l'emblème du chic gaulois, l'ambassadrice de la beauté et le symbole d'un jeu mêlant glamour et drame. Souvent jurées, voire présidentes de jury, les comédiennes ont aussi été les égéries de grandes marques, les figurantes classes d'une montée des marches ou d'une remise de prix.

Inutile d'en faire la liste exhaustive. Elles sont toutes passées par Cannes. De Danielle Darrieux à Emmanuelle Béart, de Marie-France Pisier à Laetitia Casta en passant par Simone Signoret, Sandrine Bonnaire ou Nathalie Baye. Mais on ne va en retenir que quelques-unes, celles qui ont cette particularité d'avoir marqué le Festival, par leur nombreux films sélectionnés ou par leur présence sensationnelle, et qui ont un retentissement mondial, dont Cannes n'est pas étranger. Un Top 10, qui couvre toutes les décennies cannoises. Et en cadeau bonus, une comédienne à part dont on fête les 50 ans de la disparition.

Françoise Dorléac. Il y a 50 ans, le 26 juin 1967, Françoise Dorléac disparaissait tragiquement pas très loin de Cannes. Elle avait 25 ans. La sœur de Catherine Deneuve était alors une des rares stars françaises de la nouvelle génération. 16 films à son actif en 8 ans de carrière. Magnétique, charmeuse, à l'aise dans la comédie et le drame, gracieuse, la comédienne avait tout pour plaire. Elle avait tourné avec Michel Deville, René Clair, Édouard Molinaro, Philippe de Broca, Roger Vadim, Roman Polanski, Ken Russell.

Tout la destinait à une carrière internationale. Juste avant son accident de voiture, elle avait conquis le public, en compagnie de Deneuve, avec les éternelles Demoiselles de Rochefort, de Jacques Demy. Pourtant c'est bien un film de Demy et avec Deneuve qui avait assombrit son passage sur la Croisette.

En 1964, Françoise Dorléac accompagnait le film de François Truffaut, La peau douce. Dorléac et Truffaut sont alors en couple. La première est au top du box office avec L'Homme de Rio. Le second a des difficultés financières. Le film est là pour consacrer la star en devenir et remettre le réalisateur sur les rails de la prospérité. Hélas, la critique éreintera le beau drame adultérin. Et le jury ignorera complètement le film au palmarès. Le film ne sera finalement vu que par 600000 spectateurs. La blessure est immense pour Truffaut, qui ne reviendra plus à Cannes avant 1973.

Mais l'ironie de l'histoire est ailleurs, dans un match que personne n'attendait. De ce Festival, personne ne retiendra la sublime Françoise Dorléac. Tous les yeux étaient rivées sur sa cadette, Catherine Deneuve, qui explose à Cannes avec son premier grand rôle dans le film qui, en bonus, reçoit la Palme d'or : Les Parapluies de Cherbourg.

Michèle Morgan. Le cas particulier de l'actrice récemment disparue est qu'elle était déjà une star internationale lorsqu'elle est venue au premier festival de Cannes, en 1946. Elle y a présenté La symphonie pastorale en compétition. Elle est revenue en compétition en 1956 avec Marie Antoinette, reine de France, en 1990 avec Ils vont tous bien et hors-compétition en 1962 avec Le crime ne paie pas. Ce fut surtout la première actrice de l'histoire du Festival à recevoir le prix d'interprétation féminine. La quintessence du jeu à la Française où elle incarne une aveugle dans le film de Jean Delannoy. C'était son grand retour en France, pays qu'elle avait quitté au début de la guerre pour Hollywood. Elle avait le mal du pays et son passage sur la Côte d'Azur lui faisait un bien fou. Elle était ravie de son prix. Et à jamais, l'image la plus représentative de ce premier festival c'est cette jeune femme de 25 ans, en bikini, libre et radieuse, s'amusant devant les photographes sur le sable de la plage du Carlton.

Brigitte Bardot. Avec elle l'après-guerre prend fin, l'émancipation sexuelle éclot, la libération de la femme naît. La star des starlettes, c'est elle. Elle débarque sur la Croisette et va affoler paparazzis et photographes. La première "people" de l'histoire du Festival. Brigitte Bardot n'a jamais été en compétition à Cannes.

Mais sa seule présence, en "touriste", en 1953, convaincue que son sex-appeal ferait tourner la tête des festivaliers, a suffit à en faire une vedette dans l'air du temps. Elle n'a tourné que quelques films, avec des petits-rôles. Son sex-appeal n'est pas encore mondial. Elle vit avec Roger Vadim, qui a des difficultés à monter son film, Et Dieu créa la femme... En débarquant à Cannes, elle veut à la fois voler la vedette aux grandes actrices, améliorer sa notoriété et ainsi rassurer les éventuels producteurs d'investir dans le projet de son époux.

Le film sort trois ans plus tard, grâce à la participation financière de l'acteur principal, Curd Jürgens. Il en fait une actrice de premier rang. Déchaînant les passions, défiant la censure, entre érotisme libéré et modèle féministe, Et Dieu créa la femme... entraînera aussi la fin du couple Bardot/Vadim.

Jeanne Moreau. Deux fois présidente du jury (1975 et 1995), Jeanne Moreau est l'une des plus fortes incarnations du festival. A la fois actrice incontournable, autorité cinéphile, muse de la Nouvelle vague, citoyenne engagée. Lady Moreau a débarqué en 1960 avec Moderato Cantabile. Elle fait face à Jean-Paul Belmondo dans un film mis en scène par Peter Brook d'après le roman de Marguerite Duras. Excusez du peu. Jeanne Moreau obtient le prix d'interprétation à Cannes.

Elle a déjà dix ans de carrière derrière elle, avec Vadim, Malle, Becker, Allégret, Decoin dans sa filmographie. Certains de ses films ont été de jolis succès (La Reine Margot a séduit 2,4 millions de Français). Moderate Cantabile sera aussi un succès avec un million de spectateurs. Mais ce prix d'interprétation à Cannes est son premier grand prix international.

De ce jour-là, elle ne quittera plus la Croisette avec parfois deux films en compétition la même année (en 1966 tout comme en 1991). Les dernières fois où Jeanne a présenté un film à Cannes, c'était en 2005, à Un certain regard avec Le temps qui reste de François Ozon, et en 2009 avec Visage de Tsai Ming-liang, en compétition. Elle n'était pas là pour monter les marches. Le temps est passé.

Catherine Deneuve. On ne va pas s'éterniser sur le cas Deneuve. Une Palme d'or d'honneur. Un prix d'interprétation spécial. Deux films ayant reçu la Palme d'or. Une vice-présidence de jury. Plusieurs fois remettante de la Palme. La Deneuve est plus qu'une abonnée de la Croisette, elle est Cannes. Même si elle apprécie peu le chaos du Festival comme toutes ces mondanités du 7e art. Le plus impressionnant est sans doute le nombre de films qu'elle a accompagné, depuis son lancement au firmament des étoiles en 1964, avec Les Parapluies de Cherbourg, jusqu'à aujourd'hui. Six décennies de présence ininterrompues.

D'abord Hors compétition avec Luis Bunuel, Claude Lelouch, Tony Scott et Alain Corneau. Puis régulièrement en compétition grâce à André Téchiné (trois fois), Manoel de Oliveira, Raoul Ruiz, Leos Carax, Lars von Trier, Marjane Satrapi, Arnaud Desplechin... Ces dernières années, elle a soutenu un film d'ouverture, une petite production de Paul Vecchiali, un film de Christophe Honoré. Mais elle est surtout revenue pour présenter ses grands films à Cannes Classics, du Dernier métro à Indochine, du Sauvage à La vie de château.

Cannes a toujours illustré sa carrière en soulignant son éclectisme et son ouverture sur le monde. Star mondiale, elle assume son rôle : avec des tenues extravagantes et glamours de grands stylistes, en épaulant la novice Björk qu'elle défend en conférence de presse, en rendant hommage aux cinéastes à qui elle doit beaucoup ou en embrassant à pleine bouche le Maître de cérémonie, juste pour le fun.

Isabelle Huppert. On a déjà évoqué le cas spécifique de Isabelle Huppert dans cette série (lire notre article). L'actrice est celle qui a reçu deux prix d'interprétation, avec ses deux cinéastes emblématiques (Chabrol et Haneke). Une exception en soi. Depuis Aloise en 1975, Huppert est une régulière. Dès l'année suivante elle est couronnée avec Violette Nozière. Quatre films en compétition dans les années 70, 6 dans les années 80 (dont trois en 1980), 2 dans les années 90, 2 dans les années 2000 et 6 depuis 2010.

Avec les autres sélections, le compteur explose. Huppert est une sorte de quintessence cannoise. L'actrice française par excellence, qui, comme Moreau, Deneuve, Binoche ou Cotillard, est sur le tapis rouge pour un film français, européen, américain ou asiatique. Elle n'a aucune frontière. Toutes ces comédiennes révèlent ainsi l'universalité du cinéma, en bonnes héritières des frères Lumière et de l'esprit des Lumières.

Isabelle Adjani. En 1976, Adjani arrive sur la Croisette, auréolée du génie qu'on lui colle à la peau, avec Roman Polanski, pour Le Locataire. Elle est déjà populaire (La gifle), admirée (L'histoire d'Adèle H), curieuse (Barocco). Cannes s'offre alors les deux Isabelle. La Huppert qui repartira avec un prix d'interprétation pour Violette Nozière. L'Adjani déjà insaisissable.

Isabelle A. et Isabelle H. reviennent d'ailleurs ensemble en 1979 avec un Téchiné, Les sœurs Brontë. Mais en 1981, c'est bien Adjani qui domine Huppert. La star de l'époque,c'est elle. Elle obtient un prix d'interprétation pour deux films radicalement différents: Quartet de James Ivory et Possession d'Andrzej Zulawski. Ce dernier film a été un cauchemar. Le début du déraillement qui la conduira dans le mur dix ans plus tard.

Entre temps, elle revient à Cannes, avec L'été meurtrier. Puis se fait rare. Le désastreux Toxic Affair est présenté hors-compétition en 1993. Un échec. Son grand retour s'annonce en 1994 avec La Reine Margot. Le rôle de Jeanne Moreau. Catherine Deneuve au jury. Adjani au sommet. Mais c'est Virna Lisi qui emporte le prix d'interprétation. Une dispute au sein du jury prive la Reine Isabelle de la gloire promise. Et l'étoile file vers les confins obscurs d'une galaxie de films plus ou moins oubliés. Parfois, elle revient briller. Pour présider le 50e Festival de Cannes, remettre un prix, ou s'attirer la colère des photographes. Elle sait encore créer l'événement.

Sophie Marceau. On ne peut pas passer à côté de l'actrice chérie des Français. A Cannes, elle n'a jamais été en compétition. Tout juste au début de sa carrière, elle a quand même accompagné Noiret, Depardieu et Deneuve sur le tapis rouge pour le film d'ouverture de 1984, Fort Saganne. 25 ans plus tard, elle est revenue en séance de minuit avec un film de genre, Ne te retourne pas. Elle a bien présenté deux films à Un certain regard (dont son premier film en tant que réalisatrice, le court métrage L'aube à l'envers).

Bref on ne peut pas dire que Sophie Marceau ait une histoire particulière en tant qu'actrice avec Cannes. Elle fut quand même membre du jury en 2015. Mais, connue de la Chine à la Russie, du Japon à l'Allemagne, elle a souvent été réclamée par Cannes pour faire sensation sur le tapis rouge ou remettre un prix. Parfois tout se mélangeait. Un décolleté qui dénude un sein, une robe qui s'emmêle les pinceaux, une autre qui dévoile sa culotte, un discours brouillon où tout se mélange. Son franc-parler, sa sincérité, sa personnalité difficile affrontent alors les quolibets, moqueries, critiques. C'est la copine sympa qu'on regrette parfois d'inviter. Mais elle fait partie du folklore. Les malheurs de Sophie ont toujours fait le bonheur des magazines people et féminins qui ne viennent pas à Cannes pour le cinéma mais bien pour chopper une Cendrillon perdant sa chaussure sur les marches.

Juliette Binoche. Comme Deneuve, elle est née sur la Croisette. En 1985, l'actrice vient de présenter le dernier film de Godard, Je vous salue Marie à Berlin. Trois mois plus tard, elle monte les marches grâce à André Téchiné pour Rendez-vous, le film qui la révèle définitivement. Elle obtient quelques mois plus tard sa première nomination aux César comme meilleure actrice et reçoit le Prix Romy Schneider. Rendez-vous sera primé pour sa mise en scène et Binoche, nue sur l'affiche, va alors rapidement devenir l'une des comédiennes les plus sollicitées.

Pourtant, il faut attendre quinze ans avant qu'elle ne revienne à Cannes. Entre temps, elle a eu un Oscar, un César, un prix à Venise et un autre à Berlin. La jeune comédienne est devenue une actrice internationale. Et c'est d'ailleurs avec des cinéastes étrangers qu'elle vient sur la Croisette : Michael Haneke, Hou Hsiao-hsien, Abbas Kiarostami, qui lui permet, grâce à Copie Conforme, de réaliser le grand chelem, et David Cronenberg. Olivier Assayas (co-scénariste de Rendez-vous) et Bruno Dumont ont été les deux derniers cinéastes en date à la faire briller sur les marches. Mais surtout, Juliette Binoche a été la seule actrice française a être le visage de Cannes, égérie le temps d'une édition, sur une affiche bleue électrique.

Marion Cotillard. Après un long moment où les vedettes francophones se sont enchaînées dans l'histoire de Cannes - Emmanuelle Devos, Elodie Bouchez, Audrey Tautou, Valéria Bruni Tedeschi, Emilie Dequenne, Ludivine Sagnier, Mélanie Laurent, etc... - une seule actrice a émergé dans les années 2000 : Charlotte Gainsbourg, qui fut d'ailleurs récompensée par un prix d'interprétation en plus d'être membre du jury. Mais on ne peut pas dire que sa filmographie comme son itinéraire soit liés à Cannes. Ce fut plutôt une forme de consécration d'une déjà longue carrière.

En revanche, Marion Cotillard, après plus de quinze ans de carrière, un Oscar, deux César et quelques films hollywoodiens, va devenir la plus fidèle des actrices à partir de 2010. C'est déjà une star et elle va devenir durant cette décennie l'actrice cannoise par excellence. Pas une année depuis Minuit à Paris en 2011 où elle n'aura pas un ou deux films en sélection officielle: De rouille et d'os en 2012, The Immigrant et Blood Ties en 2013, Deux jours, une nuit en 2014, Le petit prince et Macbeth en 2015, Juste la fin du monde et Mal de pierres en 2016, Les fantômes d'Ismaël en 2017.

Miss Dior qu'on adore ou qu'on abhorre est devenue une tête d'affiche pour Hollywood et une valeur sûre pour les films de festivals. A chaque fois le prix d'interprétation lui échappe. Mais après tout, Deneuve, Binoche ou Gainsbourg justement ont du longtemps attendre avant de l'obtenir. C'est l'actrice qui tourne avec un québécois, un américain, un australien, deux belges, son mari, les grands auteurs du cinéma français. Elle a troqué le taxi marseillais pour la limousine de Renault cannoise. Cotillard c'est la french touch du XXIe siècle.

Léa Seydoux. Dernière venue du casting. Il y a eu La vie d'Adèle, avant et après. Avant pourtant, elle était déjà un peu connue avec des auteurs comme Bonello, Breillat, Honoré, Ruiz. Mais Cannes, elle était surtout hors-compétition, en second rôle. Dans Robin des Bois et Minuit à Paris (comme Cotillard). Ou avec un personnage éphémère dans le premier chapitre de Inglorious Basterds en compétition.

Il faut attendre 2013 pour qu'elle s'impose. Dans Grand central à Un certain regard et dans La vie d'Adèle en compétition. Le film obtient la Palme d'or. On n'a d'yeux que pour sa partenaire, la novice et fraîche Adèle Exarchopoulos. Mais les deux comédiennes reçoivent une Palme chacune en distinction honorifique. Une première. Pour Léa Seydoux, c'est le grand virage. Les grosses productions s'ouvrent à elle, de James Bond à Wes Anderson. Elle devient la It-Girl frenchy du cinéma mondial.

Depuis sa Palme, elle est toujours en compétition: chez Bonello avec Saint Laurent, chez Lanthimos avec The Lobster, chez Dolan avec Juste la fin du monde. A l'instar de Cotillard, elle navigue entre blockbusters et films d'auteur, entre Tom Cruise et Benoit Jacquot. Elle assure la promo et assume son statut de "cover girl", avec belles robes, bijoux et ce petit accent français quand elle parle anglais. Elle aussi se joue des frontières, des genres, des étiquettes. Elle vise la catégorie "world actress". Avant la femme française faisait rayonner le cinéma du pays dans le monde ; aujourd'hui le cinéma mondial fait rayonner l'actrice française.

Cannes 70 : de la scène à la musique de films

Posté par cannes70, le 22 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

En partenariat avec Cinezik, Benoit Basirico nous décrypte les musiques qui ont fait Cannes.

Aujourd'hui, J-26. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Tout compositeur de musique de film est avant tout un compositeur. Avant de se mettre au service d’un film, d’un cinéaste, un musicien a très souvent, pour commencer, créé des œuvres pour lui-même. La musique de film n’est pas un métier, ni une vocation, mais est la conséquence de rencontres et de circonstances qui amènent tel musicien à rencontrer une image.

Après un parcours pour la scène, certains ont franchi un cap qui les lie exclusivement au cinéma au point de faire oublier leur première activité. C’est le cas de Danny Elfman que l’on associe au cinéaste Tim Burton en oubliant qu’il était d’abord leader du groupe de New Wave Oingo Boingo. C’est d’ailleurs pour un film très rock qu’on le retrouve à Cannes pour son unique présence en compétition (Hôtel Woodstock d’Ang Lee).

C’est la même chose pour Cliff Martinez qui était batteur des Red Hot Chili Peppers avant d’être identifié comme le compositeur de Steven Soderbergh (palme d’or en 1989 avec sa première B.O, Sexe, Mensonges et Vidéo, puis en compétition de nouveau en 1993 avec King Of The Hill) et il est surtout dernièrement associé à Nicolas Winding Refn (3 films en compétition : Drive, Only God Forgives et The Neon Demon l’année dernière).

Le japonais Ryûichi Sakamoto a conçu des albums de musique électronique à partir de 1978 avant de fréquenter le Festival de Cannes, lui aussi dès son premier film, en 1983 (pour Furyo de Nagisa ?shima, qu’il retrouvera à Cannes avec Tabou en 2000). C’est également à Cannes que l’incontournable Hans Zimmer fait ses débuts au cinéma. Alors membre - au synthé - du groupe The Buggles (avec le fameux “Video Killed the Radio Star”), il est en compétition du festival en 1984 avec Le Succès à tout prix de Jerzy Skolimowski. Il sera ensuite 5 fois présent en compétition notamment pour Rangoon de John Boorman en 1995. Cannes est ainsi toujours à la pointe des futurs talents musicaux.

Alors que Danny Elfman, Cliff Martinez ou Hans Zimmer ont complètement fait le deuil de leurs travaux solo ou de groupe, Sakamoto continue les deux activités conjointement avec une égale popularité. De plus, les compositeurs de cinéma renouent depuis quelques temps avec la scène (Ennio Morricone, Michel Legrand, Vladimir Cosma, et même Danny Elfman) en jouant leurs bandes originales en concert avec de nouvelles orchestrations (et en glissant quelques œuvres personnelles), une manière pour eux de renouer avec leur statut de compositeur exclusivement en sortant du contexte filmique, et ainsi surmonter ainsi quelques frustrations. A ce propos, Hans Zimmer est en concert à Paris Bercy le 11 juin 2017. Malgré ces présences scéniques, leur nom demeure associé au cinéma.

Parmi les musiciens dont la belle réputation au cinéma prend le relai d’une carrière d’albums, il y a souvent une belle rencontre avec 1 ou 2 cinéastes privilégiés. On peut citer Lim Giong qui est passé de la musique électronique à Taïwan à une collaboration avec Hou Hsiao Hsien et Jia Zhang Ke (en compétition 5 fois avec ces deux cinéastes, de Goodbye South, Goodbye en 1996, sa 2nd B.O, à The Assassin en 2015).

Nick Cave et Warren Ellis (associés sur les albums du chanteur australien) ont commencé au cinéma avec John Hillcoat (Ghosts... of the Civil Dead en 1988, puis en compétition à Cannes avec Des hommes sans loi en 2013) alors que le violoniste s’est émancipé avec le succès que l’on connaît pour Mustang (Quinzaine des réalisateurs, et le César à la clé). On le retrouve d’ailleurs cette année à Un Certain Regard avec Wind River de Taylor Sheridan.

Jonny Greenwood, guitariste et membre actif du groupe de rock Radiohead, s’est fait connaître au cinéma avec Paul Thomas Anderson (There Will Be Blood en 2007), mais c’est pour Lynne Ramsay qu’il est venu à Cannes (We Need To Talk About Kevin en 2011).

Tout en étant un compositeur au sens large, et parfois musicien de scène comme nous venons de le voir, tout musicien n’est pas capable pour autant de devenir un compositeur pour le cinéma. Ce travail de musique à l’image implique des considérations et des compétences qui ne sont pas exclusivement liées à la composition elle-même, mais aussi à la compréhension du film, aux enjeux du récit... les compositeurs qui se consacrent exclusivement à cette activité peuvent ainsi par expérience et savoir-faire apporter leur compétence à un réalisateur pour le soutien du film.

Philippe Sarde (en compétition cette année pour la 21e fois avec Rodin de Jacques Doillon) se définit d’ailleurs comme un scénariste musical. Il est plus dans la considération du film que dans la musique elle-même, allant même jusqu’à proposer des modifications de montage au cinéaste. Bien souvent il s’agit pour le réalisateur ou producteur d’un choix de raison et un gage de confiance que de faire appel à un artiste qui connaît le cinéma. Ces compositeurs sont aussi caméléons, n’ont pas de style propre et défini (même si une identité et des éléments de personnalité peuvent se dégager). Pour les besoins d’un film, ils pourront alors convoquer un orchestre, un instrument soliste, une valse, un tango, du jazz, ou des sonorités plus électroniques.

Malgré les qualités requises pour écrire sur-mesure la musique d’un film, certains cinéastes invitent des musiciens issus du concert. Ils le font pour leur style propre, parce qu’ils ont aimé leur musique à l’écoute de leurs albums. Ils ne leur demanderont pas de faire autre chose, de sortir de leur territoire. Il s’agit donc ici de créer une confrontation entre deux univers plutôt que de provoquer une véritable collaboration.

C’est ce que fait Jim Jarmusch, lui-même par ailleurs musicien, lorsqu’il invite Neil Young à improviser avec sa guitare face aux images de Dead Man (en compétition, Cannes 1995). Hormis le rock, avec dernièrement Sqürl sur Paterson (Cannes 2016) et Only Lovers Left Alive (Cannes 2013), le cinéaste a pu explorer d’autres genres, tel que le rap avec RZA sur Ghost Dog (Cannes 1999) et le jazz à ses débuts par sa collaboration avec le saxophoniste John Lurie (à Cannes avec Down by Law en 1986 et Mystery Train en 1989).

D’autres réalisateurs ont pu manifester leur passion pour le rock, que ce soit Olivier Assayas avec David Roback, membre de Mazzy Star, sur Clean (Cannes 2004), et Sonic Youth, groupe de rock avant-gardiste américain sur Demonlover (Cannes 2002), Leos Carax avec Neil Hannon, leader du groupe de pop rock The Divine Comedy (Holy Motors, Cannes 2012) et avec le chanteur anglais Scott Walker sur Pola X (Cannes 1999).

Tous les styles musicaux ont fait leur cinéma, en voici une petite énumération non exhaustive.

Pour le rock, on peut ajouter Peter Gabriel (“Birdy” de Alan Parker, Cannes 1985), John Cale - ex-Velvet Underground (N'oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois, Cannes 1995), ou encore David Byrne, chanteur du groupe new wave Talking Heads (This must be the place de Paolo Sorrentino, Cannes 2011). Pour la pop, il y a Bjork chez Lars Von Trier (Dancer In The Dark, Cannes 2000), Jon Brion chez Paul Thomas Anderson (Punch-Drunk Love, Cannes 2002).

Pour l’électro, Thomas Bangalter de Daft Punk officie chez Gaspar Noé (Irréversible et Enter the void et leurs polémiques cannoises), Moby chez Richard Kelly (Southland Tales, Cannes 2006), et les précurseurs Giorgio Moroder dans Midnight Express de Alan Parker (Cannes 1978), Vangelis (5 sélections dont Les Chariots de feu de Hugh Hudson en 1981), ou encore Tangerine Dream, groupe allemand psychédélique (Le Solitaire de Michael Mann, Cannes 1981). Cette année, Arnaud Rebotini, fondateur du groupe Black Strobe, est en compétition avec 120 battements par minute de Robin Campillo.

Pour le jazz, le clarinettiste Michel Portal est venu 5 fois à Cannes en compétition (dont Max mon amour de Nagisa Oshima, 1986). Amos Gitai a fait appel au saxophoniste norvégien Jan Garbarek (Kippour, Cannes 2000) et au clarinettiste et saxophoniste français Louis Sclavis (Kadosh, Cannes 1999).

Enfin, pour terminer avec la chanson française, il y a eu Serge Gainsbourg dans Tenue de soirée (Cannes 1986) de Bertrand Blier, Jacques Brel pour son propre film Le Far West (Cannes 1973), Philippe Katerine dans Peindre ou faire l'amour (Cannes 2005) des frères Larrieu, ou encore Jean-Louis Aubert chez Philippe Garrel qui faisait avec L'Ombre des femmes (2015) l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs où on le retrouve cette année avec L’Amant d’un jour.

Benoit Basirico pour Cinezik

Cannes 70 : ça va tourner sur la Croisette, chérie !

Posté par cannes70, le 21 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-27. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .



Le Festival de Cannes fait rêver les cinéphiles. Ceux qui cèdent, ne serait-ce qu'une fois, à l'appel de la Croisette sont mordus, sinon pour l'éternité, au moins pour très très longtemps. Pourtant, assez étrangement, le lieu n'a que peu aiguisé l'inspiration des réalisateurs. Peu de longs-métrages de fiction ont été tournés pendant le Festival ou se déroulent dans son cadre.

Lors de l'annonce de la sélection officielle 2017, un nom est ressorti à deux reprises, celui du stackhanoviste Hong Sangsoo qui sera présent avec ses deux derniers longs-métrages. Le Jour d'après sera présenté en compétition, un autre le sera en séance spéciale avec Isabelle Huppert, qu'il avait déjà dirigée dans In Another Country. La comédienne, interrogée par La Montagne avait présenté ce projet en quelques mots : «un film vite fait bien fait, mais un vrai film, qui s'appelle La Caméra de Claire. Quatre histoires qui s'entrecroisent». Une comédie tournée l'an dernier à Cannes, juste avant et pendant le Festival en toute discrétion et indépendance, comme souvent / toujours chez ce cinéaste que l'on adore retrouver à intervalles (très) réguliers pour des films qui ne cessent de se ressembler et d'être pourtant très différents à chaque fois.

Tourne à Cannes, pourriture de cinéaste !

Pour le trio Alain Chabat / Dominique Farrugia / Chantal Lauby, le Festival de Cannes est «l'événement médiatique que le monde nous envie mais le monde du cinéma est parfois une jongle bien cruelle». Dans La Cité de la peur, une comédie familiale, le film de Les Nuls (désolé, mais pour moi c'est le titre complet), un tueur habillé en ouvrier sidérurgiste, armé d'une faucille et d'un marteau, prend un malin plaisir à occire des projectionnistes (Jean-Pierre Bacri, Eddy Mitchell…). Leur point commun ? Tenter de faire découvrir à un public ébahi mais totalement pas intéressé une série Z fauchée, Red is dead, présenté au marché du film dans l'une des salles des Arcades.

Odile Deray, l'attachée de presse, se réjouit de ces meurtres car soudain les journalistes s'intéressent à ce nanar que personne ne veut voir et qui est représenté uniquement par son acteur idiot, le toujours content Simon Jérémi. Sam Karmann, Palme d'or du court deux ans plus tôt pour Omnibus, apparaît dans un rôle peu gratifiant physiquement mais hilarant. Gérard Darmon alias le commissaire Bialès évoque dans un entretien les conditions de tournage : «On l'a fait en plein mois de juillet, donc pas du tout dans la période festivalière. Recréer cette ambiance de festival… La montée des marches, la Carioca dans le Palais... C'est un souvenir indélébile». Cette citation ne devrait pas en devenir un, désolé.

La course-poursuite d'Alain Chabat / Serge Karamazov est l'un des rares enregistrements cinématographiques de la longue, longue, longue remontée de la Croisette (incomplète ceci dit mais respectons la liberté des artistes au détriment d'une dimension historique honteusement chamboulée) effectuée parfois plusieurs fois par jour par les festivaliers qui vont d'une section à une autre, du Palais du festival où se déroulent, en résumé, les projections officielles (le grand bâtiment dans le dos de Chabat) jusqu'aux salles de la Quinzaine des Réalisateurs et de la Semaine de la Critique à plus de dix minutes de là. Il faut savoir que de nombreux festivaliers pensent à cette séquence en remontant cette longue, longue, longue avenue, partageant hélas certaines souffrances du héros. Et je ne parle pas forcément des mimes.

Cette comédie hilarante aurait mérité une sélection officielle mais hélas, il n'en fut rien. Néanmoins, le film se révèle prophétique. Futur président du Festival de Cannes en remplacement de Gilles Jacob, Pierre Lescure, cofondateur de Canal + et co-artisan de la formation des Nuls, fait une apparition, tout comme le (futur) réalisateur Michel Hazanavicius dix-sept ans avant sa première invitation en compétition avec The Artist. Revenu en 2014 avec The Search, il sera présent une troisième fois déjà cette année avec Le Redoutable dans lequel il se moque, dans le teaser ci-dessous, du Festival de Cannes. «Il faut être complètement con pour aller à Cannes cette année ! Avec tout ce qui se passe en ce moment ! » lance avec verve un personnage. On admirera la jolie formule qui reflète certainement l'opinion de Godard à l'époque (au moins par esprit de contradiction) et de Hazanavicius aujourd'hui, même dans des contextes différents.

Youpi, tournons au Palais des Festivals

1994 toujours. Dans Grosse Fatigue dont il est le réalisateur et l'acteur principal, Michel Blanc voit sa vie de personnalité populaire chamboulée par un sosie parfait à la rancœur agressive. Ce double maléfique s'en prend à des vedettes du cinéma, tentant de violer, au sein même du prestigieux Carlton (où il a récupéré la chambre de Gérard Depardieu), quelques jeunes actrices dont Mathilda May ou la toute jeune et timide Charlotte Gainsbourg. Sur une idée de Bertrand Blier - qui lui avait permis de remporter un prix d'interprétation à Cannes, sacré effet miroir - il signe une charge sarcastique sur la relativité de la notoriété et montre l'envers du décor de façon toute personnelle. En remportant le prix du scénario, Michel Blanc devenait l'un des rares artistes primé sur la Croisette à la fois devant (Tenue de soirée de Bertrand Blier) et derrière la caméra, comme Orson Welles pour citer un autre exemple pas trop écrasant. Cerise sur le gâteau, il relance à lui seul ce Prix qui n'avait pas été attribué depuis dix ans et redevient permanent dès 1996.

Gilles Jacob fait une apparition dans son propre rôle de «big boss» du festival, ce qu'il fera une nouvelle fois dans de Femme Fatale, un thriller de Brian de Palma sorti en 2002, avec Rebecca Romjin Stamos en voleuse de luxe. Tourné en 2001 en plein festival, avec la participation du réalisateur Régis Wargnier et de Sandrine Bonnaire (son actrice de Est/Ouest), le film s'ouvre sur une soirée de gala avec un «braquage» inédit, celui d'une robe de soirée très peu habillée mais d'une valeur près de dix millions de dollars car composée de nombreux diamants. Le joli mannequin interprété par Rie Rasmussen, est délicatement déshabillé dans les toilettes du Festival, sur fond de Boléro de Ravel pour cacher l'aspect bruyant du vol et comme métronome pour les effets de montage d'un maître de la mise en scène. Le film est dans l'ensemble décevant, mais cette partie est assez savoureuse et offre là encore un angle pour le moins inédit sur le Festival malgré la déception que suscite le film dans son ensemble.

En 1982, dans le semi-autobiographique La Mémoire, Youssef Chahine se dévoile à travers son personnage de metteur en scène qui, après une crise cardiaque, se remémore son parcours de cinéaste sur près de trente ans. Il évoque son lien affectueux (et angoissé) avec le festival qui lança sa carrière internationale lorsqu'il présenta Le fils du Nil en 1952 puis Ciel d'enfer en 1954, le cinéaste revivant une scène embarrassante de cette année là. En 1997, il recevra un prix pour l'ensemble de sa carrière des mains de la présidente du jury, Isabelle Adjani.

Dans Un scandale presque parfait de Michael Ritchie l'année suivante, un réalisateur (Keith Carradine) se lance dans une liaison avec la femme (Monica Vitti, révélée par le festival avec L'Avventura) d'un producteur (Raf Vallone) alors que la copie de son film est bloquée par la douane, une anecdote inspirée de la même mésaventure arrivée à George Lucas lorsqu'il présenta THX 1138 à la Quinzaine des Réalisateurs. Des images ont été tournées pendant le festival mais l'essentiel du tournage a eu lieu en septembre, là encore hors saison.

S'ajoutent en bref à cette liste un épisode de Amicalement vôtre, le duo Danny Wilde (Tony Curtis) et Brett Sinclair (Roger Moore) passant notamment devant le vieux palais ; le téléfilm Evening in Byzantium de Jerry London en 1978 dans lequel le festival est investi par des terroristes qui exigent la libération de leurs complices alors qu'un producteur de Hollywood essaie de monter un film sur une invasion terroriste ; Les 1001 Nuits d'Agnès Varda avec une montée des marches pour le Monsieur Cinéma de Michel Piccoli (sa partenaire Julie Gayet deviendra une madame Cinéma en tant que productrice cannoise, notamment de Mimosas et Grave en 2016) ; Festival in Cannes de Henry Jaglom avec Anouk Aimée et Les Vacances de Mr. Bean avec Willem Dafoe en réalisateur qui rencontre le héros maladroit joué par Rowan Atkinson et le dernier, au moins jusqu'au Hong Sangsoo que nous découvrirons au mois de mai, la peu concluante satire Panique à Hollywood de Barry Levinson, que Robert De Niro ne parvient pas à relever.

Des documentaires dont Seduced and Abandoned de James Toback avec Alec Baldwin et surtout plusieurs réalisés par Gilles Jacob lui-même (Une journée particulière avec les 35 réalisateurs de Chacun son cinéma ainsi que trois films de montage : Histoire(s) de festival ; Les Marches et Epreuves de cinéma) se déroulent complètement ou en partie à Cannes, le lieu favorisant les rencontres professionnelles, malgré les emplois du temps serrés des acteurs et réalisateurs. Appel du pied à monsieur Frederick Wiseman : à quand un documentaire fleuve comme il sait si bien le faire sur les coulisses de ce grand barnum du 7e Art avant que n'importe qui ne s'empare du sujet ? Car cela arrivera bien un jour, non ?

À ce propos… Deux films aux titres très proches – que l'auteur de ces lignes n'a pas encore vu (bouh, le vilain) - vont tenter de se faufiler avec un certain opportunisme dans la prochaine actualité cannoise. L'un est un documentaire. Dans Le Goût du tapis rouge, Olivier Servais a filmé des professionnels du cinéma, travailleurs, mannequins, cinéphiles, groupies, artistes de rue, badauds, vendeurs à la sauvette et sans-abris dans l'effervescence de la manifestation. Sortie le 17 mai, jour de l’ouverture officielle. Pour Le Tapis Rouge tout court, c'est un film de Frédéric Baillif et Kantarama Gahigiri, entre documentaire et fiction, sur un groupe de jeunes qui vont tenter d'écrire et de réaliser un film pour s'approcher des marches du palais, des marches du palais, y a une tant belle palme, Lonla, y a une tant belle palme. Oui, c'est ma conclusion…

Pascal LeDuff de Critique Film

Cannes 70 : le lexique du festivalier

Posté par cannes70, le 20 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-28. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Comme tout microcosme qui se respecte, Cannes a ses codes, ses rituels et bien sûr son vocabulaire. Petit recueil des termes incontournables pour avoir l'air d'un vrai festivalier en toutes circonstances.

Accréd'

Cannes est la société la plus hiérarchisée au monde. Y être accrédité n'est pas tout, encore faut-il avoir la bonne accréditation, celle qui permet d'entrer partout, voire d'être prioritaire. À ce petit jeu-là, nombreux sont ceux qui rêvent de l'accréd' juste au-dessus de la leur (donnant accès à une meilleure place ou une file d'attente plus rapide) et tremblent d'être rétrogradés, au point d'en faire des cauchemars.

Chaque festivalier cannois est en effet étiqueté en fonction de ce qu'il a le droit (ou non) de faire, les séances auxquelles il peut assister, les lieux qui lui sont autorisés, et même les files d'attente qu'il doit emprunter. Pour rendre immédiatement identifiable la "caste" de chacun, il existe une signalétique stricte, basée sur un système de couleurs, de pastilles, de lettres et de codes-barre très complexe et joyeusement bigarré. Pendant quinze jours, on voit donc se presser partout, de la plage aux toilettes publiques, une foule éclectique portant autour du cou des badges plastifiés criards comme s'il s'agissait de parures élégantes.

C'est qu'ici, l'accréditation est le bien le plus précieux (une carte blanche se monnaie bien plus qu'un collier Chopard, qu'on se le dise). Car une fois ce sésame perdu, il n'est plus possible d'aller nulle part : ni dans les salles des différentes sélections, ni dans le Palais, ni sur les Plages. C'est à peine si l'on pourra rentrer chez soi... Pour éviter tout risque, certains dorment avec. D'autres vérifient 25 fois par jour qu'elle est toujours là, et se font autant de frayeurs.

On prend d'ailleurs vite l'habitude d'être une "couleur de badge" et de se plier aux règles qui en découlent. Si vite que le retour à la vie normale nécessite parfois une petite réacclimatation, sous peine de présenter fièrement une accréd' périmée au contrôleur du train ou au vigile du centre commercial.

Coupe

Il faut avouer que l'image traditionnelle de festivaliers parlant de films une coupe de champagne à la main n'est pas totalement infondée. "On demande toujours une coupe, à Cannes", confirme un éminent journaliste qui arpente la Croisette pour la 18e année consécutive.

Et de fait, la plupart des événements (remises de prix, conférences, inaugurations, soirées, etc.)  s'accompagnent de bulles. Une légende veut même qu'il soit possible de ne boire que ça pendant toute la quinzaine (à condition de le faire avec modération, bien sûr). Certains ont tenté l'expérience les années précédentes lorsque les bouteilles d'eau et autres boissons étaient systématiquement confisquées à l'entrée des salles. Quand on a soif, on boirait n'importe quoi, et a fortiori du champagne bien frais (si cette excuse ne vous convient pas, on en trouvera une autre). Mais pour la coupe devant le film, en revanche, il faudra encore attendre.

Faire la manche

Vous avez déjà vu des individus en smoking et robes de soirées faire la manche ? Le spectacle vaut le détour, et a lieu chaque jour devant les fameuses marches du Grand Théâtre Lumière. Au Festival de Cannes, en effet, des dizaines de Cendrillon des deux sexes revêtent leurs plus beaux atours pour fouler le tapis rouge avec les stars. Seul obstacle pour réaliser leur rêve : trouver l'un des fameux cartons d'invitation qui permettent d'accéder aux séances.

Pour cela, deux solutions : passer par la voie officielle (extrêmement compliqué en fonction des badges) ou trouver quelqu'un de plus fortuné qui aurait une invitation supplémentaire. D'où ces myriades de "mendiants" en quête d'un ou plusieurs de ces précieux sésames. Certains brandissent une affichette plus ou moins humoristique, d'autres accostent le plus de festivaliers possibles en répétant inlassablement (et avec le sourire) : "vous n'auriez pas une invitation en plus ?" Et le pire (ou au contraire, l'aspect sympa des choses), c'est que ça marche.

A de rares occasions, il arrive que des festivaliers ne jouent pas le jeu. Par exemple, lors d'une soirée d'ouverture, un homme à qui on avait refusé la montée des marches (il ne portait pas le smoking réglementaire) a déchiré deux tickets sous l’œil outré de jeunes gens qui, eux, étaient habillés correctement. Une autre fois, quelqu'un a voulu monnayer sa place (rappelons qu'elles sont délivrées gratuitement par le festival). Mais la plupart du temps, ceux qui ont des places supplémentaires sont heureux de faire plaisir, et passent même une meilleure soirée que s'ils n'en avaient pas eu l'occasion.

File d'attente

De l'extérieur, on imagine Cannes comme un monde de rêve, où le champagne coule à flot dans une atmosphère de paillettes et de glamour. Du point de vue de Nicole Kidman, peut-être. Mais pour le festivalier lambda, noyé dans la masse, et privé de gardes du corps, Cannes est surtout une longue succession d'attentes. Pour entrer dans le Palais, sortir du Palais, boire un café au stand nespresso, accéder à la salle de presse... et on ne parle pas des toilettes pour femmes.

Là où l'on attend logiquement le plus , c'est pour assister aux projections. Selon les badges et les séances, cela peut aller de 20 minutes à 2h. Plus si l'hystérie s'en mêle, comme en 2011 pour le 4e Indiana Jones, ou si la salle est trop petite. Ou si le film fait le buzz, s'il met en scène une star, ou montre un caniche nain. En gros, dans la plupart des cas. Le festivalier cannois est en effet le seul à se battre pour voir des films que, quelques mois plus tard, les spectateurs découvriront dans des salles aux 3/4 vides.

Mais on finit par se faire à ces longs temps d'attente, voire à leur trouver une fonction : chance unique de se restaurer au bout du 3e film de la journée, moment de méditation, voire micro-sieste pour les plus efficaces, temps de travail supplémentaire (combien d'articles écrits à deux doigts sur son téléphone portable sous un soleil de plomb ?), pause jeu sur son téléphone portable ou sa tablette (avec des records battus à 2048 en perspective), ou encore occasion rêvée de téléphoner à la terre entière pour se vanter d'être à Cannes (festival de mythomanes en perspective, sur l'air de "je te laisse, y'a Ryan Gosling qui m'apporte une coupe").

Parfois, deux festivaliers présents dans la même file en viennent aux mains, pour de sombres raisons de resquillage ou de bousculade. Ce n'est jamais méchant, ça fait un peu d'animation pour les voisins... et au pire, si les deux s’entre-tuent, c'est toujours deux places de gagnées.

Films

Principale raison d'être de Cannes : les films. En dehors d'eux, rien ne compte. Entre une fête et un film, un dîner et un film, deux heures de sommeil supplémentaires et un film, le festivalier pur et dur choisira toujours le film.

De même, dans les files d'attente, les soirées et même au petit déjeuner, les films sont au cœur de toutes les conversations. Ceux qu'on a aimés, ceux qu'on déteste, ceux qu'on a ratés, ceux qui auraient dû être en compétition (ou pas)...

Avec ses amis ou de parfaits inconnus, dans les soirées ou en attendant dans les salles, les films sont le sujet de conversation par excellence. L'un des sports favoris du festivalier est de refaire la sélection à son goût. Par exemple : "Kore-Eda et Julia Ducournau auraient dû être en compétition à la place de Sean Penn et Nicole Garcia."

L'autre passe-temps préféré est de faire ses pronostics sur le palmarès. On décerne la palme d'or à son chouchou, on mesure les chances des outsiders, on réfléchit à la personnalité des jurés pour deviner ce qui a pu leur plaire... C'est bien simple, à partir du 2e jour de Festival, le palmarès est sur toutes les lèvres (sans compter ceux qui ont déjà une idée sur le lauréat avant même d'avoir vu le premier film...). Le jour de la proclamation, c'est l'hystérie. Chacun y va de son tuyau : George Miller a cligné de l'œil après la projection de tel film, Kirsten Dunst s'est mouchée pendant tel autre, Arnaud Desplechin déteste tel réalisateur...

L'annonce elle-même est suivie d'un étonnant déferlement d'émotions. C'est presque comme si chaque festivalier repartait chez lui avec un petit morceau de palme d'or chaque fois que son favori est récompensé. À contrario, ceux qui sont déçus commentent le palmarès toute la nuit, et poursuivent parfois la conversation au petit déjeuner. Certains en parlent même encore six mois plus tard. La seule solution pour les faire lâcher prise est alors de lancer le 4e sujet de conversation préféré du festivalier : celui des films susceptibles d'être sélectionnés en compétition l'an prochain.

Frustration

Un festival sans frustration n'est pas un vrai festival. Parce qu'il n'est pas logistiquement possible de voir plus de 6 ou 7 films dans une journée, un Festivalier vraiment endurant (et bien accrédité pour ne pas perdre de temps dans les files d'attente, et surtout n'ayant jamais besoin de travailler ni de manger ni de boire) en verra au grand maximum 70 sur toute la durée, ce qui ne représente même pas l'intégralité des films présentés en sélection officielle et dans les deux sections parallèles. Soit la certitude, quoi qu'il arrive, de ne pas voir tous les films et de forcément passer à côté de l'un de ceux dont tout le monde parle. Autant le savoir tout de suite, à Cannes comme ailleurs, voir tous les films (en entier) n'est pas humainement possible.

Une fois ce principe essentiel digéré, il vaut mieux passer tout de suite à l'étape suivante et accepter aussi qu'il y aura de cruels dilemmes. Parfois, les deux films que vous attendiez le plus passent à la même heure. À moins d'être capable de se dédoubler, il faudra donc sacrifier l'un d'entre eux. Sachant qu'une règle tacite veut que le buzz encense toujours celui que vous avez sacrifié.  De manière générale, on vous vantera de toute façon toujours les mérites d'un film que vous avez raté. Rassurez-vous, vous ferez de même de votre côté.

Ça y est, vous êtes prêt à être frustré ? Merveilleux, vous n'êtes pas loin du zen ultime : c'est en acceptant la frustration que l'on s'en affranchit. Ça, ou en quittant Cannes. Car dès que le festival s'achève, les films tant convoités perdent presque tout leur éclat. Le festivalier est inconstant et versatile : ce petit film polonais que l'on était au désespoir de ne pas avoir vu ? Non seulement on l'oublie instantanément, mais en plus, le jour où il sort enfin en salles, on ne se donne même pas le mal d'y aller.

Le 8:30

Les critiques vont rarement voir "un film", mais des réalisateurs. Faites le test et dites à l'un d'entre eux que vous avez été séduit par Ma'Rosa, il vous regardera probablement avec un air absent, jusqu'à ce que vous précisiez "le Brillante Mendoza". Coquetterie ou mémoire courte, le journaliste spécialisé retient rarement le nom des films. Après tout, à quoi bon apprendre des titres qui changent tout le temps quand les cinéastes, eux, s'appellent toujours pareil. Surtout à Cannes.

Il n'est d'ailleurs pas rare que même le critique le plus éminent n'ait pas retenu le nom du cinéaste en question, surtout s'il s'agit d'un nouveau venu, ou s'il y a beaucoup de consonnes dans son patronyme. Il utilisera alors une autre périphrase presque toujours basée sur la nationalité du film et sa sélection : on va voir l'Argentin en compétition, on a aimé l'Israélien à la Semaine de la Critique, on déconseille le Syrien en séance spéciale, etc.

Mais il arrive toujours un moment où même le plus aguerri ne sait plus du tout ce qu'il va voir. Au bout de cinq ou six jours de festival intensif, les noms et les pays se mélangent, et on ne parle même pas des titres. On dit alors avec un grand sens pratique qu'on va voir le film de 8:30, ou celui de 14.00. Cela ne renseigne pas forcément notre interlocuteur, mais à défaut, il est toujours très impressionné de savoir qu'on est capable de s'assoir dans une salle de cinéma à 8h du matin après avoir passé une partie de la nuit dans une soirée avec lui.

Marché

Sous les paillettes du célèbre tapis rouge du Festival existe une réalité parallèle prosaïquement nommée "marché". Même dans le microcosme cannois déjà franchement décalé, c'est un monde à part. Un peu mystérieux. Interdit à ceux qui n'ont rien à y faire. Enorme, surtout, puisqu'il accueillait en 2013 plus de 11 700 participants (12000 attendus cette année), dont près de 2000 acheteurs. En gros, plus de 1000 sociétés présentes pour 5364 films représentés.

Vous avez du mal à concevoir qu'on puisse regarder 4 ou 5 films dans une journée ? Imaginez que les festivaliers qui hantent les couloirs du Marché du Film, eux, courent de salle en salle pendant dix jours pour découvrir le plus d’œuvres possibles : scénarios, work in progress, extraits, films non terminés... Les titres (et les affiches) fleurent bon le marketing : Kamasutra 3D, Ask me anything, Goodbye world, The man in the orange jacket... Il y en a clairement pour tous les goûts et surtout pour tous les marchés.

Les acheteurs regardent tout ce qu'ils peuvent (mais rarement en entier) et en redemandent. Ce sont notamment eux qui décident quels films mériteront d'être distribués dans les salles du monde entier. Ils voient ainsi avant tout le monde les grands chefs d’œuvres et succès des mois à venir. Et pas mal de mauvais films, aussi. De grands pouvoirs impliquent une grande responsabilité, et dans leur cas elle est écrasante.

Une mauvaise nouvelle reçue par mail ? Ils passent à côté du plus beau film de tous les temps. Un déjeuner un peu trop arrosé ? Ils inondent leur pays avec 500 copies d'un navet à l'eau de rose. De la même manière qu'un papillon faisant un écart provoque des tempêtes terribles à l'autre bout de la terre, un acheteur qui a la gueule de bois est susceptible de vous faire passer les 2h les plus pénibles de votre vie devant un remake de Camping en version comédie musicale gore.

Les Marches

"Tu as monté les marches ?", me demandaient extatiques mes amis et connaissances les premières années où je suis allée à Cannes (question la plus fréquente avec "tu as vu Brad Pitt ?" et "comment est Gilles Jacob en vrai ?", à moins que cela ne soit l'inverse). "Oui, bien sûr", leur répondais-je, à la fois blasée et embêtée de casser le mythe. Car il y a "Monter Les Marches" (sous entendu en robe de soirée devant les caméras de Canal +) et "monter les marches", en tong et en jean sous le regard indifférent des badauds.

La première formule est réservée aux projections officielles (le soir et parfois l'après-midi), et l'on côtoie des stars sur le tapis rouge. L'autre se fait au pas de course, sans musique entraînante et photographes, et personne n'annonce votre nom au micro. Montée anonyme et banale dont le seul but est d'atteindre la salle du Grand théâtre Lumière, quand l'autre consiste surtout à être vu (combien redescendent ensuite sans assister à la projection ?)

Ce sont les mêmes marches, le même tapis rouge, et la même destination. Mais les marches du soir conduisent dans l'enclave mythique du rêve et du glamour tandis que celles du matin mènent juste à une salle de cinéma. Une promesse de rêve peut-être moins ostentatoire, mais plus tangible.

Tapis rouge

Brisons le mythe tout de suite : le tapis rouge est de la moquette au mètre. Quand on arrive à Cannes en avance, elle n'est même pas encore posée. Après une journée d'allers et venues, elle est sale. Parfois gorgée d'eau de pluie. Pas très glorieuse. Reste que ce tapis est le symbole du Festival, vu et revu sur les télés du monde entier, omniprésent sur les photos, et indissociable de la fameuse "montée des marches" déjà évoquée.

Les plus grandes stars y défilent dans des robes rivalisant d'élégance ou d’excentricité, les photographes hurlent en boucle "Nicole", "Marion" ou "Ryan", et les Cendrillon du jour multiplient les selfies dans leurs robes longues, le tout sous le regard des chasseurs d'autographes, installés au pied des marches, derrière des barrières, depuis plusieurs jours, pour ne rien rater du spectacle.

Pourtant, ce tapis rouge fantasmé n'a pas grand chose à voir avec la réalité du Festival, et n'en est pas vraiment le centre névralgique. Les journalistes, notamment, n'en voient rien : à cette heure-là, ils ont une projection presse dans une autre salle. Au mieux, depuis la file d'attente, ils entendent la musique (trop forte) et les commentaires qui accompagnent le rituel. Les acheteurs sont au marché, en train de regarder leur 17e début de film du jour. Les noctambules se lèvent à peine, prêts à investir les soirées qui ne commenceront pas avant 22h. Les producteurs marchandent. Les organisateurs de festival enchaînent les rendez-vous. Pourtant, le monde entier ne retiendra que cette image, ce tapis gravé au fer rouge dans l'esprit des millions de personnes qui fantasment devant leurs écrans sur cette grand' messe d'un cinéma qu'ils boudent pourtant dans les salles.

Là réside l'un des plus grands paradoxes de Cannes, mais peut-être aussi sa force. Car au fond il fallait un vrai tour de passe-passe pour amener le monde entier à s'intéresser à une activité éminemment aussi peu spectaculaire que le fait d'être assis devant un écran pour regarder un film.

Tenue de soirée

Les invitations aux projections officielles le précisent : tenue de soirée exigée. Autrement dit, les hommes en smoking (nœud papillon obligatoire, à moins de porter une chemise col Mao) et les femmes en robe longue (la tolérance est plus grande sur ce point-là, et sont acceptées d'autres tenues, à partir du moment où elles sont jugées assez élégantes par les appariteurs. Plus subjectif, tu meurs.).

Cannes est connu pour ça, et croiser des nuées d'hommes en smoking et de femmes en robes vaporeuses le long de la croisette à partir de 17h fait partie du folklore. Plus savoureux, les recroiser à 8h en se rendant à la séance du matin, quand eux rentrent se coucher.

Au bout de quelques jours, cela donne l'impression de vivre au milieu d'un bal des débutantes permanent, ou à la cour de Monaco telle qu'elle apparaissait dans le film d'ouverture. Un vrai conte de fées, en parfait contraste avec les sujets souvent tragiques des films.

Mais à Cannes, tout est à l'avenant : on boit du champagne en parlant de films sur la faim dans le monde, on admire les starlettes à paillettes venues contempler des histoires de pédophilie, et à la moindre anicroche, on s'indigne de la mauvaise organisation du Festival qui nous empêche d'assister à la projection de films sur des gens qui, eux, ont de vrais problèmes.

Marie-Pauline Mollaret pour Ecran Noir

Cannes 70 : Kill Bille !

Posté par cannes70, le 19 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-29. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


À la fin, c'est Bille August qui gagne...

Le Festival de Cannes se résume à une simple équation : une vingtaine de films s'affrontent dans une compétition et, à la fin, c'est Bille August qui gagne. C'est en tous les cas le scénario, si improbable soit-il, qui s'est déroulé à deux reprises, dans deux éditions restées dans les annales : 1988 et 1992. Le cinéaste danois peut en effet se targuer d'avoir la carte au très chic cercle des "double palmés", en compagnie de Francis Ford Coppola, d'Emir Kusturica, de Ken Loach, de Michael Haneke, de Shohei Imamura, des frères Dardenne et de Jane Campion si l'on compte le doublé Palme du long et du court. Autant dire des cadors - ah, on oubliait le Suédois Alf Sjöberg -, avec un univers propre, une patte personnelle - et ce, qu'on soit sensible ou pas à leurs œuvres respectives.

Mais tout club qui se respecte doit, pour sa légende, avoir un membre un peu embarrassant, dont on se demande ce qu'il fait là - à part peut-être faire le ménage et ramasser les ordures. Et, là, naturellement, il convient de se tourner vers Bille August. En quoi celui-ci a-t-il marqué l'histoire du septième art ? Quelle est sa marque de fabrique ? Comment reconnaît-on un plan ou une scène ? Près de trente ans après les faits, rien à faire, cette double récompense semble relever du phénomène paranormal - surtout au vu du reste de la filmo du compatriote de Lars Von Trier...

À vrai dire, des Palmes attribuées à des cinéastes très mineurs, il y en a eu depuis les années 70 - citons entre autres La Méprise d'Alan Bridges, Chronique des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamina, Yol de Yilmaz Güney ou Mission du tâcheron Roland Joffé (face au Sacrifice de Tarkovski, After hours de Scorsese, Down by law de Jarmusch et Thérèse d'Alain Cavalier !) -  qui doit sûrement son trophée à la musique-culte d'Ennio Morricone. Au-delà de la valeur des films primés, leurs metteurs en scène, sans leur faire offense, n'ont pas été retenus par l'Histoire comme des créateurs de premier plan dont les générations qui ont suivi se sont naturellement inspirées. Après tout, les jurys sont humains, l'air du temps compte dans les délibérations aussi sûrement que l'émotion immédiate, les goûts des uns et des autres ou le désir que tout le monde reparte content. Et voilà comment on en arrive à Bille en roi du monde…

Bille le Conquérant

Notre ami danois n’était certes pas un novice cannois, avant de recevoir sa première distinction sur la Croisette. Il s’était (vaguement) fait remarquer avec une jolie chronique d’adolescence, Zappa, sélectionnée en 1983 à Un Certain regard. L’année suivante, il avait connu un autre petit succès d’estime grâce à la suite, Twist and shout - qui, pour le coup, n’avait pas eu les honneurs de la Riviera. Le C.V. n’a certes rien de déshonorant, mais il n’y avait pas de grand enthousiasme en voyant le nom de Bille August en sélection pour Pelle le conquérant.

Au vu du seul titre, certains imaginaient probablement une fresque d’heroïc fantasy à la Conan le barbare. Raté. Il s’agissait là de porter à l’écran une œuvre littéraire de Martin Andersen Nexo (1869-1954), très populaire dans les pays scandinaves, dont les quatre tomes sont même devenus au fil des ans des classiques scolaires. Dans la présente adaptation, August - qui s’est entouré pour le scénario des romanciers Bjarn Reteur et Per Olov Enqvist - s’est concentré sur la jeunesse, au XIXe siècle, de Pelle, garçonnet émigrant avec son père, très âgé, de Suède (où la famine sévissait) vers le Danemark.  Tous deux se retrouvent dans la ferme des Kongstrup, qui semble frappée d’une malédiction condamnant au malheur tous ceux qui s’y fourvoient, pour une raison ou une autre. Largement produit par les chaînes de TV scandinaves - comme certains Bergman -, Pelle le conquérant n’enthousiasme alors pas vraiment les cinéphiles pointus, mais son souffle, si académique soit-il, séduit les festivaliers moins « pointus ».

Le jury, présidé par Ettore Scola (dans lequel on trouvait aussi George Miller, spécialiste des palmarès disons « controversés»…), choisit ainsi de lui donner sa récompense suprême, ainsi qu’une mention toute particulière « officieuse » à Max von Sydow, certes génial dans le rôle de ce père aimant. Parmi les primés de ce cru, on notera deux prix pour le film anti-Apartheid du chef op’ Chris Menges (qui n’a pas confirmé comme cinéaste…), Un Monde à part et des accessits à Bird de Clint Eastwood et à Tu ne tueras point de Krzysztof Kieslowski. Si, aujourd’hui, la hiérarchie peut sembler disons très contestable, Pelle le conquérant connut toutefois une ascension assez inouïe puisque, sur sa lancée, le cinéaste reçut bien d’autres récompenses, parmi lesquelles l’Oscar et le Golden Globe du meilleur film étranger. Tant mieux pour lui.

Les meilleures intentions de Bille

On pensait alors en avoir fini avec lui. Raté. Rebelote, donc, en 1992. Blockbuster de la télé scandinave - dans un autre montage -, Les Meilleures intentions (le titre, déjà…) trouve naturellement place dans la compétition cannoise. Non seulement en raison du come-back du palmé, mais aussi au vu du sujet : les jeunes années des parents d’Ingmar Bergman. Un cinéaste qui n’a vu aucune de ses œuvres saluées par les lauriers attribués au camarade Bille (N.B. : le Festival se rattrapera en 1997 en offrant au maestro de Fanny et Alexandre une Palme des palmes…). Serait-ce pour cette raison que Gérard Depardieu et ses comparses ont choisi de distinguer Les Meilleures intentions (avec, en plus, un prix d’interprétation pour Pernilla August - l’épouse du winner) ?

Les observateurs se sont alors montrés plus circonspects : deux Palmes en cinq ans pour August, ça fait, beaucoup, beaucoup trop pour un artiste considéré un honnête artisan (par ailleurs très honorable directeur photo), mais sans grande personnalité et qui n’apporte pas grand chose à la grammaire du septième art… Le petit jeu des longs-métrages moins appréciés par le jury fait d’ailleurs particulièrement mal, pour la cuvée 1992 : Basic instinct de Paul Verhoeven (bredouille), Twin Peaks - Fire walk with me de David Lynch (idem), The Long Day Closes de Terence Davies (pareil), The Player de Robert Altman (Prix de la mise en scène et d’interprétation masculine), Le Songe de la lumière de Victor Erice (un modeste Prix du jury), Retour à Howards End de James Ivory (Prix du 45ème anniversaire - cinéaste moins académique qu’on ne le dit souvent…). Ah, sinon, qui se souvient de la « Palme d’argent » (comprenez « Grand prix du jury ») attribué, de manière tout aussi contestable, au Voleur d’enfants du tâcheron Gianni Amelio ?

L’Histoire a eu sa vengeance ou, tout du moins, remis les choses en place car, depuis ce doublé, la carrière de Bille August n’a pas connu l’envol qu’on aurait pu imaginer. En 1993, sa platounette adaptation hollywoodienne de La Maison aux esprits d’Isabelle Allende, avec son casting all-stars (Meryl Streep, Jeremy Irons, Glenn Close, Winona Ryder, Antonio Banderas, Vanessa Redgrave) n’emballe pas grand monde. Cinq ans plus tard, sa version barbante des Misérables ne convainc pas non plus, en particulier le public français - Liam Neeson en Jean Valjean, aïe…

On aurait pu encore parler du mauvais thriller Smilla, du kouglof Jerusalem ou du très politiquement correct Goodbye Bafana. On aurait également pu évoquer ses épisodes tournés pour la série Young Indiana Jones (tiens, Bille a un point commun avec notre nanardeur national René Manzor…) ou d’autres longs-métrages jamais sortis en France. Peut-être intéressants, si ça se trouve. Toujours est-il que le cas Bille August nous rappelle que, s’il vaut mieux ne pas être à la mode pour devenir classique, l’inverse n’a toutefois rien d’automatique… Et les larmes post-projections cannoises n’y changeront rien !

Baptiste Liger de Lire