Cannes 2019 : Qui est Diao Yinan ?

Posté par MpM, le 18 mai 2019

Depuis ses débuts derrière une caméra, Diao Yinan fait sensation, cumulant deux sélections cannoises et un Ours d’or à Berlin en quatre longs métrages. C’est pourtant en tant qu’acteur et scénariste qu’il a fait ses premiers pas, et le public occidental l’a notamment découvert à l’affiche du film d’anticipation politique All tomorrow’s parties de Yu Lik Wai, sélectionné en section Un Certain Regard à Cannes en 2003.

Issu d’un milieu simple mais cultivé (son père est rédacteur dans un magazine culturel, sa mère est actrice), il s’oriente vers l'Académie de Pékin et l'écriture théâtrale. Après une dizaine d’années en tant qu’acteur et scénariste, il passe à la réalisation de son premier long métrage, Uniforme (2003), dont l’un des conseillers artistiques n’est autre que son compatriote Jia Zhang-ke. Le film met en scène un jeune homme à l’avenir complètement bouché, qui découvre l’ivresse du pouvoir en endossant l’uniforme de policier qu’il a trouvé. Sélectionné au Festival de Vancouver, puis à celui de Rotterdam, il remporte plusieurs récompenses dont le prix Dragons and Tigers et le prix NETPAC.

C’est ensuite la reconnaissance cannoise avec Train de nuit à Un Certain Regard (2007). Le film raconte la rencontre amoureuse entre une femme huissier de justice et le mari de la détenue condamnée à mort dont elle a la charge. A la fois portrait d’une femme chinoise, "opprimée par sa solitude, épiée par ses voisins et témoins des atrocités du système " comme nous l'écrivions alors, et dénonciation d’une "société chinoise écrasante, niant l’individu".

Sept ans plus tard, Diao Yinan remporte l’Ours d’or avec Black coal, Thin Ice, un polar poisseux et désenchanté aux accents romantiques mêlés de cynisme. Sur fond d’enquête pour découvrir qui a tué et démembré un employé d’une carrière minière, le cinéaste brosse à nouveau le portrait d’un pays au bord de l’explosion, dans lequel il n’est plus possible que de survivre difficilement. La violence individuelle, filmée sans fard, apparaît comme le reflet d’une violence collective plus insidieuse, basée notamment sur l’argent et la puissance qu’il confère à ceux qui en sont pourvus.

En 2014, il expliquait dans un entretien au Figaro : "Ma critique de la société passe par l'intrigue policière parce qu'elle permet d'exprimer deux thèmes qui m'importent: la violence et la solitude. La violence m'effraie, et plus j'en ai peur, plus j'ai envie de l'exprimer à l'écran, en lui donnant une dimension esthétique ou satirique. Parce que l'écart entre riches et pauvres crée beaucoup de situations et d'événements absurdes dans la société chinoise."

Contre toute attente, Black Coal connaît un succès populaire en Chine, et c’est auréolé de ce double plébiscite que le cinéaste chinois revient cette année avec son 4e long métrage, Le lac aux oies sauvages, propulsé pour la première fois en compétition à Cannes. Il s’agit à nouveau d’un polar qui réunit au cœur d’une chasse à l’homme "un chef de gang en quête de rédemption" et "une prostituée prête à tout pour recouvrer sa liberté". Un programme qui pourrait bien accélérer la rapide ascension de Diao Yinan dans le club fermé des cinéastes chinois de tout premier plan.

[20 ans de festival] Cannes 2016 : 2007 – Le souffle de l’Est

Posté par vincy, le 16 mai 2016

2007 est une histoire d'Orient. L'Occident a laissé de marbre jury et festivaliers. Bien sûr certains se sont extasiés devant le mexicain Lumière silencieuse, l'américain La nuit nous appartient, le Coen du moment, No Country for Old Men, futur oscarisé, et même Zodiac de David Fincher. L'Amérique du nord avait de bonnes munitions. Mais, incontestablement d'Europe centrale à la Corée du sud, le cinéma soufflait de l'Est. Imports signés Alexandre Sokourov, Andreï Zviaguintsev, Kim Ki-duk, Ulrich Seidl, Fatih Akin, qui fait le lien entre les deux côtés, le rare Béla Tarr, Lee Chang-dong, Naomi Kawase... Un seul échoue à nous séduire, Wong Kar-wai, mais sans doute aussi parce qu'il a raté son raod trip occidental.

D'Israël, du Liban, des Philippines ou de Thaïlande, le cinéma nous invite aux voyages à travers des films souvent audacieux, stylisés, parfois abrupts, quelque fois envoûtants. Deux films se détacheront : un roumain, consacrant la grande forme de ce "petit" cinéma avec une Palme pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu (notons que California Dreamin' de Cristian Nemescu reçoit le Prix Un certain regard cette année là). Et un franco-iranien (mais plus iranien que français), qui sacralise le dessin animé avec Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, prix du jury et succès mondial. Histoires de femmes qui doivent se confronter à des sociétés, des systèmes qui ne leur font aucun cadeau, et surtout pas celui de la liberté. L'un est une immersion sombre et terne, l'autre un chant d'amour rock n' roll en noir et blanc.

En 2007, on chantait d'ailleurs beaucoup: les chansons d'amour de Christophe Honoré, Caramel de Nadine Labaki, La Visite de la fanfare d'Eran Kolirin... et dans les soirées on se trémoussait sur Relax take it easy, Divine idylle, Umbrella, Love is Gone. Des airs festifs qui contrastaient avec des films plutôt pessimistes, annonciateurs de la crise des subprimes à venir. Manière de retarder la fin d'un monde ou de relâcher la pression après avoir vu de grands films parfois éprouvants...