[20 ans de festival] Cannes 2016 : 1997-1998-1999 – Nos premiers pas sur la Croisette

Posté par vincy, le 11 mai 2016

En 1997, Cannes célèbre sa cinquantième édition. Et Ecran Noir sa première. Le magazine a à peine un an et décide de consacrer un site internet retraçant l'histoire du festival. Finalement, la petite équipe de l'époque fait le trajet jusqu'à la Croisette pour le vivre de l'intérieur. A l'époque, il n'y a qu'un site web francophone, le notre, et quelques américains. La presse des pays émergents n'a pas encore envahit le Palais. Les critiques français sont encore dominants. Pour nous, ce sont les premiers pas: la découverte du système hiérarchique, les badges, les casiers, etc... Une grosse piqûre de morphine et de rêves en celluloïd qui nous rendra addict.

Notre premier jury est présidé par Isabelle Adjani. Notre premier film, Le Cinquième élément de Luc Besson. Notre premier film en compétition, Ne pas avaler de Gary Oldman: on expérimente la violence et la brutalité sociale dès 8h30 du matin. 1997 fut une édition mouvementée. Des huées et des clashs avec Assassin(s) de Mathieu Kassovitz. Un grand écart entre La femme défendue de Philippe Harrel et The End of Violence de Wim Wenders, une plongée dans le glamour de L.A. Confidential et l'ennui total de The Brave. La Palme d'or sera partagée entre deux beaux films poétiques, L'Anguille de Shohei Imamura et Le Goût de la cerise d'Abbas Kiarostami, mais n'oubliera pas les expériences cinématographiques qui nous ont enthousiasmés: De beaux lendemains d'Atom Egoyan, Le destin d'Youssef Chahine, Happy Together de Wong Kar-wai, The Ice Storm d'Ang Lee et Western de Manuel Poirier.

Mieux armés et mieux préparés, nous revenons en 1998 avides de découvertes. Nous voici face à Thomas Vinterberg et son Festen,Erick Zonca et sa Vie rêvée des anges, Todd Haynes et son Velvet Goldmine. C'est une année riche, avec Moretti, Angelopoulos, Gilliam, Miller, Loach, Tsai-Ming Liang, Boorman, Hou Hsiao-hsien au top de leur forme. Mais c'est Roberto Benigni qui emporte tous nos souvenirs: de la projection presse de La vita e bella à sa séance officielle ovationnée jusqu'à son prix, où le cinéaste-acteur baise les pieds du président Martin Scorsese, le festival de cette année là fut sans doute le plus dense en émotions.

Et comme les années se suivent et ne se ressemblent pas, 1999 sera beaucoup plus sèche. Le jury de David Cronenberg ne nous convainc pas avec son palmarès. Nous nous étions emportés pour Tout sur ma mère, l'un des plus beaux films de Pedro Almodovar, nous avions été touchés par L'été de Kikujiro de Takeshi Kitano, nous avions vibré pour Ghost Dog de Jim Jarmsuch, nous avions embarqué dans Une histoire vraie de David Lynch. Et finalement ce sont les films les plus durs, même s'ils étaient beaux à leur manière, qui ont monopolisé le palmarès: Rosetta de Jean-Pierre et Luc Dardenne et L'Humanité de Bruno Dumont mais aussi Moloch d'Alexandre Sokourov et La Lettre de Manoel De Oliveira, des récits où la violence des rapports humains et la formalité esthétique créent une distance froide voulue.