[Hommage à Dinard 2017] 3 questions à Christopher Smith

Posté par kristofy, le 28 septembre 2017

Le Festival du film britannique de Dinard avait plusieurs fois invité le réalisateur Christopher Smith à présenter ses films: une chance puisque puisqu'il s'agit souvent de la seule occasion de les voir dans une salle de cinéma en France.

Cette année le Festival lui rend un hommage, offrant ainsi l'opportunité de voir les différentes facettes de son travail. Une femme enfermée la nuit dans les couloirs du métro qui va découvrir qu'il y aurait une sorte de monstre (Creep), les employés d'une entreprise en week-end d'intégration qui vont être désintégrés les uns après les autres dans une comédie à l'humour noir sanglant (Severance), une naufragée en pleine mer sauvée par l'apparition d'un paquebot où apparemment il n'y a personne mais pas totalement (Triangle), dans l'Angleterre du 14ème siècle ravagée par une peste mortelle il y aurait un petit village où des gens survivraient (Black Death), un petit garçon et ses parents qui vont devoir aider le Père Noël à s'évader d'une prison (Get Santa) [par ailleurs Jim Broadbent joue dans ce film et il sera aussi honoré à Dinard] ou encore un jeune homme engageant un couple de voyous pour tuer son beau-père mais (Detour)... autant de personnages, de genres (de la comédie familiale au road-movie sanglant), de contre-point au formatage cinématographique qui font de ce cinéaste méconnu un auteur à découvrir.

L'occasion pour Ecran Noir de lui poser trois questions.

EcranNoir : On vous a découvert avec Creep il y a une dizaine d’années : au fil du temps, qu’est-ce qui est devenu plus facile ou plus compliqué pour faire un film ?
Christopher Smith : On pourrait croire qu’avoir un nom de réalisateur un peu connu dans la profession c’est plus facile, oui bien sûr, mais pas vraiment. Il y a l’idée générale dans la vie de gagner plus d’argent et d’en dépenser moins pour ça : la production d’un film c’est un peu pareil. Parfois pour tourner un film je dispose d’un budget confortable pour ce que je veux faire, comme par exemple le dernier Detour (photo) que j’ai pu faire comme il fallait. Pour d’autres films précédents, j’avais une très grande ambition qui devait s’arranger d’un budget un peu insuffisant. Je suis en train d’écrire un scénario qui devrait être un film à gros budget, je ne sais pas ce qui arrivera...

C’est naturel de vouloir se dépasser et d’avoir des ambitions créatives plus fortes. Après avoir fait Get Santa, on aurait pu penser que c’était le genre de "film de noël commercial" qui aurait du succès, et en fait il n'en a pas eu pas tellement à l’international, donc ça n’est pas plus facile ensuite. Pour le film Triangle, à priori plus bizarre, ça a pris beaucoup de temps pour pouvoir le faire (ndlr : voir ce qu'il nous en disait ici). Et pendant que j’étais sur ce projet de Triangle j’ai eu la proposition de réaliser Black Death juste après. j'ai donc enchaîné deux films à la suite mais après; j'ai dû attendre quatre ans pour revenir au cinéma. Ce que j’essaye de dire c’est qu’il faut un certain temps et un certain budget pour réaliser un film en respectant son imagination et ses ambitions. Woody Allen a fait des dizaines de films avec un petit budget avec lequel il peut contenir son monde, son imaginaire. J’écris des films pour lesquels souvent le budget ne peut pas contenir mon monde, alors ça prend plus de temps de pouvoir les faire.

EN : En France vos deux premiers films Creep et Severance sont sortis dans les salles de cinéma, mais pour les suivants Triangle, Black Death et Get Santa ça n’a pas été le cas et ils sont arrivés directement en dvd…
Christopher Smith : Je sais que je ne devrais pas dire ça comme ça, mais je ne veux pas y accorder une trop grande importance car ce qui compte vraiment c’est que les films circulent et qu’ils puissent être vus. Par exemple le cas de Get Santa est révélateur de ce genre de chose. On a découvert que, à moins d’être un très gros film de studio qui sort partout, en fait chaque pays semble sortir son propre film de Noël local quand il y en a un, mais pas un film venu d’ailleurs aussi bon soit-il. Pour Triangle c’est probable que Melissa George n’était pas considérée suffisamment comme une grande tête d'affiche. Black Death est sorti aux Etats-Unis dans un petit réseau de salles et son distributeur a pu gagner pas mal d’argent; j’aurais parié que ça arrive en France mais ça n’a pas été le cas, alors qu'il est sorti au cinéma en Allemagne. On ne sait jamais comment le film sera distribué. Pour le dernier Detour il y aurait une date de sortie en salles (ndr : en fait il est arrivé en dvd). C’est vraiment dommage parce que Black Death est un grand film qui mérite un grand écran dans une salle, je considère que c’est mon meilleur film (ndr : revoir ce qu'il nous en disait là).

EN : Avec ce dernier film Detour pour la première fois le décor n’est plus britannique, il a été tourné aux Etats-Unis : est-ce que faire un film là-bas, où il est plus naturel de voir des armes à feu, a une influence sur l’histoire qu’on écrit ?
Christopher Smith :
Il y a eu dans le passé, dans les années 50, plein de polars qu’on relie au genre film noir américain. J’adore ce type de film noir et aussi plein de thrillers américains du débuts des années 80. En fait j’aime particulièrement ce que j’appelle les ‘thrillers imaginatifs’, comme par exemple L'Inconnu du Nord-Express de Hitchcock. J’ai eu l’idée de l’histoire de Detour il y a longtemps en 2007, pendant que je cherchais le financement de Triangle. A cette époque j’étais beaucoup focalisé sur les structures d’un récit. Et pour cette histoire particulière il fallait des personnages américains dans un décor américain. On a l’impression que certaines choses ne peuvent se passer qu’aux Etats-Unis et que ça ne serait peut-être pas logique ailleurs. J’avais d’ailleurs eu à l’époque un producteur exécutif américain qui était partant pour lancer une production mais le projet a été mis en parenthèse puisque j’ai pu faire Triangle puis Black Death. Ce n'est que plusieurs années plus tard que j’ai développé de nouveau l’idée de Detour.

Si j’avais fait Detour en Angleterre ça aurait été à propos de l’Angleterre ou ici en France ça aurait été à propos de la France, le film aurait eu la couleur du pays. Faire ce film aux Etats-Unis , ce n'est pas à propos du pays mais c’est tout de suite directement en rapport avec les films américains, avec une certaine mythologie de codes du cinéma américain que, bien entendu, j’ai manipulé à ma façon. J’ai commencé avec l’idée d’un jeune qui voudrait tuer son beau-père et que son destin serait différent selon s'il le tuait ou pas. Detour est un jeu de structure avec des twists que le spectateur doit lui reconstruire, il fallait quelques balises. Pour revenir à ce qu’on disait, le processus de faire un film c’est comme l’expression 'man plans, God laughs', il y a tellement de paramètres incontrôlables…

Ce 28ème Festival du Film britannique de Dinard a programmé des projections de Severance, Triangle, Black Death . Une rencontre avec le public est également prévue.

Black Death en DVD : rencontre avec le réalisateur Christopher Smith

Posté par kristofy, le 12 avril 2011

Le film Black Death resté inédit au cinéma est maintenant disponible en dvd et en blu-ray depuis début avril. Cette sortie est accompagnée d’un visuel publicitaire sur lequel figure une critique (venant du magazine Mad Movies) qui en fait l’éloge suivante : "une épopée barbare, une symphonie sombre et cruelle, un chef d’oeuvre".

Black Death : Angleterre, 1348. Alors qu’une épidémie de peste bubonique ravage le pays, Osmund, un jeune moine, reçoit la mission d’accompagner un groupe de chevaliers mené par le redoutable Ulric pour enquêter sur d’étranges phénomènes se produisant dans un petit village reculé. Il semblerait en effet qu’en ce lieu les morts reviennent à la vie…

Il s’agit en fait du quatrième film de Christopher Smith, le réalisateur le plus passionnant issu de la vague ‘horror made in UK’ (Creep, The Descent, Wilderness, Isolation…). Il était venu présenter en avant-première Black Death lors du festival britannique de Dinard (en octobre 2010), l’occasion de le revoir et de l’interviewer.

EcranNoir.fr : Avant de parler de Black Death revenons un instant sur votre film précédent qu’on avait déjà découvert à Dinard en 2009 : comment se fait-il que Triangle ne soit pas encore sorti en France ?

Christopher Smith : Je ne sais vraiment pas pourquoi Triangle n’est pas sorti en France, je crois qu’il va arriver début 2011. De tout les pays du monde, je pensais que la France serait le premier pays à vouloir l’acheter pour le distribuer ! Je pense que c’est une question économique, Triangle était un film plus cher à  acheter que mes films d’avant (Creep, Severance), je pense que les distributeurs voulaient payer l’ancien tarif et pas celui proposé, c’est juste une histoire d’argent. C’est la récession je suppose, maintenant il y a un distributeur (NDA : en fait sortie directe en dvd été 2011). Je pense que Triangle est un film très  intéressant, pas un film étrange.

EN : Black Death est une nouvelle étape dans votre carrière : alors que c’est vous-même qui aviez écrit vos autres films, là pour la première fois vous n’êtes pas à l’origine du script. Pourquoi vous être impliqué dans ce projet ?

CS : Je n’ai pas écris le script, on me l’a proposé, mais j’avais la main sur absolument tous les aspects créatifs qui donnent la forme du film. La première version du scénario que j’ai lue était en fait assez similaire pour la première moitié du film tel que vous le voyez. J’ai travaillé avec le scénariste pour réécrire toute la deuxième moitié de l’histoire en fait. Le film traite beaucoup de fondamentalisme, de religion, et de la façon dont on se sert de la religion. Bien que je n’ai pas écrit ce script, je me le suis approprié pour en faire ce que je voulais comme si j’étais le scénariste.

EN : Est-ce que certains films comme Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud ou Aguirre la colère de Dieu de Werner Herzog vous ont influencé ?

CS : J’avais quelques références en tête, c’est bien vu pour Aguirre la colère de Dieu qui était une référence majeure effectivement. Il y avait Le nom de la rose et quelques autres films comme par exemple Le septième sceau et La source de Ingmar Bergman. A un moment dans le film, quand Sean Bean tue la femme accusée de sorcellerie, c’est cruel, la scène d’après il explique pourquoi et on comprend que c’est juste. C’est un exemple de comment cette époque était trouble, comme la notion du bien et du mal selon les points de vue. Je voulais une expédition avec comme un sentiment à la Apocalypse now, c’est en quelque sorte un voyage vers l’enfer aux frontières de la raison.

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