Les 2/3 des Français ont été au cinéma en 2010

Posté par vincy, le 17 février 2011

65% de la population française a fréquenté un cinéma l'an dernier. Les cinéphiles (ceux qui vont au moins une fois au cinéma par mois) ont même réalisé près des 3/4 des entrées. C'est ce qui résulte de l'enquête de Médiamétrie (28 148 interviews entre le 4 janvier 2010 et le 2 janvier 2011).

Rappelons que 2010 a été une année record puisqu'avec 206,5 millions d'entrées, cela faisait 44 ans que les salles de cinéma n'ont pas connu un tel succès.

6 spectateurs sur 10 du film de Xavier Beauvois sont des Seniors

La fréquentation s'est éparpillée sur seize films à plus de 3 millions d'entrées, même si aucun n'a dépassé les 6 millions (une première depuis 1992).

Les habitués des salles obscures représentent 22,9 des Français, mais 71,9% des entrées. Ces habitués sont principalement des jeunes âgés de 15 à 24 ans et des seniors 50 ans et plus. Ces derniers (30% de la population cinéphile) ont plébiscité Des Hommes et des Dieux puisque six spectateurs sur dix qui ont vu le film avaient plus de 50 ans.

Bilan 2010 – 214 films au dessus de 100 000 entrées et 472 en dessous

Posté par vincy, le 5 février 2011

686 sorties répertoriées. Et 68,8% d'entre elles qui n'atteignent pas 100 000 spectateurs. Près de 40% qui ne dépassent même pas les 30 000 entrées. Cela pose question  quand, en moyenne, 13 films sortent chaque semaine.

Pour 2010, 214 films ont quand même franchi la barre fatidique des 100 000 entrées et 50 sont devenus millionnaires (soit presque un par semaine). Walt Disney en place 6 au dessus du million, Warner Bros fait mieux avec 8. Les distributeurs français sont à la peine avec 18 hits.

Par zone géographique, l'écart peut être cruel et le festival de Cannes s'avère porteur:

Amérique du nord : Harry Potter 7, 5,5 millions de spectateurs

France : Les petits mouchoirs, 5,3 millions de spectateurs

Europe de l'Ouest : Le voyage extraordinaire de Samy, 1,3 million de spectateurs

Amérique du sud : Dans ses yeux, 450 000 spectateurs

Afrique du nord : Hors-la-Loi, 430 000 spectateurs

Amérique centrale : Biutiful, 354 000 spectateurs

Asie de l'Est : Poetry, 205 000 spectateurs

Proche et Moyen Orient : Ajami, 140 000 spectateurs

Europe de l'Est : Le criquet, 62 000 spectateurs

Asie centrale et Russie : Le dernier voyage de Tanya, 55 000 entrées

Asie du sud-est et subcontinent indien : My Name is Khan, 42 000 spectateurs

Océanie : Disgrace, 36 000 spectateurs

Afrique : Le secret de Chanda, 11 000 spectateurs

Bilan 2010 – Warner Bros domine le marché français

Posté par vincy, le 4 février 2011

12,6% de part de marché, +41% d'entrées, 26 119 139 spectateurs : Warner Bros surclasse tous les distributeurs en France. Et en moyenne par films (Warner Bros en a sorti 18 en 2010), le studio américain est juste dépassé par Walt Disney, qui, avec 7 productions, a séduit 19 372 346 spectateurs (soit 2 767 478 par films). Warner Bros pique ainsi la première place à 20th Century Fox, qui bénéficiait, certes, du décollage d'Avatar en 2009.

Le premier distributeur français est 5e. Europacorp, avec 15 168 515 entrées, progresse de 85%. Pathé, leader en 2009, baisse à la 7e place (-22%). Gaumont (+103%), ARP Selection (+412%), Ad Vitam (+86%) et Memento (+56%) ont aussi connu une très belle année.

À l'inverse, Sony Pictures (-44%), SND, malgré Twilight (-48%), Wild Bunch (-70%) et Bac films (-56%) ont vécu une année horribilis.

Parmi les 25 distributeurs les plus importants, qui ont sorti entre 4 et 28 films, la moyenne par film donne un autre éclairage. Disney, Warner, Paramount et Europacorp font plus d'un million d'entrées par film. Le Pacte (19 films), Rezo, Pyramide et MK2 ont sorti plus de dix films mais ne dépassent pas les 100 000 entrées par sorties.

Bilan 2010 – Polanski en tête des films exportés

Posté par vincy, le 24 janvier 2011

Malgré de très belles performances, le cinéma français (qui inclue les coproductions internationales entrées totales dans ce bilan) qui représentent 15% des ) est en recul sur les marchés internationaux. On pourrait se réjouir, malgré tout, que les films "made in France" aient attiré 57,2 millions d'entrées dans le monde (67, 2 millions l'an dernier) et rapporté plus de 330 millions d'euros (20 millions d'euros en moins par rapport à 2009). Cela signifie que près de 130 millions de spectateurs ont vu un film français cette année. Pas si mal, mais encore une fois, la baisse (-17,9% pour les entrées, -6% pour les recettes) est inquiétante. D'autant qu'il y avait quelques poids lourds (Polanski, Besson), des films cités dans différents palmarès locaux, des adaptations de best-sellers internationaux...

Seul rayon de lumière : les films en langue française représentent pour la première fois en dix ans plus de la moitié des entrées (soit 55,2%).

Des marchés dynamiques et des contre-performances

Les films français ont particulièrement été séduisant en Italie (+142%), aux USA pour les films en français (+36%) - même si dans ces deux pays on est loin des niveaux d'antan - en Russie (+42%), en Espagne (+30%), au Royaume Uni (+79%), aux Pays-Bas (+51%) et au Japon (+25%). Gros bémol en Allemagne (-30%) et en Chine (-43%). Aux USA, la chute des films français, toutes langues confondues, est de 45%, ce qui est imputé à l'énorme succès de Taken en 2009.

Géographiquement, l'Europe occidentale reste la locomotive de l'exportation des films français avec 38,9% des entrées, devant l'Amérique du Nord (27,5%), l'Asie (15%), l'Europe Centrale et Orientale (8,1%), l'Amérique Latine (6,3%), l'Océanie (2,2%) et l'Afrique (2%). Côté pays, les USA demeure toujours le marché leader avec 13,07 millions d'entrées, devant l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, le Japon, la Russie, le Royaume Uni, la Chine et la Belgique.

Polanski, Besson, Perrin affichent de bons chiffres partout dans le monde

3 leaders incontestables ont dominé les entrées en salles à l'international. The Ghost-Writer (6,57 millions d'entrées dans 27 pays), Luc Besson (6,56 millions d'entrées pour From Paris With Love et 3,19 millions d'entrées pour Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec) et le documentaire Océans (6,52 millions d'entrées dans seulement 14 territoires).

Loin derrière, on peut souligner les succès de certains films très différents : Le concert (1,8 million), Solomon Kane (1,7 million), Le Petit Nicolas (1,2 million et un total sur deux ans de 2 millions), le documentaire Bébés (1,1 million), Arthur et la vengeance de Malthazard, Un prophète (qui a fait autant en France que dans le monde avec 1,1 million de spectateurs internationaux sur deux ans), L'immortel, Le Hérisson, L'Arnacoeur (750 000 entrées dans le monde), Micmacs à tire-larigot, Des hommes et des Dieux (600 000 entrées dans le monde).

Elle s'appelait Sarah bat un record aux Pays-Bas

On remarque aussi la belle continuité du Ruban Blanc (917 000 entrées, soit 1,46 million de spectateurs en dehors de la France depuis sa Palme d'or). Et surtout la belle performance d'Elle s'appelait Sarah avec 487 000 entrées sur 3 territoires, dont 425 000 fans rien qu'aux Pays-Bas, soit un record historique puisque le film a battu le premier Astérix et Amélie Poulain. Au pays des tulipes, Tatiana de Rosnay, auteure du livre homonyme, est l'écrivain étrangère la plus vendue en librairie.

On peut aussi se féliciter des 420 000 entrées pour Gainsbourg (vie héroïque), des 282 000 entrées pour Copie conforme et du bon débit de la carrière internationale de Potiche avec déjà 320 000 entrées dans 6 pays.

Créer un star-système pérenne et persévérer dans la diversification de l'offre

Le cinéma français est le cinéma européen qui s'exporte le mieux, devant le cinéma espagnol, si l'on excepte le cinéma britannique, souvent aidé par les studios américains. Mais pour conserver sa place, il doit persévérer dans cet équilibre entre productions internationales en langue anglaise et films d'auteurs destinés aux grands festivals. Il est intéressant de voir que la littérature est devenue un vecteur de succès : un best-seller (L'élégance du Hérisson, Elle s'appelait Sarah, Le petit Nicolas) transforme souvent l'essai au cinéma.

Alors qu'Unifrance, l'organisme chargé de la promotion du cinéma français dans le monde, va changer de Président, les enjeux et défis ne manquent pas dans un monde cinéphile en mutation : le cinéma français doit moins dépendre des gros marchés occidentaux et continuer d'offrir un panel varié alliant du thriller à l'animation en passant par la comédie romantique, tout en continuant à miser sur ses vedettes internationales ou son patrimoine universel.

Bilan 2010 – Avatar domine le marché vidéo

Posté par vincy, le 23 janvier 2011

Avatar domine les meilleures ventes de DVD et de Blu-Ray en 2010. Logique. Le film aux 14,6 millions d'entrées a vendu 2,4 millions de "disques".

Derrière, Twilight classe deux de ses chapitres, et la meilleure vente de film français (la seule du Top 10) est Le petit Nicolas.

Le film d'Eastwood, Gran Torino, est une jolie surprise : un film d'auteur, certes grand succès public, qui dépasse un Disney... Quant à Inception, il est en début de carrière, et arrive déjà dans les meilleures ventes.

Au total, le marché est resté stable avec une hausse de 0,1% par rapport à l'an dernier en recettes et une hausse de 1% en volume. Soit 95 millions d'unités vendues 1,38 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Le Blu-Ray représente 13% de parts de marché.

Par ailleurs la vidéo à la demande connaît une croissance de 40% (135 millions d'euros).

9 films se sont classés parmi les 10 meilleures ventes de "galettes" cette année. Seule l'humoriste Florence Foresti est parvenue à rivaliser avec les productions cinématographiques.

1 - Avatar
2 - Twilight chapitre 2 : Tentation
3 - 2012
4 -Le Petit Nicolas
5 - Twilight chapitre 3 : Hésitation
6 - Michael Jackson's This is it
7 - Gran Torino
8 - La Princesse et la grenouille
9 - Inception

Bilan 2010 – les 15 films les plus consultés sur EcranNoir.fr

Posté par vincy, le 2 janvier 2011

1. Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures
2. Les petits mouchoirs
3. Inception
4. Des Hommes et des Dieux
5. Arthur et la vengeance de Malthazard
6. Expendables, Unité Spéciale
7. Kaboom
8. The Social Network
9. The Killer inside me
10. Toy Story 3
11. Dans ses yeux
12. Le bruit des glaçons
13. Alice au pays des Merveilles
14. Potiche
15. Biutiful

2010 – Films : un grand écart pour que vive le 7e art

Posté par vincy, le 2 janvier 2011

2010 fut assurément une année en demi-teinte. La mirobolante 3D a certes gonflé les recettes et attiré le grand public vers des productions plus industrielles que cinématographiquement intéressantes. La fréquentation n'a pas fléchi (hormis aux Etats-Unis), que ce soit en France ou en Chine. Mais on note que les spectateurs se concentrent de plus en plus sur quelques films, le succès entraînant le succès.
L'année qui vient de passer a réservé quelques jolies surprises, comme tous les ans. Pas forcément des coups de coeur, rarement des oeuvres qui bluffent, mais le plaisir et la qualité étaient au rendez-vous. Souvent, la fraîcheur des uns nous a davantage emballés que la maîtrise des autres, l'imperfection de certains nous a davantage conquis que le savoir-faire de talents en mal de renouvellement.
On peut s'inquiéter du formatage, qui touche l'ensemble des cinémas à des degrés divers. Mais, si nous étions pessimistes, 2010 aura surtout montré que la curiosité a ses limites. Combien de "petits" films n'ont pas trouvé un public à la hauteur des espérances placées en eux? Distributeurs et exploitants vont devoir faire leur révolution, d'autant plus vite que la numérisation des salles s'accélèrent. Chaque blockbuster peut squatter (contractuellement) deux écrans d'un multiplexe, ne laissant que des miettes aux autres. On s'acharne encore à faire un marketing "à l'ancienne" quand les nouvelles technologies permettraient des campagnes et des buzz plus innovants. Et que dire de ces mercredis où 15 à 20 nouveautés sont envoyées au casse-pipe avant même d'exister dans le désir des cinéphiles. La saturation entraîne des distorsions de concurrence sur laquelle il va falloir sérieusement se pencher, avant de s'épancher sur le triste sort des films art-et-essai, indépendants, venus d'ailleurs, et tous, ainsi, marginalisés.
Cependant, soyons optimistes. D'Hollywood à la Thaïlande en passant par le reste du monde, le cinéma est en bonne santé. Financièrement, certes, il est de plus en plus coûteux (ou au contraire se produit avec des moyens dérisoires). Mais, malgré le piratage, le téléchargement légal à domicile, l'invasion des chaînes de télévision, la sollicitation d'autres loisirs (les jeux vidéos en premier lieu), il est vaillant, vigoureux, varié.
Cette diversité, si vitale, se retrouve dans deux des films les plus marquants de l'année.
Toy Story 3. Soit un énorme groupe (Walt Disney), une équipe riche en dollars (Pixar), une suite (de plus). Et pourtant, le divertissement de l'année le plus aboutit. Du scénario bien écrit à la réalisation toujours juste, des émotions qu'il procure à cette volonté de nous séduire, qu'on soit européens, américains ou asiatiques, il est le symbole le plus joyeux, et l'un des plus poétiques, de ce cinéma de masse. La preuve qu'il est possible de réussir, encore en 2010, un film où l'humour et l'aventure se conjuguent dans toutes les cultures.
À l'opposé, Oncle Boonmee qui se souvient de ses vies antérieures. Oeuvre "ovni" et insolite d'un artiste intègre et cohérent, qui a su, cette foic-ci, élever son cinéma vers une proposition plus réceptive, plus généreuse. Cela ne ressemble en rien à un autre film d'un autre auteur. Oncle Boonmee, mélange de cinéma contemplatif, mystique, spirituel, et d'expérience visuelle, sensorielle et onirique, restera sans doute une création marginale pour beaucoup. Mais Tim Burton, en lui décernant la Palme d'or, ne s'y est pas trompé. Là où le cinéaste d'Alice au pays des merveilles déçoit avec des films de moins en moins inspirés, a compris que son homologue thaïlandais, Apitchapong Weerasethakul, savait filmer l'invisible et le merveilleux.

Le 7e art, plus que jamais, a besoin de films fédérateurs, où la profondeur, voire la subversion ou l'inventivité, sont indispensables pour qu'il reste cet art des masses. Il serait périlleux que seuls les grands opéras pyrotechniques attirent les foules, comme il serait suicidaire que le cinéma soit réduit à des films élitistes, qui l'enferment dans un ghettos de "happy few". Ces films dits d'auteur ont juste besoin de place pour exister, et pas seulement dans des Festivals, qui deviennent, année après année, des circuits de distribution et des aides à la production parallèles. On peut s'éclater devant des jouets en 3D comme on peut être émus avec une histoire de fantômes au milieu de la jungle siamoise.
Plus que jamais, la critique a son importance pour inciter le spectateur à oser franchir le seuil d'une salle où sera diffusé un film qui le déroutera ou le marquera. Plus que jamais, les sélections dans les grands festivals doivent continuer à mettre à égalité des cinéastes méconnus et des réalisateurs reconnus. Plus que jamais, il faut produire et aider de nouveaux talents à émerger, en faisant confiance à leur imagination et en ne leur imposant pas des schémas pré-établis. Plus que jamais il va falloir tout réinventer pour que le spectateur puisse redevenir curieux, désireux d'autres formes de cinéma, plutôt que de le voir se précipiter sur des divertissements assez vite oubliés.

Cinq idées pour demain
Face à l'invasion de marques (Disney, Harry Potter, Twilight), il faut résister.
- Changer les règles en contraignant une limitation du nombre de copies par film, en obligeant une certaine durée d'exploitation pour les plus fragiles.
- Faciliter les émergences de nouveaux talents mais surtout mieux les accompagner, de l'écriture à la production, afin de ne pas laisser le cinéma d'auteur se caricaturer, de ne pas abandonner leur oeuvre à l'état d'ébauche acceptable.
- Il faut investir dans la pédagogie, avec une éducation audiovisuelle dès les petites classes. Proposer la connaissance des "classiques" du 7e art comme on impose ceux en littérature. Cela passe aussi par le renouvellement de générations chez les journalistes de "référence", par la transmission du savoir entre critiques issus de la vague des années 60-70 et les plus jeunes. Parler de Godard c'est bien, c'est utile, mais Godard, on peut s'en désoler, n'est plus représentatif de la création actuelle.
- Aider les médias de cinéphilie plutôt que de dépendre d'émissions TV promotionnelles (et assez vides d'intérêt).
- Proposer des avantages ou des tarifs réduits pour ceux qui acceptent d'aller voir des films "difficiles", ne bénéficiant pas de 70 cinémas pour les diffuser. Après tout, on fait bien payer plus cher pour des films en 3D et on dépense quelques millions d'euros pour des mesures antipiratage sans effets (et toujours mal justifiées)!

Le cinéma ne doit pas devenir un amour imaginaire où la nostalgie d'un glorieux passé nous amène à devenir amer. Il doit demeurer cette création dynamique, en perpétuelle évolution, à condition qu'on lui donne une chance. Sinon, en effet, il deviendra abstrait, comme l'art contemporain qui se voit éclipser par les arts populaires, ou désolant, comme peut l'être la littérature dans les rayons des supermarchés et des librairies de gare. Sans prise de risques, par les producteurs comme par les exploitants, il n'y aura point de salut. Le cinéma deviendra alors une industrie, comme la télévision, et oubliera sa vocation artistique.

Défendre tous les cinémas ce n'est pas seulement une devise, c'est une exclamation pour protéger la diversité créative. C'est une manière de prouver que l'on existe grâce à nos différences. Il y a des pays, comme l'Iran ou la Chine où cette menace conduit des cinéastes en prison. Il y en a d'autres, en Occident, où le système, par perversité ou protectionnisme, tend à évincer les plus vulnérables.

Loin des éclats d'antan où le cinéma était au coeur d'une affirmation idéologique, politique, d'une revendication artistique et esthétique, on peut finir entre nous, autour d'un verre, à débattre indéfiniment de l'influence de Kubrick sur Michael Mann ou de l'importance psychanalytique dans les rôles de Deneuve. Cela sert à quoi si nous sommes en petit comité, de plus en plus réduit, sur Twitter ou entre blogueurs, si nous assistons à la fin de notre monde en celluloïd sans rien faire. Faire le constat ne suffit pas. Cela fait 15 ans, que le 7e art glisse lentement vers une exclusion de ce qui n'est pas "rentable", "chiffré", "buzzé". Il n'y a pas moins de cinéphiles. Et les outils sont là pour les rassembler. Hélas, il y a moins de prosélytisme et trop de propagande. On est ainsi passer de Michel Polac à Michel Denisot. De Jacques Chancel à Laurent Ruquier. On attend plus qu'un gros "kaboom" où cinéphiles kamikazes que nous sommes, nous nous précipiterons pour traverser l'autre côté de l'écran.

Mais comme nous sommes des rêveurs, nous croyons qu'il y a l'éternité derrière. Il y a juste 2011, qu'on espère pleine de vitalité et riche en plaisirs, remplie de promesses réjouissantes et d'étonnements mirifiques. De ceux qui nous font passer deux heures dans le noir, happer par cet écran magique, ce miroir qui nous révèle notre inconscient ou tout simplement, le monde dans lequel nous vivons. Une caverne "platonique" où tous les fantasmes sont possibles. Même les plus fous.

2010 – Acteurs : Leonardo DiCaprio et Romain Duris

Posté par vincy, le 1 janvier 2011

Chacun a leur façon, ils ont atteint un cap. D'abord au box office, où ils ont brillé avec leurs films. Mais surtout, l'un en sélectionnant minutieusement des cinéastes ambitieux et l'autre en s'autorisant à sortir de sa famille d'auteurs, ils nous ont procuré un immense plaisir de spectateur.

Leonardo DiCaprio a cumulé 1,1 milliard de $ de recettes dans le monde (record annuel) avec un thriller poisseux de Martin Scorsese (pour qui il est devenu un nouveau De Niro) et un film métaphysique haletant de Christopher Nolan. Que ce soit dans Shutter Island ou Inception, il excelle dans l'intensité psychologique comme dans une action plus banale, dans la folie de ses personnages comme dans l'univers baroque des deux réalisateurs. Il nous fait croire à une intégrité trompeuse, et enlève le masque pour mieux faire rejaillir ce qui le motive : montrer que la vérité est ailleurs. À lui seul, il porte le flambeau de son métier. Un acte de simulation qui nous renvoie à nos cauchemars, ou à nos rêves.

Romain Duris est aussi le champion du nombre d'entrées, en France. Une comédie romantique, un film à suspens et un dessin animé en ont fait la tête d'affiche incontournable (et grand public) de l'année. Loin de ses fidélités passées, il a surtout amorcé son virage vers des rôles plus adultes. En se frottant à des genres et des histoires inhabituelles, il a pris sa part de risque, tout en voulant partager sa volonté de séduire. La profession ne l'estimait pas "bankable" pour être le Dom Juan de L'Arnacoeur? Pourtant, il nous y enchante, entre deux pas de Dirty Dancing et une porte qui claque à la Feydeau. Dans L'Homme qui voulait vivre sa vie, il prolonge son motto "klapischien" où la liberté prime sur tout. Le regard perdu, mais précis, il a foi en l'avenir. Prince (Disneyien dans Raiponce) hexagonal du 7e Art, Duris confirme qu'il est là pour durer.

Loin d'être des sexe-symboles épilés et musclés, les deux hommes, virils et vulnérables, sont les allégories parfaites de la masculinité contemporaine : à la fois objets de fantasme et mecs ayant les pieds sur terre.

2010 – Actrices : Annette Bening et Isabelle Huppert

Posté par vincy, le 31 décembre 2010

Deux femmes libres de leurs choix, deux comédiennes qui étalent leur talent (éclectique) dans des films où l'émotion s'est souvent mêlée au sourire, où la légèreté rendait grâce à leurs dons dramatiques.

Annette Bening, star du dernier Festival du film américain de Deauville, 52 ans, n'avait pas vécu une si belle année cinématographique depuis American Beauty. Cette perle cachée hollywoodienne, qui a tourné avec Forman, Frears, Nichols ou encore Burton, a su se régénérer en plongeant dans des rôles plus fins que lui offrait le cinéma indépendant. Mère lesbienne et intransigeante dans The Kids are all right, elle passe de la comédie à la tragédie, du show familial à la douleur intime, avec une aisance confondante qui lui vaudra sûrement une quatrième nomination aux Oscars. Dans Mother and Child, elle écrase ses concurrentes avec un personnage tendu, sec, peu aimable, qui découvre la douceur et la lumière.

Isabelle Huppert sait la capter, cette lumière. Une fois de plus, elle éclaire l'année du cinéma français, dans deux registres radicalement différents. De l'Afrique de White Material aux froides plages belges de Copacabana, d'un pays en guerre à la misère sociale, la véritable Reine Isabelle du cinéma français nous trouble, une fois de plus. Étrangère et familière. Dure et fêlée. Sombre et lumineuse. La vitalité de ses personnages (forts, sans concessions) renvoie à sa  curiosité cinéphilique (dense et sans limites car il faut ajouter le génial Fantastic Mr. Fox). Ainsi, dans Copacabana, l'un des meilleures films français de cette année, elle envoie balader toutes nos convenances au nom d'une bohème assumée en privilégiant la solidarité, le bonheur du présent, les sentiments impulsifs.

Comme Bening, elle envoie valser les carcans de la société. Avec elles, on a envie de danser.

2010 – Réalisateurs : David Fincher et Roman Polanski

Posté par vincy, le 30 décembre 2010


Avec deux drames aux contours classiques, mais au style brillant, l'Américain Fincher et le Franco-polonais Polanski ont assurément réalisés deux des meilleurs films de l'année. Leur maîtrise de la forme comme du fond, avec des scénarios subversifs, profonds, où la candeur et le cynisme font mauvais ménage mais sont harmonieusement mis en scène, nous ont épatés et emportés.
The Social Network est ce que Wall Street 2 aurait dû être : un film sur une époque où l'individualisme et le libéralisme détruisent toute forme de confiance, malgré l'importance de la sociabilisation. David Fincher a ainsi retrouvé un sujet aussi inspiré que The Fight Club, tout en réussissant mieux, sous la contrainte, le découpage complexe qui lui faisait défaut dans Zodiac. Observateur des failles de la société américaine, il détourne les codes du genre (procès, american way of life, réussite individuelle) pour mieux révéler la solitude des êtres.
The Ghostwriter reprend tous les fondements d'une filmographie prolifique et riche, du huis-clos à l'innocence saccagée, et propose le final le plus saisissant depuis longtemps, à la fois fluide, glacial et brutal. Roman Polanski, Ours d'argent à Berlin, jouit du spectacle qu'il assène. Avec un régal morbide, il enferme ses protagonistes dans une cage dont ils ne peuvent pas s'évader. Piège fatal, spirale infernale, la mécanique implacable est construite de main de maître, flirtant avec Hitchcock et ses propres chefs d'oeuvre (Répulsion, Cul-de-Sac, Chinatown).
Deux oeuvres froides sous leurs dehors chaleureux. Deux portraits d'un monde (économique et politique) désespérant.