[Passions américaines] Macadam Cowboy (1969) avec Dustin Hoffman et Jon Voight

Posté par vincy, le 10 août 2019

Macadam Cowboy (Midnight Cowboy en vo) est une œuvre majeure du cinéma américain de la fin des années 1960. L’adaptation du roman de James Leo Herlihy a été un énorme succès dans les salles puis aux Oscars avec trois statuettes, dont celle de meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario. Dustin Hoffman, Jon Voight et Sylvia Miles ont tous été nommés de leur côté.

Considéré dorénavant comme un classique, il aborde des sujets aussi peu populaires que la prostitution masculine, l’homosexualité, la précarité extrême, la mort, et surtout, il dresse une sévère critique à l’égard de l’hypocrisie américaine et de la religion.

Et puis, il y a aussi le style visuel, propre à cette époque, qui tentait de déconstruire la narration en essayant de traduire le subconscient des personnages avec des flash-backs ou des images oniriques. Enfin, il y a la musique, notamment ce tube de Fred Neil, Everybody’s Talkin, qui trotte dans la tête comme nos anti héros se promènent sur les trottoirs…

Le réalisateur John Schlesinger s’était fait connaître avec Darling Chérie quatre ans auparavant. Avec Macadam Cowboy, ce britannique se détournait de ses films avec Julie Christie pour changer complètement d’univers. Sa réalisation marque les esprits grâce à son esthétique tantôt onirique, tantôt psychédélique. On est, comme souvent à la fin des années 60, aux limites de l’expérimental. Schlesinger avoue s’être inspiré d’un film de Andy Warhol pour le style visuel. My Hustler est un moyen métrage sur un homme d’un certain âge cherchant un jeune homme pour compagnie. Mais il a aussi été influencé par un film yougoslave de Zivojin Pavlovic, Quand je serai mort et livide, primé à Berlin en 68. Un film sur la précarité.

Il est étonnant que Macadam Cowboy ait été un aussi gros succès tant le réalisateurr a usé de méthodes narratives peu conventionnelles avec une histoire pas franchement moralement correcte. Il n’hésite pas à filmer les actes sexuels de manière crue et sauvage, il illustre avec des images furtives et sans paroles les hallucinations et les fantasmes, il tente finalement de mettre en parallèle le monde réel, et peu glorieux, et les pensées intérieures, tantôt tourmentées tantôt délirantes.

L’autre gageure du film c’est le numéro d’équilibriste entre la comédie, parfois absurde, notamment quand il montre la futilité de la société de consommation sur les écrans télévisés, et la tragédie, avec la pauvreté qui briserait n’importe quels rêves. Cet oscillement entre le drame humain et les situations parfois cocasses, soutenues par des dialogues souvent cyniques, enrichissent le film et lui donne une couleur indéfinissable : à la fois une critique de l’Amérique puritaine, hypocrite et consumériste et une empathie vis-à-vis de tous ceux que cette même Amérique a abandonné. Cette dualité est permanente dans le film : le Texas et New York, les bourgeois et les gens de la rue, les hommes et les femmes… Ceux qui ont et ceux qui ne sont pas. Une sorte d'antithèse au rêve américain.

Le film est ce qu’on pourrait appeler un Buddy Movie, un genre en soi. Un buddy movie c’est une histoire de binome que tout oppose. Le choix des acteurs est d’autant plus crucial.

L’interprétation de Dustin Hoffman est considérée comme un sans faute. Son personnage de Ratso, paumé parmi les paumés, lui a valu sa deuxième nomination à l’Oscar deux ans après Le Lauréat. On oublie que l’acteur, qui a tourné le film à l’age de 31 ans, n’en est qu'à son quatrième long métrage. Il était alors un jeune premier adulé par une horde de jeunes adolescentes.

Pour obtenir ce rôle aux antipodes de l’image qu’il véhiculait, il a donné un rendez-vous à un cadre du studio producteur au coin d’une rue de Manhattan. Le décideur ne l’a pas remarqué, il ne voyait qu’un mendiant réclament quelques cents aux passants… Ce mendiant c’était bien sûr l’acteur qui dévoila alors son identité, et empocha son contrat. Il apportera sa minutie légendaire à la construction de son personnage. Lorsqu’il tombe malade, ses quintes de toux l’ont presque fait vomir. Et pour boiter en permanence de la même façon, il ajoutait des cailloux dans ses chaussures…

Face à lui, Jon Voight, le père d’Angelina Jolie. Lui aussi fut nommé à l’Oscar pour ce film. Il a sensiblement le même âge que Hoffman et n’en est qu’à son troisième long métrage de cinéma. Il a remplacé de nombreux comédiens qui ont refusé ou se sont désistés pour ce rôle périlleux. Ce playboy naïf presque analphabète déguisé en cowboy est tout aussi « loser » que son compagnon d’infortunes. Mais son personnage de Joe Buck, s’il est moins excentrique que celui de Ratso, est aussi plus attachant. Séducteur, cerné par les femmes depuis son enfance, ne voyant pas le mal à se prostituer et faire plaisir aux dames, c’est Candide débarquant à Babylone. Il incarne un idéal physique masculin, admirant son corps, reproduisant le mythe de l’étalon. Il va évidemment tomber de haut mais jamais il ne perdra sa dignité et ses valeurs fondamentales.

Car Midnight Cowboy c’est avant tout une grande histoire d’amitié, où chacun essaie de faire atteindre son rêve à l’autre. Leur binôme va évoluer au fil du film. Hoffman va jouer les grands frères, sauf par la taille évidemment, durant une grande partie du film. Mais Voight, sur la fin, se transformera en père essayant de sauver son enfant.

On peut avoir l’impression que Macadam Cowboy se disperse dans tout ce qu’il veut montrer. Pourtant, le film est porté par un pilier : l’identité masculine. Déjà en 1969, celle ci est trouble, elle vacille sous les coups de butoir du féminisme. L’humiliation n’est jamais loin. La dégradation de cette identité traverse de nombreuses scènes, qu’elle soit matérielle ou physique. La figure paternelle est un mythe au même titre que le cowboy, que ce soit John Wayne ou celui qui hante Joe dans ses souvenirs d’enfance. C’est la virilité absolue, mais ce n’est qu’une image. Les hommes sont méprisables : illuminés de Dieu, que Jésus ne sauve d’aucun de leurs vices, homosexuels efféminés noctambules comme les Vampires, étudiant ou père de famille n’assumant pas leurs actes clandestins… Tout est refoulé, amenant ainsi une violence contenue qui parfois s’évacue en mots grossiers ou en coups de poings…

Le sexe est tabou, salle, interdit. Il envoie l’amour d’adolescence de Joe à l’asile. Il est aussi un jouet pour les femmes new yorkaises. La scène la plus marquante du film est celle où Joe trouve enfin une cliente riche, avec un contrat clair. Une passe qui lui donne l’espoir de pouvoir enfin concrétiser ses rêves et ceux de Ratso. Mais il subit une panne sexuelle. Elle s’en amuse en usant de métaphores vexantes. Un artisan avec un outil cassé… Elle prolonge l’humiliation en lui donnant une leçon au Scrabble. Joe n’a que deux petits mots : Man et Mony, Homme et Argent. Mais il écrit mal Mony. Il l’écrit comme les grosses lettres lumineuses qu’il a vu sur un building… A force de perdre, Joe, lui aussi refoulé, humilié, blessé, va vouloir reprendre le dessus. Mais là aussi, la femme domine : c’est elle qui le chevauche, qui l’agresse, qui l’allume. C’est la femme qui veut prendre son plaisir, qui ne veut pas simplement l’égalité des sexes, mais la toute puissance de son sexe. Sur une musique de Western, la bête, c’est à dire l’Homme, se fera domptée et même sa jouissance n’est qu’un piètre réconfort : le mâle a perdu la bataille. Il n’est plus qu’un objet de désir.

5 chansons d’Elton John au cinéma

Posté par kristofy, le 29 mai 2019

Après sa grande première durant le Festival de Cannes voici dans les salles Rocketman, à la fois biopic et comédie musicale qui raconte l'enfance et les seventies de Elton John, avec sa gloire grandissante mais aussi ses déboires. Certaines de ses chansons les plus connues comme "Crocodile Rock", "Goodbye Yellow Brick Road", "Don’t let me the Sun go Down on Me", "Rocket Man", "I’m Still Standing" y sont utilisées autant comme fil narratif de son histoire que comme des parenthèses musicales qui donnent envie de chanter et de danser.

Elton John représente plus de 300 millions de disques vendus en 50 ans de carrière: certaines de ses chansons avaient déjà été utilisées dans plusieurs films et séries. De Alice n'est plus ici de Martin Scorsese en 1974 (Daniel) à Jours de Tonnerre de Tony Scott en 1990 (You Gotta love someone) en passant par My Own Private Idaho de Gus van Sant (Blue Eyes) ou Peter's Friends de Kenneth Barnagh (I Guess That's Why They Call It The Blues) tous deux en 1992, sans oublier Sorry to be the hardest word dans Bridget Jones : l'âge de raison de Beeban Kidron (2004).

Retour sur 5 moments de cinéma où ses compositions ont une importance particulière dans le film.

- Le roi Lion, animation de Roger Allers et Rob Minkoff en 1994 :
L'un des films d'animation de Disney les plus populaires (derrière Blanche-Neige et les 101 Dalmatiens) doit beaucoup à deux tubes d'Elton John. Tout le monde connaît la mélodie de l'hymne du roi Lion, Circle of Life, tout comme Hakuna Matata est devenue culte et la chanson Can You Feel the Love Tonight qui clôture le film. A noter que les trois ont été nommées à l'Oscar de la meilleure chanson, mais c'est la dernière qui a récolté l'Oscar. Record de ventes pour une BOF d'un film d'animation, l'album s'est vendu à plus de 10 millions d'exemplaires en 1994/1995 aux USA (et 1,3 million d'exemplaires en France). Le succès a été prolongé avec l'énorme carton du spectacle musical (8,5 milliards de dollars de recettes) qui reprend les partitions d'Elton John. On les retrouvera dans la version en prises de vues réelles du film, qui sort en juillet.

Presque célèbre, de Cameron Crowe en 2000 :
Cameron Crowe est un amoureux de musique (ex journaliste musical), il en met partout dans ses films comme le romantique Rencontres à Elizabethtown (avec la chanson My father's gun de Elton john), mais surtout il a réalisé des films sur des musiciens et leurs entourage comme Singles et le nostalgique Presque célèbre qui lui valu un Oscar de meilleur scénario. Au moment d'un retour en bus, c'est donc le Tiny Dancer de Elton John qui est chanté en choeur par Kate Hudson est les autres :

- 27 Robes, de Anne Fletcher en 2008 :
Katherine Heigl a été 27 fois demoiselles d'honneur à des mariages, mais elle n'a pas encore rencontré un homme avec qui se marier. Elle est un peu amoureuse de son boss Edward Burns alors que le journaliste James Marsden va tomber amoureux d'elle. C'est souvent un peu comme ça les comédies romantiques. Quand dans un bar passe la chanson Bennie and the jets, on a forcément envie de monter chanter et danser sur le comptoir. Elton John ça donne aussi envie de s'embrasser...

- Battle of the Sexes, de Jonathan Dayton et Valerie Faris en 2017 :
Le champion de tennis macho Bobby Riggs (Steve Carell) est défié par la féministe Billie Jean King (Emma Stone) pour s'affronter face à face lors d'un match... Ce combat historique pour que les joueuses de tennis soient mieux considérées sur le circuit sportif est en partie lié au résultat de ce match. Une émancipation féminine au début des années 1970 est alors accompagné de la mélodie de Rocket Man, sortie en 1972.

- Moulin Rouge, de Baz Luhrmann en 2001 :
Ouverture du festival de Cannes, le drame musical australien a remixé ou "médleyisé" nombre de tubes populaires, dont le célèbre Your Song d'Elton John, interprété par Ewan McGregor, croisé avec One Day I'll Fly Away, chanté par Nicole Kidman. Sans aucun doute le plus beau moment romantique du film. Par ailleurs, Your Song a aussi été utilisé par Ken Loach dans Carla's Song.

Dernière note pour le compositeur oscarisé Francis Lai (1932-2018)

Posté par vincy, le 7 novembre 2018

« Chabadabada, Chabadabada, Chabadabada... ». On connaît tous cet air d'Un homme et un femme, Palme d'or signée Claude Lelouch en 1966. Francis Lai était le "musicien" du cinéaste, avec qui il a eu une relation quasi exclusive ces 25 dernières années. Il est mort à l'âge de 86 ans ce mercredi 7 novembre.

Ce niçois a écrit pour Edith Piaf, Dalida, Petula Clark, Serge Reggiani, Mireille Mathieu, Juliette Gréco et Yves Montand (la fameuse Bicyclette.

En 1970, il reçoit l'Oscar et le Golden Globe de la meilleure musique de film pour l'énorme succès Love Story d'Arthur Hiller.

Honoré pour l'ensemble de son œuvre à Venise, Prix d'honneur pour l'ensemble de sa carrière aux World Soundtrack Awards, les César ne l'ont paradoxalement jamais récompensé. Plusieurs fois nommé, jamais vainqueur.

Il a aussi écrit pour Elton John, Charles Aznavour, Johnny Hallyday (L'Aventure c'est l'aventure), et Patricia Kaas.

Francis Lai, grand mélodiste et prince de l'épure, savait écrire des chansons et des airs entêtants. Son amour du piano et de l'accordéon ne l'empêchait pas de maîtriser admirablement les envolées à cordes plus symphoniques ou les ambiances un peu pop. Dans les années 80, il avait séduit des cinéastes aussi différents que Claude Zidi (Les Ripoux), Bertrand Blier (Trop belle pour toi) et Nikita Mikhalkov (Les yeux noirs). Il a aussi  composé pour les films de Christian-Jaque, René Clément, David Hamilton, Dino Risi, Yves Boisset, ou encore Henri Verneuil.

3 bonnes raisons d’aller voir L’Ombre d’Emily de Paul Feig

Posté par wyzman, le 26 septembre 2018

Après Spy et SOS Fantômes, le réalisateur américain Paul Feig semble avoir retrouvé toute sa superbe. La preuve avec L'Ombre d'Emily !

1. L'histoire vaut son pesant d'or. Adapté du roman Disparue de Darcey Bell, L'Ombre d'Emily raconte comment Stephanie Smothers (Anna Kendrick), mère de famille accro à son vlog, enquête sur la disparition soudaine de sa nouvelle meilleure amie, la mystérieuse Emily Nelson (Blake Lively). Veuve, Stephanie gère seule son fils tandis qu'Emily, également mère, s'occupe comme elle peut entre son travail de directrice des relations presses d'une grande marque de mode et son mari, le très séduisant Sean Townsend (Henry Golding). Thriller bourré d'humour et dopé à la sauce Desperate Housewives, L'Ombre d'Emily peut être perçu comme le pendant fun de Gone Girl.

2. Le casting est un heureux mix. Célèbre pour ses participations aux sagas Twilight et Pitch Perfect, Anna Kendrick semble ici avoir trouvé un rôle à la hauteur de son talent. Le personnage qu'elle incarne, l'adorable Stephanie est à la fois douce et revêche, docile et imprévisible. Un mélange qui détone surtout lorsqu'on la met face à une Blake Lively (Gossip Girl)  absolument parfaite en femme du monde blasée par sa propre superficialité. Ajoutons à cela Henry Golding, l'acteur le plus cool du moment depuis son passage dans Crazy Rich Asians et cela donne un trio de choc aussi glamour qu'improbable.

3. La bande originale est à tomber par terre. On ne le dira jamais assez : le succès d'un film peut tenir à sa promotion. Et force est de reconnaître que de ce côté-là, Lionsgate et Metropolitan ont bien fait les choses. Trop absorbés par les looks audacieux et absolument parfaits de Blake Lively, nous aurions presque pu passer à côté des pépites dont regorge la bande originale. Cœur de Pirate, Françoise Hardy, Brigitte Bardot, Serge Gainsbourg, Zaz, Jacques Dutronc... Ils sont tous de la partie !

Didier Lockwood pose son violon (1956-2018)

Posté par vincy, le 19 février 2018

Le jazzman et compositeur Didier Lockwood est mort à l'âge de 62 ans dimanche 18 février. Ce violonniste virtuose, Victoire de la musique en 1985, avait composé plusieurs musiques de films: Jour après jour d'Alain Attal (1989), Lune Froide de Patrick Bouchitey (1991), Les enfants de la pluie et La reine soleil, films d'animation de Philippe Leclerc (2003 et 2007), un segment de Cinévaradaphoto, documentaire d'Agnès Varda (2004), la série télévisée Terre de lumière (2008), La frontière de l'aube de Philippe Garrel (2008), Victor Young Perez de Jacques Ouaniche (2013) et L'orchestre des aveugles de Mohamed Mouftakir (2015).

Il interprétait parfois lui-même ses morceaux. Mais en tant que musicien, il est aussi apparu aux génériques de Hiver 54, l'abbé Pierre, Max & Jérémie, Petits désordres amoureux et Asterix & Obélix contre César. Claude Lelouch a fait appel à lui pour jouer son propre personnage dans Les Parisiens (2004). Il jouait du violon dans le film du réalisateur, Courage d'aimer (2005).

En avril dernier, il était sur la scène du Théâtre de l'œuvre pour un spectacle d'improvisation "Les impromptus de Didier Lockwood", avec en invités Richard Bohringer, Didier Sandre et Mathilda May.

L'aisance avec laquelle il maîtrisait son instrument et ses mélodies cherchant toujours la juste émotion, en ont fait un musicien hors-pair. Passé par les big bands, le jazz rock de Magma, créant sa propre formation, en quête de métissages et et d'exploration musicales (de l'électro à l'Inde), il animait aussi un festival dédié aux violons. Didier Lockwood était mariée à Caroline Casadesus, chanteuse lyrique, petite-fille de la comédienne Gisèle Casadesus, récemment disparue.

France Gall débranche (1947-2018)

Posté par vincy, le 7 janvier 2018

France Gall a résisté au cinéma, mais le cinéma a eu du mal à résister aux chansons de France Gall. Malgré les propositions de Chabrol et Pialat, malgré son intérêt pour le 7e art, elle n'aura jamais été à l'écran. La chanteuse, morte ce matin à l'âge de 70 ans, était pourtant l'une des plus populaires des années 1960 aux années 1990. Qui ne connaît pas ses tubes signés Serge Gainsbourg et Michel Berger? Deux albums de diamant, 20 millions d'albums vendus (ils sont dix en France à avoir atteint ce chiffre), un Grand prix de l'Eurovision (pour le Luxembourg), deux Victoires (meilleure interprète, artiste la plus exportée), "Babou" était une figure transgénérationnelle de la culture populaire, au sens noble du terme.

Pour commencer, il faut parler de Godard. Une fois Berger au paradis blanc, elle devient la gardienne du temple de son patrimoine musical et fait revivre à travers des mixages nouveaux les chansons de leur répetroire. Pour lancer cette nouvelle carrière et rendre hommage à Berger, elle chante "Plus haut", une chanson de 1981, et demande à Godard de lui faire le clip. Et c'est une œuvre d'art en soi. Pour des questions de droits, il n'a été diffusé qu'une seule fois à la télévision. Il appartient aux collections du Centre Pompidou.

Gainsbourg avait très bien vu en Gall autre chose qu'une Lolita: "France Gall, c'est Alice au pays des merveilles, une Alice qui aurait un penchant avoué pour la littérature érotique. On ne dit pas de mal d'Alice. Ceux qui n'aiment pas France Gall se trompent".

Et justement. Sara Forestier l'a incarnée dans Gainsbourg : vie héroïque, de Joann Sfar (2010), époque "Poupée de cire, poupée de son". Joséphine Japy lui a succédé dans Cloclo, de Florent Emilio Siri (2012), où sa relation avec Claude François était racontée jusqu'à la création de "Comme d'habitude" inspiré par leur rupture.

Pour le reste, les chansons de France Gall ont été souvent utilisées dans le cinéma et pas seulement français. La séquence la plus emblématique reste signée Alain Resnais dans On connaît la chanson. "Résiste" clamait Sabine Azéma, comme un slogan, que la chanson est d'ailleurs devenue au fil du temps. Le même morceau a d'ailleurs été repris dans 20 ans d'écart de David Moreau.

Côté période Gainsbourg, les airs des sixties ont illustré des films aussi différents que Vue sur mer (By the Sea) d'Angelina Jolie ("Néfertiti"), Boulevard de la mort (Death Proof) de Quentin Tarantino et le récent Combat de profs de Richie Keen ("Laisse tomber les filles"), ou La fille d'un soldat ne pleure jamais (A Soldier's Daughter Never Cries) de James Ivory ("Teenie Weenie Boppie").

Xavier Dolan est remonté plus loin avec une chanson signée par Robert Gall, son père, auteur de "La Mamma" d'Aznavour, ("Cet air-là") dans Les amours imaginaires. Pascale Ferran dans L'âge des possibles a préféré opter pour un tube de Berger, "Babacar" (on vous défie de ne pas chanter "Où es-tu?" après avoir lu cette ligne).

Dans 40 milligrammes d'amour par jour de Charles Meurisse, on entend le tube de Starmania, "Besoin d'amour", tandis que dans Qui m'aime me suive de Benoît Cohen, c'est la fameuse "La Déclaration d'amour" qui est en bande son.

Plus ancien, on retrouve la voix de France Gall avec "Je me marie blanc" dans la BOF de Au hasard Balthazar de Robert Bresson.

On peut aussi citer la BOF de Sérieux comme le plaisir, film français réalisé par Robert Benayoun, dont Michel Berger a signé la musique et où Gall participe vocalement.

Mais on finira surtout par la chanson du générique de L'écume des jours de Michel Gondry. "Mais aime-là" (1975) y est reprise par Loane.

Faute d’amour : une oeuvre musicale originale pour accompagner le film d’Andreï Zviaguintsev

Posté par MpM, le 20 septembre 2017

C'est l'un des films les plus remarqués du dernier Festival de Cannes, d'ailleurs couronné du prix du Jury : Faute d'amour d'Andreï Zviaguintsev sort sur les écrans ce mercredi. En parallèle, on peut retrouver depuis lundi dans les bacs sa formidable bande originale composée spécialement pour le film par Evgueni et Sacha Galperine.

La particularité de cette musique est que le réalisateur ne voulait pas que les compositeurs aient vu le film ou en aient lu le scénario avant d'écrire. Ils ont donc dû travailler complètement "en aveugle" proposant leur propre interprétation de l'histoire qu'Andreï Zviaguintsev leur avait simplement racontée au téléphone. Ils n'ont ainsi pu se baser que sur leur propre interprétation du récit et sur les émotions que cela provoquait en eux.

Par exemple, pour composer le morceau 11 Cycles of E, Evgueni Galperine explique qu'il s'est d'abord « imaginé ce qui pourrait se passer dans la tête des parents dont l'enfant a disparu et quand tout leur univers se résume à une seule idée : le retrouver. Une seule idée, donc une seule note, un seul accord, un seul rythme. Je me suis donc mis au travail pour voir si je pouvais faire une musique intéressante avec autant de restrictions et ça a donné au final 11 Cycles of E , le morceau phare du film : son générique de début et de fin. »

Finalement, 4 morceaux (17 minutes) ont été utilisés dans le film, mais 9 titres (30 minutes) figurent dans le disque, comme en prolongement du film dont ils constituent eux-aussi l'univers. C'est d'ailleurs parce que le réalisateur aimait certains morceaux, qui, pour lui, faisaient complètement partie de l’univers de Faute d'amour, sans pouvoir les utiliser dans le film, qu’il a eu l’idée de produire le CD.

Et justement, la musique joue dans Faute d'amour un rôle prépondérant. Délicate et minimaliste, elle complète la mise en scène somptueuse de Zviaguintsev et renforce sa noirceur quasi romantique. C'est donc une vraie chance que de pouvoir découvrir en parallèle du film la totalité de la musique qu'il a inspirée, et qui en renforce la beauté et le mystère.

Afin de prolonger cette expérience sensorielle envoûtante, Écran Noir vous propose de gagner 5 vinyls de la BO. Pour cela, rendez-vous sur notre page Facebook.

Cannes 70 : trois petites notes de festival par le compositeur Philippe Sarde

Posté par cannes70, le 7 mai 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

En partenariat avec Cinezik, Benoit Basirico nous décrypte les musiques qui ont fait Cannes.

Aujourd'hui, J-11. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


Pour cette 70e édition, Philippe Sarde revient une 21e fois en compétition avec Rodin de Jacques Doillon. Il se souvient de sa première venue pour Les Choses de la vie, et de sa présence dans le jury en 1988, alors qu’un autre compositeur (Gabriel Yared) y participe cette année.

Philippe Sarde signe sa première B.O à 16 ans, en 1970, pour Les Choses de la vie de Claude Sautet. Et dès ce premier film, il fait son baptême du festival puisque le film est en compétition. «Claude Sautet hurlait en conférence de presse, il hurlait car il ne voulait pas aller à Cannes. Son film venait de recevoir le Prix Louis Delluc et j'avais demandé à son producteur pourquoi ils avaient laissé la mention du prix pour la projection. Il était écrit au début du film ‘ce film a obtenu le Prix Louis Delluc', et vis-à- vis de tout le monde à Cannes cela signifiait "on vous emmerde" »

Malgré son jeune âge, le compositeur avait déjà un fort tempérament et ne se privait pas de faire des remarques aux producteurs. Et à 23 ans, en 1977, il convainc Gilles Jacob d’accepter d’être délégué général du Festival : «J'étais très ami avec Gilles Jacob. Il était journaliste à l'Express. Quand il s'est fait virer du magazine, on lui a proposé de diriger le Festival de Cannes. Je me souviens, j'étais chez lui, il m'a demandé ce que j'en pensais, je lui ai tout de suite répondu que c'était une très bonne idée ! Il a été critique pendant un certain nombre d'années, et là il serait le critique des films du monde entier ! Je pensais donc qu’il devait accepter. Je suis resté auprès de lui pendant 25 ans

Après Les Choses de la vie, il reviendra ensuite une vingtaine de fois en compétition, 6 fois avec André Téchiné (Les Soeurs Bronte, Rendez-Vous, Le Lieu du Crime, Ma Saison Préférée, Les Voleurs, Les Égarés), 3 fois avec Marco Ferreri (La Grande Bouffe, Rêve de Singe, L'Histoire de Pierra), avec Roman Polanski (Le Locataire), avec Jacques Doillon - une première fois avant Rodin (pour La Pirate), Bertrand Blier (Beau Père)... ou encore pour trois films américains (Joshua Then And Now de Ted Kotcheff, Lost Angels de Hugh Hudson, L'Ami Retrouvé de Jerry Schatzberg).

Compositeur phare du cinéma français durant 6 décennies, caméléon entièrement au service de la vision cinématographique d’un metteur en scène, il a signé plus de 250 musiques de films auprès de cinéastes majeurs, car sa force est d'être d'abord un homme de cinéma avant d'être un homme de musique, d'envisager son statut comme celui d'un scénariste musical, d'entrer dans la tête du cinéaste pour lui écrire sa musique.

Il se définit lui-même comme un homme de cinéma, soucieux des films dans leur intégralité : «Les films qui sont allés à Cannes étaient des grands films. Ils ont parfois marché ou d'autres moins bien, mais ils sont tous considérés aujourd’hui comme des grands films. D'être le recordman des films sélectionnés à Cannes, j’en suis content pour les films. Je représentais pour les gens, et je crois que je représente toujours, un homme de cinéma, et de musique bien sûr mais vraiment un homme de cinéma et de musique, alors on faisait l'amalgame entre les deux. Je pense qu’un compositeur de musique, s'il n'est pas cinéphile, n'a rien à faire dans un jury. Je pense être plus cinéphile que compositeur. Concernant les musiques que j'ai faites, je pensais à la musique et au film, mais dans un endroit comme Cannes, ou Venise ou Berlin, c'est le film qui compte pour moi. Il fallait que le film soit remarqué. Par exemple cette année, j'espère que le film de Jacques Doillon Rodin sera apprécié. En plus il le mérite ! Je me suis toujours intéressé aux films quand j'étais à Cannes. J'étais là pour me battre pour les films, pas pour ma musique, je m'en moquais à la limite. Je me battais suffisamment avant pour la musique avec les producteurs, mais dans un festival je me battais pour le film

Philippe Sarde se souvient également de sa présence au jury en 1988, présidé par le cinéaste italien Ettore Scola, avec également le producteur Claude Berri, le critique David Robinson, les comédiennes Elena Safonova et Nastassja Kinski, les réalisateurs George Miller et Hector Olivera, le chef opérateur Robby Muller et le scénariste William Goldman.

«J’adorais Ettore Scola qui présidait le jury. Il y avait en compétition un film qui me plaisait beaucoup, Pelle le conquérant de Bille August, un film comme on n'en faisait plus. J'ai tout fait pour qu'il ait le prix. Je me suis battu avec tout le monde. Au jury il y avait des engueulades. Ce n'était plus le compositeur qui parlait, mais c'était l'homme de cinéma qui se battait. Nastassja Kinski, qui était assise à côté de moi, avait des hurlements car je voulais que le film ait réellement le prix. C'était l'année où j'écrivais la musique de L’Ours de Jean- Jacques Annaud, produit par Claude Berri également dans le jury. Claude s'endormait à tous les films. Ce n'était pas très grave mais le problème est quand il se réveillait, à la fin du film, il n'avait qu'un seul mot à la bouche : ‘Est-ce que tu crois que l’Ours va marcher ?’. Je le rassurais en lui disant que j'étais en train d'écrire à l'hôtel avec une pile de papier à musique. Et qu'il cesse de me le répéter à chaque fin de projection à laquelle il avait dormi ! C'était sa seule préoccupation car ce film était un gros challenge pour lui. Donc pour revenir à Pelle le conquérant, il m'a laissé mener avec Ettore Scola le débat. Et Bille August, que je n'ai jamais rencontré dans ma vie, a donc eu la Palme d'or

Cette année, le compositeur Gabriel Yared aura peut-être le même enthousiasme sur un film et le même débat avec le président Pedro Almodovar. Cela pourrait être Rodin de Doillon que le public pourra voir et écouter (il sort en salle en même temps que sa projection cannoise, et la musique de Sarde est disponible dès le 19 mai chez BOriginal). A ce propos, d’autres musiques de Philippe Sarde sortent en mai (en digital), dont 3 films présentés à Cannes : Le Locataire, La Pirate et Beau Père.

Propos de Philippe Sarde recueillis par Benoit Basirico

A voir, la vidéo de l’interview :

Damien Chazelle va vous faire chanter avec « La La Land » et « Guy & Madeline »

Posté par cynthia, le 12 mars 2017

Après avoir mené la danse aux Golden Globes, aux Baftas et aux Oscars (six statuettes malgré l'accident de la catégorie du meilleur film), La La Land a déboulé en version karaoké dans une centaine de salles en France depuis le 11 mars.

Entre tata Yvette qui adore, grand-mère, maman, le frère, le boyfriend, la girlfriend, la boulangère du coin, etc... La La Land est devenu un membre de la famille depuis sa sortie en salles en janvier dernier (2,4 millions de spectateurs en France). Cette nouveauté chantante va ravir les fans qui n'arrêtent pas d'écouter et de chanter la bande originale sous la douche (ne mentez pas, nous vous entendons d'ici!). Composée et orchestré par Justin Hurwitz (récompensé aux Golden Globes et aux Oscars) les titres City of Stars ou encore Another day of sun n'ont pas fini de vous faire chanter.

Comme une bonne nouvelle n'arrive pas seule, la bande originale de Guy and Madeline on a Park Bench sortira le 17 mars et sera disponible sur Spotify.

Avant de réaliser les films Whiplash et La La Land, Damien Chazelle a démarré sa carrière avec Guy & Madeline on a Park Bench, une comédie musicale jazz qu'il a écrite et dirigée pendant ses études à Harvard. L'histoire d'un jeune couple (une star de la trompette en devenir et une introvertie désorientée) dont la relation s'étiole malgré leur amour naissant. Deux cœurs brisés que l'espoir et le regret animent tour à tour, et qui tentent de trouver un sens à leur nouvelle vie sans l'autre... un peu un La La Land avant l'heure n'est-il pas?

Chazelle était persuadé qu'un film si centré sur le monde du jazz et de la tap dance (les claquettes) nécessitait une excellente partition. Par chance, Justin Hurwitz, son collègue d'Harvard, a été engagé pour relever le défi de composer Guy and Madeline et il s'en est sorti brillamment. Ayant eu l'honneur d'avoir écouté cette sublime bande originale, nous pouvons affirmer la réussite de Hurwitz à mettre en lumière les paroles de Damien Chazelle, en mariant les sonorités sensibles des grandes formations du début du 20ème siècle avec celles des petits groupes d'aujourd'hui.

Disponible le 17 mars prochain chez Milan Music, la bande originale de ce film illustre à la perfection la genèse d'un partenariat hollywoodien, qui a donné naissance à une multitude de classiques de l'époque moderne. En quelques notes nous voyons Damien Chazelle derrière sa caméra.

Le plus jeune réalisateur oscarisé et Justin Hurwitz n'ont pas terminé de faire vibrer nos yeux et nos tympans. Même si le prochain film de Chazelle, un biopic sur l'astronaute sur Neil Armstrong, ne sera certainement pas musical. Sortie prévue à l'automne 2018.

La La Land: un carton au box office mais aussi dans les ventes de disques

Posté par vincy, le 9 février 2017

Déjà 1 314 086 entrées en France pour La La Land. Forcément, après avoir vu le film, une grande partie des spectateurs veut réécouter la musique et les chansons.

En France le disque a gagné 23 places en deuxième semaine grâce à 6700 ventes. Classé troisième meilleure vente, la BOF a déjà trouvé 8400 acheteurs en France. Notons que le single "City of Stars" est entré dans le Top 50 la semaine dernière.

Il n'y a pas qu'en France que la bande originale cartonne puisqu'aux Etats-Unis, huit semaines après sa sortie, la musique est toujours dans le Top 10 après avoir atteint un sommet à la deuxième place au moment de la révélation des nominations aux Oscars. Le cap des 200 000 albums vendus est en passe d'être franchi.

Au Royaume Uni, le disque est carrément la meilleure vente cette semaine après des semaines dans le Top 10. La BOF est dans les meilleures ventes également en Allemagne et en Espagne.