L’instant Court : Retour sur 10 films marquants de l’année 2011

Posté par kristofy, le 30 décembre 2011

Comme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après le court-métrage d’animation Noël au rabais, voici l’instant Court n° 61.

La fin d’année est par tradition le moment des bêtisiers et des bilans, et le blog Ecran Noir d’ailleurs condense ici mois par mois les principaux évènements de 2011. On évitera de se souvenir des pires films vus pour plutôt garder en mémoire les meilleurs films qui nous ont enthousiasmé. A noter que des titres peuvent trouver leur place d’ailleurs dans les deux catégories, comme par exemple Tree of life de Terrence Malick…

Difficile de ne retenir que dix films quand certaines semaines c’est plus d’une quinzaine de nouveaux films qui arrivent à l’affiche ! L'exercice est forcément subjectif, et voici un florilège (sans aucun ordre) qui cite à la fois des films parmi les plus remarqués de l'année, mais aussi d’autres qui ont réussi à surprendre.

Voila donc Retour sur 10 films marquants de l’année 2011, un instant court spécial avec un montage d’images de dix films qui ont compté en 2011. Black swan de Darren Aronofsky, Voir la mer de Patrice Leconte (son interview ici),  Balada triste de Alex de la Iglesia, J'ai rencontré le Diable de  Kim Jee-Woon, Attack the block de  Joe Cornish, Submarine de Richard Ayoade,  Melancholia de Lars Von Trier, La guerre est déclarée de Valérie Donzelli, Drive de Nicolas Winding Refn, The artist de Michel Hazanavicius (son interview ici).

Et vous, quel est votre top 10 ? Vous pouvez le proposer sur notre page facebook.

Crédit photo : image modifiée, d’après un extrait du film Retour sur 10 films marquants de l’année 2011.
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Retour sur la « Balada triste » d’Alex de la Iglesia, doublement primé à Venise

Posté par kristofy, le 15 septembre 2010

Alex de la Iglesia est de retour en Espagne après son escapade anglaise de Crimes à Oxford, et cette fois, il commence son nouveau film Balada triste de trompeta par une déclaration de guerre à Franco ! L’introduction, très drôle, nous fait découvrir deux clowns qui font rire les enfants avant que le spectacle ne soit interrompu par des hommes armés à la recherche de recrues, puis il nous montre une scène de guerre très impressionnante. On est surpris de cette ampleur visuelle inédite chez le réalisateur, mais très vite, reviennent son style et son comique bien reconnaissables.

Un exemple : les fascistes victorieux organisent un peloton d’exécution sommaire où les malheureux combattants ont encore le temps de lancer un ultime cri avant d’être abattus.
-"Vive la république !", s'exclame le premier avant de s'effondrer sous les balles.
-"Vive le cirque !", lance le second avant de tomber à son tour.

Et Quentin Tarantino, président du jury,  éclate de rire au milieu de la salle, comme tant d’autres spectateurs. Quelques jours plus tard le jury délivrera un palmarès controversé, où Alex de la Iglésia apparaît en grand gagnant de la Mostra de Venise 2010 avec une double récompense : Lion d’argent (mise en scène) et prix du scénario.

Ce nouveau film de Alex de la Iglesia marque donc à la fois un retour aux sources avec un humour ravageur dans la représentation de la violence ; mais c'est aussi un film-somme de sa carrière avec tout ce qui marque son parcours (Mes chers voisins, Le crime farpait…) : une exubérance de chaque instant où les personnages finissent par perdre conscience de la portée de leurs actes. Les plus attentifs pourront entendre une réplique qui fait un clin d’œil au jour de la bête, ses fans remarqueront que les grandes lignes du scénario sont plutôt semblables à Mort de rire.

Si Balada triste commence avec la période historique de l’arrivée au pouvoir de Franco, la véritable histoire démarre ensuite réellement 25 ans plus tard et semble se détacher de tout contexte politique (sauf pour quelques séquences). Il s’agit en effet de la rivalité exacerbée entre deux hommes pour gagner l’amour d’une belle acrobate. Jusque là rien de très original, si ce n'est que le premier est un clown au nez rouge,  celui qui fait rire les enfants, et que le second est son faire-valoir, le clown triste et (anti)héros du film.  La belle joue un peu avec ses deux prétendants mais les choses vont dégénérer en une lutte mortelle entre eux. L’humour noir jouissif devient vitriol quand des visages sont mutilés à coups de trompette ou de fer à repasser, et Alex de la Iglesia nous emmène ensuite vers une démence stupéfiante.

L'impuissance comme moteur

Que ne ferait-on pas pour les beaux yeux d’une femme ? Il s’agit d’abord d’espérer se faire aimer, et progressivement les deux clowns rivaux vont faire n’importe quoi pour se l’accaparer comme un trophée. Si on connaissait Alex de la Iglesia pour son goût des situations poussées à leur paroxysme, on découvre cette fois un peu plus son penchant pour le nihilisme tiré à l’extrême. La séduisante acrobate libre comme l’air est en fait soumise à la convoitise et à la brutalité des hommes. Une blonde un peu idiote par qui le malheur arrive et qui finira par le payer. Rien de très féministe, donc...

Dans le film, c’est d'ailleurs une femme qui apprécie de l’amour surtout le sexe et peu les sentiments, une héroïne à l’opposé du romantisme, ce qui rend encore plus vain le duel entre ses deux prétendants.   La résistance au régime de Franco semble tout aussi vaine avec une scène de chasse humiliante, de plus communistes, républicains et fascistes vont se retrouver à égalité dans une fosse commune…

Le film résonne d’une impuissance à se faire aimer et d’une impuissance à agir politiquement, et le réalisateur exploite le mythe du clown qui fait rire les enfants pour le transformer en monstre qui fait peur avec des mitraillettes.

Balada triste est complètement foutraque et invraisemblable, flirtant avec le mauvais goût, mais on peut aussi y voir une allégorie truffée de références au franquisme et à la guerre civile. C’est un film sombre, et aussi trop gargantuesque :  on est à la limite de l’indigestion vers la fin. Alex de la Iglesia, lui, rayonne : il fait avancer son récit à toute vitesse et dans tout les sens, la violence exacerbée est éprouvante, l’esbroufe devient de l’irrévérence. En un mot, il s'amuse, et rétrospectivement Balada triste apparaît comme une des surprises les plus jubilatoires de Venise. De là à lui accorder un double prix...

Venise 2010 : Lion d’or pour Sofia Coppola et palmarès controversé

Posté par MpM, le 12 septembre 2010

Les possibilités étaient nombreuses et les pronostics relativement ouverts, mais c'est assurément un palmarès inattendu et surprenant qu'ont rendu Quentin Tarantino et les membres du jury de la 67e Mostra. S'il est toujours possible de gloser sans fin (et sans réel intérêt) sur un choix forcément subjectif, tenant plus du compromis entre 7 personnes très différentes que de l'étude scientifique, on est tout de même en droit dans ce cas précis d'être déçu par le résultat des délibérations car il ne reflète absolument pas la diversité et la qualité d'une sélection unanimement saluée.

Admettons que le Lion d'or décerné à Somewhere de Sofia Soppola n'ait rien à voir avec le copinage : Tarantino et elle ont eu une liaison par le passé, mais on peut laisser au réalisateur le bénéfice du doute. Après tout, c'est un très joli film, touchant, presque plus réussi dans sa fragilité que ses précédents longs métrages. D'autant que les oeuvres favorites de la critique, qui ont plus la "carrure" d'un Lion d'or, comme The ditch de Wang Bing ou Post Mortem de Pablo Larrain, semblaient peut-être des choix trop évidents. Mais de là à les évacuer totalement du palmarès final...

Peu de films dignes d'être récompensés ?!

Même chose pour le double prix accordé à Alex de la Iglesia. Mise en scène, pourquoi pas. Il y avait pas mal d'autres possibilités (Darren Aronofsky, Abdellatif Kechiche, Takashi Miike...), mais on peut aimer ce style visuel excentrique et radical. Par contre, impossible de cautionner le prix du scénario quand justement le film semble n'en avoir aucun, se résumant à une banale histoire de rivalité amoureuse dérivant en règlement de comptes sanglant. Pourquoi, dans ce cas, ne pas choisir de récompenser l'un des autres bons films de la sélection ? Black swan, Post mortem, Silent souls... les candidats ne manquaient pas. L'autre double prix récompensant Essential killing de Jerzy Skolimowski (prix du jury et prix d'interprétation masculine) a également de quoi faire grincer des dents, parce qu'il donne vraiment l'impression que le jury a trouvé peu de films dignes d'être récompensés.

Enfin, les deux prix d'interprétation féminines semblent presque une blague : tout le monde attendait (à raison) Natalie Portman dans Black Swan, et c'est finalement celle qui interprète son amie dans le film, Mila Kunis, qui est récompensée, pour un second rôle somme toute sans éclat, par un prix de la "jeune actrice"... prix que l'on espérait voir revenir à Yahima Torrès dans Vénus noire d'Abellatif Kechiche.

Ce qui est relativement dommage, et  injuste, c'est qu'avec un tel palmarès, cette 67e édition de la Mostra de Venise risque de rester en mémoire comme un festival plutôt moyen. Exactement le contraire de Cannes qui a été sauvé par un palmarès ayant réussi à mettre en avant le meilleur d'une compétition pourtant en demi-teinte.

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Le palmarès 2010

Lion d'or
Somewhere de Sofia Coppola

Lion d'argent (prix de la mise en scène)
Alex de la Iglesia pour Balada triste de trompeta

Prix du jury
Essential killing de Jerzy Skolimowski

Prix du meilleur acteur
Vincent Gallo pour Essential killing

Prix de la meilleure actrice
Ariane Labed pour Attenberg

Prix de la meilleure jeune actrice
Mila Kunis dans Black swan

Prix de la meilleure photo
Le Dernier voyage de Tanya de Aleksei Fedorchenko

Prix du meilleur scénario
Alex de la Iglesia pour Balada triste de trompeta

Lion spécial pour l'ensemble de sa carrière
Monte Hellman