Andrzej Zulawski (1940-2016): l’important fut de filmer

Posté par vincy, le 17 février 2016

Andrezj Zulawski a succombé à son cancer à l’âge de 75 ans. Né le 22 novembre 1940 à Lviv, à l’époque ville soviétique, aujourd’hui cité ukrainienne, le cinéaste a fait ses études en France avant de rejoindre la Pologne où il a fait ses premiers pas de réalisateurs. Ce fils de diplomate, auteur de drames passionnels, poussant ses actrices jusqu’à l’hystérie émotionnelle, est revenu en France pour fuir la censure. Il donne quelques uns des plus beaux rôles à Romy Schneider, Isabelle Adjani et Sophie Marceau, jeune star qui a 26 ans de moins et qui devient son épouse et le père de son fils Vincent. Ils vivent ensemble durant 17 ans et tournent quatre fois ensemble.

Après deux courts métrages dans les années 1960, Zulawski réalise son premier long, La troisième partie de la nuit en 1971, tragédie psychologique qui se déroule durant la seconde guerre mondiale. Il enchaîne avec Le Diable, drame où le chaos d’une guerre pousse un jeune noble à la démence et au crime. En 1975, il arrive en France et signe L’important c’est d’aimer, sans aucun doute son film le plus intense. Il transcende Romy Schneider en lui offrant son rôle le plus marquant. La star semble habitée par ce personnage, mise en abime du double je / double jeu. Elle récolte le César de la meilleure comédienne. Et le cinéphile retient à jamais ses yeux en larmes, suppliant qu'on arrête de la voir...

Six ans plus tard, c’est Isabelle Adjani qui élève son jeu, déjà brillant, dans Possession. Là encore, le réalisateur signe un film où l’amour n’est pas heureux. Drame de la jalousie pas ordinaire – une constante de toute sa filmographie – Possession vaut un prix d’interprétation à Cannes et un César de la meilleure actrice à Adjani. Comme souvent, le cinéaste a puisé dans sa vie pour écrire le scénario. Un divorce douloureux et l’interruption brutale du tournage du film Sur le globe d’argent (qui sortira finalement en 1988 , inaccompli) l’ont poussé vers une dépression. De ce film d’anticipation, il reste une étrange créature tentaculaire, créée par Carlo Rambaldi, le père des extra-terrestres de Spielberg. Traumatisée par le tournage, Adjani, qui ne voulait pas faire ce film aux limites du fantastiques, et qui a été convaincue par son compagnon d’alors le chef opérateur Bruno Nuytten, a toujours regretté ce film si important dans sa carrière.

Avec La Femme publique (Valérie Kaprisky), en 1984, le réalisateur continue de filmer des femmes volages, pas très loin de la prostitution, toujours apte au dédoublement de personnalité. Comme le personnage de Romy dans L’important c’est d’aimer, celui de Kaprisky est une comédienne médiocre. On reproche alors à Zulawski une certaine volonté d’humilier les femmes, une misogynie, et sur les plateaux, un comportement tyrannique.

L’année suivante, il fait tourner son épouse. Sophie Marceau est en pleine ascension, la petite française préférée de l’Hexagone, déjà. Mais après Pialat et Police, elle persévère à vouloir aller vers des cinémas plus périlleux que des comédies populaires. L’amour braque est encore une histoire de pute. Le film est interdit aux moins de 12 ans. Et le public rejette Marceau, qu’il ne veut pas voir en lolita manipulée par un « vieux pervers ». Leur couple tiendra bon malgré le quand-dira-t-on. Marceau et lui tournent ensuite Mes nuits sont plus belles que vos jours, autodestruction programmée de deux êtres à la dérive.

Toujours féru de littérature russe, il adapte Boris Godounov en 1989 puis réalise un biopic sur Frédéric Chopin et George Sand en 1991, La note bleue, avec Marie-France Pisier et Sophie Marceau. Films mineurs, tout comme Chamanka en 1996, qui marquent le déclin artistique d’un cinéaste qui tourne un peu en rond. Il essaie de rebondir avec La fidélité en 2000. Il y retrouve ses principaux thèmes : la photographie, la jalousie, la maladie, l’infidélité, les métiers immoraux. Ultime déclaration d’amour à sa femme, le film scellera aussi le divorce avec Sophie Marceau, qui, pourtant, n’a jamais été aussi désirable que sous l’œil averti de son mari. Le film se fait en symbiose : elle donne l’idée de transposer La Princesse de Clèves, trouve les producteurs et lui écrit, réalise… Ultime enfant né de leur alchimie incomprise.

Comme un baroud d’honneur, après avoir sombré dans l’ennui, se désespérant d’un cinéma européen sans intérêt ou de ces grands festivals meurtriers, il revient quinze ans plus tard avec le surréaliste Cosmos, sorti en décembre dernier. Locarno lui a décerné un prix (presque honorifique) du meilleur réalisateur). Le cinéaste a rarement été récompensé (La femme publique est son film qui a été le plus primé) et a souvent divisé la critique. Ses œuvres controversées, violentes, exigeantes artistiquement ont avant tout sublimé des comédiennes magnifiques. « Je fais des films sur des sujets qui me torturent et les femmes me servent de moyen pour les exprimer » disait-il.

Le plus bel éloge revient quand même à son ex : « Dans les films d'Andrzej par exemple, il y a à la fois un côté techniquement parfait, très moderne visuellement et très bien fabriqué, et en même temps un élan, quelque chose qui n'appartient qu'à lui, comme un coeur qui s'ouvre » expliquait Sophie Marceau en 2000.

Locarno 2015 couronne le cinéaste sud-coréen Hong Sang-Soo

Posté par MpM, le 16 août 2015

leopard d'or pour Hong Sang Soo

Preuve que quelques titres se détachaient nettement de la compétition 2015, le jury du  68e festival de Locarno, composé d’Udo Kier, Nadav Lapid, Daniela Michel, Jerry Schatzbeg et Moon So-ri, a réparti les prix principaux entre seulement quatre films parmi la petite vingtaine sélectionnée.

C'est ainsi Hong Sang-soo qui reçoit le léopard d'or, récompense suprême de la manifestation suisse, pour son nouveau film Right Now, Wrong Then. Le film a également été couronné d'un prix d'interprétation pour l'acteur Jung Jae-young. Pour le réalisateur coréen, c'est une suite presque logique puisqu'il recevait il y a deux ans ici même le prix de meilleur réalisateur pour Sunhi.

Son nouvel opus, qui raconte l'une après l'autre deux histoires identiques (un cinéaste arrive dans une ville avant une projection-débat et rencontre une jeune fille peintre) en les rendant totalement différentes, s'inscrit globalement dans la lignée de toute la filmographie de Hong Sang-soo. Il n'a malheureusement pas encore de date de sortie en France.

Par ailleurs, Tikkun de l'Israélien Avishai Sivan reçoit le Prix spécial du jury et une mention spéciale pour la photographie, Andrzej Zulawski est distingué comme le meilleur réalisateur de l'édition pour Cosmos et Happy hour, fresque de plus de 5h de la Japonaise Hamaguchi Ryusuke, reçoit à la fois un prix collectif d'interprétation pour ses quatre actrices et une mention spéciale pour son scénario.

Dans les autres sections, on notera notamment le prix du public pour le film allemand Der Staat gegen Fritz Bauer de Lars Kraume et deux belles récompenses pour des films français : le prix de la presse internationale pour Suite armoricaine de Pascale Breton et le Variety Piazza Grande pour La belle saison de Catherine Corsini, qui succède à Jean-Pierre Améris et son Marie Heurtin.

Compétition officielle

Léopard d'or
Right Now, Wrong Then de Hong  Sangsoo (Corée du Sud)

Prix spécial du jury
Tikkun de Avishai Sivan (Israël)

Prix pour la meilleure réalisation
Andrzej Zulawski pour Cosmos (France/Portugal)

Prix collectif de la meilleure actrice
Tanaka Sachie, Kikuchi Hazuki,  Mihara Maiko et Kawamura Rira pour Happy hour de Hamaguchi Ryusuke (Japon)

Prix du meilleur acteur
Jung Jae-young pour Right Now, Wrong Then de Hong Sangsoo (Corée du Sud)

Mentions spéciales
- pour le scénario de Happy hour de Hamaguchi Ryusuke (Japon)
- pour la photographie de Shai Goldman dans Tikkun de Avishai Sivan (Israël)

Section Cinéastes du présent

Léopard d'or
Thithi de Raam Reddy (Inde/États-Unis/Canada)

Prix spécial du jury Ciné+
Dead slow ahead de Mauro Herce (Espagne/France)

Prix pour le meilleur réalisateur émergent
Kaili Blues de Bi Gan (Chine)

Premiers films

Prix pour le meilleur premier film
Thithi de Raam Reddy (Inde/États-Unis/Canada)

Art Peace Hotel Award
Sina Ataeian Dena pour Paradise (Iran/Allemagne)

Mentions spéciales
- Kaili Blues de BI Gan (Chine)
- Kiev/Moscow, Part 1 de Elena Khoreva (Russie/Estonie/Ukraine)

Autres prix

Prix FIPRESCI
Suite armoricaine de Pascale Breton (France)

Prix du Public
Der Staat gegen Fritz Bauer de Lars Kraume (Allemagne)

Prix Variety Piazza Grande
La belle saison de Catherine Corsini (France)

Locarno 2015: Andrzej Zulawski, Hong Sangsoo, Chantal Ackerman en compétition

Posté par vincy, le 15 juillet 2015

Locarno se lance dans la mêlée avec un programme très éclectique. Une rétrospective intégrale de Sam Peckinpah, une multitude de prix déjà annoncés (Michael Cimino, Marco Bellocchio, Edward Norton, Bulle Ogier), un focus sur le cinéma israélien, la section Open Doors du marché consacrée au cinéma de Maghreb, et finalement des films venus du monde entier répartis dans les différentes sélections. Sont donc attendus Chantal Akerman, Sabine Azéma, Lionel Baier, Clotilde Coureau, Philippe Falardeau, Cécile de France, Stéphane Goël, HONG Sangsoo, Patrick Huard, Anurag Kashyap, Marthe Keller, Udo Kier, Philippe Le Guay, Carmen Maura, Clémence Poésy, Melvil Poupaud, Jerry Schatzberg, Andrea Segre, Claire Simon, et Andrzej Zulawski.

Lors de la conférence de presse ce matin, trois autres prix ont été annoncés: le comédien et réalisateur américain Andy Garcia (Leopard Club Award), le cinéaste géorgien Marlen Khoutsiev (Léopard pour l'ensemble de sa carrière) et le comédien suisse Teco Celio (Prix Cinema Ticino). La 68° édition du Festival du film Locarno se tiendra du 5 au 15 août 2015.

Compétition

  • BELLA E PERDUTA de Pietro Marcello (Italie)
  • BRAT DEJAN (Brother Dejan) de Bakur Bakuradze (Russie)
  • CHEVALIER de Athina Rachel Tsangari (Grèce)
  • COSMOS d'Andrzej Zulawski (France)
  • ENTERTAINMENT de Rick Alverson (USA)
  • HAPPY HOUR de Ryusuke Hamaguchi (Japon)
  • HEIMATLAND dey Lisa Blatter, Gregor Frei, Jan Gassmann, Benny Jaberg, Carmen Jaquier, Michael Krummenacher, Jonas Meier, Tobias Nölle, Lionel Rupp et Mike Scheiwiller (Suisse)
  • JAMES WHITE de Josh Mond (USA)
  • JIGEUMEUN MATGO GEUTTAENEUN TEULLIDA (Right Now, Wrong Then) de HONG Sangsoo (Corée du sud)
  • MA DAR BEHESHT (Paradise) de Sina Ataeian Dena (Iran)
  • INO HOME MOVIE de Chantal Akerman (France)
  • O FUTEBOL de Sergio Oksman (Espagne)
  • SCHNEIDER VS. BAX d'Alex van Warmerdam (Pays Bas)
  • SUITE ARMORICAINE de Pascale Breton (France)
  • SULANGA GINI ARAN (Dark in the White Light) de Vimukthi Jayasundara (Sri Lanka)
  • TE PROMETO ANARQUÍA de Julio Hernández Cordón (Mexique)
  • THE SKY TREMBLES AND THE EARTH IS AFRAID AND THE TWO EYES ARE NOT BROTHERS de Ben Rivers (Royaume Uni)
  • TIKKUN d'Avishai Sivan (Israël)

Sur la Piazza Grande, RICKI AND THE FLASH de Jonathan Demme, avec Meryl Streep ; LA BELLE SAISON de Catherine Corsini ; DER STAAT GEGEN FRITZ BAUER de Lars Kraume ; SOUTHPAW d'Antoine Fuqua ; TRAINWRECK de Judd Apatow ; JACK de Elisabeth Scharang ; FLORIDE de Philippe Le Guay ; GUIBORD S’EN VA-T-EN GUERRE de Philippe Falardeau ; BOMBAY VELVET d'Anurag Kashyap; AMNESIA de Barbet Schroeder ; LA VANITÉ de Lionel Baier ; QING TIAN JIE YI HAO (The Laundryman) de LEE Chung ; ME AND EARL AND THE DYING GIRL de Alfonso Gomez-Rejon ; et en clôture HELIOPOLIS de Sérgio Machado...
Award Ceremony

Dans la sélection Cinéastes du présent, notons le film de Vincent Macaigne (Dom Juan), Le Grand jeu de Nicolas Pariser avec Melvil Poupaud, André Dussollier et Clémence Poésy ou encore le film québécois Les êtres chers d'Anne Émond. Dans la sélection Cinémas de demain, on retrouve Claire Simon (Les bois dont les rêves sont faits) et l'algérien Malek Bensmaïl (Contre-pouvoirs).

Lumière 2011 : Andrej Zulawski rencontre Andrej Zulawski

Posté par Morgane, le 6 octobre 2011

Andrej Zulawski est venu à Lyon pour présenter lui-même son film L’important c’est d’aimer avec Romy Schneider, Fabio Testi et Jacques Dutronc, qui tient ici le rôle d’un homme surprenant et déstabilisant qu’il incarne à merveille.

Andrej Zulawski nous a alors raconté une petite anecdote assez marrante qui date de la sortie de son film en 1975. Quand le film est sorti, il n’a été projeté que dans une seule salle parisienne, le Colisée (aujourd’hui disparu). Et le soir-même, Andrej Zulawski reçoit un coup de téléphone du directeur de la salle, ravi, qui le remercie pour ce film en lui disant : « pour la première fois depuis La règle du jeu les gens se battent dans la salle ».

Cela pour montrer que le succès du film n’a pas vraiment été immédiat. « Certains voulaient encore plus de révolte tandis que d’autres voulaient la Romy Schneider d’avant en petites socquettes blanches ».

Adaptation du roman La nuit américaine de Christopher Frank, Andrej Zulawski filme sublimement une Romy Schneider au sommet de sa gloire à la ville dans le rôle d'une comédienne ratée à l’écran. Le réalisateur nous a rappelé la force de la féminité de cette actrice hors du commun que l’on aperçoit dès les premières minutes du film lorsque la caméra se rapproche de ce visage tristement en pleurs. Et lui-même de dire : « quand le visage de Romy apparaît à l’écran de plein fouet, je suis aujourd’hui encore chamboulé ».