Jean-Pierre Marielle nous quitte (1932-2019)

Posté par vincy, le 24 avril 2019

Le comédien Jean-Pierre Marielle est décédé mercredi à l'âge de 87 ans, a annoncé dans la soirée sa famille à l'AFP. Il était l'un des mousquetaires de la bande du conservatoire qui comprenait Jean-Paul Belmondo, Jean Rochefort, Annie Girardot, son amie de toujours, Bruno Cremer, Claude Rich, Françoise Fabian, Pierre Vernier et Michel Beaune. Belmondo, Fabian et Vernier sont aujourd'hui les derniers survivants.

[Portrait] Jean-Pierre Marielle: Un homme heureux

Né le 12 avril 1932, Jean-Pierre Marielle venait de fêter ses 87 ans. On a en tête son regard plein de malice, sa voix grave et chaude, caverneuse, un sourire charmeur qui pouvait se muer en rire tonitruant, sa silhouette de grand dandy, entre virilité et vulnérabilité qui lui ont permis d'incarner des rôles très différents, de la farce au drame, des navets aux grands films. "Certains trouvent que j'ai une tête d'acteur. Moi pas. J'ai une tête de rien. Au fond, c'est peut-être le mieux pour être comédien, une tête de rien pour tout jouer" écrivait l'acteur dans son autobiographie. Il avait ses humeurs, il était taciturne, il jouait de son physique, à la fois grand et moyen, comme de son mystère, son secret comme de ses colères et de ses angoisses.

S'il a été évincé de la Nouvelle Vague, la maturité l'a aidé à trouver de grands rôles par la suite. Sept fois nommé aux Césars (et toujours snobé) entre 1976 et 2008, deux fois primé par le Syndicat de la critique, Molière du meilleur comédien, Prix Lumières d'honneur, Marielle était éminemment populaire, tout en étant respectable. Trop souvent résumé à une grande gueule du cinéma français, ce fils d'industriel et de couturière, a très tôt attrapé le virus des planches, dès le lycée.

Après le Conservatoire - 2e prix de comédie - et les petits théâtre, il opte pour le cabaret, avec un certain Guy Bedos. Au cinéma, les rôles sont décevants. Il faudra qu'il attende la trentaine, alors que Belmondo triomphe déjà dans les salles. Si au cinéma, c'est plutôt un drame qui le révèle (Climats, 1962, avec Marina Vlady), c'est bien dans la comédie qu'il va exceller.

Dans les années 1960, il enchaîne Faites sauter la banque ! de Jean Girault, Week-end à Zuydcoote de Henri Verneuil, Monnaie de singe d'Yves Robert, Tendre Voyou de Jean Becker, Toutes folles de lui de Norbert Carbonnaux, Les Femmes de Jean Aurel. Mais c'est Philippe de Broca qui va le mieux exploiter son excentricité. Après Un monsieur de compagnie en 1964, il incarne un dragueur un peu beauf et frimeur, play-boy proche du ridicule, dans Le Diable par la queue.

Les années 1970 seront plus passionnantes pour le comédien, passant de la noblesse au père de famille libidineux, d'un homme en quête de bonheur à un père protecteur, d'ogre à policier, en passant par un double rôle de proxénète et de militaire. Il devient une tête d'affiche et aligne les grands noms du cinéma français dans sa filmographie, même du côté des oubliables (de Audiard à Mocky).

Les Caprices de Marie de Philippe de Broca, Quatre mouches de velours gris de Dario Argento, Sans mobile apparent de Philippe Labro, Que la fête commence de Bertrand Tavernier, Dupont Lajoie d'Yves Boisset, Les Galettes de Pont-Aven de Joël Séria, film iconique de sa carrière... Il tourne trois fois chez Claude Berri (Le pistonné, Sex-shop, Un moment d'égarement). Et fait la rencontre de Bertrand Blier (Calmos, 1976).

En revoyant certaines scènes, la palette de ses rôles (et des métiers qu'il a incarné), on se rend compte qu'il était immense, capable de jouer le misérable comme l'aristocrate, le Français sympathique avec un béret ou celui plus rigide dans son uniforme. Il pouvait être dépressif ou humaniste, hypocrite ou déjanté, jouant pour jouer et donnant ses lettres de noblesses au jeu plutôt qu'au je.

Marielle a eu des flops, mais avec son double rôle dans Coup de torchon de Bertrand Tavernier, les succès de Signes extérieurs de richesse de Jacques Monnet et Hold-up de Alexandre Arcady, sa sensibilité dans Quelques jours avec moi de Claude Sautet, son charisme en nanti déprimé dans Tenue de soirée de Bertrand Blier, il survole les années 1980 sans trop de maux.

Il apprécie les films de groupes: ainsi, il retrouve en 1990 Claude Berri pour Uranus, s'amuse dans Les Grands Ducs de Patrice Leconte, s'intègre dans Une pour toutes de Claude Lelouch et se joue lui-même dans Les Acteurs de Bertrand Blier. Avec ce dernier, il touche au cœur dans Un, deux, trois, soleil. Il fait aussi un pas de côté avec Max et Jérémie de Claire Devers. Noiret, Rochefort sont toujours autour. Il croise aussi Depardieu, Auteuil, Cassel. Il passe de Parillaud à Paradis, de Bonnaire à Sagnier, d'une génération à l'autre.

Mais son grand film restera à jamais Tous les matins du monde d'Alain Corneau, où il interprète un compositeur mutique du XVIIe siècle, Monsieur de Sainte-Colombe, connu pour son austérité et sa sévérité. Le film attire plus de 2 millions de spectateurs en France et la BOF de Jordi Savall est un phénomène cette année là.

Depuis 4 ans, Jean-Pierre Marielle ne tourne plus. Les années 2000 n'auront pourtant pas été moins éclectiques. La Petite Lili de Claude Miller, Demain on déménage de Chantal Akerman, Les Âmes grises d'Yves Angelo, Da Vinci Code de Ron Howard (soit son plus gros succès au box office mondial), qui ouvre Cannes en 2006, Faut que ça danse ! de Noémie Lvovsky, Micmacs à tire-larigot de Jean-Pierre Jeunet et les voix d'Auguste Gusteau dans Ratatouille en VF et celle du vilain dans Phantom Boy en 2015, dernier générique où il est crédité.

On l'a aussi vu dans le deuxième épisode de Capitaine Marleau et surtout au théâtre, son lieu qu'il n'a jamais abandonné. Il y a joué Molière, Ionesco, Ustinov, Giraudoux, Feydeau, Pirandello, Pinter, Stoppard, Anouilh, Tchekhov, Claudel, Guitry et y a lu la correspondance de Groucho Marx des Marx Brothers. Amoureux de jazz et de poésie, il avait toujours une musique en tête, un air ou des mots.

Sacré carrière. Pourtant, dans son livre, Le grand n'importe quoi (2010), il disait "vouloir vivre entre deux mondes, et de préférence plutôt du côté de la rêverie, ce qui est assez contradictoire avec toute velléité de carrière, c'est-à-dire de travail. " Ce qu'il cherchait c'était la rencontre. Même s'il nuançait. "Je prends beaucoup de plaisir à la conversation et n'aime rien tant qu'on me foute la paix : je suis un misanthrope mondain, un solitaire bavard" écrivait-il. Comme Marielle aimait le dire, "La communication silencieuse est un idéal." Alors silence.

Disparition de la monteuse Marie-Josèphe Yoyotte, trois fois césarisée

Posté par vincy, le 23 juillet 2017

Marie-Josèphe Yoyotte, l'une des grandes monteuses du cinéma français, est morte le 17 juillet dernier, dans l'indifférence générale. Née le 5 novembre 1929, cette antillaise de mère bretonne fut la première monteuse noire du cinéma français.

Elle aura cependant attendu 1981 pour découvrir la Martinique de son père, à l'occasion des repérages du film Rue Case-Nègre d'Euzhan Palcy (César du meilleur premier film, quatre fois primé à Venise). Marie-Josèphe Yoyotte a été l'une des techniciennes les plus récompensées aux César. Elle obtiendra le trophée pour Police Python 357 en 197, pour Microcosmos en 1997 et pour Le peuple migrateur en 2002. Elle avait aussi été nommée pour Le sauvage en 1976 et pour Tous les matins du monde en 1992.

Son œuvre est éclectique. Outre des documentaires environnementaux somptueux et les fresques historiques télévisées de Josée Dayan (Les liaisons dangereuses, Les misérables, Le Comte de Monte Cristo et Balzac), elle a monté des comédies comme des polars, des films à grand spectacle comme des drames.

Les 400 coups, Diva, La Boum ...

Parmi sa riche filmographie, travaillant régulièrement avec Alain Corneau, Jean-Paul Rappeneau et Claude Pinoteau, on lui doit les montages de Je vous trouve très beau, Laisse tes mains sur mes hanches, Le prince du Pacifique, Himalaya - l'enfance d'un chef, Les palmes de M. Schutz, Siméon, Génial, mes parents divorcent!, L'étudiante, L'été en pente douce, La Boum et La boum 2, Tout feu, tout flamme, Diva, Le grand escogriffe, La gifle, Le distrait, La guerre des boutons et Les quatre cents coups.

Elle avait pris sa retraite il y a 10 ans, après un ultime coup de ciseau au Deuxième souffle d'Alain Corneau.

Fin de vadrouille pour Marie Dubois (1937-2014)

Posté par redaction, le 15 octobre 2014

marie duboisMarie Dubois est morte à l'âge de 77 ans ce mercredi 15 octobre, près de Pau. Elle était jolie, talentueuse, avec ce visage un peu moderne des Annie Girardot dans les années 60. Elle aura donné la réplique aux plus grands: Belmondo, Trintignant, Depardieu, Moreau, Huppert, Brasseur, Montand, De Funès, Noiret, Giannini, Kinski, Blier, Piccoli, Brynner, Fonda (père et fille), Lafont, Ventura, Lollobrigida, Simon...

Mais une sclérose en plaques la ronge depuis ses 23 ans et l'oblige a, progressivement, quitté les plateaux de cinéma depuis le milieu des années 80.

Dans un entretien au site Doctissimo, le 25 février 2003, elle explique: « J'avais 23 ans lorsque la maladie s'est déclarée. C'était après le tournage du film de François Truffaut Tirez sur le pianiste. Heureusement, cette première alerte n'a pas été trop sévère et je me suis empressée de l'oublier ; mais la maladie, elle, ne m'a pas oubliée Elle m'a rattrapée après le tournage de La menace, avec Alain Corneau, quelques vingt ans plus tard. Ces années de répit m'ont permis de mener à bien ma carrière sans que la maladie ne soit omniprésente. »

Née Claudine Huzé le 12 janvier 1937 à Paris, elle débute avec la Nouvelle vague, tournant avec Eric Rohmer (Signe du lion, 1959), Jean-Luc Godard (Une femme est une femme, 1961) et François Truffaut (Tirez sur le pianiste, 1960, Jules et Jim, 1962). Truffaut fut son mentor. C'est lui qui a choisi son nom de scène (emprunté à un roman de Jacques Audiberti, intitulé Marie Dubois).

La Grande Vadrouille et douze ans plus tard un césar

Après ses débuts, Marie Dubois, actrice capable d'être tragédienne et dramatique autant que comique, va alterner les grands succès populaires et les grands auteurs: Week-end à Zuydcoote d'Henri Verneuil, La Chasse à l'homme d'Édouard Molinaro, La Ronde de Roger Vadim, Les Grandes Gueules de Robert Enrico, Le Voleur de Louis Malle et bien entendu La Grande Vadrouille de Gérard Oury en 1966.

De 1967 à 1973, elle tourne souvent, mais les films sont moins remarquables. On la voit quand même dans Gonflés à bloc avec Tony Curtis, Bourvil et Mireille Darc et elle obtient le prix d'interprétation de l'Académie Nationale du Cinéma pour son rôle dans Les Arpenteurs en 1972.

En 1973, lle retrouve alors un second souffle, avec Le Serpent d'Henri Verneuil, Vincent, François, Paul et les autres de Claude Sautet, L'innocent de Luchino Visconti, La Menace d'Alain Corneau, qui lui vaudra un César du meilleur second rôle féminin en 1978, Mon oncle d'Amérique d'Alain Resnais et Garçon ! de Claude Sautet.

A partir de 1984, elle se raréfie. Elle est nominée au César du meilleur second-rôle pour Descente aux enfers de Francis Girod, en 1987. On la retrouvera en vieille duchesse dans Les Caprices d'un fleuve de Bernard Giraudeau et chez Claude Chabrol dans Rien ne va plus.

En 2002, elle publie ses mémoires, J'ai pas menti, j'ai pas tout dit (Plon).

Venise 2012 : Passion, quand Brian De Palma s’approprie Alain Corneau

Posté par kristofy, le 7 septembre 2012

Le nouveau film de Brian De Palma arrive comme le dernier évènement des films en compétition de ce 69ème Festival de Venise. Passion raconte une histoire déjà connue pour les francophone puisqu’il s’agit en fait du remake de Crime d’amour, dernier film d'Alain Corneau, qui avaita ttiré près de 500 000 spectateurs dans les salles françaises en 2009. Les grandes lignes du scénario sont semblables, mais Brian De Palma y ajoute quelques variations typiques de son univers.

Le décor est délocalisé en Allemagne (pour des raisons de coproduction on s'en doute), on y entend d’ailleurs quelques dialogues en allemand tandis que tous parlent en anglais. Les prénoms des deux héroïnes ont été conservés : Rachel McAdams devient Christine (Kristin Scott Thomas) et Noomi Rapace se mue en Isabelle (Ludivine Sagnier).

La différence d’âge et de stature qui mettait en avant un rapport hiérarchique entre elles se transforme ici en un contraste plus classique entre une blonde et une brune. Les rapport de domination-soumission sur le lieu de travail du film originel est toujours présent mais atténué dans cette nouvelle version. Brian De Palma privilégie beaucoup plus la séduction et la perversion, thèmes majeurs de sa filmographie.

Passion montre assez vite avec une charge érotique entre ces deux femmes avant de partir en direction du thriller. Brian De Palma y joue le marionnettiste en faisant évoluer ses personnages vers un meurtre que l'on attend ; il joue avec les faux-semblants pour enfin conclure avec un final un peu différent de Crime d’amour.

La ‘patte’ de Brian De Palma est omniprésente, il n'hésite pas à s'autociter, quitte à se répéter. On y trouve une séquence en split-screen (comme dans Carrie),  un plan d'une femme sous la douche avant d'être tuée (comme dans Blow out), l'usage d'une perruque (comme dans Pulsions), des images relevant de l’imagination (comme dans Femme fatale).

Le suspens de Passion est accompagné de la musique de Pino Donaggio, son compositeur habituel. Crime d’amour apparaît du coup comme un scénario qui semble avoir été écrit pour le cinéaste qui démontre à travers Passion , une nouvelle fois, toute la sophistication formelle de son cinéma. Ni plus, ni moins.

Brian De Palma signera le remake du dernier film de Corneau, Crime d’amour

Posté par vincy, le 5 février 2011

Brian De Palma réalisera le remake de Crime d'amour, ultime film d'Alain Corneau sorti an oaût dernier (et ayant séduit 485 000 spectateurs). Passion, tel est son nom, se déroulera à Londres et sera joué en anglais. Il est produit par la même société, SBS Prods, que Le Dieu du carnage, de Roman Polanski, actuellement en tournage (voir actualité du 4 novembre 2010). "Jamais depuis Pulsions, je n'ai eu la chance de combiner érotisme, suspense, mystère et meurtre dans un seul film" explique le réalisateur.

Dès août, le tournage, en dehors des extérieurs londonniens, s'effectuera à Berlin et Cologne. Avec un budget de 30 millions de $, il va maintenant falloir trouver deux actrices hollywoodiennes pour qu'un studio américain investisse dans le projet.

De Palma n'a rien tourné depuis son film sur la guerre en Irak, Redacted, en 2007 (Lion d'argent de la mise en scène à Venise), qui fut un énorme flop au box office.

Nocturne dans l’eden pour Alain Corneau

Posté par vincy, le 30 août 2010

Alain Corneau

Alain Corneau est mort dans la nuit de dimanche à lundi à l'âge de 67 ans, des suites d'un cancer. Cinéaste reconnu (Tous les matins du monde avait été césarisé), populaire (Fort Saganne, Police Python 357), respecté (Série noire, Le choix des armes, Nocturne indien restent des oeuvres marquantes), le compagnon de Nadine Trintignant était aussi un amoureux du jazz et un grand curieux. Il souriait, son enthousiasme était contagieux, sa passion du cinéma et sa gentillesse faisaient le reste.

Cet "artisan" tel qu'il se définissait avait tourné régulièrement avec les plus grandes stars Depardieu, Montand, Dewaere, Deneuve.

Son père l'emmenait voir des films de genre pour lesquels il avait une tendresse particulière. "Le virus est resté ! À Orléans, le grand choc de mon adolescence aura donc été à la fois la découverte du cinéma et des Américains. Les forces de l'Otan étaient implantées dans la région. Les Américains avaient leurs propres cinémas que je fréquentais assidûment ! J'avais 16 ans, j'étais batteur dans un groupe de jazz et on jouait dans les clubs des officiers et des soldats."

Portrait sur Ecran Noir : Tous les Alains du monde