Lumière 2020: tous les voyants au vert pour le festival du Grand Lyon

Posté par vincy, le 11 octobre 2020

La Halle Tony Garnier était en comité intime samedi soir, mais Thierry Frémaux a su réchauffer l'immense espace qui, pour raisons sanitaires, ne pouvait accueillir que 20% de sa jauge habituelle. Mais c'est déjà une grande nouvelle en soi: Lumière a lieu. Les spectateurs sont au rendez-vous. Les salles vont être pleines (en respectant la distanciation sociale).

Perdus dans le Grand Lyon, on y voyait quand même un défilé de limousines, de stars sur le tapis rouge, le tout rythmé par une musique d'un Sergio Leone signée Ennio Morricone (on y reviendra). Cette année, le programme est riche (et les montages concoctés pour résumer les carrières de chacun comme les grandes lignes du festival étaient formidables). On est ainsi passé de Joe Dassin (hommage à Melina Mercouri oblige) à France Gall (Sabine Azéma et le "Résiste" de Resnais, comme un hymne d'époque), de Viggo Mortensen polyglotte à Thomas Vinterberg sans frontières, d'Oliver Stone en guest-star à Jacques Audiard pour rallumer la flamme de son père. Tout ce beau monde, hormis Dassin et Gall évidemment, était présent, profitant de ses cinq minutes à leur gloire dans un déroulé chargé. Cela n'a pas empêché une splendide compilation des partitions de Morricone, disparu cette année, au piano et en solo par Steve Nieve.

On résiste, on prouve que le cinéma existe. A Lyon, désormais dotée d'un maire écolo qui a bien compris que le festival avait été très soutenu par son prédécesseur, on a beaucoup de vélos mais aussi un festival qui compense son empreinte carbone (quelque part dans les Alpes) et qui fait de l'insertion culturelle (écoles, prisons etc...). Bref Lumière est "vert".

Et quoi de mieux qu'un court-métrage défendant les paysans? La réalisatrice Alice Rohrwacher, plusieurs fois primée à Cannes, et l'artiste JR ont donné en guise de cadeau un court métrage, Omelia contadina. 9 minutes où, l'on suit une communauté paysanne se rassemblant sur un plateau à la frontière de trois régions pour célébrer les obsèques de l'agriculture paysanne. Une "action cinématographique" pour éviter la disparition d'une culture millénaire. Avec des plans filmés du ciel (merci les drones), des portraits géants de paysans conçus par l'atelier de JR, et cette mise en terre plus que symbolique, la cinéaste rappelle avec grâce et sans fioritures, que sans les agriculteurs, on ne nourrit personne. Cet hommage émouvant au "vivant" part d'un magnifique poème toujours d'actualité de Pier Paolo Pasolini. Car les combats d'hier sont toujours les grandes causes d'aujourd'hui. Mais il semble qu'à tous les enjeux climatiques, vitaux, il va falloir ajouter la défense activiste de la culture, tant elle est sacrifiée comme si elle était un pan de l'économie lambda. Pasolini écrivait: "Je pleure un monde mort. Mais moi qui le pleure je ne suis pas mort". Alors tout est encore possible...

Juliette Gréco (1927-2020), muse et insoumise

Posté par vincy, le 23 septembre 2020

C'était une icône. Une figure emblématique de la France d'après-guerre, entre effervescence artistique, bouillonnement intellectuel et trente glorieuses insouciantes. Reine de la nuit, vêtue de noir et la peau très blanche, dame de pique au cœur, Juliette Gréco, femme libre et interprète légendaire, voix aux milles nuances et artiste traversant 70 ans d'histoire, est morte à l'âge de 93 ans. Juliette au pays des songes...

Flirt avec le 7e art

Ses passions amoureuses- le pilote Jean-Pierre Wimille, le trompettiste Miles Davis, les acteurs Philippe Lemaire et Michel Piccoli, le compositeur Gérard Jouannest, le producteur de cinéma hollywoodien Darryl Zanuck - l'ont souvent amenée à fréquenter d'autres cercles que ceux de Saint-Germain-des-Prés, dont elle fut un symbole, avec ses robes noires et sa grâce élégante. Oui, elle a fréquenté Sartre, Sagan, Merleau-Ponty, Mauriac et bien sûr Boris Vian, dont elle fut la muse. Oui, elle chantait Prévert, Queneau, Brel, Aznavour, Gainsbourg, Ferré et Béart. Elle a chanté devant Cocteau et Brando, à Rio et Tokyo. Culte de Berlin à New York, des baby-boomers aux millenials, toujours curieuse de travailler avec les talents de son époque (Biolay, Ruiz), honorée dans un slam d'Abd Al Malik, respectée par les féministes et les LGBT. Une existentialiste rebelle qui aura su traverser les miroirs et le temps.

Juliette Gréco, la chanteuse, a connu de grands succès populaires, maintes fois repris : Je suis comme je suis, Les feuilles mortes, Sous le ciel de Paris, je hais les dimanches, Jolie môme, C'était bien, La javanaise, Déshabillez-moi... La liste est sans fin. Elle était une résistante au sale caractère, capable d'envoyer une baffe à un patron trop tactile, de caresser nos oreilles avec des mots doux, de cracher dans la main d'un homme qui refusait de faire entrer Miles Davis dans son restaurant parce qu'il était noir. Frondeuse et insoumise, délicate et déterminée, elle refuse les diktats d'une époque encore trop engoncée pour elle.

Elle aurait voulu être une actrice

Logiquement, vu ses fréquentations, sa beauté et son mystère, le cinéma l'a désirée. Elle voulait devenir actrice, avant d'être accrochée au micro des salles de spectacle. Elle débute au théâtre, fréquente Gérard Philipe, Alice Sapritch, loge chez Hélène Duc. La vie de bohème malgré elle, pendant que sa mère et sa sœur sont déportées dans les camps pendant la guerre.

Elle n'a pas eu la carrière d'un Chevalier ou d'un Montand, mais sa filmographie comporte quelques grands noms. A commencer par ses premiers films en 1949: Orphée de Jean Cocteau, Au royaume des cieux de Julien Duvivier. Puis en 1954, elle trouve son premier vrai grand rôle chez Jean-Pierre Melville, dans Quand tu liras cette lettre. Il disait d'elle: "Juliette n'a jamais été du cinéma. Même à l'époque où elle vivait avec Darryl Zanuck, elle n'a jamais fait partie de ce monde. […] J'aimais beaucoup Juliette, une fille intelligente, vraiment très belle. Quand on se souvient de la petite boulotte de 47-48… Pendant le tournage elle était tellement mince que je l'appelais la limande…"

Elle traverse l'Atlantique pour jouer aux côtés d'Ava Gardner dans Le soleil se lève aussi d'Henry King. Juliette Gréco n'est pas forcément dans leurs meilleurs films, mais elle aligne Otto Preminger (un caméo), John Huston (Les Racines du ciel), Richard Fleisher (Drame dans un miroir, avec Orson Welles, Le grand risque). On la croise aussi chez Henri Decoin (Maléfices), Jacques Brel (Le Far West), Maurice Dugowson (Lily aime moi).

Mais c'est sur le petit écran, en 1965, qu'elle doit son éternité, en schizophrène dans Belphégor ou le Fantôme du Louvre. Telle une momie énigmatique qui ne mourra jamais. Gréco est spectrale, errante, et cela lui va bien.

Belle de nuit

Le cinéma et Juliette, c'est aussi l'alliance de la chanson et de l'image. Nombreuses de ses chansons illustrent des films; Les feuilles mortes dans Les portes de la nuit de Marcel Carné, Sous le ciel de Paris dans le film éponyme de Julien Duvivier, Je hais les dimanche dans Boum sur Paris de Maurice de Canonge, L'amour est parti dans Le gantelet vert de Rudolph Maté, Mon cœur n'était pas fait pour ça dans La châtelaine du Liban, C'est le destin qui commande dans Oeil pour oeil, Bonjour tristesse chez Preminger, Tant pis, tant pis pour moi dans La case de l'Oncle Tom de Géza von Radcanyi, L'amour est plus jeune que la mort dans La nuit des généraux... On entend sa voix, ou on la voit, silhouette en arrière plan ou en pleine lumière.

Enfin, Gréco a été incarnée par d'autres. Parodiée même dans Drôle de frimousse. Juliette a eu les traits de Myriam Moraly dans V comme Vian, téléfilm de Philippe Le Guay, et par Anna Mouglalis dans Serge Gainsbourg: vie héroïque de Joann Sfar. Mouglalis qui l'évoquait ainsi: "Gréco se fout des conventions avec une grâce inouïe. C'est une femme qui a eu un répertoire d'homme. Elle a cristallisé énormément de fantasmes sans jamais devenir un objet du désir."

Michael Lonsdale, un homme et ses dieux (1931-2020)

Posté par vincy, le 21 septembre 2020

Michael Lonsdale, né le 24 mai 1931, s'est éteint le 21 septembre 2020, à l'âge de 89 ans. Le comédien, auteur et lecteur laisse une riche filmographie de cinéma, aussi éclectique qu'insondable. Ce fervent catholique avait deux religions: sa foi et son jeu. Sur sa foi, il aura écrit une vingtaine de livres, en plus d'un engagement constant, médiatique comme professionnel. Il a reçu les derniers sacrements, à défaut d'avoir été sacré par sa profession (un modeste César du meilleur second-rôle, un prix Lumière).

A l'affiche au théâtre de 1955 à 2017, s'amusant avec un répertoire divers, et souvent moderne, de ses amis Pérec et Duras à Beckett, Handke, Puig et Albee, Lonsdale aimait transmettre les mots avec sa voix lente et son physique de bourgeois, sa diction parfaite et son allure d'anglais provincial.

Un héros très discret

Cette voix n'était pas son seul atout. Il avait aussi les douleurs enfouies qu'il savait rendre palpables. Une enfance ballotée, un accident de voiture qui aurait pu être dramatique, un amour inconsolable (pour Delphine Seyrig). Tel un homme d'église, il fut un célibataire endurci, dédiant sa vie à son métier et à ses croyances, deux passions pour remplir cette solitude existentielle.

Michael Lonsdale pouvait ainsi tout jouer: le vilain et le sage, le candide et le cynique, le pervers et le calme, l'inquiétant et l'intriguant. Il lui suffisait de varier légèrement la tonalité de son regard, les modulations de sa voix, cassante ou douce. Son corps en apparence immobile faisait le reste. Le mouvement était avant tout facial, oral, mais certainement pas charnel ou corporel. Une économie de moyens qui lui permettait subtilement d'être lui tout en étant un autre, d'être crédible en toutes circonstances.

Sur le grand écran, il a aligné les grands noms, les gros succès, les navets, les audaces et les jeunes talents. Logiquement, il fut de nombreuses fois, père, curé, prêtre, pasteur... mais évidemment, il fut aussi commissaire, détective, inspecteur, avocat, ministre, professeur, magistrat, juge, banquier, médecin... Un notable discret, un homme de manigances ou un révélateur de secrets.

Fidèle à Mocky et Duras

Depuis ses débuts en 1956, il aura traîné sa silhouette dans un cinéma sans frontières et sans étiquettes, curieux de tout, peu soucieux d'une carrière cohérente, tout en restant ambitieux dans certains choix. Michael Lonsdale apparaît d'abord chez Michel Deville et Gérard Oury, chez l'ami Jean-Pierre Mocky aussi, chez Darry Cowl comme chez Marin Karmitz. Son premier grand film, il le doit quand même à Orson Welles, en prêtre dans Le procès en 1962.

Cinq ans plus tard, c'est surtout François Truffaut qui lui offre son premier beau rôle, dans La Mariée était en noir, avant de le réengager dans Baisers volés. Il brouille les pistes en acceptant d'être un savant dans Hibernatus face à Louis de Funès, puis en s'invitant chez Jean-Luc Godard dans British Sounds et Jacques Rivette dans Out 1. Michael Lonsdale est insaisissable, et marquera l'inconscient des cinéphiles à travers une myriade de personnages dans des récits "trans-genres".

James Bond, Belmondo et Delon

Il est aussi devenu incontournable dans les années 1970: entre deux Mocky, il tourne Le Souffle au cœur de Louis Malle, India Song de Marguerite Duras, Papa les p'tits bateaux de Nelly Kaplan, Il était une fois un flic de Georges Lautner, Glissements progressifs du plaisir d’Alain Robbe-Grillet, Stavisky d’Alain Resnais, Le Fantôme de la liberté de Luis Buñuel, Section spéciale de Costa-Gavras... A l'international, fort de sa double culture franco-britannique, il se fait connaître avec le thriller The Day of the Jackal de Fred Zinnemann, des films de Joseph Losey (Une Anglaise romantique, Monsieur Klein), et surtout en méchant Hugo Drax dans Moonraker de Lewis Gilbert, un des James Bond les plus populaires de la franchise.

Cela ne l'empêche pas de rester fidèle à Duras, de fricoter avec Peter Handke ou de s'aventure dans Une sale histoire chez Jean Eustache. Cette ouverture au monde et aux styles perdurera jusqu'à la fin de sa carrière, quitte à passer parfois à côté des grands films de son époque. Lonsdale est au générique de L'Éveillé du pont de l'Alma de Raoul Ruiz comme du Bon Roi Dagobert de Dino Risi, de Billy Ze Kick de Gérard Mordillat comme de Ma vie est un enfer de Josiane Balasko (en archange Gabriel!).

Le nom de la rose et Munich

Dans ces années 1980, on ne retient finalement de lui que sa prestation dans Le Nom de la rose de Jean-Jacques Annaud, une fois de plus en abbé, certes érudit. L'acteur traverse pourtant le cinéma avec son aura, lui ouvrant les portes du cinéma de James Ivory (Les Vestiges du jour, Jefferson à Paris), de Claude Sautet (Nelly et Monsieur Arnaud), de John Frankenheimer (Ronin), de Bertrand Blier (Les acteurs). Il s'amuse aussi en Balzac dans Mauvais genre de Laurent Bénégui, en Don Luis dans le Don Juan de Jacques Weber, en professeur Stangerson dans Le Mystère de la chambre jaune et Le Parfum de la dame en noir de Bruno Podalydès. On le croise chez Mocky, toujours, mais aussi François Ozon (5x2), Milos Forman (Les Fantômes de Goya), Catherine Breillat (Une vieille maîtresse), Alejandro Amenábar (Agora), Ermanno Olmi (Le village de carton), Ermanno Olmi (Gebo et l'ombre), Bouli Lanners (Les premiers, les derniers) et surtout Steven Spielberg (Munich).

Des hommes, des Dieux, des maîtres

Au crépuscule de sa carrière, Michael Lonsdale s'offre une sublime montée des marches à Cannes avec le personnage (réel) du Frère Luc Dochier, moine assassiné dans un couvent en Algérie. Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois est sans aucun doute le film qui lui ressemble le plus, où il est exactement à sa place. A moins que ce ne soit celui du réalisateur Cédric Rovère, double fantasmé d'Eric Rohmer dans Maestro de Lea Fazer. Il y tisse une belle complicité avec son jeune comédien, entre transmission et amitié, respect et dévouement à son art.

L'acteur avait cofondé un groupe de prière, Magnificat, destiné plus spécialement aux artistes, et a été le parrain d'une promotion de l'Institut catholique d'études supérieures situé à La Roche-sur-Yon, en plus d'être membre de la section « arts et lettres » de l'Académie catholique de France. Sa foi n'était jamais loin de son je et de son jeu. Qu'il soit fidèle à Dieu ou aux hommes, Lonsdale se savait éphémère, cherchant la joie plutôt que la souffrance.

Génie du doublage, Roger Carel se casse avec sa voix (1927-2020)

Posté par vincy, le 18 septembre 2020

Roger Carel, de son vrai nom Roger Bancharel, est mort le 11 septembre 2020 à l'âge de 93 ans. C'est sans doute le comédien français le plus prolifique que le cinéma vient de perdre. Pas tant pour sa présence à l'écran (essentiellement des seconds-rôles dans des comédies) ou sur les planches, mais par sa voix. Il en avait 1000...

Assumons: Carel était le roi du doublage. Une monument vocal capable de toutes les transformations et de toutes les audaces. De quoi mériter, en janvier 2012, le prix Henri-Langlois pour l'ensemble de son œuvre.

Physiquement, on l'a vu depuis les années 1950 dans des films comme Le Triporteur, Le Vieil Homme et l'Enfant, Le viager, Elle cause plus... elle flingue, On a volé la cuisse de Jupiter, Le Coup du parapluie, L'Été meurtrier, Papy fait de la résistance, Mon homme, se glissant dans la peau d'un russe ou d'un passant, d'un médecin ou d'un paysan, d'un garagiste ou d'un général. Il cachetonnait et s'amusait...

De Certains l'aiment chaud à Kubrick

Mais c'est en studio, derrière un micro, qu'il brillait. Il était la voix de Peter Sellers, de Peter Ustinov, de Jack Lemmon, d'Eli Wallach, d'Ian Holm, de Jerry Lewis, de Pat Morita (dans Karaté Kid), de Charlie Chaplin (dans Le dictateur), de Fred Astaire (dans La tour infernale), de Jim Broadbent (dans Harry Potter et le Prince de Sang mêlé). Sa voix est aussi présente dans des films aussi divers, mais remarquables, qu'Orange mécanique, MASH, La Belle de Moscou, Le Kid de Cincinnati, Le Bal des vampires, Butch Cassidy et le Kid, Tora ! Tora ! Tora !, L'exorciste, Le verdict, Fanny et Alexandre, Furyo, Good Morning Vietnam!. Il était aussi le narrateur de L'étoffe des héros.

Mais son grand génie s'exprime surtout avec six épisodes de la Guerre des étoiles où il double Anthony Daniels et devient ainsi la voix française de C-3PO.

De Disney à Astérix, de Alf à Benny Hill

Un androïde ne pouvait pas effrayer Roger Carel, devenu maître de la voix dans l'animation, dès les années 1940. Chez Disney pour commencer (souvent en deuxième doublage, dont l'impeccable chat de Cheshire dans Alice au pays des merveilles, mais aussi le sournois serpent Kaa dans Le livre de la jungle, ou Roquefort et Lafayette dans Les Aristochats). Et puis il devint la voix d'Astérix, le plus populaire des héros BD en Europe, décliné en films d'animation à succès dès 1968. De temps en temps il vocalisait sur quelques autres personnages secondaires, notamment Idéfix. Cette collaboration avec le gaulois dura jusqu'en 2014! De Fritz le chat à Winnie l'ourson, en passant par Jolly Jumper (dans Les Dalton en cavale), il était incontournable dans son milieu.

La télévision lui offrit aussi des personnages cultes à incarner en français: Benny Hill, Alf, le révérend Sikes dans Desperate Housewives, Hercule Poirot durant 12 saisons, Charles Ingalls dans La Petite Maison dans la prairie, le boss dans Shérif, fais-moi peur, mais aussi des passages dans des séries comme Buffy, Dynastie, Cold Case, New York unité spéciale, X-Or, Charmes, Inspecteur Derrick...

Un Cro-magnon, un myope, une grenouille, mais surtout un Maestro

Petit écran et animation lui ont aussi valu de grandir avec des générations d'enfants : il fut la voix de Dingo pour Disney durant plusieurs décennies. Il s'entend aussi dans Inspecteur Gadget, Les Bisounours, Albator, Le petit dinosaure, Capitaine Flam, Babar, Le petit dinosaure, Les Gnoufs, Les Pierrafeu, Princesse Starla, Les Quatre fantastiques, et bien entendu Star Wars: Clone War en C-3PO...

Il fut les incontournables Capitaine Caverne et Mister Magoo, Kermit la grenouille dans Le Muppet Show, Woody Woodpecker. Capable de moduler ses cordes vocales dans les aigus comme de la transformer par le nez, il pouvait jouer toutes les excentricités et surtout plusieurs personnages. Ainsi dans les séries Il était une fois... (L'homme, L'espace, La vie, Les Amériques, Les découvreurs, Les Explorateurs, Notre terre), il fut le savant déluré Maestro de 1978 à 2011, mais aussi le raisonnable Pierre, le robot Métro, le fourbe Nabot.

Son talent fut aussi de s'adapter à son temps, et d'aller prêter son don au jeu vidéo. Luigi dans Mario c'est lui. Outre les jeux Star Wars, Winnie l'ourson et Astérix, on peut le reconnaître dans Warcraft II et Les Simpsons. Il fut même le Croco Amstrad pour la publicité des consoles en 1990.

Ce sont tous ces héros d'hier et d'aujourd'hui, pour petits et pour les devenus grands, qui perdent leur père d'adoption de langue française, leur incarnation à l'oreille. Carel emporte avec lui sa voix et une part de notre culture inconsciente.

Venise 2020: Le Lion d’or pour Nomadland de Chloé Zhao

Posté par vincy, le 12 septembre 2020

Cette édition si spéciale du festival de Venise, la 77e, n'aura pas brillé d'un point de vue médiatique. Les Américains étaient relativement absents. Le tapis rouge était cloîtré. Les spectateurs masqués. Ambiance de confinement. Pourtant, de l'avis général, tout s'est bien passé. Si le festival manquait sans doute d'un film dont le good buzz fasse le tour de la planète, il a réussi à exister malgré la covid. Mieux, avec le court métrage de Pedro Almodovar, La voix humaine, unanimement apprécié, il s'est offert un petit gâteau surprise en guise de cadeau.

Côté palmarès, aucun film ne se détache non plus même si Quo Vadis, Aida? de Jasmila Zbanic, Nomadland de Chloé Zhao, Notturno de Gianfranco Rosi et Miss Marx de Susanna Nicchiarell glanent quelques prix mineurs en marge du festival. Nomadland a été couronné par le Lion d'or, qui récompense une réalisatrice singulière dans l'Hollywood d'aujourd'hui, Chloé Zhao. Adulée pour ses films d'auteurs (The Rider, Les Chansons que mes frères m'ont apprises), cette américaine née en Chine a été choisie pour une superproduction Marvel (Eternals, 2021). Avec Nomadland, elle reste dans son territoire. Le film interprété par Frances McDormand et David Strathairn nous renvoie dans le passé et dans les horizons immenses: Après avoir tout perdu pendant la Grande Récession, une sexagénaire se lance dans un voyage à travers l'Ouest américain, vivant comme un nomade des temps modernes. Ironiquement, alors que les Américains sont absent de Venise, c'est une production Fox Searchlight distribuée par Disney qui est sacrée par le deuxième plus grand festival du monde.

Le prix FIPRESCI de la critique a été décerné à The Disciple de l'indien Chaitanya Tamhane pour la compétition (par ailleurs distingué par le jury de Cate Blanchett pour son scénario) et à Dashte Khamoush (The Wasteland) de l'iranien Ahmad Bahrami (Orizzonti) pour les autres sélections. Le film a d'ailleurs été couronné par le jury d'Orizzonti. Le cinéma iranien a aussi été distingué avec le prix Marcello Mastroianni pour le jeune Rouhollah Zamani.

Du côté des Giornate degli autori (Venice Days), le palmarès a couronné The Whaler Boy du russe Philipp Yuryev (meilleur réalisateur), 200 Meters du palestinien Ameen Nayfeh (prix du public), et Oasis du serbe Ivan Ikic (prix Label Europa). Le Grand prix de la Semaine internationale de la Critique a distingué Hayaletler (Ghosts) d'Azra Deniz Okyay (Turquie). Enfin, The World to come de l'américaine Mona Fastvold a remporté le Queer Lion Award.

Côté hommages, deux Lions d'or d'honneur ont été remis à l'actrice écossaise Tilda Swinton et la cinéaste de Hong Kong Ann Hui. Abel Ferrara a reçu le prix Jaeger-LeCoultre Glory to the Filmmaker.

Il restait aux deux jurys principaux de révéler leurs choix: celui de la compétition (Cate Blanchett, présidente, Matt Dillon, Veronika Franz, Joanna Hogg, Nicola Lagioia : écrivain Drapeau de l'Italie Italie, Christian Petzold et Ludivine Sagnier) et celui de la section Orizzonti (Claire Denis, présidente, Oscar Alegria, Francesca Comencini, Katriel Schory et Christine Vachon).

Globalement, l'Europe et l'Asie se sont partagés la pièce montée.

On a déjà parlé du Lion d'or, mais le palmarès est aussi cosmopolite que divers. Le jury de Cate Blanchett n'a pas manqué de donner enfin un prix d'interprétation masculine à Pierfrancesco Favino pour Padrenostro, lui qui l'avait manqué l'an dernier à Cannes pour Le traître (qui lui a valu son premier Donatello du meilleur acteur cette année). De même côté actrice, Vanessa Kirby (The Crown) pouvait difficilement être snobée avec deux films en compétition : The World to Come et celui pour lequel elle a ce prestigieux prix, Pieces of a Woman, premier film anglophone du hongrois Kornél Mundruczó. Kiyoshi Kurosawa reçoit avec le prix du meilleur réalisateur sa plus importante récompense dans sa carrière, faiblement honorée (hormis à Cannes avec un prix en 2015). Initialement choisi par Cannes, le nouveau film du mexicain Michel Franco repart de son côté avec le Grand prix du jury (cinq ans après son prix du scénario à Cannes).

Listen d'Anna Rocha de Sousa est parmi les vainqueurs de la soirée avec un prix spécial du jury Orizzonti et le prix du meilleur premier film toutes sélections confondues. On notera dans la sélection Orizzonti les deux prix d'interprétation pour un acteur tunisien et une actrice marocaine, confirmant année après année la pleine forme du cinéma maghrébin sur le Lido. Quant à Lav Diaz, Lion d'or en 2016, son cinéma si singulier est une nouvelle fois récompensé avec le prix du meilleur réalisateur.

LE PALMARÈS

Compétitition
Lion d'or: Nomadland de Chloé Zhao
Grand prix du jury: Nuevo Orden (New Ordre) de Michel Franco
Lion d'argent du meilleur réalisateur: Kiyoshi Kurosawa pour Les amants sacrifiés
Coupe Volpi de la meilleure actrice: Vanessa Kirby (Pieces of a Woman de Kornél Mundruczó).
Coupe Volpi du meilleur acteur: Pierfrancesco Favino (Padrenostro de Claudio Noce)
Meilleur scénario: The Disciple de Chaitanya Tamhane
Prix spécial du jury: Dear Comrades d'Andreï Konchalovsky

Sélection Orizzonti
Meilleur film: Dashte Khamoush (The Wasteland) d'Ahmad Bahrami
Meilleur réalisateur: Lav Diaz (Genus Pan (Lahi, Hayop))
Prix spécial du jury: Listen d'Anna Rocha de Sousa (Orizzonti)
Meilleure actrice: Khansa Batma (Zanka Contact de Ismaël El Iraki)
Meilleur acteur: Yahya Mahayni (L'Homme qui avait vendu sa peau de Kaouther Ben Hania)
Meilleur scénario: I predatori de Pietro Castellitto
Meilleur court métrage: Entre tu y milagros de Mariana Saffon

Prix Luigi de Laurentiis (premier film): Listen d'Anna Rocha de Sousa (Orizzonti)
Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir: Rouhollah Zamani (Sun Children de Majid Majidi, compétitition)

Diana Rigg (1938-2020) file à l’anglaise en bottes de cuir

Posté par vincy, le 10 septembre 2020

Elle fut Emma Peel "forever". Dans la série "Chapeau melon et bottes de cuir", elle était la partenaire parfaite pour Patrick Macnee. Elle était à ses côtés durant deux saisons (4 et 5), mais on ne retient que celles-ci. Dame Diana Rigg s'est éteinte à l'âge de 82 ans, mais elle aura contribué à incarner la femme moderne des sixties, celle qui humait l'air du swinging London avec une garde-robe cuir et pop. Surtout elle a donné ses lettres de noblesses à la femme d'action, capable de tenir n'importe quel arme ou de manier l'art martial, mettant K.O. les hommes.

Comédienne de théâtre, passant de Brecht à Shakespeare, du théâtre privé à la Royal Shakespeare Company, de Racine à Molière, de Sondheim à Almodovar (une version de Tout sur ma mère), elle négligea sa carrière cinématographique. Finalement c'est le petit écran qui fut pour elle assez royal. Pas seulement avec Chapeau melon, où taquine, coquine, séductrice, et libre, elle imposa un personnage d'anglaise très novateur pour l'époque. Elle fut aussi Mme Davers dans une version TV de Rebecca, Hedda Habler, et bien entendu Lady Olenna Tyrell durant 18 épisodes de Game of Thrones.

Au cinéma, elle fut moins sollicitée. Elle est Helena dans Songe d'une nuit d'été de Peter Hall à l'âge de 20 ans. Elle donna la réplique à Oliver Reed dans Assassinats en tous genres, à Charlton Heston dans Jules César, à Georges C. Scott dans L'Hôpital de Arthur Hiller, ... Sa filmographie très modeste, qui passe par La Grande aventure des Muppets, Heidi et des mélos moyens comme Un Anglais sous les tropiques et Le Voile des illusions, est sauvée par sa présence dans un James Bond, Au service secret de Sa Majesté, 007 de transition avec George Lazenby (unique aventure avec l'Australien). Cet épisode de la franchise est d'autant plus particulier que Rigg incarne sans aucun doute la plus classe des James Bond Girl, une comtesse italienne qu'il va épouser, avant que le film ne prenne le virage d'une tragédie. Inoubliable, Rigg insuffle du drame dans un personnage habituellement plus sexué et plus soumis.

On reverra une dernière fois Diana Rigg dans Last Night in Soho d'Edgar Wright, qui se déroule dans les années 1960. Cette décennie fabuleuse à laquelle l'actrice est perpétuellement rattachée.

Deauville 2020-Cannes 2020 : Que vaut A Good Man, avec Noémie Merlant ?

Posté par kristofy, le 7 septembre 2020

Parmi les films français ayant reçu le label "Cannes 2020" qui sont invités à Deauville, deux titres étaient très attendus : Teddy de Ludovic & Zoran Boukherma avec Anthony Bajon. Une histoire de loup-garou qui est d'ailleurs très réussie (en salles le 13 janvier 2021), et A Good Man de Marie-Castille Mention-Schaar avec Noémie Merlant et SoKo, où un homme envisage d'enfanter... Il ne sortira qu'en mars 2021. Le pitch est singulier: Aude et Benjamin, infirmier,  s’aiment et vivent ensemble depuis 6 ans. Aude souffre de ne pas pouvoir avoir d’enfant alors Benjamin décide que c’est lui qui le portera...

C'est l'importance de son sujet et les questions soulevées qui font de A Good Man un film à la fois risqué, osé, espéré, voir même redouté. Sans rien divulgâcher, puisque le synopsis le suggère et que la révélation se fait très tôt dans le récit : dans cette histoire Benjamin s'appelait avant Sarah, Benjamin est un homme trans qui pourrait enfanter... Le visage androgyne de Noémie Merlant sur l'affiche intrigue mais le film est avant tout une grande et belle histoire d'amour.

Marie-Castille Mention-Schaar a déjà initié de nombreux films en tant que productrice (pour Antoine de Caunes, Pierre Jolivet...) et  comme scénariste (La Première Étoile avait eu le César du meilleur premier film). Comme réalisatrice, ses comédies ont été décevantes (Bowling, La fête des mères), alors qu'elle est bien plus à l'aise avec des drames basés sur des histoires vraies (Les héritiers, Le ciel attendra qui avait contribué à révéler Noémie Merlant). Et c'est justement dans cette veine de ses films 'inspirés d'une histoire vraie' qu'elle réalise A Good Man.

Aux Etats-Unis, plusieurs centaines d'hommes ont donné naissance à un bébé. Avec son coscénariste, Chris­tian Son­de­reg­gerelle, elle avait déjà participé à la production du documentaire Coby à propos de quelqu'un né fille et qui après 20 ans, était devenu un homme, ambulancier de métier. C'est en fait ce documentaire qui a influencé la préparation de  A Good Man.

« Je ne veux pas tout, je veux les mêmes choses que toi, ni plus ni moins. »

A Good Man est donc une fiction tout autant inventée que documentée. De nombreuses questions à propos du changement de sexe y sont abordées. Cette séance de Deauville, la première du film en présence de l'équipe (Marie-Castille Mention-Schaar, Noémie Merlant, Vincent Dedienne, Jonas Ben Ahmed, Anne Loiret, Alysson Paradis) a été bien accueillie avec plusieurs minutes de standing-ovation à la fin. Certaines voix après la projection ont été moins flatteuses, regrettant les trop nombreux poncifs sur le thème de la transition d'identité. De fait, il accumule certains passages obligés (la mère qui ne parle plus à Benjamin avec qui elle va renouer, la douche avec la lumière éteinte, le meilleur ami qui se sent trahi...), parfois de manière maladroite.

Une autre faiblesse tient à la présentation du personnage de Benjamin aux spectateurs. De quoi désarçonner : on y voit moins un homme qu'une Noémie Merlant déguisée, avec une voix grave pas naturelle. Heureusement cette impression s'estompe en cours de film où progressivement on oublie l'actrice pour ne plus voir que le personnage masculin (sans compter que Benjamin devenu homme est - cliché - accro aux jeux-vidéo et aux hamburgers...). Il ne serait pas étonnant qu'une polémique naisse: pourquoi ne pas avoir pris un acteur trans pour le rôle?

Sans doute Marie-Castille Mention-Schaar a voulu mettre dans son film trop de choses. Cependant, c'est contrebalancé par une certaine subtilité de l'ensemble : une transition femme-homme se fait sur une longue période et en plusieurs étapes qui mêlent l'intime, l'administration, le regard des autres et maintes épreuves. Et avouons-le, Noémie Merlant s'impose encore plus comme interprète audacieuse et stupéfiante.

Marie-Castille Mention-Schaar a déclaré sur scène: « faire un film pour moi c'est échanger, dialoguer, ouvrir le dialogue, essayer toujours de faire en sorte qu'on vive mieux ensemble », et c'est justement ce à quoi va inviter A Good Man.

Deauville 2020 : un grand hommage à Kirk Douglas en ouverture

Posté par kristofy, le 5 septembre 2020

Après les bons chiffres de fréquentation des salles pour Tenet de Christopher Nolan qui ont été reçus par les distributeurs et les exploitants comme un symbole d'une reprise d'attractivité des salles, l'ouverture du 46ème Festival du cinéma américain de Deauville a aussi regonflé les espoirs (masqués).

Bal masqué

La ministre de la culture Roselyne Bachelot est venue amener de la lumière dans la salle obscure de Deauville, deux semaines après que le Premier ministre Jean Castex ait fait de même à Angoulême : « Le cinéma ce n'est pas seulement des films, c'est l'expérience collective du grand écran», en évoquant les prochaines mesures de soutien au secteur qui vont être mise en oeuvre (dont une mise à contribution des diverses plateformes de streaming vod, concurrentes des salles, pour une taxation en direction du CNC pour redistribuera ensuite).

La cérémonie d'ouverture a fait venir certains fidèles de Deauville : des ex-membre de jury comme Régis Wargnier, Clotilde Hesme, Kadija Touré, Anna Girardot, et même l'ex-premier ministre et maire voisin du Havre Edouard Philippe. Deauville a mis l'accent sur une solidarité entre festivals (yes, we Cannes !) - en particulier Annecy et Cannes dont des films de leurs sélections sont invités à être découverts ici. Cannes étant LE festival marqueur de l'année, il était représenté sur scène par Pierre Lescure et Thierry Frémaux. Même leur musique-signature de Saint-Saëns tellement évocatrice de fête du cinéma résonnait en Normandie.

Ennio et Kirk

Deauville a démarré sur des hommages. Des mélodies ont été jouées au piano: du Ennio Morricone. Et puis il y eut Kirk Douglas, à travers un émouvant discours vidéo envoyé par son fils Michael Douglas, racontant les phases de la vie son père (jeunesse, succès, la fin de sa vie) et remerciant le festival pour cette première commémoration post-mortem et post-confinement.

Sa filmographie qui s'étire sur presque 60 ans depuis L’emprise du crime de Lewis Milestone en 1946 avec Barbara Stanwyck et Les griffes du passé de Jacques Tourneur en 1947 avec Robert Mitchum, jusqu’en 2003 avec Une si belle famille (tourné avec sa famille dont son fils Michael Douglas pour la première fois) et 2004 Illusion (à propos d’un artiste à la fin de sa vie).

Kirk Douglas est mort en février 2020 à l’âge de 103 ans : une telle longévité a fait de lui un acteur phare d’un demi-siècle de cinéma américain en traversant l’époque des gros films de studios des années 50 et leur déclin ainsi que le nouvel Hollywood des années 70. Le début des années 80 sera synonyme de ses derniers grands succès avec Saturn 3 de Stanley Donen et surtout Nimitz retour vers l’enfer de Don Taylor. Parmi la multitude de ses rôles, il aura imprimé de sa personnalité l’image d’un héros droit et fort dans ses convictions : sur l’écran autant qu’en privé, Kirk Douglas était opposé à un certain impérialisme américain comme au Maccarthysme des années 50.

Sept jours en mai, de John Frankenheimer.

La dernière apparition de Kirk Douglas dans un film aura été à la télévision (pour Canal+) en 2008 dans le montage de Meurtre à l’Empire State Building du français William Karel qui avait été présenté au festival du film américain de Deauville cette année-là. Kirk Douglas et la France c’est d’ailleurs une longue histoire : il parlait le français, il a été membre du jury du festival de Cannes en 1970, il a reçu un César d’honneur en 1980, il fut chevalier de la Légion d’honneur en 1985, et son visage avec une fossette au menton est devenu un personnage des aventures d' Astérix… Quantité de ses films ont été des succès populaires en France.

Le Gouffre aux chimères, de Billy Wilder.

Il a tourné devant les caméras des plus illustres : Jacques Tourneur, Joseph L. Mankiewicz, Raoul Walsh, Billy Wilder, Howard Hawks, Vincente Minnelli, Richard Fleischer, King Vidor, de John Sturges, Stanley Kubrick, Robert Aldrich, John Huston, John Frankenheimer, Otto Preminger, René Clément, Elia Kazan, Brian De Palma, Stanley Donen, George Miller, John Landis… En tant que producteur il chapeaute plusieurs projets où il se donne bien entendu le premier rôle comme La Vie passionnée de Vincent van Gogh et Spartacus qui sont d’immenses succès. Il s’essaya comme réalisateur avec moins de chance (Scalawag et La Brigade du Texas sont oubliables). Il a reçu trois nominations à l'Oscar du meilleur acteur sans remporter la statuette: c’est un Oscar d’honneur qui lui est alors remis en 1996 pour saluer alors ses 50 ans de carrière.

Spartacus, de Stanley Kubrick.

Sur les planches normandes, il y avait déjà reçu un hommage de son vivant en 1978 et en 1999 (25ème anniversaire du festival). Deauville propose de revoir une large sélection de ses films : La Griffe du passé de Jacques Tourneur (1947), Le champion de Mark Robson (1949), Le Gouffre aux chimères de Billy Wilder (1951) avec un journaliste qui redevient populaire avec ses articles sur l’agonie d’un homme enseveli dans un gouffre (une inspiration du Un jour de chance de Alex de la Iglésia), La Captive aux yeux clairs de Howard Hawks (1952), Les Ensorcelés de Vincente Minnelli (1952), La vie passionnée de Vincent Van Gogh de Vincente Minnelli et Georges Cukor (1956), Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick (1957) dont l’histoire qui dénonce la hiérarchie militaire française a fait que le film n’a pu être visible chez nous avant 1975…, Les Vikings de Richard Fleischer (1958), Spartacus de Stanley Kubrick (1960), Seuls sont les indomptés de David Miller (1962) d’ailleurs le film préféré de Kirk Douglas, Sept jours en mai de John Frankenheimer (1964) où, en tant que militaire, il dénonce sa hiérarchie qui prépare un coup d’Etat contre le président américain favorable au désarmement…, et Nimitz, retour vers l'enfer de Don Taylor (1980), avec un paradoxe temporel en temps de guerre.

Nimitz, retour vers l'enfer, de Don Taylor.

Fin de parade pour Annie Cordy (1928-2020)

Posté par vincy, le 4 septembre 2020

Incontestablement la plus populaire des Belges (le roi Albert II l'a d'ailleurs faite Baronne), la passionnée, éclectique et fantasque Annie Cordy est morte le 4 septembre près de Cannes à l'âge de 92 ans. Née Léonie Juliana Cooreman, surnommée Nini la chance, elle a été durant près de 80 ans chanteuse, meneuse de revue et actrice. 700 chansons (dont quelques tubes et un compagnonnage musical avec Bourvil), une vingtaine de comédies musicales (Hello Dolly en haut de l'affiche) et d'opérettes, une quarantaine de films, une trentaine de séries et téléfilms, une dizaine de pièces de théâtre: "La passion fait la force" était sa devise.

Si cette boule d'énergie, toujours de bonne humeur en public, maniant la dérision et l'absurde comme ses compatriotes savent le faire, laisse l'image d'une artiste flamboyante, pailletée et colorée, ses rôles au cinéma étaient souvent bien plus dramatiques, touchants et même bouleversants.

Annie Cordy aura traversé sept décennies de cinéma depuis 1954 (Boum sur Paris de Maurice de Canonge, Si Versailles m'était conté... de Sacha Guitry et Poisson d'avril de Gilles Grangier). Souvent en second-rôle, mais capable de voler des scènes aux plus grands, d'habiter un personnage en un plan.

Bronson, Gabin...

Elle est ainsi Cri-Cri dans Le Chanteur de Mexico, Mimi dans Tabarin (tous deux de Richard Pottier), Lily dans Ces dames s'en mêlent de Raoul André. Folle, excentrique, délurée, elle assume sa belgitude. A partir des années 1970, Annie Cordy opère un virage en allant vers des films plus dramatiques: Le Passager de la pluie de René Clément, avec Charles Bronson et Marlène Jobert, La Rupture de Claude Chabrol, en épouse de Jean Carmet, Le Chat de Pierre Granier-Deferre, où patronne d'hôtel elle devient la confidente de Jean Gabin, ... Cela ne l'empêche pas de jouer de petits rôles dans des comédies (Elle court, elle court la banlieue, Disco, Tamara 2), de passer de psychanalyste à baronne, de mère à concierge, de vendeuse de poisson à grande séductrice, sans qu'aucun des films jusque dans les années 2000 ne marquent les esprits.

Beaux souvenirs

Là, elle retrouve des cinéastes d'envergure ou des rôles plus riche: Le Dernier des fous de Laurent Achard, en grand mère idéale, C'est beau une ville la nuit de Richard Bohringer, en mamie de banlieue, Le crime est notre affaire de Pascal Thomas, en chasseuse de papillons suisse, Le Dernier Diamant, polar d'Éric Barbier, Le Cancre de Paul Vecchiali, sélectionné à Cannes, Les Herbes folles, film surréaliste d'Alain Resnais ou encore Les Souvenirs de Jean-Paul Rouve, fabuleuse et émouvante grand mère en fin de vie. Nini avait ce mélange de gaieté optimiste et de sensibilité sincère. Le cinéma, sans avoir été ingrat, n'aura pas été aussi généreux avec son talent qu'elle ne l'a été pour ces films.

Annie Cordy aura également chanté des chansons pour les VF de films d'animation de Disney, prêtant même sa voix dans Pocahontas et Frère des Ours. Sur le petit écran, elle fut Madame Sans-Gêne, Madame S.O.S, ou la grand mère de Marion dans "Scènes de ménage". Il y a deux ans, elle so'ffrait deux dernières apparitions: dans le drame télévisé Illettré de Jean-Pierre Améris et dans un court-métrage, Les Jouvencelles de de Delphine Corrard. Et en effet, elle fut un éternel bain de jouvence...

Ibrahim et Un triomphe couronnés à Angoulême

Posté par vincy, le 2 septembre 2020

Le Festival du film francophone d’Angoulême a décerné le premier palmarès cinématographique d'importance en Europe depuis... la Berlinale en février et Annecy en juin. Des salles quasiment pleines ont sans doute rassuré le secteur. Reste à savoir si le coup de projecteur suffira à faire revenir le public dans les cinémas français.

Deux films ont dominé cette édition post-Covid pour le jury présidé par Gustave Kervern et Benoît Delépine.

Ibrahim, premier long métrage du comédien Samir Guesmi, remporte quatre prix du jury, dont celui du meilleur film attribué à l'unanimité, mais aussi ceux de la mise en scène et du scénario.

Un triomphe, deuxième long métrage d'Emmanuel Courcol, avec Kad Merad notamment. Il reçoit le prix du public etun double prix d'interprétation masculine pour Sofian Khammes et Pierre Lottin, qui incarnent deux des prisonniers.

Les deux films ont reçu le label Sélection officielle Cannes 2020, tout comme Slalom, primé par les étudiants.

Notons que Petit pays d'Éric Barbier, déjà en salle a été distingué pour la très juste interprétation d'Isabelle Kabano.

Valois de diamant
Ibrahim de Samir Guesmi

Valois du public
Un triomphe d’Emmanuel Courcol (sortie 6 janvier 2021, Memento)

Valois de l’acteur
ex aequo :
Sofian Khammes dans Un triomphe d’Emmanuel Courcol
Pierre Lottin dans Un triomphe d’Emmanuel Courcol

Valois de l’actrice
Isabelle Kabano dans Petit pays d’Éric Barbier (sortie le 28 août)

Valois de la mise en scène
Samir Guesmi pour Ibrahim

Valois Magelis des étudiants francophones
Slalom de Charlène Favier (sortie 4 novembre 2020, Jour2Fête)

Valois René-Laloux décerné au meilleur court métrage d’animation
ex aequo :
Machini de Tétshim et Frank Mukunday
Le mal du siècle de Catherine Lepage

Valois du scénario
Samir Guesmi pour Ibrahim (sortie 9 décembre 2020 Le Pacte)

Valois de la musique
Raphaël Eligoulachvili pour Ibrahim