Et si on binge-watchait… The Circle Game (France) sur Netflix

Posté par wyzman, le 28 avril 2020

En attendant la fin du confinement, la rédaction d’Ecran Noir vous recommande toutes les semaines dans L'Instant Zappette un programme à visionner en streaming. Aujourd’hui, retour sur le phénomène que personne n’avait vu venir : la version française du jeu The Circle !

C’est de la bonne télé-réalité. Adaptée d’un format britannique lancé en 2018 sur Channel 4, The Circle Game repose sur un concept simple : des “joueurs” emménagent dans un immeuble et communiquent via une application de réseau social qui leur permet d’être qui ils souhaitent. Ils ne se rencontre jamais en face-à-face. Tout au long de l’émission, ils se notent entre eux. Les deux joueurs les mieux placés ont la lourde tâche d’éliminer l’un des autres, se rapprochant ainsi du chèque de 100.000 euros offerts au candidat le plus populaire.

Bien que le concept puisse faire grincer les dents de certains (pourquoi regarder une télé-réalité avec des candidats confinés ?), la présence de fake (de faux profils) parmi les joueurs multiplie considérablement les rebondissements. Plus encore, il faut reconnaître que Netflix a mis les petits plats dans les grands côté casting. The Circle Game s’éloigne considérablement des autres télé-réalités du PAF par la seule légitimité de ses joueurs.

La production n’a pas choisi de jeunes hommes et femmes rodés à l’entertainment et juste désireux de devenir célèbres mais bien des candidats crédibles, éduqués et sympathiques. D’un boxeur 9 fois champion du monde à un étudiante bi-nationale en passant par un duo d’amies sexagénaires, un faux père ou encore une fausse gynécologue, la distribution de The Circle Game ravit. Voilà enfin des candidats auxquels on peut s’identifier, qui ont (presque) tout de voisins potentiels.

C’est une enquête sociologique en soi. Les candidats ne sortant pas de leur appartement sans en être autorisés par le Cercle (le fameux réseau social) et ne pouvant rencontrer un autre candidat qu’en cas d’élimination, leur parcours dans l’aventure a tout d’un confinement. Et c’est précisément pour cela que The Circle Game mérite toute notre attention.

Après un mois et demi enfermé chez soi, l’émission du Studio Lambert disponible sur Netflix depuis le 9 avril est un miroir magnifiquement drôle de nos propres déboires. Si les Alerte (les activités proposées par le Cercle) sont nombreuses et toujours stressantes pour les joueurs, le public ne peut que se délecter de cette version améliorée du confinement. Lou, Romain, Inès, Gabriel, Eléa et tous les autres sont intelligents, drôles voire touchants et font n’importe quoi pour s’occuper toute la journée... Pour les logiques de la narration, la production leur a demandé d’exprimer à voix haute ce qu’ils pensent, donnant lieu à des “conversations” montées absolument passionnantes !

Bien évidemment, tous ne manquent pas d’utiliser le Cercle pour échanger, créer des liens voire des alliances. Et le bal des manipulations et des trahisons est vraiment incessant ! Mais parce que tout l'intérêt du jeu est lié à la non-connaissance physique des adversaires, tous sont sujets à des crises de paranoïa des plus hilarantes. Cédric, Valéria et Nélia sont autant de candidats qui fascinent par leur capacité à rester lucides quand les autres craquent sous la pression.

C’est un début extrêmement prometteur. On ne pensait pas le dire mais The Circle Game est une émission de télé-réalité qui nous a pleinement conquis — nous qui n’en avons jamais été fans. Comme quoi, tout est possible pendant un confinement ! Parce que la version française ne dispose à l’heure actuelle que d’une saison, on ne peut qu’apprécier la fraîcheur de candidats qui découvrent en même temps que le spectateur les ressorts scénaristiques imaginés par la production. Des ressorts qui n’ont de cesse de redistribuer les cartes du jeu et de mettre en danger des candidats appréciés pour mieux les faire rester dans le Cercle.

Vous l’aurez compris, le concept, le choix judicieux des candidats et la naissance de liens sincères font de cette émission une réussite à presque tous les niveaux. Si les trois premiers épisodes peuvent sembler complexes, les neuf suivants sont un véritable shoot d’adrénaline que l’on ne saurait que trop vous recommander. Tenez bon donc. Et en cas d’adhésion totale au jeu, notez que les premières saisons des versions américaine et brésilienne sont également sur Netflix !

The Circle Game (France), première saison disponible ici.

Et si on regardait… Opérations Jupons

Posté par vincy, le 25 avril 2020

Lundi 27 avril sur Arte, à 20h55, on vous recommande très vivement Opérations jupons, film de guerre pas comme les autres, mixant dans un même pot de peinture, le romantique, l'action, le queer, le féminisme (et son inverse, le sexisme), le grivois et le burlesque.

Blake Edwards était un prodige dans le genre. Avec ce scénario hybride et réjouissant, nommé aux oscars, il va enfin se faire une belle place à Hollywood. jusqu'ici, les commandes avaient été diverses et variées: des séries tv, des films de genre, de la comédie. Rien de marquant. Opérations Jupons va être son premier carton, deux ans avant Breakfast at Tiffany's (Diamants sur canapé). Ici il s'agit de gagner une guerre avec les moyens du bord: des avaries, des femmes (ça porte malheur) à bord, des marins en chaleur, des vivres et des outils en pénurie, ... C'est une double cohabitation qui s'annonce: celle d'un commandant aguerri avec un lieutenant novice et peu conformiste, et celle de sous-mariniers avec cinq superbes femmes-infirmières devant être rescapées. Et de temps en temps les Japonais lâchent des bombes.

Opération Jupons est typiquement le film hollywoodien qui repose sur ses deux stars masculines, antagonistes par l(âge et le style de séduction, mais surtout les plus ambivalentes du cinéma hollywoodien de l'époque.

En daddy, le bisexuel Cary Grant (nommé aux Golden Globes pour sa performance), toujours un peu factieux, sûr de son statut de tête d'affiche, cabotinant légèrement avec ce personnage de vieux loup de mer , amusé par les prouesses de son jeune lieutenant, très sérieux quand il s'agit de lancer des missiles, fussent-ils un leurre à base de soutiens-gorges. Cary Grant est au top de son charme et de sa carrière. Il ne tournera que cinq films après celui-là (dont le délicieux Charade), mais en cette année 1959, il est aussi la vedette de La mort aux trousses d'Alfred Hitchcock, assurément son film le plus iconique de sa longue carrière débutée en 1932. Les temps qui grisonnent, il a enchaîné des succès aussi différents qu'Indiscret et Elle et lui. Grant avait d'ailleurs refusé le rôle dans un premier temps, considérant qu'il était trop âgé pour dirigé un sous-marin, fut-il peint en rose par un hasard de circonstances, rôle qu'il avait déjà endossé 16 ans auparavant dans Destination Tokyo (un tout autre registre).

"Lt. Cmdr. Matt T. Sherman: Ditess-moi quelque chose. Pourquoi avez-vous rejoint la Navy?
Lt. Nicholas Holden: Parce que j'avais besoin d'un uniforme d'officier."

En doublure plus jeune, le non moins séduisant Tony Curtis, fidèle d'Edwards, métrosexuel avant l'heure, malin comme un singe, débrouillard sans scrupule (ce qui lui coûtera quelques affaires), snob un peu pédant, capable de tous les compromis, et pas forcément promis à une carrière de capitaine. Ça pourrait être une affaire père fils ou maître élève. Niveau jeu, la partition est très différente, si bien que les deux acteurs peuvent être dans leur zone de confort sans faire de l'ombre à l'autre, ce qui créé une belle alchimie virile. Tony Curtis est alors en pleine ascension. Il tourne depuis dix ans à peine, mais a déjà à son actif des films forts et populaires comme Les vikings, la Chaîne, Le grand chantage et Trapèze. Surtout, en cette année 1959, il se travestit dans Certains l'aiment chaud, comédie culte de Billy Wilder, avec Marilyn Monroe et Jack Lemmon. D'ailleurs pour la comédie de Wilder, Tony Curtis, grand fan de Cary Grant depuis son adolescence, avait calquer sa voix sur celle de son aîné.

De la taille des bonnets au phallique submersible, tout est évidemment un peu érotique dans le sous-texte. Les marins ne sont pas réputés très subtils dans l'art de la drague: et de voir débarquer un escadron féminin alimente les réflexions un brin misogynes. cependant, le mélange des deux sexes va s'avérer plutôt salvateur dans cette guerre en plein Pacifique. C'est une ode à la féminité: la femme est non seulement l'égale de l'homme (même en mécanique) mais elle l'améliore (jusqu'aux plus endurcis). Hommes ou femmes sur le front, tout le monde est finalement à la même enseigne, à chanter "Ce n'est qu'un au revoir " en guise de communion de nouvel an.

"Vous voyez, quand une fille a moins de 21 ans, elle est protégée par la loi. Quand elle a plus de 65 ans, elle est protégée par la nature. N'importe où entre les deux, elle est un jeu équitable!"

Derrière cette "potacherie" brillamment menée, aux couleurs vives du climat floridien, il y a quelques anecdotes véridiques: le manque de papier toilettes (déjà) est réellement survenu et a fait l'objet d'un courrier officiel au sein de la marine, un sous-marin, le Sealion, a bien été coulé alors qu'il était à quai aux Philippines et, last but not least, le Seadragon fut peint en rouge après avoir vu sa couleur noire sérieusement abimée par un raid aérien.

Désormais classé parmi les sous-marins les plus célèbres du cinéma (et parmi les rares dans la comédie), le Tigre des mers rugira une dernière fois (un immonde rot de pétroleuse). On soulignera qu'un remake a été réalisé en 1977 avec Jamie Lee Curtis, fille de Tony et de Janet Leigh, dans le rôle de Barbara, celle qui tombe amoureuse du beau lieutenant.

4e hit de 1959, Opérations Jupons fut un énorme succès aux Etats-Unis, bien plus important que Certains l'aiment chaud (6e) et La mort aux trousses (8e). Cary Grant, grâce à ses deux films, fut l'acteur le plus bankable de l'année après Rock Hudson. En France, ce fut l'ordre inverse: Certains l'aiment chaud (4 millions d'entrées), La mort aux trousses (3,5 millions) et Opérations Jupons (1,3 million). A vous de vous rattraper.

Le CNC a autorisé 52 films à s’affranchir de la chronologie des médias

Posté par vincy, le 24 avril 2020

31 au départ, 52 trois semaines plus tars. Avec cinq nouveaux films ayant reçu cette semaine l’accord du CNC pour une sortie anticipée en vidéo, possible grâce à l’article 17 de la loi d’urgence du 23 mars 2020, Judy de Rupert Goold (26 février), Dark Waters de Todd Haynes (26 févriero), Radioactive de Marjane Satrapi (11 mars), Jeanne de Bruno Dumont (11 septembre 2019) , l'occasion de revoir Christophe et d'entendre sa musique, et Un jour si blanc d’Hlynur Palmason (29 janvier) pourront sortir en vidéo à la demande, dvd et blu-ray avant la date prévue par la chronologie des médias.

Depuis la liste initiale de 31 films début avril, le CNC a donné son accord pour des sorties anticipées à La dernière vie de Simon de Léo Karmann, Soumaya de Waheed Khan et Ubaydah Abu-Usayd, En avant de Dan Scanlon, L'appel de la forêt de Chris Sanders, Un vrai bonhomme de Benjamin Parent, Mission Yeti de Pierre Gréco et Nancy Florence Savard, Les traducteurs de Régis Roinsard, L'état sauvage de David Perrault, 10 jours sans maman de Ludovic Bernard, La danse du serpent de Sofia Quiros Ubeda, Le prince oublié de Michel Hazanavicius , Sortilège d'Ala Eddine Slim, Deux de Filippo Meneghetti, The gentlemen de Guy Ritchie, Chut... ! d'Alain Guillon et Philippe Worms, et Oskar & Lily d'Arash T. Riahi.

Cette mesure continue d'être d'actualité puisque les salles de cinéma ne sont toujours pas rouvertes. La réouverture n'aura pas lieu avant fin juin, et certains plaident même pour un report vers la fin de l'été.

Et si on binge-watchait… Atypical sur Netflix

Posté par wyzman, le 23 avril 2020

En attendant l’éventuelle libération du 11 mai, Écran Noir continue de vous accompagner durant ce confinement. En plus des films, la rédaction est mobilisée pour vous faire découvrir de nouvelles séries. Aujourd’hui, parlons un peu de notre coup de coeur pour Atypical !

C’est une série profondément humaine. A 18 ans, Sam Gardner est un adolescent atteint d’un trouble autistique qui vit avec sa famille dans le Connecticut. Tout semble aller pour le mieux jusqu’au jour où il déclare à ses proches qu’il aimerait bien rencontrer des filles et avoir une petite amie. L’annonce fait l’effet d’une bombe et rapidement, sa mère Elsa, son père Doug et sa soeur Casey doivent se faire à l’évidence : Sam grandit et devient un homme.

Principalement centrée sur la quête d’indépendance de Sam, Atypical vaut le détour pour la représentation juste et poussée d’une jeunesse autistique loin d’être aussi fragile qu’on ne le pense. Au cours des 28 épisodes de 30 minutes que comptent les trois premières saisons d’Atypical, nous suivons ainsi Sam dans sa découverte des interactions sociales, physiques et émotionnelles.

Extrêmement proche de sa mère depuis sa naissance, il se rapproche de son père dès lors qu’il est questions des filles/femmes. L’occasion pour la créatrice Robia Rashid de permettre des discussions particulièrement pertinentes sur la place de l’homme et du sexe dans notre société.

Le casting d’Atypical est parfait. A l’instar de The Good Doctor, Atypical s’intéresse à un personnage principal autiste incarné par un acteur non-autiste. Et tout comme Freddie Highmore, Keir Gilchrist (27 ans) fait un travail remarquable pour apporter consistance, cohérence et sensibilité au personnage de Sam. Une véritable réussite tant son interprétation est touchante et ne cesse de questionner le spectateur sur son propre rapport aux différences des autres.

Pour jouer ses parents, la production a choisi Jennifer Jason Leigh (Les Huit Salopards) et Michael Rapaport (Boston Public). Mais c’est bien évidemment l’actrice qui joue la soeur de Sam qui retient une grande partie de l’attention : Brigette Lundy-Paine. Au fil des épisodes, le personnage de Casey passe du stéréotype du jeune garçon manqué à celui d’adolescente qui explore pleinement sa personnalité. A eux deux, Keir Gilchrist et Brigette Lundy-Paine inspirent toute une génération d’adolescents toujours plus à même d'écouter les besoins de leur corps.

Autour d’eux gravite en outre une belle brochette d’acteurs remarquables : Nik Dodani excelle dans le rôle du meilleur ami stupide de Sam, Graham Rogers trouve une nouvelle jeunesse grâce au personnage du petit ami de Casey. Et quand ce n’est pas Raul Castillo de Looking qui joue les barmans anormalement sexy dans les deux premières saisons, c’est Eric McCormack de Will & Grace qui s’improvise enseignant d’art à l’Université dans la troisième salve d’épisodes.

C’est un programme pour les adolescents et les adultes. Parce qu’Atypical s’intéresse avec beaucoup de sincérité aux changements que peuvent connaître les familles dont l’un des membres est autiste, son propos s’avère destiné au plus grand nombre. Car lorsque l’on ne suit pas les aventures de Sam dans sa vie amoureuse ou estudiantine, Atypical nous dévoile les failles d’un couple qui a cessé d’être un couple à la naissance de leur fils et les multiples questionnements d’une adolescente qui découvre sa sexualité.

Avec humour et tendresse, le programme de Netflix — dont la quatrième et dernière saison est attendue pour 2021 — a de quoi vous régaler. On n’y rit pas des autistes mais bien avec eux. Leurs moments de doute, de joie, d’incompréhension ou de rejet… Atypical montre tout sans jamais être moralisatrice. Une sacrée réussite !

Atypical, les trois premières saisons disponibles sur Netflix ici.

Et si on binge-watchait… Mrs. America sur Canal +

Posté par vincy, le 21 avril 2020

Pendant le confinement, Ecran Noir s’occupe de votre listes de séries à découvrir ou rattraper. Aujourd’hui, une série qui vient de débuter, le 15 avril, sur Hulu aux Etats-Unis, sur Canal + en France: Mrs. America.

Trois épisodes, c'est court. Six autres sont attendus, comme des micro-saisons. Mais trois épisodes avec Cate Blanchett, c'est évidemment inoubliable tant elle est formidable. Eblouissante même. En incarnant l'ultra-conservatrice Phyllis Stewart Schlafly, activiste, écrivaine très vendue, opposée à l'avortement et à l'égalité des sexes, obsédée par la menace nucléaire soviétique et contre tout traité de désarmement, elle brille à chaque plan. Qu'elle encaisse une humiliation masculine ou qu'elle manipule les mères de famille pour sa propre gloire, qu'elle force son sourire face caméra, capable d'assumer des fausses-vérités pour avoir raison, ou qu'elle s'allonge en étoile de mer pour assurer le devoir conjugal, Cate Blanchett, avec son élégance naturelle, ses nuances infimes qui trahissent sa pensée, et sa maîtrise parfaite du rôle, épate.

Mais elle n'est pas seule. Car, Mrs. America est une fresque historique qui s'amorce au début des années 1970 pour s'achever sous l'ère Reagan. Au troisième épisode, Nixon n'est pas encore réélu. Réalisée par Anna Boden & Ryan Fleck, Amma Asante, Laure de Clermont-Tonnerre et Janicza Bravo, la série est le récit du grand combat féministe, du vote incertain de l'Equal Rights Amendment à la première candidature d'une femme noire pour l'élection présidentielle, du droit des femmes à avorter comme du choix des épouses à rester au foyer.

Selon ses opinions, on sera plutôt d'un côté que de l'autre, même si le scénario évite tout manichéisme (Phyllis, après tout, est une femme puissante, pas une épouse soumise). Car, Mrs America se découpe par personnages. Si Phyllis Schlafly est au centre de l'intrigue (Blanchett est productrice tout de même), on découvre les différents visages du mouvement féministe de l'époque: Gloria Steinem (Rose Byrne), en attendant les biopics prévus sur elle, Shirley Chisholm (Uzo Aduba), Bella Abzug (Margo Martindale), Betty Friedan (Tracey Ullman)... Autant d'égos et de batailles persos qui dramatisent les enjeux tout en amenant les fondations aux débats. L'impuissance du politique et l'immobilisme idéologique se fracassent dans un chaos où chacun a ses arguments.

Côté casting, mentionnons aussi Elizabeth Banks, Ary Graynor, Jeanne Tripplehorn, Sarah Paulson, John Slattery, ou encore James Marsden. C'est de la haute société hollywoodienne.

Pas si loin de nous

Derrière cette série d'époque, on saisit aussi comment les conservateurs vont l'emporter sur les libéraux. Si le combat de l'égalité semble juste, c'est bien l'Amérique morale, religieuse, traditionnelle, qui va insidieusement placer ses pions pour balayer "les hippies, les gauchistes et les lesbiennes" avec l'arrivée de Reagan en 1980, rendant l'Amérique plus puritaine et communautariste que jamais. Mrs. America c'est d'ailleurs une saga sur les droits des femmes, mais aussi des noir(e)s et des LGBT. Si des conquêtes ont réussi au fil des décennies, on verra que rien n'est acquis et qu'il faut se battre parfois, convaincre souvent, jusqu'à la parfaite cuisinière de gâteau à la banane.

L'histoire non binaire est à savourer délicieusement. La réalisation pop, que Todd Haynes n'aurait pas reniée, les personnages à fort caractère et les dialogues piquants enrichissent le conflit d'idées dans une sorte de mix entre Desperate Housewives et House of Cards. La série est à l'image de ce générique fabuleux, sur l'air de "A Fifth of Beethoven" de Walter Murphy, remix disco de la mythique partition classique, aussi enjouée que rythmée.

Bref, on a hâte de voir la suite...

Truffaut, Dolan, Resnais, Lynch, Demy bientôt sur Netflix

Posté par redaction, le 21 avril 2020

Des films du catalogue MK2 vont être visibles sur Netflix. Ce partenariat permettra à la plateforme américaine de diffuser 50 titres (sur 800) réalisés par François Truffaut, Xavier Dolan, Charlie Chaplin, Alain Resnais, David Lynch, Emir Kusturica, Jacques Demy, Michael Haneke, Steve McQueen ou Krzysztof Kieslowski.

Les premiers films mis en ligne sont 12 longs métrages de François Truffaut dès le 24 avril: Domicile conjugal, Fahrenheit 451, Vivement dimanche !, Jules et Jim, L'amour en fuite, Tirez sur le pianiste, Baisers volés, Les 400 coups, Le dernier métro, La Peau douce, La Femme d'à côté et Les deux Anglaises et le continent.

Cette annonce intervient trois mois après un autre partenariat événementiel de la plateforme: la diffusion du catalogue des studios Ghibli, désormais intégralement disponibles.

Et si on regardait… Bullitt

Posté par vincy, le 20 avril 2020

C'est ce soir, à 20h55, sur France 5 et on vous recommande vivement de regarder Bullitt, cette pépite du film noir datant de 1968. L'histoire en elle-même a peu d'importance (d'ailleurs Robert Vaughn avoue n'avoir jamais vraiment bien compris le scénario): Le lieutenant de police de San Francisco, Frank Bullitt, est chargé par un politicien ambitieux, Walter Chalmers, de protéger Johnny Ross, gangster dont le témoignage est capital dans un procès où est impliqué l'homme politique. Malgré les précautions prises par Bullitt et ses hommes, Ross est grièvement blessé et décède des suites de ses blessures sur son lit d'hôpital. Bullitt mène alors l'enquête pour retrouver les meurtriers.

Mais voilà, une histoire banale, adaptée du roman Un silence de mort (Mute Witness) de Robert L. Fish, devient là un film dont une seule séquence l'a fait entrer dans le mythe hollywoodien.

Une course-poursuite d'anthologie, qui est toujours étudiée en école de cinéma. Il faut dire que les stars s'effacent au profit des voitures. Seules les belles mécaniques sont les héroïnes de cette longue scène haletante à travers les rues de San Francisco. On comprend en voyant le montage de cette montée en puissance pourquoi Frank P. Keller a reçu l'Oscar du meilleur montage. En utilisant les lignes droites et les pentes des collines de la ville, pour mieux s'échapper dans les faubourgs, on visite la ville, pieds au plancher, avec une Ford mustang et une Dodge qui se toisent des phares. Cela file entre 120 et 180 km/h, avec un seul point de vue: celui du pilote, comme dans un jeu vidéo. Trois semaines de tournage pour 10 minutes et 50 secondes de vroum-vroum (le son n'a pas été négligé). Pas de truquage, mais des faux raccords et quelques répétitions de plans pour remplir et faire la transition.

Au volant (pas tout le temps, pour des questions d'assurances), on retrouve la star, pilote accompli et producteur du film, Steve McQueen. C'est l'autre bonne raison de revoir le film. Au sommet de son glam, l'acteur joue à la perfection sa nonchalance, cette cool-attitude un brin décalée qui le rend singulier dans ce monde de pourris. Ce flic rebelle a été inspiré par l'inspecteur Dave Toschi, chargé de l'affaire du Zodiac, tueur en série des années 1960 (à San Francisco) qui deviendra un sujet récurrent pour le cinéma et la télévision. De Brad Pitt (Ocean's 11) à Ryan Gosling (Drive évidemment), nombreux sont les stars contemporaines qui ont été influencées par son jeu basé sur le mouvement et le minimalisme.

Aujourd'hui, il reste de tout cela, le look de Steve McQueen: imper, bottes, veste avec coudières, lunettes noires, col roulé bleu... le comble du chic. Ce policier anti-conformiste colle bien à l'époque. Le réalisateur britannique (ça a son importance) Peter Yates en fait un ingrédient innovant dans le polar, entre Nouvel Hollywood et Série noire venue du polar pulp américain. C'est le début du héros individualiste, à la fois justicier, vengeur et citadin (loin des westerns) qui vont nous donner quelques années plus tard des films avec Delon, Belmondo, Eastwood ou encore Bronson.

A ses côtés, on croise Robert Vaughn, magnifique d'ambivalence dans le personnage du sénateur Walter Chalmers, Jacqueline Bisset, sublime maîtresse qui ne sert pas que de faire-valoir, et dans un petit rôle de chauffeur de taxi, l'immense Robert Duvall.

Enfin, troisième bonne raison, et pas des moindres: la musique jazzy et chaude de Lalo Schifrin, aux accents un peu plus pop. Entre cordes, flûtes et cuivres, le thème groovy, avec guitare basse traduit parfaitement le pont entre deux époques et deux genres, à la fois rétro et hype (pour l'époque).

Et si on binge-watchait… Homecoming sur Amazon

Posté par kristofy, le 19 avril 2020

En attendant la fin du confinement, Ecran Noir vous propose de (re)découvrir certaines séries passées mais encore sur vos écrans. Et parce que cette période de confinement dont la durée s'allonge (et qui pour beaucoup continuera justement encore après le 11 mai...) est propice à diverses théories de complots (l'animal en Chine ayant transmis le virus à l'homme est-il passé par le laboratoire de recherche de Wuhan ? les membres du conseil scientifique qui entoure le président payés par des laboratoires pharmaceutiques retardent-ils l'accès à la chloroquine pour se soigner dès les premiers symptômes ?) et de révélations embarrassantes sur le retard par le gouvernement de certaines mesures de protection (pas de stock de masques pour la population, pas assez de tests...), alors on vous recommande mini-série (10 épisodes de 30 minutes), Homecoming.

Julia Roberts + Sam Esnail = une équation parfaite
Julia Roberts n'est pas que la méga-star des comédies romantiques (Pretty Woman et Coup de foudre à Notting Hill), oscarisée pour Erin Brockovich, seule contre tous, ou s'amusant en bande dans Ocean's 11 et sa suite. Elle a souvent joué dans des thrillers "où la vérité est ailleurs" comme L’Affaire Pélican de Alan J. Pakula impliquant le FBI et Complots de Richard Donner dénonçant la CIA. Elle devient rare au cinéma et elle est encore plus rare à la télévision, alors que Julia Roberts soit l'héroïne de Homecoming est déjà un évènement. Il s'agit de la nouvelle série de Sam Esnail le créateur de la série à succès Mr Robot avec déjà une multitude de complots impliquant une entreprise E.Corp et un groupe Dark Army qui entoure le héros Rami Maleck à la santé mentale défaillante... Si Mr Robot vous manque, bienvenue dans Homecoming, lancée l'automne dernier, qui en reprend certains éléments de paranoïa dont une entreprise aux diverses ramifications. Cette fois, on y parle d'un centre qui accueille des soldats revenus de guerre au Moyen-Orient pour les aider à vivre un transition vers l'existence civile, après leur mission militaire, il s'agit du programme Homecoming qui est développé avec des méthodes et des objectifs qu'il vous faudra découvrir. Après une plainte, un enquêteur vient trouver une femme (Julia Roberts) qui y avait travaillé, mais elle prétend ne pas se souvenir de tout... Cette série Homecoming a fait sensation, avec une nomination pour Julia Roberts pour un Golden Globe de la meilleure actrice.

C’est une série originale et intrigante
Contrairement à Mr Robot dont le public était plutôt une cible jeune et très connectée au numérique, Homecoming, avec Julia Roberts comme héroïne s'adresse à tout le monde (jeunes et moins jeunes, femmes et hommes, rebelles complotistes ou bigot religieux...). Aucune image avec du sang ou de la nudité ne fera polémique. L'ancrage de l'histoire est le développement d'une aide pour que des soldats ayant vécu des expériences traumatisantes en terrain de guerre puisse être re-intégrés au mieux comme citoyens, comme par exemple comment gérer un entretien d'embauche... Autour de Julia Roberts on y voit Bobby Cannavale, Stephan James, et Sissy Spacek.

Dès le premier épisode, on sait que quelque chose ne s'est pas passé comme prévu. On découvre que Heidi travaille désormais dans un restaurant au moment où un enquêteur du ministère de la Défense la trouve pour lui poser quelques questions. La narration alterne entre le passé et le présent (avec même une variation d'image au format rectangle/carré), et joue aussi avec le split-screen (l'écran se partage pour  une conversation au téléphone dans des lieux différents). Homecoming est en fait une double enquête : on découvre à la fois les secrets d'un programme particulier pour des soldats et aussi la quête de certains souvenirs oubliés qui font douter de son identité...

Homecoming c'est addictif avec des épisodes courts.
C'est le format idéal pour binge-watcher en toute sérénité. Il est d'ailleurs fortement recommandé de regarder tous les épisodes à la suite. Il faut donc prévoir 5 heures de visionnage sur 1 ou 2 jour/soir/nuit, c'est assez facile. Les apparences peuvent être trompeuses, et tel détail d'un épisode peut avoir une certaine importance dans un autre. Ces 10 épisodes de Homecoming forment un one-shot, soit une histoire complète avec à la fin une conclusion : les différentes questions soulevées au fur et à mesure trouvent bien des réponses au fil des épisodes. Au final le spectateur ne se retrouve pas frustré par l'attente d'une éventuelle saison 2 pour une complète résolution d'un mystère.

Cependant, comme il s'agit d'une série avec une identité visuelle particulière et forte, de par la mise en scène singulière de Sam Esnail, on voit, après le déroulement du générique de fin du dernier épisode, une courte scène supplémentaire qui laisse une porte ouverte à un éventuel développement. Evidement une série pilotée par Sam Esnail se devait de permettre d'envisager une suite... Bonne nouvelle, des nouveaux épisodes ont déjà été tournés avec certains personnages de la première saison, ces responsables de la manipulation qui nous ont tenu en haleine durant 10 épisodes.

Une saison 2 sera à découvrir à partir du 22 mai. Voici une autre raison de découvrir dès maintenant la série. Il n'y aura plus Julia Roberts puisque la nouvelle héroïne sera interprétée par Janelle Monáe.

Homecoming disponible sur Amazon Prime Video ici.

Et si on binge-watchait… Stranger Things sur Netflix

Posté par wyzman, le 18 avril 2020

Pendant le confinement, Ecran Noir s’occupe de votre listes de séries à rattraper. Aujourd’hui, coup de projecteur sur la série phénomène de Netflix, j’ai nommé Stranger Things.

C’est une série pour les nostalgiques — et tous les autres ! En novembre 1983, le jeune Will disparaît à Hawkins (Indiana) sans laisser de traces. Très vite, sa mère Joyce, sa bande d’amis et le chef de la police Jim Hopper partent à sa recherche. Leur rencontre avec Onze, une jeune fille dotée de facultés psychiques, va les mener jusqu’au Laboratoire national de Hawkins, contrôlé par le Département de l’Energie… Voilà pour le pitch !

Intrigue majeure de la première saison de la série, la disparition de Will est ici l’occasion pour les créateurs Matt et Ross Duffer de mettre en scène des personnages qui n’auraient eu de cesse de simplement se croiser sans cela. Désormais adulée par des millions d’internautes à travers le monde, Stranger Things est le résultat d’une recette sans faille. Lancez une intrigue digne d’un thriller, ajoutez-y une énorme dose de science-fiction, doublez celle d’humour habituelle, saupoudrez de grands moments de bravoure et laissez reposer le tout dans un univers 80s. Et le tour est joué ! Stranger Things se savoure comme un drame familial à la touche Spielberg et sans modération.

C’est de la comfort TV comme on l'aime. On le sait, de nombreux projets de Netflix sont le fruit de l’étude pointue d’algorithmes. Et pour le casting de Stranger Things, la production a eu la bonne idée de mêler jeunes inconnus (Millie Bobby Brown, Finn Wolfhard) et anciennes gloires sur le retour (Winona Ryder, David Harbour). Grâce à des dialogues parfaitement écrits, la complicité de tout ce beau monde devient rapidement crédible et ile ne faut généralement pas plus de trois épisodes pour devenir complètement accro aux préadolescents de Hawkins.

Avec leurs histoires d’amitié et d’amour naissant qui parlent à tous, la petite bande n’a pas tardé à devenir de véritables mascottes pour le géant du streaming. Et pour s’assurer que la série fasse du bruit dans la conversation numérique, Netflix met en ligne chaque nouvelle saison à des moments stratégiques de l’année (le lendemain de la fête nationale française, juste avant Halloween et le jour de la fête nationale américaine). De quoi nous laisser le temps de binge-watcher ce programme aussi passionnant qu’hilarant.

C’est le Game Of Thrones de Netflix que personne n’avait vu venir. En seulement trois saisons, Stranger Things est passée de série de niche dispo en streaming à phénomène planétaire. 64 millions de foyers devant la troisième saison le mois de sa sortie, près de 8 millions de fans sur Facebook, des dizaines de millions d’abonnés aux comptes Instagram des acteurs… Stranger Things est le meilleur filon de Netflix, la série incontournable de son calendrier et la plus appréciée par le public et la critique.

Emmy Awards, Golden Globes, Grammy Awards, Critics Choice, Saturn Awards, PGA Awards, SAG Awards… La série produite par Shawn Levy et Dan Cohen est de toutes les cérémonies qui comptent ! Il faut dire qu’avec ses effets spéciaux plus que réussis et sa bande originale d’époque (The Police, Duran, Duran, Joy Division, Bon Jovi, Peter Gabriel, The Who, Madonna, Wham!), ce programme a tout pour vous donner envie de voir la suite.

Stranger Things, l’intégrale disponible sur Netflix ici.

Et si on binge-watchait… Unorthodox sur Netflix

Posté par vincy, le 16 avril 2020

En attendant le 11 mai, Ecran Noir vous propose de (re)découvrir certaines séries passées ou encore sur vos écrans. Et parce que cette période de confinement, on a le sentiment d’être enfermés et la volonté de profiter de sa liberté, on vous recommande vivement la mini-série (4 épisodes et un making-of) Unorthodox.

Un portrait de femme passionnant et une actrice épatante. Adapté de l’autobiographie de Deborah Feldman, Unorthodox : The Scandalous Rejection of My Hasidic Roots, l’histoire prend quelques libertés avec la vie de cette jeune femme prisonnière de sa communauté à Williamsburg (Brooklyn, New York). Dans la réalité, Deborah enfreint les règles strictes des Juifs orthodoxes en fréquentant la bibliothèque et en étudiant la littérature, avec l’accord de son mari. Elle devient écrivain par la suite, à Berlin. Dans la fiction réalisée par l’actrice et cinéaste allemande Maria Schrader, Deborah devient Esther, surnommée Esty, et apprend clandestinement la musique. Elle s’enfuit aussi à Berlin et, par un concours de circonstance, va tenter un concours d’entrée dans une école prestigieuse de la capitale.

Entre son passé étouffant à New York et un présent rempli de découvertes à Berlin, on suit l’évolution de Esther, de son enfance à son émancipation, en passant par un mariage arrangé avec Yanky, sa relation fusionnelle avec sa grand-mère rescapée des camps, son apprentissage du corps et de la sexualité, son évasion clandestine, ses rencontres et la traque de son mari et d’un cousin.  L’actrice Shira Haas est en soi un motif incontournable pour voir cette série. La comédienne israélienne, âgée de 24 ans, est bouleversante, toujours juste, capable de basculer du yiddish à l’allemand et l’anglais, de chanter mezzo soprano ou de pleurer à chaudes larmes sur commande. Avec un personnage oscillant entre émotions intériorisées et frustrations douloureuses, désir de vivre librement et conscience de ses différences, à la fois fragile et déterminée, elle déploie soutes les palettes d’un jeu riche en variations en moins de 4 heures.

Révélée par la série israélienne Shtisel, on l’avait aperçue dans Foxtrot de Samuel Moaz, Grand prix du jury à Venise, La femme du gardien de Zoo de Niki Caro, Marie-Madeleine de Garth Davis. Elle a remporté un « Oscar » israélien pour son second-rôle dans Noble Savage de Marco Carmel. On pourra la voir dans Esau de Pavel Lounguine, avec Harvey Keitel, et Asia de de Ruthy Pribar, qui était prévu à Tribeca avant que le festival ne soit annulé.

Une série qui peut déranger au-delà de l’enjeu dramatique. Netflix continue sa globalisation : une série allemande, parlée la moitié du temps en yiddish (une première pour la plateforme). Outre la communauté hassidique, les personnages secondaires remplissent toutes les cases du cahier de charge de Netflix : une mère lesbienne, un couple mixte homosexuel, dont un réfugié, une amie yéménite, une israélienne athée…

Car l’histoire que raconte Unorthodox est bien celle d’une jeune femme pieuse qui se sent de moins en moins bien au sein de son cocon communautaire. La force de la série n’est pas seulement de nous montrer sa réaction au monde réel extérieur (persuadée que le jambon allait la rendre malade, elle se précipite pour aller vomir, en vain). Non, le récit est aussi un tableau ethnologique sur ce mouvement religieux extrême. Refusant de se mélanger au reste de la population, obéissant aveuglément au Tamuld, critiquant le sionisme, se complaisant dans la souffrance du peuple élu, distinguant les deux sexes, rejetant tout dévoiement au monde moderne, se méfiant des technologies comme des idéologies, on regarde, stupéfaits, certains rites d’un autre temps perdurer, des costumes aux cérémonies. Ainsi, on reste évidemment choquer de la manière dont les mariages s’arrangent, dont on prépare la mariée à vivre une vie sexuelle allongée sur le dos, habillée, sans aucun baiser ni caresse, dont on contraint les femmes à se soumettre à la loi des Hommes. Jusqu’à enlever leur enfant si elles quittent la communauté.

C’est psychologiquement fascinant et dramatiquement plus brutal que ça n’en a l’air. La place de la femme interroge (il faut voir Esty découvrir qu’elle a un vagin ou souffrir lors d’une pénétration), tout comme la manière dont elle est poursuivie sur ordre du rabbin new yorkais. L’absence d’amour, d’affection, la tyrannie des mensonges et des hypocrisies sont peu flatteuses pour cette communauté, qui, malgré tout aime célébrer, danser, être solidaire. On comprend l’aspiration d’Esther à fuir ce monde en cage où on  est jugé au nombre d’enfants procréés et où on tond les femmes dès le mariage pour leur enlever toute identité et toute force. Son exil et sa rupture sont alors aussi violents pour elle que compréhensibles pour nous.

Une construction qui passe de l'étonnement à l’émotion. Avec une parfaite maîtrise de l’espace et du temps, des flash-backs à différentes périodes et du présent en cours, le scénario nous happe rapidement dans cette histoire a priori banale. On a parlé de la saisissante interprétation de l’actrice principale, du sujet coup-de-poing, mais le grand mérite de cette courte série est d’avoir condenser en quelques heures l’histoire d’une vie. Bien sûr, la traque par le cousin et le mari offre un vecteur aventureux et incertain à ce drame.

Evidemment, quelques plans sur-signifient leur symbolique (le rouge à lèvre de marque Epiphany, la mort d’un personnage au moment de la renaissance d’un autre, le deuxième baptême dans un lac). Mais on est tout autant hypnotisés par la longue séquence du mariage, quasi documentaire et par ce dénouement presque irréaliste tout en chant, en bienveillance et en sourire. Car si Unorthodox est une histoire de divorce (avec le mari et avec la communauté), c’est finalement la réconciliation (avec la mère, avec la vie) et la force de la rencontre (les musiciens) qui prennent le dessus, rendant l’œuvre lumineuse et positive.

Tout est fait pour nous faire aimer Esther, mais aussi tous les autres : du sale cousin qui cherche une rédemption malgré ses addictions, à la tante qui essaie de sauver la destinée malheureuse de sa nièce, de la mère qui dévoile la cruelle vérité sur son abandon indigne dans le dernier épisode au jeune mari, qui fait tout pour retrouver sa femme, jusqu’à enfreindre quelques règles ancestrales, prêt à accepter la différence de son épouse. Cette séquence de séparation résume parfaitement l’intention du film : pas de dispute trop dramatique, juste un fossé entre deux mondes impossible à combler. Même avec leur premier baiser, après un an de mariage.

C’est là que tout nous emporte : dans cette voix venue du fin fond des âges qui se lamente du passé tragique de sa communauté et dans ce sourire esquissé qui embrasse un nouvel avenir plein de promesses. C’est l’histoire d’une esclave qui s’affranchit, se libère de ses chaînes et s’ouvre au monde tel qu’il est.

Unorthodox disponible sur Netflix ici.