Hommage à José Maria Riba lors de la dernière soirée Espagnolas en Paris

Posté par MpM, le 28 septembre 2020

Il était la pierre angulaire de l'association Espagnolas en Paris, créée il y a 12 ans pour montrer aux cinéphiles de la capitale un « autre » cinéma espagnol et latino-américain. José Maria Riba, par ailleurs journaliste et sélectionneur, nous a quittés le 2 mai dernier. "Sans lui il nous sera difficile, voire même impossible, de continuer à faire vivre cette association car cette magnifique aventure n’aurait pas pu voir le jour, avec nos modestes moyens, sans l’initiative, la passion, l’énergie et le caractère têtu de notre « chef » de bande", déclare Laura del Sol, présidente de l'association. "José incarnait le cœur et l’âme de cette association, notre colonne vertébrale. Oui, José était "Dífferent" !"

Malgré tout, Espagnolas en Paris investit le Majestic Passy le 5 octobre prochain pour une dernière soirée consacrée à José Maria Riba, et à ce cinéma qu'il aimait. On y découvrira en avant-première Une vie secrète de Aitor Arregi, Jon Garaño et José Mari Goenaga (sortie nationale le 28 octobre 2020) ainsi que la version courte du film hommage conçu par la cinéaste mexicaine Lila Avilés (La camarista) : José María Riba, un agradecimiento por siempre dont la version intégrale réunit plus de 50 témoignages de cinéastes, acteurs et professionnels du monde entier.

L'occasion de se souvenir de celui qui, inlassablement, a œuvré pour aider et faire connaître le cinéma espagnol et latino-américain en France. D'abord journaliste à RFI, puis à l'AFP, José Maria Riba a fait partie pendant près de 30 ans de l'équipe de sélection du Festival de San Sebastian. Egalement sélectionneur pour la Semaine de la Critique du Festival de Cannes, il en fut le Délégué général en 2000 et 2001. C'est ainsi lui qui a découvert et sélectionné, entre autres, les premiers longs métrages des Mexicains Guillermo del Toro (Cronos) et Alejandro González Iñárritu (Amours chiennes), ou de l'Espagnol Cesc Gay (Krampack). Par la suite, il a été pendant plusieurs années le consultant privilégié de Thierry Frémaux, Délégué général du Festival de Cannes et d'Edouard Waintrop, Délégué général de la Quinzaine des Réalisateurs, en matière de films espagnols et latino-américains.

Il a également créé en 2008 le festival Différent! consacré à l' "autre cinéma espagnol", rejoint en 2012 le comité de sélection du Prix Jean Vigo, avant de devenir en 2016 le Délégué générale de la cérémonie des Lumières de la presse internationale... Passionné, et passionnant, il n'a cessé de porter haut les couleurs du cinéma, espagnol et latino-américain bien sûr, et plus généralement d'un cinéma souvent "différent", méconnu, parfois à la marge, dont il s'était fait le chantre, et auquel il manquera.

Cannes 2020 : The Last Hillbilly et les films de l’ACID hors les murs

Posté par kristofy, le 25 septembre 2020

A cause du contexte de crise du coronavirus les trois sélections parallèles du Festival de Cannes avait annoncé leur annulation dès mi-avril : " la Quinzaine des Réalisateurs, la Semaine de la Critique et l'ACID ont le regret d’annoncer l’annulation de leurs éditions cannoises 2020... Afin de soutenir l’ensemble du secteur cinématographique, très affecté par la situation présente, chaque section, en concertation avec le Festival de Cannes, étudie cependant la meilleure façon de continuer à accompagner les films soumis à leur édition 2020". Depuis divers événements font découvrir des films 'Cannes 2020', et l'ACID organise aussi un accompagnement de ses 9 films sélectionnés (5 fictions et 4 documentaires).

Septembre symbolise le début d'une tournée qui passe par plusieurs de cette sélection ACID 2020 'Hors les murs' :

du 17 au 19 septembre 2020, à Nantes, au Cinématographe
du 25 au 29 septembre, à Paris, au Louxor
du 30 septembre au 2 octobre, à Montreuil, au cinéma Le Méliès
du 1er au 5 octobre, à Malakoff, au cinéma Le Marcel Pagnol
du 2 au 4 octobre, à Lyon, au cinéma Comoedia
du 8 au 11 octobre, à Marseille, au cinéma La Baleine et au Gyptis
du 10 au 18 octobre, à Lisbonne au Portugal, dans le cadre de la Festa do Cinema Francê
du 10 au 13 novembre, à Porto-Vecchio, à la Cinémathèque de Corse
du 20 au 29 novembre, à Belgrade en Serbie, dans le cadre du Festival du Film d’auteur
et d'autres festivals internationaux (Busan, Hambourg...).

La programmation ACID 2020 à Paris au Louxor, en présence des équipes de films  :

Vendredi 25 septembre, 20h00 = Ouverture avec THE LAST HILLBILLY + rencontre et discussion avec les réalisateurs du film & les cinéastes de l'ACID Idir Serghine, Jean-Louis Gonnet et Anne Alix.

26 septembre = 14h00 : LES AFFLUENTS + rencontre et discussion avec le réalisateur;16h00 : FUNAMBULES + rencontre et discussion avec le réalisateur, le compositeur et la productrice; 18h00 : IL MIO CORPO + rencontre et discussion avec le réalisateur et l'équipe du film; 20h30 : SI LE VENT TOMBE + rencontre et discussion avec la réalisatrice et l'acteur Grégoire Colin.

27 septembre = 11h00 : LOIN DE VOUS J’AI GRANDI + rencontre et discussion avec la réalisatrice; 14h00 : LA ULTIMA PRIMAVERA; 16h00 : WALDEN + rencontre et discussion avec la réalisatrice; 18h30 : LES GRAINES QUE L’ON SEME + rencontre avec le réalisateur.

28 septembre = 11h00 : THE LAST HILLBILLY + rencontre et discussion avec la réalisatrice Diane Sara Bouzgarrou; 14h00 : LES GRAINES QUE L’ON SEME; 16h30 : IL MIO CORPO + rencontre et discussion avec le réalisateur; 18h30 : FUNAMBULES + rencontre et discussion avec le réalisateur; 20h30 : LOIN DE VOUS J’AI GRANDI + rencontre et discussion avec la réalisatrice.

29 septembre = 14h00 : SI LE VENT TOMBE; 16h30 : WALDEN; 18h30 : LES AFFLUENTS + rencontre et discussion avec le réalisateur; 20h30 : LA ULTIMA PRIMAVERA + rencontre et discussion (via skype) avec la réalisatrice.

The Last Hillbilly, de Diane Sara Bouzgarrou & Thomas Jenkoe, en ouverture à Paris :

C'est l'occasion de découvrir ce documentaire, qui a aussi été sélectionné lors du Festival de Deauville, avant sa sortie prévue le 2 décembre. Il nous emmène dans une région des Etats-Unis peu représentée au cinéma, un endroit vers les montagnes Appalaches dans le Kentucky : ici plus qu'ailleurs les jeunes ont tendance à s'en aller vers des grandes villes et ceux qui restent sont encore attachés aux histoires d'un coin qui n'intéresse quasi plus personne. C'est un de ces endroits un peu isolé où les gens sont moins américains (ou plus) que d'autres, les hillbillies (les péquenauds) assistent à la disparition du mode de vie de leurs parents...

Le documentaire s'intéresse particulièrement à l'un d'eux et à sa famille. Brian est conscient de la désertification de la région et que tout ce qu'il a connu sera oublié, les enfants s'ennuient dans cette nature de forêt et de lacs et jouent soit aux jeux-vidéo soit à conduire un tracteur vers ailleurs. La caméra observe beaucoup et écoute leurs discussions, les deux réalisateurs se sont donné un rôle de témoin de ce qui se joue sans y ajouter leur commentaire. Et ce qui se joue est précisément la fin en marche d'un endroit rural à la fois profondément américain et en même temps hors de l'Amérique moderne. C'est une certaine tradition des pionniers qui n'est plus du tout attirante face au progrès (dont économique) des villes. Brian continue de raconter des histoires au coin du feu et les enfants de se baigner dans la rivière, mais tous ont le sentiment qu'il n'y aura plus vraiment de Hillbilly à l'avenir...

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ACID hors les murs au cinéma Le Louxor à Paris
du 25 au 29 septembre.
Renseignements sur le site de la manifestation

Youpi ! C’est mercredi : le jeune public à la fête

Posté par MpM, le 23 septembre 2020

Cette semaine, on retrouve sur grand écran Rita et Crocodile, deux amis inséparables nés sous le crayon de la réalisatrice danoise Siri Melchior. En 2018, les deux petits héros avaient déjà bénéficié d'une sortie en salles couronnée de succès (plus de 150 000 spectateurs). Ils sont de retour avec 8 courts épisodes qui les emmènent du cinéma à la piscine, en passant par une cabane construite au fond du jardin de la grand mère de Rita et une fête d'anniversaire.

Les enjeux narratifs ne sont pas sans rappeler ceux de Rita et Machin dont nous vous parlions il y a peu (une fillette et son compagnon inséparable, vivant mille aventures au gré du quotidien) et les situations peuvent sembler particulièrement familières : un jour de pluie pendant lequel on s'ennuie, la jalousie face à l'apparition d'une rivale "meilleure amie", la divergence de vues sur la manière de jouer... On est dans des récits très classiques de la petite enfance, sans grandes questions existentielles ni singularités narratives, qui viennent sans cesse rappeler l'importance de l'amitié et de l'entraide.

Pourtant, la personnalité gentiment transgressive de Crocodile fait la différence, apportant humour et fantaisie à chaque intrigue, même les plus convenues. Qu'il joue seul à la dinette, se transforme en super bouée dans la piscine interdite aux animaux ou grignote en cachette un gâteau d'anniversaire, il crée sans cesse un décalage cocasse entre un environnement plutôt réaliste et sa présence parfaitement saugrenue dans le contexte en tant que crocodile, c'est-à-dire animal potentiellement féroce et sauvage.

Pour les plus petits, auxquels s'adresse le programme, l'adhésion est immédiate et le plaisir palpable.  On peut d'ailleurs parier qu'à la sortie de la salle, les jeunes spectateurs auront tous envie d'un nouveau compagnon de jeu : vert et avec de grandes dents...

Pour les enfants du même âge (autour de 3 ou 4 ans), on conseillera également L'Odyssée de Choum de Julien Bisaro qui vient de sortir en DVD. Il s'agit d'un très joli conte initiatique qui s’adresse aux plus jeunes spectateurs en abordant des thèmes qui leur sont familiers comme la complicité au sein d’une fratrie et la prise d'indépendance, et d’autres plus graves comme la perte ou l’abandon.

Les aventures des deux bébés chouettes sont à la fois pleines de rebondissements et d'humour, mais également propices à la rêverie et à la contemplation. Le rythme n'en est donc pas trépidant, et la narration demeure d'une grande simplicité tout en essayant de sensibiliser les jeunes spectateurs à des enjeux environnementaux simples. Le film est accompagné de deux autres courts métrages, comme lors de sa sortie en salles : Le Nid de Sonja Rohleder et L'oiseau et la baleine de Carol Freeman.

Enfin, pour un public sensiblement plus âgé, Jacob et les chiens qui parlent d'Edmunds Jansons sort également en DVD. Adapté d’un roman jeunesse, ce long métrage letton nous plonge dans le quartier coloré et atypique de Maskachka, en périphérie de Riga (Lettonie), où le temps semble s’être un peu arrêté. Les maisons en bois, le parc qui ressemble à une petite forêt, la circulation très réduite donnent l’impression d’un village encore très rural, protégé du bruit et de la pollution.

Le très citadin Jacob, contraint de venir habiter ici pendant une absence prolongée de son père, se laisse peu à peu séduire par la personnalité de ce lieu si différent du centre ville ultra-moderne dont il a l’habitude. Si bien qu'il finit par être prêt à tout pour le sauver de la destruction... Rien de bien original il est vrai dans cette fable écologique plutôt convenue, et parfois paresseuse, mais quelques touches de poésie et surtout une esthétique singulière qui donnent envie de découvrir le sort de cet étonnant quartier préservé du temps.

Ruth Bader Ginsburg (1933-2020), fin d’un suprême parcours

Posté par vincy, le 19 septembre 2020

Ruth Bader Ginsburg, doyenne de la Cour suprême des Etats-Unis, est décédée vendredi à l'âge de 87 ans. Nommée par Bill Clinton en 1993, icône de la gauche américaine et des progressiste, elle était devenue l'une des plus âpres défenseuses de la cause des femmes, des minorités, des droits civiques et de l'environnement. Et surtout elle incarnait l'opposition à Donald Trump.

Au début de sa carrière, dans les années 1970, elle avait co-fondé le Women's Rights Law Reporter, premier journal américain qui se concentre exclusivement sur les droits des femmes et les de discriminations sexistes. RBG avait porté six cas de discrimination devant la Cour suprême entre 1973 et 1976 (une seule défaite).

Son parcours comme son aura et ses décisions symboliques en avaient fait un personnage politique de premier plan. Une héroïne américaine, à sa façon, l’une des femmes les plus influentes de l’histoire des États-Unis pour son combat pour l’égalité des sexes. Les drapeaux américains de la Maison Blanche ont été mis en berne. Ruth Bader Ginsburg était devenue extrêmement populaire malgré une fonction réputée à l'ombre du pouvoir. Grâce à son positionnement, qui séduit les jeunes urbains et les modérés, elle était devenue "Notorious RBG".

Pas surprenant alors qu'Hollywood s'empara de son destin. D'abord avec un film Une femme d'exception (On the Basis of Sex), réalisé par Mimi Leder avec Felicity Jones (dans le rôle de Ruth Bader Ginsburg), Armie Hammer, Justin Theroux, Sam Waterston, et Kathy Bates. Le film a totalisé 38M$ de recettes dans le monde et a attiré 91000 spectateurs dans le salles françaises début 2019. Si le scénario est assez classique pour un biopic qui se concentre sur les débuts de RBG, le film est passionnant par ce qu'il décrypte du personnage et de ses combats.

Et puis il y a eu l'excellent documentaire, RBG, réalisé et produit par Betsy West et Julie Cohen. Présenté en avant-première au Festival du Film de Sundance en 2018, ce docu captivant sur cette personnalité passionnante, est deux fois nommé aux Oscars (documentaire, chanson) et remporte treize prix dans le monde. En France, il est présenté en avant-première à Deauville.

Deauville 2020 : The Nest trois fois primé

Posté par kristofy, le 13 septembre 2020

Ce 46ème Festival du cinéma américain de Deauville a connu des salles "pleines de monde et belles de monde". La menace du coronavirus a provoqué une diminution logique du nombre de festivaliers pendant cette dizaine de jours, soit une fréquentation en baisse de 37%. Avec l'invitation à y découvrir aussi des films qui avaient été sélectionnés par les festivals de Cannes et Annecy qui n'avaient pas pu se tenir, le message symbolique était d'aller voir des films, collectivement , sur grand écran, après un été catastrophiques pour les exploitants : "le cinéma nous y retournons, et nous y retournerons". Pour l'instant, la fréquentation est en baisse 65% cette année en France.

Le cœur du Festival de Deauville reste sa compétition, avec, cette année 15 films (dont 7 premiers films et 8 films de réalisatrices). On y comptait quelques grands noms de cinéastes (Kelly Reichardt, Miranda July, Jonathan Nossiter, Alan Ball, Sean Durkin). "La sélection que nous avions a juger était riche, varié, et d'un très bon niveau", et pour tous, ce sont les mêmes films qui étaient favoris : First Cow, Lorelei, The Assistant, Holler, Uncle Franck...

Les jurys ayant la mission de remettre un prix devaient forcément faire un choix difficile. On comprend mieux que certains prix se soient dédoublés avec des mentions.  Malgré leurs différences de production (des premiers films avec des amis débutants, d'autres films avec des gros budgets et des célébrités, chaque œuvre méritait un prix d'interprétation. S'il y avait eu des prix d'interprétation Carrie Coon dans The Nest et Pablo Schreiber dans Lorelei auraient été au palmarès. D'ailleurs, plus que des intentions de mises en scène ou des sujets de scénario, un critère influençant l'arbitrage semble avoir été l'interprétation.

The Nest de Sean Durkin cumule trois récompenses. Le réalisateur avait été révélé avec Martha Marcy May Marlene primé à Sundance et à Cannes,  sorti début 2012. En fait hormis un court prologue, tout le film The Nest se passe à Londres : un entrepreneur dans la finance (Jude Law) vient de déménager avec sa femme (Carrie Coon) et ses deux enfants dans une immense et antique maison avec un grand parc où va se construire une écurie; mais sa femme découvre que leur compte en banque est vide et que ses mensonges et leur vie luxueuse ne sont plus tenables. L'unité familiale s'en trouve ébranlée.

Grand prix : The Nest de Sean Durkin
Prix du jury ex-aequo : First Cow de Kelly Reichardt et Lorelei de Sabrina Doyle

Prix de la Révélation : The Nest de Sean Durkin
Mention Prix de la Révélation pour sa mise en scène : The Assistant de Kitty Green

Prix du Public : Uncle Franck d’Alan Ball
Prix de la critique : The Nest de Sean Durkin

A noter que la grande majorité des 15 films en compétition (et les meilleurs) n'ont pas encore de date de sortie déterminée en France. Uncle Franck d’Alan Ball (scénariste de American Beauty, et des séries Six Feet Under et True Blood!) sera visible sur la plateforme Amazon Prime Video, et curieusement, ce sont les plus déroutants qui sont prévus en salles: Kajillionaire de Miranda July le 30 septembre et Last Words de Jonathan Nossiter le 21 octobre.

Venise 2020: Le Lion d’or pour Nomadland de Chloé Zhao

Posté par vincy, le 12 septembre 2020

Cette édition si spéciale du festival de Venise, la 77e, n'aura pas brillé d'un point de vue médiatique. Les Américains étaient relativement absents. Le tapis rouge était cloîtré. Les spectateurs masqués. Ambiance de confinement. Pourtant, de l'avis général, tout s'est bien passé. Si le festival manquait sans doute d'un film dont le good buzz fasse le tour de la planète, il a réussi à exister malgré la covid. Mieux, avec le court métrage de Pedro Almodovar, La voix humaine, unanimement apprécié, il s'est offert un petit gâteau surprise en guise de cadeau.

Côté palmarès, aucun film ne se détache non plus même si Quo Vadis, Aida? de Jasmila Zbanic, Nomadland de Chloé Zhao, Notturno de Gianfranco Rosi et Miss Marx de Susanna Nicchiarell glanent quelques prix mineurs en marge du festival. Nomadland a été couronné par le Lion d'or, qui récompense une réalisatrice singulière dans l'Hollywood d'aujourd'hui, Chloé Zhao. Adulée pour ses films d'auteurs (The Rider, Les Chansons que mes frères m'ont apprises), cette américaine née en Chine a été choisie pour une superproduction Marvel (Eternals, 2021). Avec Nomadland, elle reste dans son territoire. Le film interprété par Frances McDormand et David Strathairn nous renvoie dans le passé et dans les horizons immenses: Après avoir tout perdu pendant la Grande Récession, une sexagénaire se lance dans un voyage à travers l'Ouest américain, vivant comme un nomade des temps modernes. Ironiquement, alors que les Américains sont absent de Venise, c'est une production Fox Searchlight distribuée par Disney qui est sacrée par le deuxième plus grand festival du monde.

Le prix FIPRESCI de la critique a été décerné à The Disciple de l'indien Chaitanya Tamhane pour la compétition (par ailleurs distingué par le jury de Cate Blanchett pour son scénario) et à Dashte Khamoush (The Wasteland) de l'iranien Ahmad Bahrami (Orizzonti) pour les autres sélections. Le film a d'ailleurs été couronné par le jury d'Orizzonti. Le cinéma iranien a aussi été distingué avec le prix Marcello Mastroianni pour le jeune Rouhollah Zamani.

Du côté des Giornate degli autori (Venice Days), le palmarès a couronné The Whaler Boy du russe Philipp Yuryev (meilleur réalisateur), 200 Meters du palestinien Ameen Nayfeh (prix du public), et Oasis du serbe Ivan Ikic (prix Label Europa). Le Grand prix de la Semaine internationale de la Critique a distingué Hayaletler (Ghosts) d'Azra Deniz Okyay (Turquie). Enfin, The World to come de l'américaine Mona Fastvold a remporté le Queer Lion Award.

Côté hommages, deux Lions d'or d'honneur ont été remis à l'actrice écossaise Tilda Swinton et la cinéaste de Hong Kong Ann Hui. Abel Ferrara a reçu le prix Jaeger-LeCoultre Glory to the Filmmaker.

Il restait aux deux jurys principaux de révéler leurs choix: celui de la compétition (Cate Blanchett, présidente, Matt Dillon, Veronika Franz, Joanna Hogg, Nicola Lagioia : écrivain Drapeau de l'Italie Italie, Christian Petzold et Ludivine Sagnier) et celui de la section Orizzonti (Claire Denis, présidente, Oscar Alegria, Francesca Comencini, Katriel Schory et Christine Vachon).

Globalement, l'Europe et l'Asie se sont partagés la pièce montée.

On a déjà parlé du Lion d'or, mais le palmarès est aussi cosmopolite que divers. Le jury de Cate Blanchett n'a pas manqué de donner enfin un prix d'interprétation masculine à Pierfrancesco Favino pour Padrenostro, lui qui l'avait manqué l'an dernier à Cannes pour Le traître (qui lui a valu son premier Donatello du meilleur acteur cette année). De même côté actrice, Vanessa Kirby (The Crown) pouvait difficilement être snobée avec deux films en compétition : The World to Come et celui pour lequel elle a ce prestigieux prix, Pieces of a Woman, premier film anglophone du hongrois Kornél Mundruczó. Kiyoshi Kurosawa reçoit avec le prix du meilleur réalisateur sa plus importante récompense dans sa carrière, faiblement honorée (hormis à Cannes avec un prix en 2015). Initialement choisi par Cannes, le nouveau film du mexicain Michel Franco repart de son côté avec le Grand prix du jury (cinq ans après son prix du scénario à Cannes).

Listen d'Anna Rocha de Sousa est parmi les vainqueurs de la soirée avec un prix spécial du jury Orizzonti et le prix du meilleur premier film toutes sélections confondues. On notera dans la sélection Orizzonti les deux prix d'interprétation pour un acteur tunisien et une actrice marocaine, confirmant année après année la pleine forme du cinéma maghrébin sur le Lido. Quant à Lav Diaz, Lion d'or en 2016, son cinéma si singulier est une nouvelle fois récompensé avec le prix du meilleur réalisateur.

LE PALMARÈS

Compétitition
Lion d'or: Nomadland de Chloé Zhao
Grand prix du jury: Nuevo Orden (New Ordre) de Michel Franco
Lion d'argent du meilleur réalisateur: Kiyoshi Kurosawa pour Les amants sacrifiés
Coupe Volpi de la meilleure actrice: Vanessa Kirby (Pieces of a Woman de Kornél Mundruczó).
Coupe Volpi du meilleur acteur: Pierfrancesco Favino (Padrenostro de Claudio Noce)
Meilleur scénario: The Disciple de Chaitanya Tamhane
Prix spécial du jury: Dear Comrades d'Andreï Konchalovsky

Sélection Orizzonti
Meilleur film: Dashte Khamoush (The Wasteland) d'Ahmad Bahrami
Meilleur réalisateur: Lav Diaz (Genus Pan (Lahi, Hayop))
Prix spécial du jury: Listen d'Anna Rocha de Sousa (Orizzonti)
Meilleure actrice: Khansa Batma (Zanka Contact de Ismaël El Iraki)
Meilleur acteur: Yahya Mahayni (L'Homme qui avait vendu sa peau de Kaouther Ben Hania)
Meilleur scénario: I predatori de Pietro Castellitto
Meilleur court métrage: Entre tu y milagros de Mariana Saffon

Prix Luigi de Laurentiis (premier film): Listen d'Anna Rocha de Sousa (Orizzonti)
Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir: Rouhollah Zamani (Sun Children de Majid Majidi, compétitition)

Deauville 2020 : Comment je suis devenu super-héros sauvera-t-il les salles de cinéma ?

Posté par kristofy, le 11 septembre 2020

Not all heroes wear capes, but a lot wear masks. Les super-héros, c'était avant-tout les comics américains à partir desquels il y a eu au cinéma dès les années 1970, quatre films avec Superman, avant une relance ensuite à la fin des années 80 (quatre films avec Batman), puis une débandade générale  (malgré The Crow, Spawn et Blade). Les années 2000 ont vu arriver des super-héros en série, rebootés par des effets plus réalistes et les excellents Spiderman et X-Men. Marvel a installé sa franchise avec Iron-Man et la folie d'une cadence industrielle qui s'en est suivie (plusieurs films par an, avec Disney, Sony, Warner, Fox...). Les recettes sont stratosphériques. Les super-héros américains deviennent des stars mondiales. Une overdose qui va continuer encore avec une nouvelle régénération de ce style de films (Joker, Wonder-Woman, The Batman). Et les super-héros européens? Comment je suis devenu super-héros réalisé par Douglas Attal intrigue forcément en voulant se confronter au genre.

La clôture du Festival du cinéma américain de Deauville est le lieu idéal pour le présenter, en compagnie de Douglas Attal, Pio Marmaï, Benoit Poelvoorde, Swann Arlaud, Gilles Cohen (il y a aussi Leïla Bekhti à l'affiche). Un film de super-héros 'à la française' était quelque chose que l'on pouvait craindre, la bande-annonce 'à l'américaine' était rassurante. Verdict : oui, on peut aussi faire ce genre de film avec des effets-spéciaux et une histoire bien construite.

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités

Les héros français "les plus super" semblent d'un autre siècle (Vidocq, Arsène Lupin, Fantomas, Adèle Blanc-Sec...). Il était quand-même temps d'avoir un peu plus de modernité. Il y a bien eu quelques films avec des super-pouvoirs au cinéma mais leur renommée fût très discrète : Simple Mortel en 1991 de Pierre Jolivet (d'ailleurs à Deauville), Vincent n'a pas d'écailles de Thomas Salvador en 2015 (avec déjà Vimala Pons), La Dernière Vie de Simon de Léo Karmann début 2020. Cette fois pour la première fois dans le cinéma français, on y verra, comme aux Etats-Unis, des personnages avec masque et identité secrète, un méchant psychopathe, et des justiciers. Pas de quoi renouveler le genre..

L'histoire est d'abord celle d'une enquête policière : Paris 2020, une mystérieuse substance procurant des super-pouvoirs à ceux qui n’en ont pas se répand. Face aux incidents qui se multiplient, deux flics sont chargés de l’enquête et avec l’aide de deux anciens justiciers, ils feront tout pour démanteler le trafic...

Influences assumées

Le film se déroule au présent et assume une influence des super-héros américains qu'on connaît tous plus ou moins. Ici on apprend qu'il y a d'ailleurs déjà eu quelques super-héros justiciers pour combattre le crime. Leur existence est donc établie (comme dans Watchmen). Plusieurs incidents avec des morts font démarrer une enquête, d'où va découler l'histoire. D'ailleurs c'est la bonne surprise du film, outre le feu, on y voit l'utilisation d'une variété de plusieurs super-pouvoirs différents.

Le policier est contraint de travailler avec une nouvelle partenaire : l'habituel duo de deux personnalités évidemment opposées qui va devoir découvrir comment et pourquoi une nouvelle drogue provoque des dégâts mortels... C'est la traditionnelle structure d'une enquête policière pour faire avancer la narration d'un film, avec des indices vers un suspect et des rebondissements vers un affrontement final.

Mais pourquoi est-il si méchant ?

Un film avec super-héros cela implique aussi un antagoniste de super-vilain, un génie du Mal ou une personne psychopathe à combattre. Encore lui faut-il une motivation plus crédible que devenir maître du monde, ou vendre des crèmes de beauté foireuses (Sharon Stone dans Catwoman). Ici le super-vilain est heureusement crédible avec une explication cohérente pour justifier ses actions criminelles, en plus d'être doté d'un comportement parfois imprévisible.

Comment je suis devenu super-héros comporte plusieurs suspects possibles. Mais, tout comme ses modèles américains, son identité est dévoilée bien avant la fin puisque l'intérêt du film reste la bataille et les difficultés pour le contrer et peut-être le vaincre. L'affiche du film montre des noms bien connus du public, il y a d'autres aussi dans le générique, on regrettera juste le choix peu inspiré du casting pour les hommes de mains complices autour de ce super-vilain...

Le réalisateur Douglas Attal connaît bien évidement tout comme les spectateurs le niveau de qualités techniques des films américains : les inspirations sont multiples aussi bien du côté du cinéma (Watchmen de Zack Snyder par exemple) que des séries télé (Heroes de Tim Kring), et  un roman français (de Gérald Bronner). Le film se passe en France mais l'équipe y a apporté sa touche avec un joli design sonore et musical (sauf la chanson finale) ainsi que des effets-spéciaux visuels qui voudraient se hisser à un haut-niveau pour qu'on y croit. Et ça marche. Avec 15 millions d'euros de budget, heureusement.

La nouvelle date de sortie de Comment je suis devenu super-héros pour le voir en salles (avec un masque !) est pour le 16 décembre. Cela peut changer. Le distributeur français, Warner Bros, va sans doute reporter aux fêtes son Wonder Woman 1984. Or, on le sait: une super-héroïne américaine est toujours plus forte...

Deauville 2020 : Wendy, le nouveau conte onirique de Benh Zeitlin

Posté par kristofy, le 10 septembre 2020

C'était en 2012 que Benh Zeitlin, à peine 30 ans alors, a été révélé à la planète cinéma avec son premier film Les Bêtes du Sud sauvage. Il se paye un grand chelem de récompenses : Grand Prix au Festival de Sundance, Caméra d'or au Festival de Cannes, Grand Prix au Festival de Deauville doublé aussi du Prix de la Révélation, puis enfin quatre nominations aux Oscars.

Depuis l'annonce de la finalisation de son second film Wendy, celui-ci était très attendu. Présenté à Deauville, après un premier passage à Sundance en janvier, et une sortie américaine en février, il sera dans nos salles le 9 décembre.

Le pitch: Perdue sur une île mystérieuse où l'âge et le temps ne font plus effet, Wendy doit se battre pour sauver sa famille, sa liberté et garder l'esprit jovial de sa jeunesse face au danger mortel de grandir...

Si ce prénom d'une enfant qui voudrait ne plus grandir vous semble familier, il s'agit effectivement d'une adaptation très libre de la mythique histoire de Peter Pan. Après plusieurs films hollywoodiens et spectaculaires comme celui, en 2003, de P. J. Hogan ou, en 2015, de Joe Wright (sans oublier ce Peter Pan adulte en 1991 dans Hook ou la Revanche du capitaine Crochet de Steven Spielberg),  c'est une toute autre approche de l'histoire que Zeitlin propose, sans fée Clochette.

C'est justement le personnage de la fillette, Wendy, qui est l'héroïne du récit de Benh Zeitlin.

L'histoire débute de de nos jours. Wendy a deux frères, James et Douglas. Leur mère a un travail prenant dans un restaurant. Ils s'amusent avec innocence à leurs jeux d'enfants. Plusieurs choses font entrevoir la réalité du monde des adultes quand on grandit : une affiche d'un enfant disparu, la maman qui leur dit que "la vie change, les rêves changent" avec une petite amertume... La vie passe et rien ne se produit jamais ? Pas pour Wendy qui ne souhaite pas grandir. La voilà suivie de ses deux frères sur un train, dans une barque à découvrir une île volcanique guidés par Peter (un petit garçon noir) avec d'autres enfants. Leurs jeux dans les arbres et dans l'eau sont de joyeuses aventures, mais il y a aussi un bateau et le danger que représentent des adultes... Grandir semble toujours être une malédiction redoutée, d'autant plus quand on croise un homme ayant eu une main coupée (remplacée par un crochet), véritable menace sur l'innocence.

Evacuer la tristesse

Benh Zeitlin a pris le risque de s'inspirer du mythe de Peter Pan pour nous proposer à sa manière la version contemporaine et naturaliste de Wendy. Certains spectateurs ont été désarçonnés avec ce film d'enfance qui ne s'adresse pas aux enfants. En épousant la morale de l'histoire originelle de J.M. Barrie, il rappelle plutôt aux adultes la part d'enfance qui est en eux. Et tout ceux qui attendent Wendy, après avoir été séduit par Les Bêtes du Sud sauvage devraient être totalement sous le charme. On y retrouve beaucoup d'éléments similaires : une histoire avec le point de vue d'une fillette en premier rôle, une musique symphonique de fanfare semblable, et cette symbolique écologique avec le vivant qu'il faut préserver.

Wendy est autant une aventure fabuleuse qu'un conte onirique. Il serait à ranger entre Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro et Chasseuse de géants de Anders Walter, tant il partage une thématique commune : "ne pas laisser la tristesse nous envahir". Pour cela, il suffit de se laisser emporter par la poésie de Benh Zeitlin.

Yuki, Rita et Machin lancent la rentrée cinématographique « jeune public »

Posté par MpM, le 9 septembre 2020

Ce n’est pas parce que les vacances sont terminées qu’il faut renoncer aux séances de cinéma en famille. L’automne s’annonce d’ailleurs propice à ce genre de sorties avec de nombreuses propositions de programmes et films jeunesse dont on vous reparlera le moment venu.

En attendant, notre choix se porte cette semaine sur un long métrage japonais inédit, Yuki, le secret de la montagne magique de Tadashi Imai (1981), et sur la suite des aventures de deux héros d’albums illustrés qui font le bonheur des plus jeunes, les inséparables Rita et Machin.

Yuki nous emmène dans le Japon féodal : un village est sous la coupe de brigands qui terrorisent et assassinent les habitants, mais aussi de samouraïs qui réquisitionnent sans cesse les hommes valides et d’un chef de village qui les exploite. La jeune déesse Yuki, qui vit au ciel avec ses grands-parents chargés de veiller sur la terre, est envoyée pour ramener la paix.

Non sans humour, et avec une forme de réalisme magique qui adoucit la dureté des situations, le film raconte le quotidien des orphelins qui doivent mendier pour vivre, ou des familles dévastées par les guerres et les pillages. On découvre aussi la vie rythmée par les saisons et les récoltes, les joies simples de tresser des cordes ou fabriquer des igloos.

Le film exalte en parallèle les valeurs simples de l’amitié, de la loyauté et de l’entraide. C’est ainsi par l’action collective que les villageois règlent la plupart de leurs problèmes, et l’aide apportée par Yuki est plus celle d’une guide bienveillante et fédératrice que d’une super-héroïne agissant à leur place.

La mise en scène, composée de plans souvent fixes, relègue hors champ les scènes les plus brutales, et trouve des astuces visuelles pour tenir la violence à distance. Cela n’empêche pas une certaine âpreté dans le récit, mais permet de rester dans un flou bienvenu, renforcé par la légèreté des autres séquences, et la tonalité générale qui reste très bienveillante. On proposera donc dès 7 ou 8 ans ce long métrage délicat et sensible qui évite la mièvrerie comme le mélodrame.

Pour les plus jeunes (dès 3 ans), Les Nouvelles aventures de Rita et Machin de Jun Takagi et Son Kozutsumi propose dix courtes histoires mettant en scène la petite Rita et son chien Machin, d’après les livres de Jean-Philippe Arrou-Vignod et Olivier Tallec. Que ce soit un dimanche de pluie, un jour d’anniversaire ou lors d’une promenade à vélo, les deux personnages jouent, se chamaillent, se disputent même parfois, et finissent plus complices que jamais, incapables d’être longtemps loin de l’autre (surtout la nuit).

Les plus jeunes aiment ces petits héros rassurants et pleins de fantaisie qui les entraînent dans un monde proche de leur quotidien tout en flirtant sans cesse avec l’imaginaire. Les arrosoirs se transforment en voiture, les enfants s’envolent accrochés à des ballons, les cookies se mangent à la mayonnaise… toutes les métamorphoses semblent possibles. Le trait, très simple, permet de passer naturellement d’un univers à l’autre, et de voir se matérialiser très simplement les jeux de Rita et de son compagnon.

Pour prolonger le plaisir du film, on en profitera pour relire les albums originaux, qui font eux-aussi la part belle à l’humour légèrement ironique de Machin et aux inventions débridées de Rita, entre chronique joyeuse de l’enfance et hymne à l’amitié.

Deauville 2020-Cannes 2020 : Que vaut A Good Man, avec Noémie Merlant ?

Posté par kristofy, le 7 septembre 2020

Parmi les films français ayant reçu le label "Cannes 2020" qui sont invités à Deauville, deux titres étaient très attendus : Teddy de Ludovic & Zoran Boukherma avec Anthony Bajon. Une histoire de loup-garou qui est d'ailleurs très réussie (en salles le 13 janvier 2021), et A Good Man de Marie-Castille Mention-Schaar avec Noémie Merlant et SoKo, où un homme envisage d'enfanter... Il ne sortira qu'en mars 2021. Le pitch est singulier: Aude et Benjamin, infirmier,  s’aiment et vivent ensemble depuis 6 ans. Aude souffre de ne pas pouvoir avoir d’enfant alors Benjamin décide que c’est lui qui le portera...

C'est l'importance de son sujet et les questions soulevées qui font de A Good Man un film à la fois risqué, osé, espéré, voir même redouté. Sans rien divulgâcher, puisque le synopsis le suggère et que la révélation se fait très tôt dans le récit : dans cette histoire Benjamin s'appelait avant Sarah, Benjamin est un homme trans qui pourrait enfanter... Le visage androgyne de Noémie Merlant sur l'affiche intrigue mais le film est avant tout une grande et belle histoire d'amour.

Marie-Castille Mention-Schaar a déjà initié de nombreux films en tant que productrice (pour Antoine de Caunes, Pierre Jolivet...) et  comme scénariste (La Première Étoile avait eu le César du meilleur premier film). Comme réalisatrice, ses comédies ont été décevantes (Bowling, La fête des mères), alors qu'elle est bien plus à l'aise avec des drames basés sur des histoires vraies (Les héritiers, Le ciel attendra qui avait contribué à révéler Noémie Merlant). Et c'est justement dans cette veine de ses films 'inspirés d'une histoire vraie' qu'elle réalise A Good Man.

Aux Etats-Unis, plusieurs centaines d'hommes ont donné naissance à un bébé. Avec son coscénariste, Chris­tian Son­de­reg­gerelle, elle avait déjà participé à la production du documentaire Coby à propos de quelqu'un né fille et qui après 20 ans, était devenu un homme, ambulancier de métier. C'est en fait ce documentaire qui a influencé la préparation de  A Good Man.

« Je ne veux pas tout, je veux les mêmes choses que toi, ni plus ni moins. »

A Good Man est donc une fiction tout autant inventée que documentée. De nombreuses questions à propos du changement de sexe y sont abordées. Cette séance de Deauville, la première du film en présence de l'équipe (Marie-Castille Mention-Schaar, Noémie Merlant, Vincent Dedienne, Jonas Ben Ahmed, Anne Loiret, Alysson Paradis) a été bien accueillie avec plusieurs minutes de standing-ovation à la fin. Certaines voix après la projection ont été moins flatteuses, regrettant les trop nombreux poncifs sur le thème de la transition d'identité. De fait, il accumule certains passages obligés (la mère qui ne parle plus à Benjamin avec qui elle va renouer, la douche avec la lumière éteinte, le meilleur ami qui se sent trahi...), parfois de manière maladroite.

Une autre faiblesse tient à la présentation du personnage de Benjamin aux spectateurs. De quoi désarçonner : on y voit moins un homme qu'une Noémie Merlant déguisée, avec une voix grave pas naturelle. Heureusement cette impression s'estompe en cours de film où progressivement on oublie l'actrice pour ne plus voir que le personnage masculin (sans compter que Benjamin devenu homme est - cliché - accro aux jeux-vidéo et aux hamburgers...). Il ne serait pas étonnant qu'une polémique naisse: pourquoi ne pas avoir pris un acteur trans pour le rôle?

Sans doute Marie-Castille Mention-Schaar a voulu mettre dans son film trop de choses. Cependant, c'est contrebalancé par une certaine subtilité de l'ensemble : une transition femme-homme se fait sur une longue période et en plusieurs étapes qui mêlent l'intime, l'administration, le regard des autres et maintes épreuves. Et avouons-le, Noémie Merlant s'impose encore plus comme interprète audacieuse et stupéfiante.

Marie-Castille Mention-Schaar a déclaré sur scène: « faire un film pour moi c'est échanger, dialoguer, ouvrir le dialogue, essayer toujours de faire en sorte qu'on vive mieux ensemble », et c'est justement ce à quoi va inviter A Good Man.