La sulfureuse pirate Nelly Kaplan largue les amarres (1931-2020)

Posté par kristofy, le 12 novembre 2020

Nelly Kaplan a succombé à ce satané Covid-19 qui a mis fin à ses 89 ans : elle était l'une des doyennes parmi les réalisatrices. Sa carrière a débuté à une époque où il y avait très peu de femmes qui faisaient du cinéma. Elle est arrivée en France avec ses vingt ans et une passion pour le 7ème art. Elle devient vite l'assistante d'Abel Gance. Nelly Kaplan le glorifiera à travers deux documentaires: en 1963 avec Abel Gance, hier et demain et en 1983 avec Abel Gance et son Napoléon. Elle écrira des livres sur ce réalisateur dont l'œuvre monumentale s'étale de 1911 à 1971. Avec lui, la romancière, essayiste, scénariste, documentariste et scénariste s'intéresse autant au développement de projets qu'aux diverses machines de tournage et de montage. Son autre complice sera le producteur Claude Makovski (décédé ce mois d'août) avec qui ils vont monter ensemble une société de production, Cythère films. Nelly Kaplan veut produire et réaliser, ce qu'elle fait déjà depuis quelques années avec des courts-métrages et des documentaires (dont Le Regard Picasso en 1967 qui gagnera un Lion d'or à Venise).

Son premier long-métrage en 1969, fin d'époque de la 'Nouvelle Vague', va faire sensation. La fiancée du pirate , avec une Bernadette Laffont au sommet de son art, va devenir culte, par son esprit de liberté, son insolence, sa férocité et sa poésie. Cette satire anticonformiste et féministe s'attaque aux conventions bourgeoises dans l'esprit idéologique de l'époque, tout en restant un film populaire et d'apparence romantique. On retient aussi sa musique, avec "Moi, je me balance", de Georges Moustaki et interprétée par Barbara... Avec son personnage amoral et libertaire, dans un style entre art brut et surréalisme, elle fait le portrait d'une femme de son temps, émancipée, dans une époque contraignante et coincée. Le film est alors interdit aux moins de 18 ans. Il faudra attendre vingt ans pour qu'il soit considéré comme grand public.

Nelly Kaplan en plus d'être réalisatrice était écrivaine de romans d'où transpirait beaucoup d'érotisme (d'ailleurs son troisième film Néa est une déclinaison des succès des Emmanuelle). Elle écrivait sous pseudos certaines de ses nouvelles sulfureuses: Mémoires d'une liseuse de draps, chez Pauvert, en 1974, signé Belen, fut censuré et interdit de diffusion.

Retour sur quelques films de Nelly Kaplan :

Abel Gance, hier et demain, 1963 : ce documentaire valorise les différentes recherches techniques de Abel Gance à propos du travelling, de la surimpression d’images, de stéréophonie, et de la polyvision.

La Fiancée du pirate, 1969 : Bernadette Lafont vend ses charmes aux notables de la ville, ils sont se cachent tous d'être ses clients mais publiquement ils veulent la chasser... On y voit un enterrement très aviné. Son histoire à la fois féministe et libertaire est si subversive que Nelly Kaplan en assure elle-même la production. Le film ira au Festival de Venise et deviendra un succès.

Papa les petits bateaux, 1971 : Autour de Sheila White il y a Michel Bouquet, Sydney Chaplin, Michel Lonsdale, Pierre Mondy, Catherine Allegret. Une bande de bandits pas doués kidnappent la fille d’un riche armateur, mais celle-ci leur en fait voir de toutes les couleurs. Une bande rivale est attirée aussi par la rançon, mais c’est aussi le cas de la victime. Un jardin va se remplir de cadavres…. Cette comédie avec une trame de film noir parodique est une curiosité.

Il faut vivre dangereusement, 1975 : Nelly Kaplan est à l'écriture et à la production, mais la réalisation est de son partenaire artistique Claude Makovski. On y suit Claude Brasseur en détective-privé qui accepte un travail de filature d’une femme soi-disant infidèle, Annie Girardot. En fait il s'agit de plusieurs personnes qui convoitent un gros diamant précieux.

Charles et Lucie, 1980 : C'est l'autre grand film de Nelly Kaplan qui se tourne vers un drame plus sérieux, et une chronique douce-amère sur le couple, avec Daniel Ceccaldi et Ginette Garcin. Un antiquaire peu débrouillard et une gardienne d’immeuble perdent le peu qu’ils avaient, victimes d’escrocs qui leur ont raconté une histoire de gros héritage fantôme. Dans leur malheur le couple va rencontrer toutes sortes de gens et leur union en sortira renforcée. Ce film sa séduit jusqu'aux Etats-Unis.

Plaisir d'amour, 1990 : Pierre Arditi est une sorte de Don Juan qui veut séduire trois femmes à la fois, sans se douter qu’en fait ce sont elles qui se jouent de lui (avec Françoise Fabian et Dominique Blanc). Une ronde des sentiments qui a été le dernier film réalisé par Nelly Kaplan, qui se consacrera désormais à l'écriture de scénarios

Abel Gance et son Napoléon, 1983 : Napoléon a été un énorme film et reste l'une des œuvres incroyables d'Abel Gance, avec une durée de plus de 5 heures ! Les évolutions de ce projet d'une ampleur inédite en 1927 sont racontées ici dans cette sorte de making-of passionnant.

Ces films qui représentent l'oeuvre de Nelly Kaplan avait été regroupés dans un coffret dvd chez Potemkine.