Lumière 2020: Soul, l’âme et larmes

Posté par vincy, le 15 octobre 2020, dans Avant-premières, Critiques, Festivals, Films.

C'était avant. Soul, sélectionné par Cannes 2020 (incontestablement, il aurait mérité une place en compétition), devait sortir en juin. Covid oblige, le film a été décalé à la saison des fêtes. Lumière, avec les festivals de Londres et de Rome, s'octroie alors une avant-première, et imagine même le réalisateur Pete Docter en invité d'honneur. C'était avant que la deuxième vague de cette Covid-19, avant que Tenet se plante au box office, avant que les salles de cinéma aux Etats-Unis décident de rester fermées pour un temps encore indéterminé.

Bien après avoir été programmé à Lyon, Disney annonce alors que Soul ne sera visible que sur Disney +, comme Mulan. Quelle chance nous avons alors de voir au Pathé Bellecour, sur grand écran, le meilleur Pixar depuis 5 ans (Vice-versa, toujours de Pete Docter). Et quel malheur aussi. Car, en sortant de la projection, on peut tout autant regretter que Soul ne soit vu dans les salles. Seul blockbuster toujours confirmé au 18 novembre, Sacrées sorcières (Warner, Robert Zemeckis, Roald Dahl, Anne Hathaway et Octavia Spencer au générique) aura comme mission en cette fin d'année, avec ou sans couvre-feu, de fédérer les familles qui oseront s'aventurer au cinéma. Thierry Frémaux a eu raison de regretter le choix de Disney de dédier Soul à ses abonnés, soulignant que les salles de cinéma méritaient un tel film et qu'il était crucial de les faire vivre avec des films fédérateurs...

Sad sad situation

Soul se verra donc à la maison. C'est bien triste tant ce long métrage d'animation est brillant, un cran au-dessus des récentes créations hollywoodiennes. On peut même s'interroger sur la cible et l'ambition. Le personnage principal est un trentenaire célibataire, pianiste de jazz. Pas le genre de "héros" pour les enfants. Quant à l'histoire, plus complexe qu'il n'y parait et flirtant avec la mort, elle pourra dérouter les plus petits.

Mais c'est justement parce qu'il décide de miser sur l'intelligence des spectateurs de tous âges, que Soul se distingue des autres. Notre pianiste a la foi: il croit qu'il est fait pour être un brillant musicien, mais, pour subvenir à ses besoins et avoir la paix avec sa mère, il doit enseigner. La passion versus la nécessité. Le plus beau jour de sa vie arrive quand on lui offre un contrat à durée indéterminée de professeur et quand on lui propose d'être dans le quatuor d'une star de saxo. Il doit faire un choix. Mais, manque de chance, il meurt accidentellement ce jour-là.

Nous voici transportés dans la folie de Pixar: le grand monde d'après, où il ne reste que notre âme. Pas de Gabriel, de Paradis ou d'Enfer. Juste un grand astre lumineux où les âmes fusionnent. Celle de notre musicien résiste à cette fatalité et trouve un moyen d'échapper à cette finalité, pour se retrouver dans le grand monde d'avant. Là où nos personnalités sont forgées au moment de notre naissance. Notre âme survivante reviendra-t-elle dans son corps terrestre? Devra-t-elle retourner dans le grand monde d'après?

Rythm n' blues

Evidemment, cela reste un Pixar. Il y a de l'humour, du délire même, de l'action, de l'aventure, des personnages secondaires bien écrits, des défis personnels et un propos existentiel (la passion ne doit pas dévorer la vie, bien le plus précieux souvent gâché par notre capacité à ne plus s'émerveiller). Outre sa richesse narrative et ses références philosophiques (d'Aristote à Gandhi), Soul épate aussi par sa diversité graphique (New York, univers réaliste sur terre, le grand monde d'avant, univers fantasmagorique aux traits plus simples, empruntés à diverses influences artistiques).

Et, étonnamment, Soul, histoire de l'âme non dénuée de quelques larmes, évite les facilités: pas de relation amoureuse, pas de surdose affective. Le monde est même dépeint de manière assez hostile, avec des personnages souvent "cash". Tout le film tend vers son objectif: s'intéresser aux autres et à son environnement, bref se sentir exister entre l'avant et l'après. Prendre conscience que notre âme est autre chose qu'un amalgame de traits de caractère. Ici, l'animation, avec ses beaux traits, ne manque heureusement pas de caractère. A la fois sentimental et touchant, vibrionnant et virtuose, Soul, comme Wall-E, Là-haut, Vice-versa et Coco, est une leçon pour apprendre à profiter de la vie.

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