Juliette Gréco (1927-2020), muse et insoumise

Posté par vincy, le 23 septembre 2020

C'était une icône. Une figure emblématique de la France d'après-guerre, entre effervescence artistique, bouillonnement intellectuel et trente glorieuses insouciantes. Reine de la nuit, vêtue de noir et la peau très blanche, dame de pique au cœur, Juliette Gréco, femme libre et interprète légendaire, voix aux milles nuances et artiste traversant 70 ans d'histoire, est morte à l'âge de 93 ans. Juliette au pays des songes...

Flirt avec le 7e art

Ses passions amoureuses- le pilote Jean-Pierre Wimille, le trompettiste Miles Davis, les acteurs Philippe Lemaire et Michel Piccoli, le compositeur Gérard Jouannest, le producteur de cinéma hollywoodien Darryl Zanuck - l'ont souvent amenée à fréquenter d'autres cercles que ceux de Saint-Germain-des-Prés, dont elle fut un symbole, avec ses robes noires et sa grâce élégante. Oui, elle a fréquenté Sartre, Sagan, Merleau-Ponty, Mauriac et bien sûr Boris Vian, dont elle fut la muse. Oui, elle chantait Prévert, Queneau, Brel, Aznavour, Gainsbourg, Ferré et Béart. Elle a chanté devant Cocteau et Brando, à Rio et Tokyo. Culte de Berlin à New York, des baby-boomers aux millenials, toujours curieuse de travailler avec les talents de son époque (Biolay, Ruiz), honorée dans un slam d'Abd Al Malik, respectée par les féministes et les LGBT. Une existentialiste rebelle qui aura su traverser les miroirs et le temps.

Juliette Gréco, la chanteuse, a connu de grands succès populaires, maintes fois repris : Je suis comme je suis, Les feuilles mortes, Sous le ciel de Paris, je hais les dimanches, Jolie môme, C'était bien, La javanaise, Déshabillez-moi... La liste est sans fin. Elle était une résistante au sale caractère, capable d'envoyer une baffe à un patron trop tactile, de caresser nos oreilles avec des mots doux, de cracher dans la main d'un homme qui refusait de faire entrer Miles Davis dans son restaurant parce qu'il était noir. Frondeuse et insoumise, délicate et déterminée, elle refuse les diktats d'une époque encore trop engoncée pour elle.

Elle aurait voulu être une actrice

Logiquement, vu ses fréquentations, sa beauté et son mystère, le cinéma l'a désirée. Elle voulait devenir actrice, avant d'être accrochée au micro des salles de spectacle. Elle débute au théâtre, fréquente Gérard Philipe, Alice Sapritch, loge chez Hélène Duc. La vie de bohème malgré elle, pendant que sa mère et sa sœur sont déportées dans les camps pendant la guerre.

Elle n'a pas eu la carrière d'un Chevalier ou d'un Montand, mais sa filmographie comporte quelques grands noms. A commencer par ses premiers films en 1949: Orphée de Jean Cocteau, Au royaume des cieux de Julien Duvivier. Puis en 1954, elle trouve son premier vrai grand rôle chez Jean-Pierre Melville, dans Quand tu liras cette lettre. Il disait d'elle: "Juliette n'a jamais été du cinéma. Même à l'époque où elle vivait avec Darryl Zanuck, elle n'a jamais fait partie de ce monde. […] J'aimais beaucoup Juliette, une fille intelligente, vraiment très belle. Quand on se souvient de la petite boulotte de 47-48… Pendant le tournage elle était tellement mince que je l'appelais la limande…"

Elle traverse l'Atlantique pour jouer aux côtés d'Ava Gardner dans Le soleil se lève aussi d'Henry King. Juliette Gréco n'est pas forcément dans leurs meilleurs films, mais elle aligne Otto Preminger (un caméo), John Huston (Les Racines du ciel), Richard Fleisher (Drame dans un miroir, avec Orson Welles, Le grand risque). On la croise aussi chez Henri Decoin (Maléfices), Jacques Brel (Le Far West), Maurice Dugowson (Lily aime moi).

Mais c'est sur le petit écran, en 1965, qu'elle doit son éternité, en schizophrène dans Belphégor ou le Fantôme du Louvre. Telle une momie énigmatique qui ne mourra jamais. Gréco est spectrale, errante, et cela lui va bien.

Belle de nuit

Le cinéma et Juliette, c'est aussi l'alliance de la chanson et de l'image. Nombreuses de ses chansons illustrent des films; Les feuilles mortes dans Les portes de la nuit de Marcel Carné, Sous le ciel de Paris dans le film éponyme de Julien Duvivier, Je hais les dimanche dans Boum sur Paris de Maurice de Canonge, L'amour est parti dans Le gantelet vert de Rudolph Maté, Mon cœur n'était pas fait pour ça dans La châtelaine du Liban, C'est le destin qui commande dans Oeil pour oeil, Bonjour tristesse chez Preminger, Tant pis, tant pis pour moi dans La case de l'Oncle Tom de Géza von Radcanyi, L'amour est plus jeune que la mort dans La nuit des généraux... On entend sa voix, ou on la voit, silhouette en arrière plan ou en pleine lumière.

Enfin, Gréco a été incarnée par d'autres. Parodiée même dans Drôle de frimousse. Juliette a eu les traits de Myriam Moraly dans V comme Vian, téléfilm de Philippe Le Guay, et par Anna Mouglalis dans Serge Gainsbourg: vie héroïque de Joann Sfar. Mouglalis qui l'évoquait ainsi: "Gréco se fout des conventions avec une grâce inouïe. C'est une femme qui a eu un répertoire d'homme. Elle a cristallisé énormément de fantasmes sans jamais devenir un objet du désir."

Youpi ! C’est mercredi : le jeune public à la fête

Posté par MpM, le 23 septembre 2020

Cette semaine, on retrouve sur grand écran Rita et Crocodile, deux amis inséparables nés sous le crayon de la réalisatrice danoise Siri Melchior. En 2018, les deux petits héros avaient déjà bénéficié d'une sortie en salles couronnée de succès (plus de 150 000 spectateurs). Ils sont de retour avec 8 courts épisodes qui les emmènent du cinéma à la piscine, en passant par une cabane construite au fond du jardin de la grand mère de Rita et une fête d'anniversaire.

Les enjeux narratifs ne sont pas sans rappeler ceux de Rita et Machin dont nous vous parlions il y a peu (une fillette et son compagnon inséparable, vivant mille aventures au gré du quotidien) et les situations peuvent sembler particulièrement familières : un jour de pluie pendant lequel on s'ennuie, la jalousie face à l'apparition d'une rivale "meilleure amie", la divergence de vues sur la manière de jouer... On est dans des récits très classiques de la petite enfance, sans grandes questions existentielles ni singularités narratives, qui viennent sans cesse rappeler l'importance de l'amitié et de l'entraide.

Pourtant, la personnalité gentiment transgressive de Crocodile fait la différence, apportant humour et fantaisie à chaque intrigue, même les plus convenues. Qu'il joue seul à la dinette, se transforme en super bouée dans la piscine interdite aux animaux ou grignote en cachette un gâteau d'anniversaire, il crée sans cesse un décalage cocasse entre un environnement plutôt réaliste et sa présence parfaitement saugrenue dans le contexte en tant que crocodile, c'est-à-dire animal potentiellement féroce et sauvage.

Pour les plus petits, auxquels s'adresse le programme, l'adhésion est immédiate et le plaisir palpable.  On peut d'ailleurs parier qu'à la sortie de la salle, les jeunes spectateurs auront tous envie d'un nouveau compagnon de jeu : vert et avec de grandes dents...

Pour les enfants du même âge (autour de 3 ou 4 ans), on conseillera également L'Odyssée de Choum de Julien Bisaro qui vient de sortir en DVD. Il s'agit d'un très joli conte initiatique qui s’adresse aux plus jeunes spectateurs en abordant des thèmes qui leur sont familiers comme la complicité au sein d’une fratrie et la prise d'indépendance, et d’autres plus graves comme la perte ou l’abandon.

Les aventures des deux bébés chouettes sont à la fois pleines de rebondissements et d'humour, mais également propices à la rêverie et à la contemplation. Le rythme n'en est donc pas trépidant, et la narration demeure d'une grande simplicité tout en essayant de sensibiliser les jeunes spectateurs à des enjeux environnementaux simples. Le film est accompagné de deux autres courts métrages, comme lors de sa sortie en salles : Le Nid de Sonja Rohleder et L'oiseau et la baleine de Carol Freeman.

Enfin, pour un public sensiblement plus âgé, Jacob et les chiens qui parlent d'Edmunds Jansons sort également en DVD. Adapté d’un roman jeunesse, ce long métrage letton nous plonge dans le quartier coloré et atypique de Maskachka, en périphérie de Riga (Lettonie), où le temps semble s’être un peu arrêté. Les maisons en bois, le parc qui ressemble à une petite forêt, la circulation très réduite donnent l’impression d’un village encore très rural, protégé du bruit et de la pollution.

Le très citadin Jacob, contraint de venir habiter ici pendant une absence prolongée de son père, se laisse peu à peu séduire par la personnalité de ce lieu si différent du centre ville ultra-moderne dont il a l’habitude. Si bien qu'il finit par être prêt à tout pour le sauver de la destruction... Rien de bien original il est vrai dans cette fable écologique plutôt convenue, et parfois paresseuse, mais quelques touches de poésie et surtout une esthétique singulière qui donnent envie de découvrir le sort de cet étonnant quartier préservé du temps.