Et si on regardait… des films en hommage à Lynn Shelton

Posté par kristofy, le 17 mai 2020

Il y a 11 ans, en mai 2009, à la Quinzaine des Réalisateurs, on découvrait le film Humpday et la révélation de sa réalisatrice/scénariste Lynn Shelton. Ce 15 mai, elle est morte, âgée de 54 ans (un désordre sanguin). Alors que ces quelques dernières années, le monde du cinéma tente de valoriser les femmes cinéastes présentes dans les festivals ou aux commandes de blockbusters, elle était parmi celles qui faisaient entendre sa voix depuis bien plus longtemps. Humpday était d'ailleurs un nouveau symbole d'un cinéma indépendant américain à mini-budget, fait entre amis, qui pouvait triompher à l'international (comme Clerks en 1994,  Le projet Blair Witch en 1999...), avec un sujet singulier.

Dernièrement Lynn Shelton a réalisé un ou deux épisodes de diverses séries mais sans s'y impliquer (Mad Men, New Girl, Bienvenue chez les Huang, Love, Glow, The morning show), le genre de propositions où on officie comme 'exécutant' en attendant l'opportunité d'un nouveau projet. Elle est revenue au premier plan avec la moitié des épisodes de la série Little Fires Everywhere produite par Reese Witherspoon et Kerry Washington.

Outre sa trilogie personnelle, Lynn Shelton a également réalisé  Girls only sorti en mai 2015 dans l'indifférence générale, film de commande où le casting avec Keira Knightley, Chloë Grace Moretz, Sam Rockwell ne suffit pas à compléter la faiblesse d'un scénario qui n'est pas le sien.

Lynn Shelton va donc rester comme la réalisatrice d'une trilogie Humpday - Ma meilleure amie sa sœur et moi - Touchy Feely avec un duo d'interprètes : Mark Duplass et Rosemarie DeWitt. Ces trois films joue sur une même thématique, celle de surmonter des regrets intimes, et interroge à la fois l'amitié, l'amour, et la famille.

Humpday : la fraicheur et l'humour de ce film en ont fait la comédie qui a fait connaître Lynn Shelton à l'international après un Prix du jury au Festival de Sundance 2009, puis à Cannes à La Quinzaine des Réalisateur, et dans la foulée au Festival américain de Deauville en compétition, juste avant sa sortie en salles le 16 septembre 2009. Un couple (dont Mark Duplass) qui essaye d'avoir un enfant et reçoit la visite d'un ancien ami toujours sans attache, après une nuit de fête, les deux hommes ont fait le pari de réaliser ensemble une film porno gay alors qu'ils sont hétéro...

Ma meilleure amie, sa sœur et moi : Mark Duplass en déprime est invité par sa meilleure amie Emily Blunt à passer quelques jours dans une maison de campagne, mais il y trouve sa soeur lesbienne Rosemarie DeWitt. Après une nuit de confidences, il couche avec elle alors que c'est sa soeur qui est amoureuse de lui... Un autre triangle où se mélange amitié, amour et désir d'enfant.

Touchy Feely : Rosemarie DeWitt, de nouveau, mai aussi Ellen Page, Allison Janney, Scoot McNairy, et Ron Livingston, sont du casting. A nouveau présenté au Festival de Sundance, le film s'écarte de la structure d'un triangle romantique pour évoquer plus largement les liens et les malentendus au sein d'une famille, dans une sorte de variation féminine de Woody Allen.

Les films de Lynn Shelton ont eu un succès d'estime en salles mais ont été plus connus ensuite en dvd. Les 'professionnels de la profession' ont eux tous vu la qualité de ces films, au point d'en acheter les droits pour en faire des remakes inutiles : Humpday est ainsi devenu en 2012 Do Not Disturb remake raté d'Yvan Attal (il forme le duo avec François Cluzet, entourés de Laetitia Casta et  Charlotte Gainsbourg)  ; Ma meilleure amie, sa sœur et moi est devenu Et ta soeur en 2016 par Marion Vernoux (avec Virginie Efira, Géraldine Nakache, et Grégoire Ludig). On vous conseille les originaux.

[We miss Cannes] Le cinéma sud-coréen en vedette sur la Croisette

Posté par kristofy, le 17 mai 2020

Si 2019 devait être symbolisée par un seul film ce serait évidement Parasite de Bong Joon-ho : à l'international, il a gagné plus de 200 récompenses en plus d'avoir été un grand succès en salles un peu partout. #ParasiteMadeHistory aux Oscars : il a réalisé l'exploit d'en remporter 4 (Meilleur film, Meilleur film international, Meilleur réalisateur, Meilleur scénario original). Et le détonateur aura été la Palme d'Or du Festival de Cannes 2019. C'est la première fois dans l'histoire du cinéma de Corée du Sud qu'un film provoque une telle adhésion populaire. Et ce n'est pas le seul film coréen à s'être imposé très largement au delà de ses frontières grâce à l'appui de Cannes.

Déjà en 2004 Old Boy de Park Chan-wook avait frôlé lui aussi la Palme d'or, et a terminé son beau parcours en recevant le Grand Prix. Depuis le début des années 2000 le cinéma coréen est l'un des plus dynamiques dans les festivals, devenant culte, souvent après coup. Le Festival de Cannes y a largement contribué. D'abord avec des films d'auteurs qui vont devenir de grands noms du cinéma mondial, puis avec des films de genre qui vont s'imposer comme des références. Bref un plaisir de cinéphiles sans cesse renouvelé par des scénarios maîtrisés et des mises en scène souvent épatantes.

Durant les années 1980 et fin des années 1990 le cinéma de Corée du Sud est en quelque sort encore considéré comme 'émergent'. Quelques films figurent dans certaines sections du Festival de Cannes comme dans celle Un Certain Regard : Le Rouet, l'histoire cruelle des femmes de Lee Doo-yong en 1984, la découverte de Hong Sang-soo pas encore connu avec Le Pouvoir de la province de Kangwon en 1998 et La Vierge mise à nu par ses prétendants du même réalisateur en 2000 (ces films ne sortiront dans les salles françaises qu'en 2003).

En sections parallèles La Semaine de la Critique découvre Christmas in August de Hur Jin-ho en 1998 et La Quinzaine des Réalisateurs révèle Le Printemps dans mon pays natal en 1998 aussi et surtout en 2000 Peppermint Candy de Lee Chang-Dong.

La Sélection officielle a été plus patiente. Outre une séance spéciale en 1994 de Vanished de Shin Sang-ok (à 59 ans après de nombreux films depuis les années 1960), il faut attendre le début des années 2000 pour que la Corée du Sud soit remarquée en compétition avec le réalisateur Im Kwon-taek (à plus de 60 ans, aussi après déjà de nombreux films depuis les années 1960) : en 2000 Le Chant de la fidèle Chunhyang puis en 2002  avec Ivre de femmes et de peinture.

Dès lors les choses bougeront un peu plus vite. Cannes va devenir plus réactif sous le règne de Thierry Frémaux, qui va sélectionner Park Chan-wook et Bong Joon-ho (Parasite, Okja, Mother; avant son The Host - plus gros succès coréen en 2006 - était à La Quinzaine des Réalisateurs).

Le réalisateur Park Chan-wook (Old Boy, Thirst, ceci est mon sang, Mademoiselle) et les acteurs star Choi Min-sik (Ivre de femmes et de peinture, Old Boy) et Song Kang-ho (Secret Sunshine, Thirst ceci est mon sang, Le bon, la brute et le cinglé, Parasite) sont donc devenu très familiers du tapis rouge.

Le palmarès du cinéma coréen au Festival de Cannes :

2002 : meilleur réalisateur pour Im Kwon-taek avec Ivre de femmes et de peinture (son 100ème film !)
2004 : Grand Prix pour Old Boy de Park Chan-wook
2007 : meilleure actrice pour Jeon Do-yeon dans Secret Sunshine de Lee Chang-Dong
2009 : prix du jury pour Thirst, ceci est mon sang de Park Chan-wook
2010 : prix du scénario pour Poetry de Lee Chang-dong
2016 : prix technique Vulcain pour la directrice artistique Seong-Hie Ryu avec Mademoiselle de Park Chan-wook
2019 : palme d'or pour Parasite de Bong Joon-ho

Mais ils ne sont pas les seuls, Cannes a aussi accueilli dans l'une ou l'autre de ses sections d'autres grandes personnalités du cinéma coréen, comme Hong Sang-soo avec une grande partie de ses films. On y a aussi vu plusieurs fois donc Bong Joon-ho (The HostMother, Okja, Parasite), le réalisateur Kim Ki-Duk (L'Arc, Arirang, Souffle), Im Sang-soo (The Housemaid, L'ivresse de l'argent), Lee Chang-dong (Secret Sunshine, Burning)... Autant de variations stylistiques (et thématiques) en provenance d'un des pays à la cinématographie chaque année plus riche.

Mais si le cinéma sud-coréen brille plus que tout autre pays, c'est grâce à ses films d'action, ses films de genre et ses polars, ou plus largement le 'cinéma de genre'. Park Chan-wook et Boon Jong-ho en sont les parfaits exemples, et finalement les deux maîtres (avec aussi Kim Jee-woon). Cannes n'est pas passé à côté de ce phénomène particulier en y invitant (souvent en séance de minuit) Na Hong-jin avec ses 3 films (The Chaser, The Murderer, The Strangers), Kim Jee-woon (le jouissif Le bon, la brute et le cinglé), Yen Sang-ho (Dernier train pour Busan, devenu culte, et dont la suite Peninsula était attendue à Cannes cette année), Yoon Jong-bin (The spy gone North), Lee Won-jae (le percutant et malin Le gangster, le flic et l'assassin).

Les sections parallèles ont elles aussi su dénicher et mettre en avant d'autres films coréen comme Bedevilled de Jang Cheol-soo et Coin Locker Girl de Han Jun-hee à La Semaine de la Critique; La Quinzaine des Réalisateurs a souvent été initiatrice des premières sélections de certains grands noms comme évidemment Bong Joon-ho (The Host), Ryoo Seung-wan (Crying Fist, avec Choi Min-sik), Yeon Sang-ho (The kings of pigs, en animation), Kim Sung-hoon (Hard day)...

Et c'est dans la section Un Certain Regard qu'une femme réalisatrice a eu l'honneur d'être présente au Festival de Cannes : July Jung et son A girl at my door, avec la star Bae Doo-na.