Berlin 2020 : Avec En avant, Pixar fait du sur-place

Posté par MpM, le 21 février 2020

La Berlinale, que l'on a connue moins frileuse concernant le cinéma d'animation (ours d'or ex-aequo pour Le voyage de Chihiro de Miyazaki en 2002, prix de mise en scène pour l'Ile aux chiens de Wes Anderson en 2018, sélection officielle pour Have a nice day de Liu Jian en 2017), présente hors compétition le nouveau film de Pixar, En avant de Dan Scalon, qui sortira en France le 4 mars prochain.

Au risque de décevoir les fans du studio, disons d'emblée que ce n'est pas une excellente cuvée. Certes, une fois revenus du choc d'un design personnages plutôt moche, on se laisse emporter par les aventures de ces deux frères elfes qui, ayant très peu connu leur père décédé (et même pas du tout pour l'un d'entre eux), ont enfin la chance de passer une journée avec lui. On n'a guère le choix, de toute façon, tant le film, tonitruant et presque hystérique, nous abreuve en continu d'un flot d'action, de rebondissements et de péripéties.

Un réflexe pavlovien fait que l'on adhère à une partie du récit, malgré le prétexte microscopique de départ (le père magicien a laissé des instructions plus qu'incomplètes pour sa résurrection temporaire, lançant ses fils - quelle surprise - dans une quête frénétique), parce que le mélange conte initiatique, univers magique et double dose d'émotion est un cocktail savamment maitrisé par les scénaristes. Il faut d'ailleurs être honnête : on est effectivement ému à plusieurs reprises par cette histoire extrêmement familiale, et surtout par la relation qui unit les deux frères, dont l'ainé s'avère le vrai personnage principal, bien plus intéressant que le cadet complexé-froussard-et-timide-qui-finit-par-se-révéler-en-cours-de-film déjà vu cent fois.

Question de point de vue

Il est peut-être symptomatique, néanmoins, que ce soit ce dernier qui soit présenté comme le héros et narrateur de l'intrigue, au lieu de Barley, le rêveur passionné par le passé, la magie et tout ce qui réenchante le monde. Comme si, symboliquement, Ian représentait la sécurité d’une histoire proprette qui rassemble, alors que Barley représentait le risque (très mesuré, on vous rassure) de sortir un peu des sentiers battus en allant à fond dans les codes du jeu de rôle et de l'heroic fantasy, ici brossés à grands traits stéréotypés et souvent narquois.

Ce film-là nous aurait surpris, déstabilisés peut-être, et surtout nous aurait contraints, sans obligation de résultats, à le suivre en terrain inconnu, non balisé, entièrement sien. Mais sans doute cela n'aurait pas été assez à l'image de ce que Pixar semble désormais chercher à faire, du divertissement mainstream qui n’en finit plus d’appliquer les mêmes recettes. Les touches de fantaisie sont donc savamment contrôlées, presque cosmétiques, au service d'une histoire qui ronronne : la quête est nécessairement intime (permettant au personnage de réaliser des choses sur lui-même), son issue compte moins que le voyage accompli, les blessures du passé seront refermées, et tout le monde sera joyeusement réconcilié à la fin. Pas une étape qui ne soit "obligée", dictée par on ne sait quel guide en scénario pour film familial à haut potentiel de box-office.

Si Pixar n'avait pas réussi par le passé à nous faire étrangement vibrer avec des histoires novatrices, souvent audacieuses, brillamment écrites, probablement qu’on ne lui en voudrait pas autant de ne plus chercher à nous étonner et à nous emporter. Mais en l'état, c'est comme si le studio nous servait de la bonne cuisine standardisée après nous avoir régalée de petits plats maison créés rien que pour nous. Est-ce vraiment là le cinéma familial que l'on souhaite, reposant sur l'éternel même équilibre entre émotion et comédie, action et introspection ? Où est la poésie de Wall-E ? Qu'est-il advenu du grain de folie de Ratatouille et de l'ironie de Là-Haut ?

Et à quand un nouveau souffle dans le cinéma d'animation grand public issu des studios, à commencer par des designs moins formatés, des formes plus singulières, et des histoires renouvelées, c'est-à-dire qui s'affranchissent de la nécessité d'être toujours édifiantes, initiatiques ou pédagogiques, ou qui au contraire tentent de regarder le monde en face  ? Hormis le deuil, qui est bien souvent résolu par le cheminement du personnage principal, on aimerait voir plus souvent des thèmes graves ou sensibles, des questions contemporaines et des enjeux concrets de société traités par les blockbusters animés hollywoodiens. Après tout, les rares incursions dans le domaine ont jusque-là plutôt été des succès : Pixar et les autres devraient avoir une plus grande confiance dans leur propre talent.

Soumission de Michel Houellebecq (finalement) au cinéma

Posté par redaction, le 21 février 2020

Ce sera le quatrième film adapté d'un roman de Michel Houellebecq, après Extension du domaine de la lutte de Philippe Harrel (1999), Les particules élémentaires d'Oskar Roehler (2006) et La possibilité d'une île, réalisé par l'écrivain lui-même en 2008. Soumission sera filmé par Guillaume Nicloux en septembre. Jean-Paul Rouve aura le rôle principal.

Soumission, paru en 2015 et vendu à 2 millions d'exemplaires dans le monde, raconte l'histoire d'un professeur d'université, François, dont le déclin semble inexorable, comme la France dans laquelle il habite. Le contexte politique évolue vite puisque désormais un musulman centriste et une chrétienne d'extrême-droite sont les figures dominantes en France. Bloqué dans sa carrière , François va profiter de la situation, du chaos ambiant et de l'islamisation de la société pour retrouver un peu de gloire et de pouvoir.

Il y a un an, le projet franco-allemand était annoncé en série télévisée, coécrite par Guillaume Nicloux, avec Nathalie Leuthreau et Victor Rodenbach. Finalement ce sera un long-métrage. Après trois films où Nicloux dirigeait Michel Houellebecq en tant qu'acteur (L'Affaire Gordji: histoire d'une cohabitation, un téléfilm de 2006, et deux films de cinéma, L'enlèvement de Michel Houellebecq en 2012 et Thalasso en 2019), c'est la première fois que le cinéaste adapte directement un romans de l'écrivain, qui plus est son plus controversé.

En annonçant le projet en ouverture du marché du film de Berlin, on imagine bien que Soumission pourrait être l'un des événements de la Berlinale en 2021.

Berlin 2020 : My Salinger Year ouvre la 70e édition après une minute de silence en hommage aux victimes de Hanau

Posté par MpM, le 20 février 2020

L’actualité s’est brutalement invitée dans l’édition anniversaire de la Berlinale suite à la double fusillade ayant eu lieu à Hanau, près de Francfort, à la veille de l’ouverture du Festival. Rappelant que «  la Berlinale défend la tolérance, le respect et l’hospitalité » et « s’oppose à la violence et au racisme », les organisateurs ont invité les personnalités et festivaliers présents lors de la soirée d’ouverture à respecter une minute de silence en hommage aux victimes.

Connue pour sa tonalité souvent politique et engagée (notamment en faveur des réfugiés), la Berlinale avait pourtant fait le pari cette année de proposer un film d’ouverture léger et consensuel qui, s’il est loin de révolutionner quoi que ce soit, mêle habilement feel good movie, tableau d’une époque et introspection plus personnelle. Adapté des mémoires de Joanna Rakoff, My Salinger year de Philippe Falardeau (Congorama) raconte comment, au milieu des années 90, la jeune Joanna quitte tout pour s’installer à New York et, mettant momentanément de côté ses rêves d'écriture, devient secrétaire dans une prestigieuse agence littéraire gérant notamment les droits de... J.D. Salinger.

Si le film ne nous surprend jamais vraiment, il évite malgré tout un certain nombre d'écueils attendus (notamment dans les relations entre Joanna et les "fans" de Salinger dont elle lit les courriers à longueur de journée, sans être autorisée à leur répondre, ou encore dans le traitement de l'incontournable histoire d'amour) et mène plutôt habilement sa barque. Sa construction en trois niveaux (le tableau du petit monde littéraire de l'époque ; la vie privée de l'héroïne ; l'introspection plus personnelle sur le désir d'écrire, et le rapport aux auteurs qu'on admire) lui permet notamment de brasser des enjeux assez larges et de garder un rythme efficace tout au long du récit.

Evidemment, on pense souvent au Diable s'habille en Prada (avec Sigourney Weaver dans le rôle de la cheffe intimidante), en moins vachard, mais aussi en moins outré. Cela n'empêche pas le film d'être drôle, et parfois même de faire mouche lorsqu'il tourne en dérision nos travers numériques (l'intrigue se déroule dans les débuts d'internet). De la même manière, même si c'est loin d'être le coeur du récit, la réflexion sur les rêves que l'on poursuit et sur les moyens que l'on met pour les réaliser est assez juste, quoique non dénué de bons sentiments. Enfin, et c'est là l'un des grands atouts du film, le casting fonctionne parfaitement, Sigourney Weaver en tête (impeccable en cheffe caustique et mordante), avec à ses côtés la révélation du dernier Tarantino, Margaret Qualley, décidément à suivre.

My Salinger year coche ainsi la plupart des cases propres à un bon film d'ouverture : divertissant, enlevé, efficace, bien joué, et surtout gentiment confortable. Pas de quoi marquer d'une pierre blanche le début de cette 70e édition, mais pour faire l'événement il reste dix jours, et des dizaines de films (plus ambitieux, on l'espère) à découvrir !

Le Prix Alice Guy 2020 pour Papicha

Posté par vincy, le 20 février 2020

Le jury du Prix Alice Guy a délibéré ce jeudi 20 février au restaurant Aux Lyonnais à Paris pour désigner la lauréate parmi les cinq finalistes: Atlantique de Mati Diop, Jean Vanier, le sacrement de la tendresse de Frédérique Bedos, Papicha de Mounia Meddour, Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma et Proxima d’Alice Winocour.

C'est Papicha qui a été retenu. Le Prix Alice Guy 2020 sera officiellement remis à la réalisatrice, à Paris, au printemps, lors d’une soirée ouverte au public, durant laquelle des courts métrages d’Alice Guy et le film primé seront projetés. Pour la deuxième année consécutive, le Prix est doté par la SACD.

Le jury était composé cette année de Yann Arthus-Bertrand, Catherine Corsini, Emmanuel Denizot, Julie Gayet, Jordan Mintzer, et Marianne Slot.

Sorti le 9 octobre dernier, Papicha a attiré 260000 spectateurs. En sélection à Un certain regard à Cannes en mai, le film est deux fois nommé aux César (premier film, espoir féminin).

Sophia Loren revient sur … Netflix

Posté par vincy, le 20 février 2020

Un beau coup de plus pour Netflix. la plateforme s'offre Sophia Loren, qui n'a rien tourné pour le cinéma depuis Nine en 2009 et pour la télévision depuis La mia casa è piena di specchi en 2010. Une si longue absence. Netflix a acquis les droits de La vita davanti a sé (La vie devant soi), adaptation du roman de Romain Gary.

Elle incarnera Madame Rosa. Rôle mythique, Simone Signoret l'avait interprété dans le film de Moshé Mizrahi en 1977. L'actrice avait reçu un César de la meilleure actrice en 1978 et le film a obtenu l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Myriam Boyer a repris le rôle pour un téléfilm en 2010.

La version italienne avec l'icône italienne sera réalisée par son fils Edoardo Ponti.

L'histoire est celle de Madame Rosa, une vieille femme juive qui a connu Auschwitz et qui, autrefois, fut prostituée à Paris. Elle a ouvert un bordel, où elle accueille aussi les enfants des prostituées pour qu'ils soient protégés de l'Assistance publique. Momo, qui sera incarné par Ibrahima Gueye, est un jeune musulman timide qui voit en madame Rosa la seule « mère » qui lui reste. Il va l'accompagner jusqu'au crépuscule de sa vie...

Vesoul 2020 : Mariam au palmarès, Wet Season et Jinpa dans les salles

Posté par kristofy, le 19 février 2020

Le 26ème Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul, qui s'est tenu du 11 au 18 février, a pu compter sur ses fidèles et nouveaux spectateurs pour une nouvelle fois faire salles pleines (32200 spectateurs au total) pour plus de 80 films en provenance de 24 pays ! C'est plein succès pour la rétrospective sur le cinéma du Tibet avec en particulier l'ensemble des films des réalisateurs Pema Tseden et ceux de Sonthar Gyal (malheureusement absents à cause des difficultés à voyager depuis la Chine depuis le coronavirus), l'hommage à l'actrice Ronit Elkabetz, et la thématique "Liberté, Egalité, Créativité".

Wet Season de Anthony Chen et Jinpa de Pema Tseden sont à voir en salles dès ce mercredi 19 février :

Pema Tseden est le chef de file du cinéma du Tibet, il impose la langue Tibétaine dans ses films et même dans ses génériques. C'est le seul a avoir remporté deux fois un Cyclo d'or à Vesoul pour Tharlo et Jinpa. Ses films sont souvent découverts au Festival de Venise (Tharlo, Jinpa, et le suivant Balloon centré sur un couple déjà marié et une autre romance contrariée devrait connaître encore plus de succès). En attendant le dernier né, Balloon, et peut-être The sacred arrow d'avant (un tournoi de tir à l'arc où le meilleur archer d'un village est amoureux de la soeur du champion du village rival...), Jinpa sort aujourd'hui dans les salles françaises. On y découvre le chauffeur d'un camion sur une route déserte qui prend en stop un homme mystérieux qui dans un prochain village à l'intention de retrouver quelqu'un pour le tuer et se venger... Le cinéaste poursuit son expérimentation de très longs plans fixes. Rappelons que la production de Jinpa a été soutenue par Wong Kar-wai. Tendu et fascinant, le film est aussi beau qu'exigeant. C'est bien l'étrangeté du cinéma de Tsden qui lui donne une poésie alors qu'a priori nous sommes plongés dans un western absurde et radical...

De son côté, Anthony Chen avait été découvert au Festival de Cannes où son premier film Ilo Ilo de Singapour. Il avait remporté la Caméra d'or. Le voici plusieurs années plus tard qui accouche de son second film Wet Season (à lire ici) : une femme professeur dans un collège qui ne parvient pas à tomber enceinte doit faire face à un éloignement de son mari et à un élève qui s'imagine la séduire...

La compétition du FICA de Vesoul :

Les films en compétition montraient certes une parité homme/femme réalisatrice mais surtout la moitié d'entre eux étaient des premiers films : c'est justement ces nouveaux talents qui ont été récompensés par les différents jurys ! Mis à part le vétéran Prasanna Vithanage du Sri Lanka avec Children of the Sun (d'ailleurs curieusement oublié du palmarès), la plupart des films étaient des premières œuvres. Malgré la jeunesse de ces cinéastes, ces films ont, pour la plupart, raconter des histoires complexes de famille, centrées plutôt sur une génération bien plus âgée avec, comme personnage central, des mères (Hava, Maryam, Ayesha, Mariam) ou des grands-parents (Just like that, A Bedsore).

Un film cependant se distingue, avec un sujet plus moderne, l'escalade du harcèlement d'un écolier après la divulgation d'une vidéo accusatrice John Denver Trending. Il a d'ailleurs séduit le jury de la Critique et surtout le Prix du Public. Le jury des lycéens a préféré primer le film qui a eu le plus d'impact avec une réflexion sur la violence du terrorisme Saturday Afternoon, récompensé aussi par le jury NETPAC. Chacun des 9 films en compétition semblaient traversés par une même problématique : des gens qui se heurtent à des traditions du passé qu'il est de plus en plus difficile voir impossible à supporter (en particulier pour les femmes ou pour des personnes isolées).

Cyclo d'or pour Sharipa Urazbayeva, réalisatrice de Mariam

Le grand jury était présidé par Jay Jeon (directeur du Festival International du Film de Busan), avec Yuliya Kim (directrice du Festival International du Film d’Almaty, et productrice), Joji Alonso (productrice) et Ariel Schweitzer (critique) a créée la surprise pour la plus haute récompense le Cyclo d'or pour le film Mariam de la réalisatrice Sharipa Urazbayeva du Kazakhstan, en saluant ce "portrait poignant d’une femme en lutte pour la survie de sa famille dans une société traditionnelle".

Dans l'histoire des palmarès du FICA de Vesoul, seul un film du Kazakhstan avait reçu le Cyclo d'or. C'était en 2009 avec Un cadeau pour Staline de Roustem Abdrachev (il y avait eu en 2012 l'organisation d'un Regard sur le cinéma du Kazakh avec une vingtaine de films rares et la venue du réalisateur Ermek Chinarbev). C'est aussi rare que la récompense soit décernée à une réalisatrice, qui signe ici son premier film.

Ce Cyclo d'or pour Mariam est d'autant plus beau qu'il s'agit à priori de la production la plus fragile : l'actrice principale est non-professionnelle et joue en quelque sorte son propre rôle avec ses vrais enfants à l'image, le tournage a duré seulement 5 jours. Une femme se retrouve seule avec ses quatre enfants dans un village isolé avec des conditions de vie rudes, sans électricité ni eau courante : son mari ayant disparu, on lui a retiré le bétail qui était son gagne-pain, plus aucune ressource. Elle ne peut  prétendre à aucun versement d'allocation tant que le corps de son mari n'est pas retrouvé pour le certifier décédé. La seule solution a un prix et elle est illégale : avec certaines complicités, on peut reconnaître le corps d'un autre homme à la morgue pour débloquer le versement d'une allocation...

Mariam avait été repéré au Festival de Busan et sélectionné aussi à celui de Locarno. Il a maintenant triomphé à Vesoul :

Le Palmarès du FICA de Vesoul 2020 :

Cyclo d'Or : MARIAM de Sharipa Urazbayeva (Kazakhstan)

Grand prix du jury international : JUST LIKE THAT de Kislay (Inde)
Prix du jury international ex-aequo : JOHN DENVER TRENDING d’Arden Rod B. Condez (Philippines) & A BEDSORE de Shim Hye-jung (Corée) Prix NETPAC (Network for the promotion of asian cinema): SATURDAY AFTERNOON de Mostofa Sarwar Farooki (Bangladesh)

Prix de la critique : JOHN DENVER TRENDING d’Arden Rod B. Condez (Philippines)

Prix INALCO : A BEDSORE de Shim Hye-jung (Corée)
Coup de cœur INALCO : JUST LIKE THAT de Kislay (Inde)

Prix du public : JOHN DENVER TRENDING d’Arden Rod B. Condez (Philippines)

Prix du jury lycéen : SATURDAY AFTERNOON de Mostofa Sarwar Farooki (Bangladesh)

Prix du public du film documentaire : WE MUST CLOWN de Dima Al-Joundi (Liban)
Prix du jury jeune : A PUNK DAYDREAM de Jimmy Hendrickx & Kristian Van der Heyden (Belgique)
Prix des exploitants : A DARK DARK MAN d’Adilkhan Yerzhanov (Kazakhstan)

Vesoul 2020 : trois films sur l’émancipation des femmes

Posté par kristofy, le 18 février 2020

La place des femmes réalisatrices est devenu un enjeu dans les festivals et plus généralement le cinéma depuis quelques années : le nombre de réalisatrices présentes en compétition à Cannes ou à Venise varie souvent entre 0 et 2 sur pour une vingtaines de films réalisés par des hommes, le nombre de femmes qui ont pouvoir de vote aux Césars est proche de 35%...  La place des femmes (par rapport aux hommes mais aussi à la religion ou à la politique ou aux traditions) est depuis longtemps interrogées dans des films, et depuis longtemps dans le cinéma asiatique.

Le 26e Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul présente dans les deux sections de films en compétition (fictions et documentaires) une parité femmes/hommes en réalisation, mais aussi dans la composition des membres des différents membres de jury : de plus le jury de la Critique, le jury Netpac, le jury Inalco, le jury Jeunesse ont tous une femme présidente. Le FICA de Vesoul est l'un des rares festivals où la parité est naturelle depuis déjà plusieurs années (même pour les chauffeurs où pour les opérations de sous-titrage), tout en affirmant que le critère de sélection des films est d'abord le talent, le coup de cœur, et aussi la recherche de films qui n'ont pas encore de distributeurs en France pour justement y remédier.

Hava, Maryam, Ayesha, de la réalisatrice Sahraa Karimi :

La gageure du film est de raconter l’Afghanistan sans rapport avec les guerres incessantes (ce qui est le premier cliché de ce pays) en faisant le portrait de trois femmes différentes face à leurgrossesse : grossesse qui devient impossible au regards des traditions patriarcales et religieuses du pays,  alors que l’avortement est officiellement interdit…

Les afghans ne sont pas du tout familier de ce genre d’histoire intime et personnelle du point de vue féminin : une femme ou jeune-femme pour avoir de la considération et être respectée se doit de devenir enceinte dans le cadre du mariage, la maternité est presque comme une obligation. Un mariage arrangé contraint une adolescente de trouver le moyen d’avorter et de faire réparer son hymen. A l'inverse, une procédure de divorce avec un mari notoirement infidèle lui permet quand même de décider du destin d'un bébé pas encore né de son ex-femme. Le film montre justement trois femmes qui voudront mettre un terme à leur grossesse, dans des situations où le poids des traditions devient impossible.

C’est aussi un des films forts de la compétition pour un Cyclo d’or.

Le procès de Viviane Amsalem, de la réalisatrice Ronit Elkabetz :

Cette année Vesoul rend hommage à l’actrice Ronit Elkabetz, disparue en 2016, devenue au fil de sa filmographie une figure du militantisme féministe israélien. Elle est passé à l’écriture et à la réalisation avec trois films, comme une trilogie qui bouscule les traditions de son pays. Le procès de Viviane Amsalem dénonce le fonctionnement d’un tribunal rabbinique. Une femme demande le divorce mais le mari refuse d'y consentir. Pendant plusieurs années d’audiences espacées de plusieurs mois, la décision est toujours reportée sans accorder ce divorce tant souhaité : la femme serait comme une "propriété" de son mari et le foyer serait à préserver à tout prix même contre son avis…

Le dispositif est simple et efficace: presque tout se passe dans le huis-clos d’un tribunal, où les deux époux (et des témoins) font face à trois dignitaires religieux qui semblent toujours donné raison au mari (même quand il refuse de venir). On en arrive à des situations ubuesques où bien que s’étant installée ailleurs depuis plusieurs mois, il est demandée à cette femme de revenir vivre chez son mari pour qu'elle change d’avis sur sa demande de divorce… A la fois férocement drôle et subtilement dénonciateur, le film est un réquisitoire contre les lois décidées par les hommes en faveur des hommes.

Le Héros (Nayak), du réalisateur Satyajit Ray :

Le FICA de Vesoul est l'endroit où il est possible de (re)découvrir sur un grand écran de cinéma des films de patrimoine méconnus ou pour certains jamais distribués : par exemple cette année Conte des chrysanthèmes tardifs du japonais Mizoguchi Kenji (1939), Pirosmani du géorgien Gueorgui Chenguela (1969), ou Le Héros de l'indien Satyajit Ray (1966).

L'influence de l'immense Satyajit Ray (qui en plus de la mise en scène était souvent scénariste, cadreur, et compositeur de musique) va jusqu'à inciter Wes Anderson à lui rendre hommage à travers A bord du Darjeeling Limited avec trois frères en voyage dans un train en Inde... Le Héros raconte justement le voyage d'une star de cinéma en train, en direction Delhi, où il doit recevoir un prix pour sa carrière alors que son nouveau film ne démarre pas avec un succès aussi haut que ses précédents, et qu'en plus des journaux racontent qu'il a été mêlé à une bagarre... En apparence le héros du film est justement cet acteur - héros de cinéma, mais le film raconte ses différentes interactions avec les autres voyageurs des compartiments voisins.

En général le comportement des hommes n'est pas glorieux, tandis que justement celui des femmes est plutôt positivement mis en lumière. Un voyageur, publicitaire de son métier, compte sur les charmes de son épouse pour séduire un entrepreneur et signer un contrat… Le premier personnage féminin est celui d'une jeune femme qui rédige un magazine féministe sérieux qui ne s'intéresse guère aux rumeurs. Elle ne se laisse pas éblouir par cet acteur populaire, et même elle va l'aider à se confier sur ses angoisses intimes liées à son statut de célébrité. Durant ce voyage en train le grand acteur va être dérouté puis séduit par les convictions modernistes de cette jeune femme pas comme les autres. Il s'agit de l'actrice indienne Sharmila Tagore, qui fût membre du jury du Festival de Cannes en 2009.

Festivals et sorties de films: la Chine absente pour cause de virus

Posté par redaction, le 17 février 2020

Le coronavrius - aka COVID-19 - commence à produire son effet dans le cinéma. Ce virus potentiellement mortel né dans la région de Wuhan, en Chine, à la fin de l'année 2019, a entraîné une forme de paralysie économique dans l'Empire du milieu. Il était circonscrit à la Chine, avant de se propager progressivement dans le monde. Les liaisons aériennes avec la Chine sont suspendues. Et les manifestations culturelles commencent à être impactées.

Si, à Vesoul, capitale du cinéma asiatique en Europe le temps d'une semaine, les salles sont pleines, et les invités comme le public ne portent aucun masque, le président du jury n'a pas pu se déplacer. Le tibétain Pema Tseden n'a pas pu venir. Même s'il avait pu prendre un avion, une mise en quarantaine de deux semaines lui aurait été imposée. On l'a appris quelques jours avant le début du festival. D'autres invités chinois ont également annulé leur voyage dans l'Est de la France, notamment l'autre cinéaste tibétain Sonthar Gyal et la réalisatrice chinoise Wang Jing, qui a envoyée une petite vidéo pour parler de son film (et sa déception ne pas venir en France).

La Berlinale qui commence demain, avec son European Film Market qui attire des professionnels du monde entier, a commencé à prendre des mesures sanitaires et a mis à contribution différents instituts et hôpitaux. L'EFM a déjà enregistré plus de soixante annulations, principalement des professionnels chinois qui n'ont pas reçu l'autorisation de voyager et l'incapacité à obtenir un visa. La Chine présente cette année 3 longs et un court métrage, en plus d'une conversation avec Jia Zhangke, qui vient montrer son dernier documentaire dans le festival allemand.

Le festival de cinéma de Hong Kong a annoncé il y a quatre jours qu'il décalait ses dates aussi bien pour le festival que pour le marché du film. Normalement prévu fin mars, le festival, l'un des plus importants en Asie, aura lieu fin août. Toute l'industrie du cinéma semble à l'arrêt. Il est trop tôt pour savoir si le festival de Shanghai en juin aura bien lieu aux dates prévues. Mais la Chine, deuxième marché cinématographique du monde en recettes, a mis sous cloche le 7e art. Les sorties sont annulées semaines après semaines, y compris celles des blockbusters américains. Les équipes de James Bond ont tout annulé: la première à Pékin comme la sortie du film. Disney a fermé ses parcs de Hong Kong et Shanghai, et reporté la sortie chinoise de Mulan, pourtant calibré pour le marché national. Les studios hollywoodiens ont interrompu leurs voyages professionnels avec la Chine, Hong Kong et Macau.

Depuis le 24 janvier, les salles de cinéma chinoises sont fermées et le box office est dans le coma (aucune recette engrangée). Aucune date de réouverture n'est prévue. Durant les fructueuses fêtes du nouvel an chinois (20 à 30% des recettes annuelles), les exploitants ont perdu environ 200-250M$ de recettes.

Malgré tout, certains studios de tournage ont rouvert pour éviter de mettre trop de gens en chômage technique.  Le gouvernement chinois a promis des aides financières pour éviter des faillites dans le secteur. Reste que de nombreuses productions ont été reportées sans date de reprise. Et de nombreux cinémas indépendants pourraient fermer. Pour limiter la casse, un studio, Huanxi Media, a décidé de diffuser sa dernière production, Lost in Russia sur Internet, provoquant la fureur des exploitants. Les plateformes de type Netflix ont d'ailleurs été les premières à réagit en avançant des dates de diffusion de certains films: les Chinois restant chez eux, la demande est importante.

L'impact commence à se propager à Taiwan et en Corée du sud, qui voit son box office et les tournées promotionnelles ralentir voire abandonner. A Singapour, les films chinois ont été privés de sortie.

Le virus a infecté 70000 malades et tué au moins 1775 personnes, parmi lesquels le réalisateur Chang Kai, qui travaillait pour Hubei Film Studio.

Clermont-Ferrand 2020 : rencontre avec Marion Lacourt, réalisatrice de Moutons, loup et tasse de thé

Posté par MpM, le 17 février 2020

Sélectionné au dernier festival de Locarno, puis auréolé du prestigieux prix Emile Reynaud, Moutons, loup et tasse de thé fut l'une des grandes découvertes de 2019, qui figurait déjà en bonne place dans notre florilège des courts métrages français de l'année.

Sa sélection en compétition nationale à Clermont-Ferrand, d'où ses productrices Nidia Santiago et Edwina Liard (Ikki Films) sont d'ailleurs reparties avec le prix Procirep 2020 du meilleur producteur, est l'occasion de revenir plus longuement sur le film avec sa réalisatrice Marion Lacourt.

Dans un entretien au long cours, elle nous parle de son processus de création particulier, de la technique du multiplans qui donne à cette fable hypnotique des teintes lumineuses et chatoyantes, de dessin sur celluloïd, mais aussi de rituels familiaux, de contes enfantins et de gravure.

A noter que Moutons, loup et tasse de thé est en ligne sur le site d'Arte jusqu'au mois d'octobre 2020, ainsi qu'un making-off qui permet d'en savoir plus sur la conception du film et de voir la réalisatrice au travail.

Ecran Noir : Quelle place occupe le film dans votre parcours personnel ?

Marion Lacourt : C’est mon premier film en tant qu’auteure. Avant, j’ai eu une expérience de film de commande dans le cadre de « En sortant de l’école » [une collection de courts métrages animés consacrés à la poésie], produit par Tant Mieux Prod et diffusé sur France Télévisions. J’avais fait le film Page d’écriture, sur le poème de Jacques Prévert du même nom. C’était mon premier challenge avec la technique du multiplans, et c’est ce qui m’a donné le courage et l’ancrage pour partir dans un projet personnel avec cette technique. Sur Page d’écriture, je n’ai pas eu autant de temps pour le développement que pour Moutons, loup et tasse de thé... .C’est-à-dire pour tout ce qui est purement dessin et recherches sur la palette chromatique. Il y a donc un côté beaucoup plus direct, très flashy, mais qui collait bien avec l’idée de faire un film « pour les petits ».

EN : Pouvez-vous nous parler de cette fameuse technique du multiplans ?

ML : Je travaille avec l’outil banc-titre multiplans : le principe est d’avoir un appareil-photo fixé au-dessus de plusieurs plaques de verre et un rétro-éclairage en-dessous de ces dernières. La lumière remonte à travers mes quatre plaques de verre pour finir dans l’objectif de l’appareil. Sur les trois plaques du bas, j’utilise des encres de gravure dont les pigments attrapent la lumière, ce qui me permet d’avoir ces couleurs justement très lumineuses. Sur la dernière plaque, il y a tout un travail de cernes noirs qui vont définir les contours du décor et des personnages. La majeure partie du temps, les décors sont dessinés directement sur la plaque de verre. Ensuite, en fonction du type d’animation que je veux, je vais soit animer directement sous la caméra, en dessinant au feutre sur ma plaque, image par image, soit je vais passer par une animation plus traditionnelle sur celluloïd.

EN : Qu’apporte le dessin sur celluloïd ?

ML : Il me fallait un support transparent, pour pouvoir poser mes feuilles sur la plaque de verre. C’est pour cela que j’ai utilisé du celluloïd. Dessiner les images sur un support permet un acting plus précis que l'animation directe sur verre. Le celluloïd n’est pas une matière évidente non plus, surtout quand on ne l’a jamais utilisé. Mais c’est aussi ce qui m’a permis de travailler avec d’autres personnes, quatre dessinateurs qui progressivement sont venus m'aider, car sur le banc-titre, j’étais seule du début à la fin.

EN : Et comment se passe l’animation directe sur la plaque de verre ?

ML : L’intérêt de l’animation directe sur le banc-titre, c’est que ça permet de créer de la matière par les résidus subsistant d'une image à l'autre. Chaque fois que je prends une image, j’efface une partie du trait, je le redessine un peu plus loin, et ainsi de suite. Je fais aussi bouger les plaques de couleurs : si je veux plus de blanc, je laisse passer la lumière en « débouchant » une partie de mes trois plaques couvertes d'encre, par exemple. Ces trois plaques de couleurs s’animent donc en fonction de l’animation de la ligne sur la plaque du dessus.

En raison de ma pratique de la gravure, j’ai été très attentive tout au long de la fabrication, à ce qui se passait sur mes plaques de verre quand j’effaçais mes décors d’un plan à l’autre. Souvent, au fil du temps, ça crée des résidus, et il y a là des matières que je n’imaginais pas avant de commencer le film. Par exemple, dans l’univers cosmique, je savais que j’allais faire des nébuleuses au coton-tige, en étalant une encre bleue dans laquelle je ferais des percées de lumière, mais tout le reste, je l’ai trouvé en regardant ce qui se passait lorsque j’effaçait mes plaques. C’est un travail que j’ai fait en amont, en notant à chaque fois comment j’obtenais chaque effet. J’ai beaucoup aimé travailler comme ça.

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Vesoul 2020 : le choc Saturday Afternoon

Posté par kristofy, le 16 février 2020

Après une année 2019 où la Corée du Sud a brillé à l'international avec Bong Joon-ho et une année 2018 où c'était le Japon avec Hirokazu Kore-eda (Parasite et Une affaire de famille ont été Palme d'or à Cannes et ont été multi-récompensés ailleurs ensuite (dont 4 Oscars à Parasite), sans oublier l'Iran en 2017 avec Mohammad Rasoulof (Un homme intègre, Prix Un Certain Regard à Cannes), d'où viendra le prochain film asiatique qui marquera 2020 ?

Le 26e Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul a déjà sélectionné en compétition 9 films aux univers aussi variés qu'aux thématiques fortes. Ces 9 films portent un regard sur une interrogation qui dépasse les frontières de leur pays : John Denver Trending (Philippines) parle du mécanisme en marche sur les réseau sociaux après le divulgation d'une vidéo accusatrice (alors que le phénomène vient de se produire en France pour un homme politique, Benjamin Griveaux, candidat à la mairie de Paris); Hava, Maryam, Ayesha (Afghanistan) raconte le dilemme d'une femme qui se retrouve enceinte, devant cacher sa grossesse ou avorter clandestinement à cause du poids d'une société trop patriarcale (alors que le droit à l'avortement est parfois remis en question aux Etats-Unis et même en France)... Certains sujets sont d'ailleurs plus difficiles que d'autres, notamment celui des attentats terroristes.

Le cinéma essaie de se saisir de cette problématique du terrorisme en prenant le point de vue des assaillants oue choc subit par les victimes. Peu de films se sont aventurés sur le terrain d'une confrontation idéologique entre assaillants et victimes… C’est le pari de cette confrontation que fait au Bangladesh Saturday Afternoon de Mostafa Sarwar Farooki (dont Doob: No Bed of Roses était déjà sorti en salles françaises en 2017). Il s'agit d'une reconstitution, en fiction, d'un véritable attentat avec prise d'otages ayant eu lieu à Dacca en juillet 2016. Ce film se focalise sur des interprétations d'une même religion partagée entre attaquants et otages, avec en bonus le défi technique d’un unique plan-séquence en temps réel.

Saturday Afternoon débute durant une après-midi de juillet 2016 avec une opération terroriste déjà en cours dans un restaurant où se trouvent plusieurs touristes. Toute l’action du film restera circonscrite dans le presque huis-clos d'une salle de ce restaurant. C'est le moment où les assaillants armés sont surpris par la rapidité d’intervention des forces de police qui arrivent autour du bâtiment, où ils s’y retrouvent retranchés avec les otages. Très vite une ‘sélection’ des otages est faite : les étrangers (italiens, japonais…) sont exécutés tandis que les Bangladais locaux à priori de confession musulmane sont regroupés à part. Le message de présence de bonbonnes de gaz qui pourraient exploser retarde une intervention extérieure, et pendant ce temps-là les terroristes ont le temps de s’organiser, ils vont tuer toute personne qui ne serait pas conforme à leur idéal de religion : les otages devront prouver leur obédience... Parmi les otages plusieurs femmes, des employés, des clients, divers profils dont plusieurs en font des cibles "parfaites". Certaines actions ne sont pas vues directement à l'image mais sont entendues hors-champs, le plan-séquence sans coupure en temps réel provoque une forte impression.

Nusrat Imrose Tisha Mostafa Sarwar FarookiMostafa Sarwar Farooki : « La forme du récit en un seul plan-séquence renforce l’impression de suffocation. De ce véritable évènement on n’a pas eu d’informations complètes sur ce qui s’est passé à l’intérieur, il y a eu différents témoignages de ce qui s’est passé dans les différentes pièces sans que tout ce recoupe. J’ai voulu retranscrire à travers cette forme de fiction ce qui peut fabriquer de la haine. La même religion est invoquée pour tuer des gens par certaines personnes et aussi par d'autres personnes pour sauver des gens lors de cette prise d'otages. C'est un paradoxe où des attaquants et des victimes se disent musulmans mais avec une interprétations différentes de leur religion. »

Nusrat Imrose Tisha, actrice : « On a eu 13 jours de répétition avant le tournage pour comprendre cette suffocation et cette peur intense. On nous a demandé de ne pas se parler entre les différents acteurs, il fallait ressentir à la fois l’étouffement du lieu et l’oppression grandissante entre des gens qui ne se connaissaient pas. »

Mostafa Sarwar Farooki : «Le concept de faire tout le film en un seul et unique plan séquénce sans aucune coupure est arrivé assez vite. On ne savait pas si on y arriverait, il y a eu un gros effort de l'équipe technique pour la mise en place de tout ce qui devait survenir durant le récit. Lors de la deuxième tentative le cadreur opérateur de steadycam en est même tombé malade avec une grosse fièvre. En fait la troisième tentative a été la bonne et est devenue le film. C'est bien une seule prise sans coupure ni trucage de retouche, juste un peu de post-production pour les effets sonores. Le film n'est pas autorisé pour le moment a être diffusé au Bangladesh alors que c’était prévu. On avait montré le film terminé au comité de censure et ça avait été approuvé, on avait même eu avant des échos de différents médias car c'était un projet attendu, une sortie en salles s'annonçait bien. Puis en quelques jours des religieux islamistes se sont léguer contre le film avec des relais sur internet et une pression sur le comité de censure, comité qui a alors demandé une nouvelle vision du film pour ensuite rendre un avis inverse, du coup il n’a pas encore pu être montré  aux spectateurs de notre pays. »

Saturday Afternoon avait été sélectionné dans divers Festival comme Moscou, Londres, Sydney, c'est l'un des 9 films en lice pour le Cyclo d'or.