[2019 dans le rétro] Les 50 films qu’il fallait voir en 2019 (2/5)

Posté par redaction, le 27 décembre 2019, dans Berlin, Cannes, Films, bilan 2019.

Être vivant et le savoir d'Alain Cavalier

Collage complexe de moments et de souvenirs, de tentatives minuscules de lutter contre l’ironie du sort, de mantras et de confidences à cœur ouvert, Etre vivant et le savoir est le portrait ténu de l'auteure Emmanuèle Bernheim, amie d'Alain Cavalier, qui est décédée alors qu'ils étaient en train d'écrire un film ensemble. A sa manière, faite de bribes et de fragments, le réalisateur conjure la mort, célèbre la vie et le cinéma, et empêche une nouvelle fois les disparus qui lui sont chers de disparaître tout à fait.

Tremblements de Jayro Bustamente

Alors que les thérapies de conversion sont de plus en plus contestées légalement, le cinéma s'en empare depuis quelques temps, avec des histoires fortes, souvent vraies. Cette fois-ci, cela ne se passe pas dans un pays occidental mais dans un Guatémala conservateur, catholique, avec un homme marié et père d'un certain âge, faisant partie de l'élite. Bouleversant, le film provoque un sentiment de révolte tant le procédé de "guérison" , entre secte et hypocrisie, est absurde et aberrant. Quand la société broie les destins au nom des convenances et de la morale, cela donne un spectacle où la purification et la castration d'un individu par les siens fait en effet trembler.

Crawl, de Alexandre Aja

Pour Quentin Tarantino c’est carrément son film préféré de 2019, c’était au moins un des films de cet été : un ouragan qui inonde les maisons, des gens coincés à l’intérieur avec l’eau qui monte de plus en plus et des alligators tout autour ! Le scénario de Crawl est certes basique mais efficace, tout l’intérêt du film est de découvrir comment les héros vont s’en sortir. Ce qui élève ‘Crawl’ est justement qu’il est réalisé sous haute tension par l’expert du genre Alexandre Aja : c’est un pur film de mise en scène qui joue avec la géographie d’un presque huis-clos d’une maison depuis la cave jusqu’au toit. Ce survival se double en même temps d’un drame familial entre l’héroïne Kaya Scodelario et son père Barry Pepper : deux interprètes très bons et plusieurs alligators très féroces, c’est bingo.

Et puis nous danserons de Levan Akin

Pour son troisième long-métrage, le réalisateur suédois Levan Akin s’est laissé porter par la terre de ses ancêtres, la Géorgie. Le résultat est sans appel. Bien plus qu’une histoire d’amour gay, Et puis nous danserons est un portrait d’homme d’aujourd’hui particulièrement fort. Dans une Géorgie toujours régie par l’homophobie, Merab pense s’épanouir grâce à l’amour sans vraiment réaliser que reconnaître ses sentiments et l’objet de son attirance n’est que le premier pas vers l’acceptation de soi et l’indépendance. Plus lumineux que Moonlight et Call Me By Your Name, Et puis nous danserons est une bouffée d’air frais chez les drames LGBTQ et la preuve que le coming out demeure une source d’inspiration inépuisable. A l’image de Levan Gelbakhiani, acteur révélation de la Quinzaine des Réalisateurs dont la sensibilité n’a pas fini de nous fasciner.

Le traitre de Marco Bellocchio

Le cinéma italien a révélé sa pleine forme cette année, avec ce biopic d'un mafieux repenti en tête, hélas reparti bredouille de la Croisette. Ce film aussi politique qu'historique sur la moisissure et la pourriture qui contamine un pays, dont le traitre est formidablement interprété par Pierfrancesco Favino, est à la fois un bon polar, un film de procès et le portrait d’un homme qui décide de venger la mort des siens en faisant tomber tous les autres. En gardant la foi tout en portant un regard désespéré sur son pays, Bellocchio réalise une œuvre magistrale sur l'humanité qu'il y a en chacun de nous, même face aux pires conservatismes et aux pires injustices.

Perdrix d'Erwan Le Duc

Pour son premier long métrage, Erwan le Duc continue de filer le cinéma subtilement décalé qui a fait le succès de ses courts. Avec des choix formels très marqués, ainsi qu'un rythme syncopé qui va à l'encontre des standards de la comédie, Perdrix parvient à être à la fois drôle, attachant et bizarre, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités. On est conquis par son quatuor familial dysfonctionnel, ses nudistes révolutionnaires, son commissariat nonchalant, et surtout par Juliette Webb, exceptionnelle Maud Wyler qui réinvente le rôle de l'héroïne volcanique qui bouleverse tout sur son passage.

Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino

Presque chacun de ses films est précédé (sur l’affiche ou dans son générique même) d’une numérotation, celui-ci est officiellement le 9ème film de Quentin Tarantino qui a juré s’arrêter à 10. Il a (re)visité presque tous les genres, du western au kung-fu, des guerres à l'exploitation. Once Upon a Time… in Hollywood continue dans cette voie, composée d'une narration en forme de longs chapitres très dialogués et une nostalgie plus personnelle. Retour en 1969 comme symbole d’un certain âge d’or du cinéma en compagnie de certains (anti) héros qui aspirant eux-aussi à entrer dans la légende. La tragédie qui guette la célèbre Sharon Tate ouvrira un portail justement vers une autre légende… Le 7e art est capable de tout. Tarantino persévère ainsi à transformer l'Histoire en sublimant une réalité où les méchants sont toujours perdants.

Asako I & II de Ryusuke Hamaguchi

En compétition à Cannes en 2018, ce fut le premier beau film sorti en 2019. Cette romance mélancolique et fantomatique, aussi délicate que sensible, suit les élans du coeur de ses personnages. Film dual, où tout fonctionne par deux, fonctionnant sur des ellipses temporelles et une finesse d'écriture séduisante, Asako est touchant de bout en bout, sans dramaturgie excessive, et en laissant le spectateur libre de ses interprétations. Une démonstration de la force du cinéaste japonais qui sait écouter et défendre chacun de ses personnages, entre nuances intelligentes et simple empathie.

Boy Erased de Joel Edgerton

En adaptant le les mémoires de Garrard Conley, fils de pasteur contraint de suivre une thérapie de conversion pour soigner son homosexualité, Joel Edgerton prenait de sacrés risques. Mais à voir le résultat, on se demande encore comment l’on a pu douter du réalisateur de The Gift. Porté par un incroyable casting (Lucas Hedges, Russell Crowe, Nicole Kidman, Joe Alwyn, Xavier Dolan, Troy Sivan), Boy Erased est un de ces films qui font réfléchir. Particulièrement poignant, il aura en effet soulevé de nombreuses interrogations chez ses spectateurs. Preuve s’il en fallait une qu’il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers lorsqu’il est question d’acquis sociaux ou d’acceptation des différences.

Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais

Si on s'interroge régulièrement sur le formatage de la narration cinématographique, sur la capacité du 7e art à nous raconter des histoires avec une véritable originalité et un point de vue réellement singulier, on a la preuve avec ce film que tout est encore possible. Avec un texte très littéraire, profondément intime, le réalisateur raconte en voix off un passage dépressif de sa vie, la France rurale, et l'incapacité à aller de l'avant. Pour illustrer ses mots et ses maux, il se sert d'images d'autres films. Un pillage en règle où il rend à la fois hommage à toutes les formes de cinéma et démontre que le cinéma a déjà presque tout montré. A la limite de l'expérimentation, le film bouscule nos regards et trouble nos repères. Ce qui en fait, de loin, le film le plus audacieux de l'année, et l'un des plus poignants.

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