Jeune public : le programme « Loups tendres et Loufoques » dédramatise les peurs enfantines

Posté par MpM, le 18 octobre 2019

Parmi l’offre florissante de films et programmes à destination du jeune public, il ne faut pas rater Loups tendres et loufoques, qui propose six courts métrages d’animation autour de l’animal le plus présent dans l’imaginaire enfantin. Destiné aux plus petits spectateurs (succès garanti auprès de notre petit cobaye de tout juste trois ans), il revisite et détourne les peurs et les légendes autour du loup, tantôt ridicule, tantôt attachant, tantôt majestueux.

On passera rapidement sur les deux films qui ouvrent le programme : C’est moi le plus fort et C’est moi le plus beau, signés Anaïs Sorrentino et Arnaud Demuynck, et adaptés des albums jeunesse de Marcel Ramos. Un loup prétentieux et pas très malin tyrannise les habitants de la forêt (de Blanche Neige au Petit Chaperon rouge) pour obtenir des compliments sur sa force et son apparence. Mais par deux fois, un bébé dragon lui cloue le bec, renversant les principes de la loi du plus fort. C’est simple, gentiment répétitif, et tout à fait efficace pour dédiaboliser la figure inquiétante du loup de conte de fées.

Dans le même genre, Le retour du grand méchant loup de Pascale Hecquet fait carrément passer l’animal de prédateur craint et respecté à espèce en voie de disparition. Revisitant joyeusement l’histoire du petit chaperon rouge, le film montre un loup qui n’est plus vraiment à sa place dans l’époque moderne (où il est un objet de curiosité et de nostalgie plus que d’angoisse), et se retrouve sous la protection du chasseur. Si l’on excepte l’habitude agaçante des personnages de réclamer une récompense en échange de tout service (« qu’est-ce que j’y gagne ? » demande sans cesse le petit chaperon rouge), le film est attachant et subtilement décalé.

Joli, aussi, ce Trop petit loup d'Arnaud Demuynck, qui raconte les mésaventures douces d'un louveteau qui a décidé de chasser seul. A distance, son père assiste avec humour et détachement aux stratégies des "proies" pour se moquer de l'apprenti chasseur. Le graphisme tout simple (les loups sont stylisés avec des traits de contour noirs et des aplats de  bleu) et la bienveillance du propos rappellent aux petits spectateurs que les petits loups rencontrent les mêmes difficultés qu'eux à s'affranchir de leurs parents, et qu'ils ont encore bien le temps avant de réclamer leur indépendance.

Grand loup et petit loup de Rémi Durin (librement adapté de l'album de Nadine Brun-Cosme) est l'autre coup de coeur du programme, qui s'affranchir délibérément de l'imagerie autour du grand méchant loup. Ici, le personnage principal est un loup noir dessiné à grands traits, et au museau démesuré, qui mène une vie paisible sous son arbre. Un être solitaire et tranquille, qui voit d'un mauvais oeil l'arrivée d'un petit loup bleu beaucoup trop remuant pour lui. Et pourtant, lorsque ce dernier repart, il laisse un immense vide dans l'existence de Grand Loup, qui n'aura alors plus de cesse que d'imaginer tout ce qu'ils feront ensemble à son retour. Une fable douce et tendre sur l'amitié et les préjugés, qui raconte combien il est parfois bon de se laisser un peu bousculer par la vie et ses surprises.

Enfin, c'est Promenons-nous de Hugo Frassetto qui clôt plutôt habilement le programme. Entonnant la célèbre comptine enfantine "Promenons-nous dans les bois", des louveteaux déguisés en autres animaux attendent leur père. Lorsqu'il arrive, ce dernier leur chante alors l'histoire du "loup qui est de retour dans les bois". "Il a bien le droit d'être là-bas" reprennent en choeur les louveteaux, alors qu'apparaît à l'écran un loup beaucoup plus réaliste, esquissé sur fond blanc, au milieu d'une nature stylisée. Une conclusion qui sensibilise les jeunes spectateurs à la nécessité pour l'homme de vivre en harmonie avec son éco-système, et de protéger toutes les espèces vivantes qui en font partie.

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Loups tendres et loufoques, distribué par Cinéma Public Films
En salle depuis le 16 octobre

[Lumière 2019] Ken Loach, de la politique avant tout

Posté par Morgane, le 18 octobre 2019

Après avoir reçu le Prix Lumière en 2012, Ken Loach - 2 Palmes d'or et 3 César - est de retour à Lyon cette année. Il a présenté son nouveau film Sorry we missed you (en salles le 23 octobre) à l'Institut Lumière et a enchaîné avec une masterclasse à la Comédie Odéon, qu'il souhaitait politique. Clémentine Autain, députée France Insoumise de Seine Saint-Denis, l'accompagnait. Et Thierry Frémaux était là pour mener la discussion, avec Didier Allouch pour la traduction.

Besoin de parler de politique, du monde, plutôt que de cinéma
"Le monde est dangereux, l'économie s'écroule et les extrémismes de droite vont en profiter. On doit combattre cela de toutes les manières possibles. C'est la plus grande tâche, combattre sur tous les plans. Mais ce qui est encore plus important c'est de comprendre ce qui se passe. On a tous besoin ensemble de comprendre, de résister, et cela peut peut-être aussi se faire par le cinéma. Et la force que nous avons c'est que nous sommes nombreux et qu'ils sont peu!"

Ce combat passe par la vie quotidienne
"On doit célébrer la vie! Et les films doivent respecter la complexité de la vie. La vie évolue dans un contexte social et il existe un cordon ombilical qu'on ne peut pas couper entre notre vie privée et ce contexte social."

Sorry we missed you marche dans les pas de Moi, Daniel Blake
Pour Clémentine Autain, le dernier film de Ken Loach est celui qui l'a "le plus bouleversée. Moi, Daniel Blake c'était la bureaucratisation, ici c'est la concrétisation de l'ubérisation et de son mensonge. Le rêve d'indépendance tourne au cauchemar et tous les pans de la vie sont touchés." Ken Loach explique alors qu'après Moi, Daniel Blake, il était dans une banque alimentaire et qu'il n'y avait pas que des chômeurs mais également des travailleurs. "Aujourd'hui, 2/3 des nouveaux emplois sont précaires, sans aucune garantie. Vous travaillez un jour mais rien ne vous dit que vous travaillerez le lendemain. Cela date de Margaret Thatcher qui a mis à mal les syndicats et alors les emplois précaires ont commencé à se développer. Et c'est ainsi que le film (Sorry we missed you) a commencé. Le travail c'est comme un robinet soit ils l'ouvrent soit ils le ferment."

Thatcher, Blair et...
"Thatcher a dit que sa plus grande invention était Tony Blair et elle n'a même pas eu besoin de l'inventer! Tony Blair est un criminel pour avoir participé à la guerre en Irak qui est une guerre illégale. Pour cela il devrait être jugé à La Haye."

...le Brexit
"Le Brexit c'est une distraction. Les problèmes étaient là avec l'Union européenne et ils seront toujours là si on en sort. Et si Boris Johnson reste ils seront encore plus grands. Il y a quelques jours le film a été projeté à Paris dans une immense salle remplie d'activistes qui sont venus sur scène pour dire comment ils combattaient les inégalités, la précarité. L'espoir c'est tous ces combats. Mais les médias font tout pour détruire cet espoir. Ils ne parlent jamais de ces grèves. Il faut qu'elles se sachent pour que les combats se propagent!"

Ken Loach et la gauche
"Aujourd'hui la gauche est plus forte (en Angleterre) mais les affronts contre elle ont déjà débuté. Corbyn a été accusé de racisme alors qu'il est d'une immense intégrité. Si la gauche gagne les prochaines élections, chaque travailleur aura des droits dans son contrat de travail. Les privatisations cesseront immédiatement, tous les employés auront droit à la sécurité sociale. L'eau, le gaz, l'électricité, la poste... tout ça reviendra dans le domaine public avec des dirigeants locaux."

"Aujourd'hui le parti travailliste c'est plus de 500000 membres car il donne une réponse au besoin des gens et c'est pour ça que les attaques sont si fortes contre le parti de gauche. C'est un bon plan, essayez-le ici!"

Et de finir par cette phrase des syndicats américains "Agitate, educate, organize" et "défendez Jeremy Corbyn, envoyez-lui un message, soutenez-le!"

En deux heures, il faut avouer qu'il a surtout parler de politique. Mais après tout c'est tout le sujet de son cinéma...