Annecy 2019 : focus sur l’animation française 2/2

Posté par MpM, le 20 juin 2019

Le Japon avait beau être à l'honneur cette année à Annecy, c'est pourtant l'animation française qui a brillé de mille feux avec des propositions puissantes et éclectiques, et une démonstration magistrale d'inventivité et de savoir-faire. Tout, de l'esthétique aux sujets, en passant par les modes de narration et les techniques, est venu prouver l'immense vitalité d'un cinéma qui ne cesse d'expérimenter et d'explorer les possibilités infinies de son format.

Pour ce qui est du long métrage, nous avons déjà parlé de la richesse exponentielle d'un cinéma qui semble au firmament, remportant notamment un Cristal bien mérité (J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin) et proposant au parallèle plusieurs films de qualité, dont un chef d'oeuvre, L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian.

Côté courts, la France n'était évidemment pas en reste, prouvant son excellente forme en remportant notamment le Cristal du court métrage. On doit bien avouer que l’on n’est guère amateur de Mémorable de Bruno Collet, mélodrame grandiloquent sur un artiste atteint de la maladie d'Alzheimer. L’idée d’aborder le sujet par le prisme de l’humour n’est pas en cause, mais rend paradoxalement presque chaque "bon mot" attendu, et de fait un peu poussif. Les voix ont d’ailleurs tendance à sonner faux, trop déclamatoires et trop écrites. Enfin, la musique vient sans cesse souligner les effets, quand on aurait eu besoin de distance et de légèreté scénaristique.

Sur le même sujet, on préfère le film étudiant (suisse) Élise de Valentine Moser, qui joue sur une temporalité totalement mêlée pour traduire les sensations d’une vieille dame elle aussi atteinte de la maladie d'Alzheimer. Plus minimaliste, bien sûr, mais parvenant avec beaucoup d’ingéniosité à fusionner fond et forme.

Couronné du prix du jury, Oncle Tomas, la comptabilité des jours a pour sa part toute sa place au palmarès. Coproduction entre le Portugal, la France et le Canada (via l’ONF), le nouveau film de Regina Pessoa est une œuvre extrêmement personnelle, que la réalisatrice narre elle-même à la première personne. Elle y dresse le portrait de son oncle, sorte d’original brisé par la vie auprès duquel elle trouvait refuge dans son enfance.

Mêlant notamment gravure et animation en volume, il prend son temps pour nous cueillir, révélant peu à peu, par petites touches, la palette d’émotions complexes qui infusent la relation ténue entre la petite fille et son oncle. Qu’ils peignent ensemble sur un mur, ou partent en randonnée, le lien qui les unit n’est jamais asséné ou sur-expliqué. La voix-off reste même pudiquement à la surface des choses, laissant le spectateur combler lui-même les silences. C’est cette relative simplicité narrative qui permet au film d’atteindre une telle force d’évocation.
A noter que le film est en ligne jusqu'au 22 juin !

La vie de château, présenté en section télévision, fait incontestablement partie des belles découvertes de cette édition. C’est Clémence Madeleine-Perdrillat (scénariste notamment pour les courts métrages La Chanson et Les Bigorneaux mais aussi réalisatrice du Cow-Boy de Normandie et de Gigot bitume) qui cosigne ce récit ultra sensible (son premier court métrage animé) avec Nathaniel H'Limi dont c’est le premier film. Une première fois sous les meilleurs auspices tant l’histoire de cette petite fille qui se reconstruit lentement après la mort de ses parents est à la fois délicate et bouleversante. Destiné aux enfants à partir de 6 ou 7 ans, il aborde avec pudeur la question du deuil mais aussi, de manière absolument lumineuse, l’idée de ces familles que l’on se choisit. Il offre également au public adulte une double lecture pleine de sensibilité, qui évoque en creux l’un des grands traumatismes nationaux de ces dernières années.

Formellement, le film joue beaucoup sur les échelles (dans les bras de son oncle, la petite Violette fait l’effet d’une poupée qu’il étreint avec une infinie délicatesse) et quelques idées visuelles de toute beauté. On aime notamment la magnifique séquence du feu, durant laquelle les deux personnages se confient l’un à l’autre avec simplicité, alors que des ombres chinoises apparaissent dans les flammes comme pour redonner vie à leurs souvenirs.

Hors palmarès, les (re)découvertes ne manquaient pas. Une nouvelle fois, Je sors acheter des cigarettes d’Osman Cerfon (prix Emile-Reynaud en 2018) a fait mouche. Toujours aussi puissant, même après plusieurs visions, le film demeure l’un des plus importants de l’année écoulée avec son mélange d’humour décapant et de tendresse bouleversante. Jonathan, un adolescent de 12 ans, habite avec sa sœur et sa mère dans un appartement où les placards et les tiroirs dissimulent des hommes qui ont tous le même visage.

Le réalisme brut du début laisse alors peu à peu place à cette métaphore visuelle pour raconter le sous-texte de l’intrigue, et extérioriser les sentiments qui animent le personnage. Ce mélange d’ironie décalée et d’étrangeté est le cocktail idéal pour évoquer l’éternelle recherche d’un père absent, figure à la fois honnie et fantasmée, qui hante au sens propre la vie du jeune garçon.

C'était en revanche la première fois que l'on découvrait Sous la canopée de Bastien Dupriez, qui creuse son sillon en proposant à nouveau un film expérimental qui combine abstraction et propos narratif. Le réalisateur, dont on aimait déjà beaucoup Aérobie et Sillon 672, utilise la gravure sur pellicule et la peinture sur verre pour nous emmener au cœur d'une forêt peuplée de paradisiers multicolores. Au fur et à mesure du film, les beaux oiseaux se muent en taches de couleur qui virevoltent au rythme de la musique envoûtante d'Antoine Zuccarelli, puis semblent se mêler dans une explosion de teintes vives et joyeuses.

Petit à petit, pourtant, l'angoisse sourd. La musique se fait mécanique, le noir et des dégradés de rouge-orangé envahissent l'écran. Quelque chose menace la forêt. On aperçoit furtivement une forme humaine, puis des silhouettes d'arbres qui se tordent et tombent à terre. Des formes et des couleurs en mouvement, qui cherchent bien moins à représenter concrètement qu'à traduire en sensations cette destruction qui est à l'oeuvre sous nos yeux.

Toujours en compétition, on a également été séduit par Tétard de Jean-Claude Rozec, un récit anxiogène qui repose à la fois sur la cruauté enfantine, et sur l'ambivalence des rapports au sein d'une fratrie. La grande sœur ne cesse de raconter à son impressionnable petit frère qu'il est en réalité un enfant-crapaud, échangé avec le véritable bébé, et l'entraîne dans des jeux effrayants au bord d'un marécage. La montée en tension du récit est ainsi assez réussie, alternant humour noir et peurs véritables, jusqu'au déstabilisant dénouement final.

Dans un autre style, L'espace commun de Raphaële Bezin juxtapose des visions de Rome issues de l'imaginaire collectif en collant et mélangeant à l'écran des extraits de films (26 en tout) tournés dans la capitale italienne. Avec le jeu des surimpressions, elle fait parfois cohabiter des images de différentes époques tournées dans un même lieu, donnant à voir de manière simultanée les différences architecturales au fil du temps.

En sous-titres, un texte condense les conversations que la réalisatrice a eues avec des Romains au sujet justement du rapport que la ville entretient avec le cinéma. Le fait que ce texte soit écrit, et non dit en voix-off, lui donne un aspect de vérité universelle, de propos indépassable, qui rend l'expérience réellement fascinante.

Le jongleur de Skirmanta Jakaite est une coproduction avec la Lituanie, dont on a pu voir à Annecy quelques passionnants specimen de cinéma absurde et déroutant. Celui-là ne fait pas exception, avec son récit déconstruit, sa voix off mécanique et monocorde, qui vient parfois doubler ce qui est écrit à l'écran dans une typographie de machine à écrire, et ses saynètes en apparence décousues qui passent d'un personnage à l'autre sans raison évidente.

Tout est d'un gris vibrant, sans cesse troublé par des éclats de rouge ou de vert. On ne sait si on est dans l'au-delà, ou pour la première fois face au monde tel qu'il est réellement. Cette étrangeté brute et implicitement inquiétante nous laisse ainsi dans un état troublé et confus qui renvoie à de vastes interrogations existentielles sur la vie, l'univers et le reste.

Du côté de la compétition étudiante, on s’est également régalé avec des propositions fortes, personnelles, parfois engagées et presque toujours poétiques, qui viennent confirmer l'espoir que l'on peut placer dans l'animation française d'auteur. L'une d'entre elles est Sahara place de Zélie Durand-Khalifat, évocation sensible du grand-père de la réalisatrice et de son projet de film qui ne s'est jamais fait.

Mêlant stop-motion, prise de vue réelles et photographies, c'est une oeuvre incontestablement intime, qui explore une histoire familiale que l'on devine douloureuse, mais en restant toujours sur le fil, à mi-chemin entre le récit personnel et l'écho d'une fiction onirique qui n'a jamais vu le jour.

Baransu d'Alice Lahourcade est quant à lui d'inspiration japonaise. La réalisatrice imagine en effet la rencontre entre deux yokais (des esprits dans la culture nippone) à la fois opposés et complémentaires : l'un chérit les cailloux, qu'il compte une fois par an ; l'autre a pour habitude de les lancer sur les humains pour les éloigner.

Tandis que les deux personnages s'opposent, leur histoire prend vie sur la scène d'un théâtre kabuki. En français, Baransu signifie équilibre, ce qui convient parfaitement à la morale joliment malicieuse de la fable.

Jonathan Phanhsay-Chamson n'est pas exactement un inconnu puisqu'il présentait déjà Les enfants du béton l'an dernier en section films d'études à Annecy. Avec Big boy, il prend une direction nouvelle, moins directement politique et plus introspective. A l'origine de ce nouveau film, il y a un poème à la beauté époustouflante accompagnant les images d'un homme seul dans le désert, en quête de rédemption.

On se laisse envoûter par ce récit initiatique à l'esthétique minimaliste (personnage anguleux stylisé, aplats de couleurs pour les décors) mais à l'onirisme attachant. On est d'autant plus intrigué que le court serait une base pour un long métrage en développement que l'on a absolument hâte de découvrir.

On a également revu avec beaucoup de plaisir Swatted d'Ismaël Joffroy Chandoutis, film hybride qui mêle vidéos youtube et images vectorielles issues d'un jeu vidéo pour raconter le phénomène du "swatting", un acte de cyber-harcèlement consistant à faire intervenir le SWAT armé jusqu'aux dents au domicile d'un gamer en plein streaming.

Au-delà du vrai danger que représentent ces prétendus "canulars", le réalisateur interroge la frontière floue entre réalité et virtuel, donnant la sensation vertigineuse que ce sont les personnages du jeu qui finissent par jaillir, fusils au poing, dans le salon des joueurs.

Enfin, s’il n’était finalement présenté dans aucun sélection à Annecy, il faut dire un mot du lauréat du prix André Martin du court métrage, remis chaque année à l’occasion du festival. Mon juke-box de Florentine Grelier, qui succède à Ce Magnifique gâteau, propose un regard tendre et complice sur la relation qui unit la réalisatrice à son père, grand connaisseur de juke-box. Comme ces machines qu'il affectionne tant, lui-même a mille anecdotes à raconter, démarrant au quart de tour à l'évocation d'un lieu ou d'une époque de sa vie.

Réalisé dans une indéniable économie de moyens, le film a quelque chose d'artisanal qui non seulement lui permet de se rapprocher formellement de son propos, mais qui le rend aussi extrêmement touchant. Sûrement parce que l'on aime tant lorsque le cinéma essaye et expérimente, on se laisse emporter, et même submerger, par ce récit intime qui ne triche jamais.

Un MK2 pourrait s’installer au nord de la Goutte d’or à Paris

Posté par vincy, le 20 juin 2019

Un jury a désigné le projet lauréat concernant la construction d'un nouveau quartier dans le nord de paris, à la frontière de la Goutte d'or, sur une emprise jusque là laissée en friche par la SNCF (et qui a accueillit le Ground Control quelques étés).

Le lauréat est le groupement d’opérateurs EMERIGE/OGIC, avec l’architecte Christian Biecher et les paysagistes SLA. Ils devront aménager de manière écologique 3 hectares. Cet espace Ordener-Poissonniers très dense (70000m2 de surface de plancher et seulement un hectare de jardin dans un quartier qui manque d'espaces verts) doit être livré à partir de 2023. 1000 nouveaux habitants sont attendus mais aussi une école de design, un établissement culturel opéré par la Bellevilloise, un foodcourt par Les Camionneuses, un incubateur Ici Paris et un cinéma de 9 salles MK2.

MK2 n'est pas présent dans le 18e arrondissement (les MK2 Quai de Seine / Quai de Loire sont à 3 kilomètres). UGC a installé un Ciné-Cité dans les nouveaux quartiers du boulevard Macdonald à 3,5 kilomètres, le Pathé Wepler est à moins de deux kilomètres, tout comme le Louxor, cinéma indépendant au sud de la Goutte d'or).

Ce nouvel MK2, accessible avec deux lignes de métro, serait le 10e complexe parisien du groupe.

Cependant, avant d'en arriver là, il y aura plusieurs obstacles à surmonter. A commencer par la concertations avec les associations de riverains qui critiquent un projet sur-densifié dans un quartier déjà très dense démographiquement, la réduction de la surface d'espaces verts (un parc était initialement prévu), et la méthode même du choix du projet. Le choix même d'un cinéma n'était pas demandé par les habitants du quartier, qui, outre un grand parc, aurait préféré un conservatoire (qui manque cruellement dans l'arrondissement).

La Mairie a paru surprise de cette densité et a a émis des réserves notamment en faisant de la préservation des halles un critère essentiel. Le projet devrait encore évoluer pendant une nouvelle période de concertation qui débutera en juillet afin d'amender certains aspects.

Cabourg 2019 : la comédies romantiques, un genre stéréotypé pas si « genderfluid »

Posté par kristofy, le 20 juin 2019

On en a tous vu des dizaines de comédies romantiques et on adore ça. Courir à l'aéroport pour rattraper l’autre avant de partir loin ou se précipiter à une église où se prépare un mariage pour intervenir avant le ‘oui je le veux’ à quelqu'un d'autre; on connaît ces clichés de fin de films avec un personnage qui doit faire se battre contre un délai fatal et faire une grande tirade aussi sentimentale que désespérée, avec l’espoir que ça ne soit pas tout a fait trop tard... Beaucoup de ce genre de clichés se retrouvent dans les comédies romantiques. Certains sont d’ailleurs presque attendus : par exemple se déclarer sous la pluie (Orgueil et préjugés de Joe Wright, N'oublie jamais de Nick Cassavetes). La ‘RomCom’ est un genre de film très codifié. Souvent deux personnages différents que tout oppose  vont se séduire malgré des obstacles - un quiproquos ou une trahison qui va tout casser entre-eux - avant une ultime grande déclaration d’amour et un baiser passionné en guise de happy-end. Le summum étant évidemment Quand Harry rencontre Sally.

Et si en fait tout les comédies romantiques les plus populaires racontent aussi en creux une toute autre histoire ? C'est justement le sujet du documentaire Romantic Comedy de Elizabeth Sankey, présenté lors du Festival de Cabourg, qui interroge le message de ces films. Sa première observation est que "tout le monde est blanc, hétéro, et veut se marier"...

Romantic Comedy analyse avec une multitudes d’extraits des films les plus connus (principalement américains et britanniques) ce qui caractérise leurs personnages et leurs cheminements. Il en ressort que ces comédies romantiques ne sont pas seulement des histoires mièvres à regarder en pleurant avec  un pot de glace (un autre cliché, comme le début de Bridget Jones), ces histoires sont aussi un reflet de notre société et en particulier d’une certaine évolution du regard porté sur les femmes. Ainsi dans les années 50, la femme est un personnage fort, pleine de qualités et consciente de son pouvoir de séduction (comme Katharine Hepburn, Audrey Hepburn ou Marilyn Monroe) et face à elle l’homme est parfois stupide et maladroit (comme Cary Grant ou Tom Ewell).

Il y a eu un glissement inverse jusqu’aux années 90 : l’homme est supérieur et plein d’assurance, à l’aise avec sa fortune et son travail (Richard Gere, Colin Firth) alors que la femme est elle désormais faible, maladroite, avec des complexes ou un manque de confiance (Drew Barrymore, Sandra Bullock). C’est la femme qui doit évoluer pour séduire l’homme (Jennifer Lopez, Katherine Heigl). Seul Pretty Woman est l'exception, puisque les deux protagonistes sont obligés de faire des efforts pour conquérir l'autre (tout comme Notting Hill et Quatre mariages et un enterrement qui poursuivent la tradition des années 40-50). D'ailleurs cette inversion des rôles est condensée avec Bridget Jones, sorte de Orgueil et préjugés à l'envers : le féminisme d'antan a disparu dans les récentes comédies romantiques...

L'homme est l'avenir de la femme

Avec un montage d'une multitude d'extraits de films, Elizabeth Sankey remarque que la femme est rarement sur un pied d'égalité avec l'homme. Parfois le but de l’ héroïne est de séduire l'homme pour le rendre heureux, moins pour être heureuse elle (hystérique, indécise, insatisfaite, complexée: elle est toujours responsable de son malheur et victime de son statut).

L’homme est parfois manipulateur voir presque agressif dans sa séduction (Mary à tout prix, American pie). Quand la femme travaille, elle est vue comme incompétente, ingérable ou malheureuse (encore Bridget Jones, Anne Hathaway dans Le nouveau stagiaire, Sandra Bullock dans la Proposition). Le plus souvent la femme est idéalisée comme une muse qui permettrait l’accomplissement de l’homme : Zooey Deschanel dans 500 jours ensemble, Natalie Portman dans Garden state, Drew Barrymore dans Le come-back... Cette représentativité de la femme au service de l’homme avait d’ailleurs été dénoncée par Zoé Kazan dans Elle s'appelle Ruby. Dans une immense majorité de comédies romantiques on y voit un univers de personnage blanc, hétérosexuel, riche : ce n’est que ces dernières années qu’un peu plus  de diversité arrive. Quand il y a un personnage gay c’est souvent un meilleur ami dont l’utilité est de donner plus d’épaisseur au personnage principal hétéro ou de faire rire. Un couple interracial est rare, il y a eu récemment Kumail Nanjiani dans The Big Sick (un pakistanais avec une américaine) ou Yesterday de Danny Boyle. Même la différence d'âge continue d'être le plus souvent un homme âgé avec une femme plus jeune.

Cendrillon et le Prince Charmant

Dans son documentaire Elizabeth Sankey observe justement que ce sont les comédies romantiques les plus populaires qui ont un fort impact dans la mémoire collective, mais aussi, justement, que ces dernières années il y a de plus en plus de comédies romantiques avec de la diversité qui sont produites. Cependant, ces films sont plutôt catégorisés en 'film dramatique' comme Le club des coeurs brisés ou La tentation de Jessica. Et c'est surtout en Europe qu'on voit ce type de film : Seule la terre de Francis Lee, Week-end de Andrew Haigh, Kyss Mig, une histoire suédoise de Alexandra-Therese Keining, Imagine me and you de Ol Parker... Aucun n'a vraiment eu le succès des gros hits romantiques où régnaient Roberts, Diaz, Lopez, Anniston, Zelwegger et Bullock.

Le documentaire Romantic Comedy relève les différents stéréotypes de ces films, remix du mythe de Cendrillon, qui a rejeté l'émancipation des femmes (et le combat féministe) pour propger l'idée qu'elle ne seront heureuses qu'avec un grand amour (et des enfants), tout en laissant tomber leur job s'il le faut. Loin de nous empêcher de prendre du plaisir à regarder ces histoires, on peut quand même remarquer l'égocentrisme de ces déclarations d’amour où c'est la femme qui doit accepter l'homme tel qu'il est. Que de régressions depuis 30 ans et l'orgasme simulé de Meg Ryan au restaurant.

Le Festival de Cabourg avait d'ailleurs judicieusement sélectionné cette année des comédies romantiques riches de diversité : Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, Matthias et Maxime de Xavier Dolan, Benjamin avec un cinéaste et un chanteur, Pour vivre heureux avec une étudiante belge d'origine algérienne et un jeune homme d'une famille pakistanaise, Aurora de Mila Tervo (Prix de la Jeunesse) avec un immigré iranien et une finlandaise, et aussi Yesterday de Danny Boyle (Prix du Public) avec Himesh Patel et Lily James.

En attendant la première grande comédie romantique où ce sera la femme qui paiera un jeune escort sur Hollywood Boulevard, où ça finira en polyamour bienheureux, où l'homme décidera de rester à la maison pour s'occuper des enfants. Bref une rom-com dans l'air du temps, avec des récits qui se fichent des étiquettes et qui affirment un retour à l'égalité des sexes.