Pluie d’hommages pour Agnès Varda

Posté par vincy, le 30 mars 2019

Le décès d'Agnès Varda a entraîné de nombreuses réactions de par le monde. A commencer par cette photo de son fils Mathieu Demy sur Instagram, avec un simple "maman!" en guise de légende.

Les chaînes publiques ont bouleversé leurs programmes des prochains jours pour rendre hommage à cette pionnière qui su prendre les vagues, nouvelles, en amont. Arte,qui lui avait consacrée une soirée il y a deux semaines en diffusant son dernier film Varda par Agnès, diffusera son film le plus connu, Cléo de 5 à 7, mis en musique par le regretté Michel Legrand, dimanche 31 mars à 9h30. La chaîne franco-allemande a aussi prévu de montrer Sans toit, ni loi, son plus grand succès, avec Sandrine Bonnaire, lundi 1er avril à 13h35, et son documentaire fondateur Les plages d'Agnès à 20h55 le même jour.

France 2 proposera dimanche 31 mars à 20h40 la pastille D'Art d'art, où l'artiste-photographe-plasticienne avait choisi de commenter l’œuvre des Nymphéas bleus de Claude Monet. Le lundi 8 avril, Stupéfiant! rediffusera l'interview croisée entre Agnès Varda et JR par Léa Salamé, enregistrée il y a deux ans. La chaîne France 5, ce même 8 avril, diffusera le documentaire Jacquot de Nantes, portait de l'enfance de Jacques Demy réalisé par Varda en 1991.

L'émotion a parcouru tout le monde du cinéma, des Oscars à Marrakech. Le Festival de Cannes, qui lui avait décerné une Palme d'or d'honneur en 2015, a éprouvé une "Tristesse immense. Pendant près de 65 ans, le regard et la voix d’Agnès Varda ont habité le cinéma avec une inventivité intacte. La place qu’elle y occupait est irremplaçable. Agnès aimait les images, les mots et les gens. Elle est de ceux dont la jeunesse ne s’éteint pas."

Sur RTL, Thierry Frémaux a témoigné "Qu’elle était immense, c’est quelqu’un qui a fait de son passage sur cette terre, quelque chose d’inestimable." "Elle a inventé quelque chose qui n’appartenait qu’à elle" explique-t-il, ajoutant qu'elle va "nous manquer beaucoup". Rebelle et irréductible, vénérée aux Etats-Unis, Cannes devrait lui rendre hommage cette année. Thierry Frémaux rappelle qu'elle "a été celle qui a dit on peut être une artiste, une femme, une citoyenne, être une réalisatrice. Ça va être à la fois facile de s’en inspirer tellement c’est riche, et difficile de la remplacer."

Gilles Jacob lui a dit adieu sur Twitter: "Varda est partie, mais Agnès sera toujours là. Intelligente, vive, douce, spirituelle, rieuse, cocasse, inattendue comme l'est son œuvre. Ses films de quat'sous sont notre trésor. Un trésor national: celui de l'esprit français."

Le Festival de Berlin, qui venait de lui rendre hommage en février avec une Berlinale Camera, a souligné que "Le monde du cinéma a perdu une grande artiste. Ses œuvres courageuses étaient marquées par un style volontaire, où elle se détachait des conventions et des dramaturgies prédéfinies".

Côté César - elle avait reçu un César d'honneur en 2001 -, on fait l'éloge d'une "très grande dame, une pionnière et une icône de la Nouvelle Vague dont elle fut l’une des rares réalisatrices. Une immense artiste qui se passionnait et exprimait sa créativité sous de multiples formes. Elle était aussi une femme incroyable… comment ne pas succomber à ce caractère, ce franc-parler, ce look, cette modernité, qui ont toujours fait d’elle une personnalité tant honorée de par le monde ?!"

Macha Méril, récente veuve de Michel Legrand et qui a joué dans Sans toit ni loi, confie, toujours sur RTL: "Je me dis qu’une femme pour réussir une carrière pareille, il faut être une sorcière, il faut être terrible. Il faut avoir une autorité extraordinaire. On l’appelait la grand-mère de la Nouvelle Vague."

La vedette de Sans toit, ni loi, Sandrine Bonnaire, évoque dans Libération: "Ce qui me fascinait chez elle c’est qu’elle était très baroudeuse, elle l’a été jusqu’au bout, et tenace, et digne. Il y a deux jours encore elle était consciente qu’elle allait s’éteindre, mais avait une force mentale absolument merveilleuse. Elle a été une femme libre jusqu’au bout, dans sa manière de faire ses films, de les produire, d’être rebelle face à un système un peu trop codé."

Autre actrice qui a collaboré avec Varda, Jane Birkin, sa star de Kung Fu Master et de Jane B par Agnès V: "Elle avait une telle résistance qu'on l'imaginait éternelle" explique l'artiste à l'AFP. "Elle avait un côté assez bulldozer et aussi un côté fragile. Je n'ai jamais connu quelqu'un d'aussi curieux qu'elle. Elle avait une très grande connaissance de l'art."

Julie Gayet, qui avait trouvé son premier rôle dans le cinéma d'Agnès Varda, pleure la réalisatrice: "Mon Agnès tu vas me manquer terriblement, un vide énorme... Ma maman de cinéma. Toi qui m'a tout appris. Je suis sans voix, pas envie de parler à tous ces journalistes qui me demandent ce que je pense de toi. De ton insolence, de ta pertinence, de ta pugnacité, de ta vivacité, de ton cinéma. Toi qui te battais pour un cinéma exigent, différent, indépendant, artisanal... et familial."

Même ceux qui n'ont pas forcément travaillé avec elle, comme Guillaume Canet ou Emma de Caunes, y vont de leur post sur les réseaux sociaux. Isabelle Adjani a envoyé un texte au Figaro: ""Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages. Moi, si on m’ouvrait, on trouverait des plages." (Les Plages d’Agnès) ....du vent, le vent qui coule dans les veines des actrices et des acteurs. Inspiration? Non! Plutôt une expiration sans fin qui souffle sur tes plages dont les grains s’envolent pour créer des images fragiles mais éternelles, des images qui ne se prennent pas au sérieux mais qui prennent au sérieux ce qu’elles donnent à voir. Une plage sur laquelle les rouleaux de la nouvelle vague repeignent tous les jours la mer en bleu? C’est bon de pouvoir se sentir absurde sans se sentir stupide. Merci Agnès."

JR, en pleine installation au Louvre, a posté une photo sur Instagram, tous deux déguisés en astronautes, avec comme légende " "A toi, mon étoile filante où que tu sois...", en anglais. Et on a pu voir une silhouette de Varda, une photographie cartonnée en taille réelle de l'artiste, s'envoler avec des ballons colorés dans le ciel parisien...

Car la mort d'Agnès Varda a aussi fait réagir les médias, les festivals (de Tribeca à Toronto), les institutions (cinémathèques et musées d'art contemporain), et les artistes internationaux. La réalisatrice américaine Ava DuVernay sur Twitter ("Merci Agnès [en français dans le texte]. Pour vos films. Pour votre passion. Pour votre lumière. Elle rayonne") comme Barry Jenkins, réalisateur oscarisé pour Moonlight, , qui a partagé son émotion: "Le travail et la vie étaient fusionnés pour cette légende. Elle aura vécu à fond tous les moments de ses 90 années." Madonna sur Instagram et Twitter, a posté une photo souvenir où les deux femmes sont sur la place de la République à Paris: "Adieu à l'une de mes cinéastes préférées, Agnès Varda. Toujours un esprit curieux, créatif, enfantin jusqu'au dernier moment".

Martin Scorsese a fait savoir de son côté que "Chacune de ses remarquables photos faites à la main, si joliment équilibrées entre documentaire et fiction, ne ressemble à aucune autre - toutes les images, toutes les coupes… Quelle œuvre elle a laissée derrière elle: des films grands et petits, ludiques et durs, généreux et solitaires , lyrique et inflexible… et vivant."

Sur Facebook, Antonio Banderas lui dit adieu en la remerciant pour "cette nouvelle vague, fraîche et éternelle". Nandita Das, jurée avec elle la même année au Festival de Cannes, évoque une "immense perte".

Claude Lelouch se souvient qu'elle "a été la première à faire des films qui ont influencé la Nouvelle Vague. (...) Elle a fait de ce métier un métier aussi important pour les femmes que les hommes. Elle a toujours été dans les bons combats."

Plus officiel, la présidence de la République a aussi réagi. Emmanuel Macron, soulignant son esprit libre et espiègle, voit en elle une "Immense cinéaste, photographe et plasticienne" qui "va terriblement manquer à la création française."

Frank Riester, ministre de la Culture, s'est dit "Bouleversé, accablé, endeuillé: ces sentiments qui accompagnent la certitude que nous venons de perdre l'une des plus grandes artistes de notre époque."

Frédérique Bredin, Présidente du CNC, lui a évidemment rendu hommage: "Généreuse, joyeuse, profondément humaine, Agnès Varda a illuminé nos vies par ses films d’une folle inventivité. Elle a inventé un cinéma onirique et radical qui a changé l’histoire du cinéma et des Arts. Ce qu’elle a apporté à travers ses œuvres, ses combats pour la condition des femmes, est inestimable. Sa liberté de ton, sa curiosité insatiable, son audace, sa vitalité exceptionnelle, son humour sont et seront une leçon de vie pour tous."

La Maire de Paris, Anne Hidalgo, rappelle qu'elle "vivait rue Daguerre, dans le 14e arrondissement, depuis plus de soixante ans. Elle y était arrivée comme jeune photographe, à la recherche d’un atelier d’artiste. Elle en fit sa maison, y vécut avec Jacques Demy. Elle ne l’a plus jamais quittée, jusqu’à ses derniers instants. (...) Agnès Varda avait mille visages, elle était d’une complexité et d’une richesse rares (...). Son œuvre, de femme humaniste et engagée, a marqué toute une génération et continuera longtemps à nous inspirer."

La rue Daguerre, dans le 14e... Les fleurs s'y amoncellent depuis hier. Le siège de Ciné-Tamaris, maison de campagne en plein Paris où s'empilent les souvenirs des films de Demy et Varda. Serge Moati, documentariste, affirme que "La rue Daguerre est en deuil, le cinéma français aussi, ainsi que tous les cinéphiles du monde: la grande, la très grande Agnès Varda est morte ! Mais ses chefs d’ œuvre resteront à jamais en nos cœurs!"

Tous à Brive pour les 16e Rencontres internationales du moyen-métrage !

Posté par MpM, le 30 mars 2019

Dans la grande classification des films par type de durée, on oublie souvent le moyen-métrage, qui est comme son nom l'indique, le grand frère du court (ou le petit frère du long, c'est comme on veut). Un format (entre trente et soixante minutes) absolument aussi délicat, voire malaisé, qu'il en a l'air...

Bien sûr, pour les cinéphiles purs et durs, un film est un film, peu importe sa durée. Mais pour l'industrie du cinéma, il faut des cases, et le moyen métrage a le mauvais goût de ne pas y entrer de bonne grâce : trop court pour la salle, souvent trop long pour les festivals de courts, et donc toujours dans un entre-deux un peu flou. On ne résiste d'ailleurs pas au plaisir de vous raconter l'histoire de Ce magnifique gâteau d'Emma De Swaef et Marc James Roels, 44 minutes, qui remporta tour à tour le prix du meilleur long métrage à Zagreb et à Ottawa, et celui du meilleur court métrage à Clermont et Vilo da Conde. Question de perspective, sans doute, mais unanimité de reconnaissance, et c'est finalement tout ce qui compte.

Le moyen-métrage avait donc bien besoin d'un festival, et c'est là qu'entre en jeu la Société des Réalisateurs de Films (SRF) qui créa en 2004 à Brive ces Rencontres internationales qui mettent à l'honneur le "trop long" du court et le "trop court" du long. Parmi les films récompensés durant ces 15 éditions, on retrouve notamment ceux de Joachim Lafosse (Folie privée en 2006), Justine Triet (Sur place en 2007), Yann Gonzalez (Je vous hais petites filles en 2009), Sébastien Betbeder (La vie lointaine en 2009), Guillaume Brac (Un monde sans femmes en 2011), Bertrand Mandico (Boro in the box en 2012), Héloïse Pelloquet (Comme une grande en 2015) ou encore Emmanuel Marre (Le film de l'été en 2017).

Comme le souligne Guillaume Brac, cinéaste de la SRF : "Il y a quelque chose d’irrationnel et de romantique dans le moyen métrage, bien plus que dans le court métrage, trop souvent pensé comme une carte de visite. Un acte d’amour et de foi. Le cinéma envisagé comme passion, artisanat, camaraderie, à rebours de toute logique d’efficacité, de carrière, de marché (...) Il y a aujourd'hui plus que jamais quelque chose de politique dans le fait de tourner des films résistant aux injonctions du sacro-saint marché, au diktat du sujet, du casting, de l’air du temps, qui gangrène insidieusement le cinéma d’auteur."

On retrouve donc à Brive aussi bien des jeunes réalisateurs en début de carrière et des cinéastes plus confirmés, parfois passés par le long, qui aiment renouer avec un format affranchi des contraintes du marché où s’exerce pleinement leur liberté créatrice. Cette année, par exemple, Jean-Charles Hue est présent en compétition avec son nouveau film, Topo y wera. Une carte blanche est également offerte à Yann Gonzalez et Bertrand Mandico, qui montreront les films des autres (comme Le conte des contes de Youri Norstein ou Une Histoire immortelle d'Orson Welles) ainsi que le programme très spécial sorti en salles sous le titre Ultra-rêve, et qui réunit le meilleur du cinéma indépendant hype, à savoir After School Knife Fight de Caroline Poggi et Jonathan Vinel, Les Îles de Yann Gonzalez et Ultra Pulpe de Bertrand Mandico (trois moyens métrages passés par la Semaine de la Critique à Cannes).

Dans la compétition, on notera la présence de plusieurs films dont nous vous avions déjà parlé, dont D'un château l'autre d'Emmanuel Marre qui figurait parmi nos court préférés de l'année 2018 et Le chant d'Ahmed de Foued Mansour découvert à Clermont-Ferrand, mais aussi Côté coeur qui est le nouveau film d'Héloïse Pelloquet (L'âge des sirènes) et Braquer Poitiers de Claude Schmitz (Rien sauf l'été).

Parmi les autres temps forts figurent un hommage à Jonas Mekas disparu en début d'année 2019, des focus sur les cinéastes Claire Simon, Milos Forman, Jean-Daniel Pollet, Mickaël Hers et Pierre Clémenti, et la projection en intégralité de deux "séries" : Les Mystères de Lisbonne de Raoul Ruiz et Journal de David Perlov.

Le jury professionnel présidé par Pierre Salvadori, réunit Anaïs Demoustier, Laetitia Dosch, Thierry de Peretti et Katell Quillevéré. Ils remettront le Grand Prix et le Prix du Jury lors de la soirée de clôture le 7 avril. D'ici là, les festivaliers auront découvert 22 films en compétition, plusieurs rétrospectives, des tables rondes, et même un ciné-concert. De quoi rappeler que le moyen-métrage a évidemment tout d'un grand.

La compétition 2019

Akaboum de Manon Vila (France, 2018)
Boucan d’Antonin Schopfer et Thomas Szczepanski (Suisse, 2019)
Braquer Poitiers de Claude Schmitz (France, 2018)
Ce n'est qu'après de Vincent Pouplard (France, 2019)
Côté cœur d’Héloïse Pelloquet (France, 2018)
Daniel fait face de Marine Atlan (France, 2018)
D'un château l'autre d’Emmanuel Marre (Belgique, 2018)
Falaises de Sébastien Téot et Martin Tronquart (France, 2018)
Film catastrophe de Paul Grivas (France, 2018)
Frase d'arme de Federico Di Corato (Italie, 2018)
Gulyabani de Gürcan Keltek (Turquie, 2018)
Juste un jeu de Daniela Lanzuisi (France, 2018)
Le chant d'Ahmed de Foued Mansour (France, 2018)
Les amoureux de Pablo Dury (France, 2018)
Les grands fantômes de Louise Narboni et Yoann Bourgeois (France, 2018)
Presque un siècle de Pascale Bodet (France, 2019)
Tonnerre sur mer de Yotam Ben-David (France, 2018)
Topo y wera de Jean-Charles Hue (France, 2018)
Touching concrete d’Ilja Stahl (Allemagne, 2017)
Tsuma musume haha
d’Alain Della Negra et Kaori Kinoshita (France, 2019)
Vie et mort d'Oscar Pérez de Romain Champalaune (France, 2018)
Vivir alli no es el infierno, es el fuego des desierto. La plenitudo de la vida, que quedo ahi como un arbol de Javiera Véliz Fajardo (Chili/Brésil, 2018)

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16e Rencontres internationales du moyen-métrage à Brive
Du 2 au 7 avril 2019
Informations et programme sur le site de la manifestation