Berlinale 2019: Adam McKay et André Téchiné, le vice sans la vertu

Posté par vincy, le 12 février 2019, dans Actualité, société, Berlin, Festivals, Films.

Deux des rares films de la sélection officielle de la 69e Berlinale signés par des cinéastes connus et récompensés abordent l’Etat islamique.

Vice d’Adam McKay en retrace les origines. Avec son cinéma mashup - reportage, fiction, satire et politique -, ce film d’infotainment suit le parcours de Dick Cheney, étudiant raté et mec médiocre, qui a su et pu grimper les échelons jusqu’à là vice-présidence américaine sous George W. Bush. D’où le titre, Vice.

Qu’on peut aussi interpréter autrement : le vice, celui qui lui permet sournoisement et malicieusement de s’imposer sans scrupules comme le président bis. De ses calculs explosera la guerre en Irak, deuxième session, et le désir de revanche de certains au Moyen-Orient. Trop occupé avec Saddam Hussein, proie exutoire, trop concentré à cacher ses mensonges et ses erreurs, trop obsédé à réussir sa propagande anti Al-Qaida, le brillant stratège laissera échapper un monstre. Il a semé les graines bien fertiles de cet Etat Islamique devenu au fil des attentats en Occident la bête noire à abattre, prolongeant sans fin le conflit au Moyen-Orient.

La suite, on la trouve dans le film d’André Téchiné, L’adieu à la nuit. Ou plutôt le bonjour au brouillard. Ce drame reprend les trois axes des films du réalisateur: les liens du sang, la transgression et la faute souvent morale et induisant toujours la notion de responsabilité.

Une grand-mère est coincée dans un dilemme personnel lorsqu’elle découvre que son petit-fils va partir en Syrie combattre aux côtés de l’Etat islamique. Nous sommes plus de dix ans après la fin de l’ère Cheney. Désormais de jeunes occidentaux sont enrôlés, consentants, pour faire la guerre aux sociétés occidentales, « pourries » par la luxure, l’individualisme et le consumérisme. On en revient aux vices.

Il n’y a pas forcément de vertu. Les deux films ne sombrent pas dans la leçon moralisatrice ou le happy end réconciliateur ou salvateur.

Cheney (Christian Bale) survit mais il n’a jamais été président et subit la colère profonde de l’une de ses filles adorées. Muriel (Catherine Deneuve) perd ses repères et semble ne plus sortir de la nuit qui obscurcit ses pensées.

En dialoguant involontairement et sous des formalismes très différents - l’un avec une maitrise très hollywoodienne de la narration par le montage, l’autre avec un savoir-faire à la française qui se repose sur le scénario et les acteurs - Vice et L’adieu à la nuit montre comment la puissance d’un homme (aiguisée par l’ambition de son épouse) peut avoir des répercussions dramatiques sur des familles  à l’autre bout du monde, des années plus tard.

Vice démontre la capacité d’action de la politique. L’adieu à la nuit expose les conséquences de ces mêmes politiques.

Le citoyen lambda peut en effet s’estimer victime.

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