Musique de film : un livre explore le processus complexe de la création d’une bande originale

Posté par MpM, le 19 novembre 2018, dans Films, Médias.

Entre « tubes » survitaminés qui cachent la forêt de bandes originales moins clinquantes et idée reçue voulant qu’une musique de films réussie ne se remarque pas, pas toujours facile pour un.e compositeur.trice de voir son travail reconnu au cinéma, ou même remarqué. Depuis plus de dix ans, Benoit Basirico, fondateur du site cinezik.fr, œuvre pour redonner sa juste place à la musique de films et à ceux/celles qui la créent. Il met régulièrement en lumière le travail des compositeurs.trices et anime des conférences et des rencontres autour de la musique à l’écran.

Avec La musique de film, compositeurs et réalisateurs au travail (publié par Hémisphères éditions), il franchit une étape supplémentaire et propose un véritable manuel à destination des amateurs comme du grand public qui aborde la question de la musique de films par le prisme du processus complexe de la création d’une bande originale : comment s’élabore la relation entre le compositeur ou la compositrice et la ou le cinéaste ? Quel langage commun trouvent-ils ? Comment parvenir à mettre sa sensibilité créative au service de l’œuvre d’un autre ?

La grande richesse du livre, au-delà des nombreux thèmes qu’il aborde, et des informations pratiques qu’il distille, est de regorger de citations. L’auteur a en effet pioché dans plus de dix années d’entretiens avec des musicien.nes et des cinéastes pour enrichir son propos avec leurs points de vue et leurs expériences. Cela donne des anecdotes amusantes, étonnantes et parfois même édifiantes, comme lorsque Maurice Jarre raconte comment sa musique a été remplacée par celle de Jerry Goldsmith sur La rivière sauvage de Curtis Hanson parce que « le directeur du studio Universal a décrété ne pas aimer [sa] musique et vouloir quelqu'un d’autre ». Il était arrivé la même chose, en pire, à Alex North sur 2001 Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick : c’est seulement lors de la projection en avant-première à New York qu’il a appris le rejet pur et simple de sa partition…

Au fil des pages, on apprend également que « le mixeur français est l’ennemi du musicien » (Laurent Petitgirard, remonté contre les mixeurs qui font trop systématiquement passer les bruits du réel au premier plan, au détriment de sa musique), que « demander à un interprète d’écrire une musique de film, c’est aberrant (…) et en général totalement raté » (pour Philippe Sarde) ou encore que pour Vladimir Cosma « presque chaque film était une bagarre » car il refusait de faire une musique « simplement illustrative, banale ou attendue » mais cherchait au contraire toujours « une idée insolite qui pouvait choquer le réalisateur ».

Benoit Basirico rend ainsi palpable l’alchimie qui se crée (ou non) entre réalisateur.trice et compositeur.trice, et le nécessaire cheminement pour trouver la musique qui serve au mieux le film (quitte à la réduire à quelques notes, ou même l’enlever totalement). Il nous invite à prêter une attention accrue aux bandes-sons des films que nous aimons, à comprendre pourquoi certaines nous dérangent, et à ne pas prendre pour acquis, ou évidents, les choix qui président à la construction d'une bande-originale.

A la lecture de ce livre vivant et foisonnant, on a alors forcément envie de réécouter les musiques dont il est question, et bien sûr de revoir les films. Mais surtout, on attend avec impatience un incontournable tome 2 qui pourrait cette fois explorer plus frontalement certaines musiques et leurs interactions avec leurs films respectifs. Le tout accompagné d’un CD à écouter tout en lisant, histoire de prolonger l'expérience.

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La musique de film, compositeurs et réalisateurs au travail
Benoit Basirico
hémisphères éditions

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