Dinard 2018: Hommes brisés et Femmes fortes

Posté par redaction, le 30 septembre 2018, dans Dinard, Festivals, Films.

Si on doit synthétiser le pouls du cinéma britannique cette année à travers la sélection du seul festival qui lui est dédié en France, le Dinard Film Festival, on notera deux grandes tendances: des hommes brisés par le destin et des femmes fortes et combattantes.

Le film d'ouverture, Breathe, premier film d'Andy Serkis, a d'ailleurs parfaitement résumé cette synthèse avec un brillant jeune homme condamné à rester immobile à cause de la polio qui le foudroie en pleine ascension et son épouse qui est déterminée à le faire vivre le plus longtemps possible par tous les moyens. Le mari est impuissant, paralysé, tandis que l'épouse regorge de vitalité et de force. On se croyait dans Out of Africa, on bascule dans Mar Adentro.

Des mecs abimés, il y en a eu plusieurs, notamment en compétition. Rupert Everett a écrit un Oscar Wilde en pleine déchéance, entre sa sortie de prison et sa mort à Paris, dévasté par sa condamnation et la maladie. Au point que les spectateurs qui ignorent qui il étai n'apprendront rien de sa période de gloire et de son génie. The Happy Prince est un biopic où les désirs de la vie butent contre une forme de morbidité. Et les autres hommes qui l'entourent ne sont pas en meilleur état, se disputant une partie du grand homme au point de se détruire eux aussi.

Dans Winterlong, de David Jackson, c'est un adolescent abandonné par sa mère, qui est accueilli par un père qu'il ne connaissait pas et qui vit coupé du monde. Deux mâles paumés. Pour eux, il y a de l'espoir: des femmes dont ils tombent amoureux. Las, par un malencontreux accident, leur bonheur va être amoché: les hommes sont parfois bêtes (surtout quand ils sont amoureux).

L'amour est aussi au cœur de Old Boys de Toby MacDonald. L'histoire tourne autour d'un ado brillant, binoclard et maladroit et d'un leader costaud, macho et pas futé. Ce "Cyrano" dans un collège anglais, sous forme de comédie légère, montre toutes les difficultés d'un jeune mâle pour séduire une jeune femme, thème assez récurrent cette année.

Car les femmes, dans la compétition, sont finalement le moteur des diverses intrigues. Il n'y avait pourtant qu'un film sur six réalisé par une cinéaste (malheureusement le moins convaincant de la sélection).

Dans Jellyfish, de James Gardner, Hitchcock d'or et Hitchcock de la critique, les hommes sont faibles mais l'héroïne est une ado déterminée et débrouillarde, jouant le rôle de mère pour sa maman comme pour ses frère et sœur, capable de tout pour gagner de l'argent et ne pas se faire expulser de chez eux. La tonalité sociale à la Ken Loach, l'absurdité d'un système, la mise en scène sans faute de goût auraient suffit à en faire un très bon film. Mais le personnage (et l'actrice qui l'incarne, la jeune Liv Hill), peu charismatique au premier abord, s'avère d'une force exemplaire, joué avec un naturel bluffant.

Pin Cushion et Funny Cow mettent aussi des femmes au centre de l'histoire. Dans le premier, réalisé par Deborah Haywood, c'est une mère excentrique et une adolescente un peu simplette qui veut s'intégrer à une bande de filles, qui conduit à parler de harcèlement, et de rejet. Dans le second, réalisé par Adrian Shergold, on est dans l'Angleterre prolétaire mais c'est bien une femme humoriste qui cherche à faire rire, comme la jeune ado de Jellyfish: les blagues les plus "proches" sont les meilleures.

Et hors de la compétition, les tendances sont les mêmes. Dans The Bookshop, les femmes sont à la manœuvre, de deux classes sociales différentes, dans un village anglais. Les hommes sont soumis, effacés ou carrément à l'écart volontairement pour ne pas se mêler de leurs affaires. Bill Nighy interprète ainsi un "ermite" dévoreur de livres qu'on sent épuisé par les mesquineries de l'humanité.

Dans Men of Honor, avec son gros casting masculin (Sam Claflin, Paul Bettany, Toby Jones, c'est la guerre (celle de 14-18) qui anéantit le moral, le physique et finalement l'humain. Piégés dans leurs tranchées, ils sont littéralement cassés ou envoyés à l'abattoir. Dans Journeyman, Paddy Considine est un boxeur qui va faire le match de trop, s'effondrant sur le ring. Victime d'un grave traumatisme crânien, il a besoin de rééducation des membres et retrouver la mémoire. Les destinées sont aussi chaotiques pour les demi-frères de Eaten by Lions, le jeune Leon dont les espoirs s'amenuisent en grandissant dans Obey, le batteur bipolaire de The Dreamer and the Keeper... Les hommes ont bien du mal à canaliser leurs émotions ou à déclarer leur flamme (Lucid, Crooked House...).

Cet état des lieux reflète finalement une société où l'inégalité des sexes s'inverse. C'est d'autant plus intéressant, peu importe le genre de cinéma ou la forme du film, que les blockbusters américains sont très loin d'avoir été aussi loin, malgré un affichage contraire (ethnies, genres, femmes...) et que les films populaires européens continuent de véhiculer des clichés sexistes. Il n'y avait peut-être pas beaucoup de films réalisés par des femmes mais ce sont bien les femmes qui intéressent de plus en plus le cinéma anglais, cette année en tout cas.

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